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21/03/2005 | FRANCE | N°98NC02583

France | France, Cour administrative d'appel de Nancy, 4eme chambre - formation a 3, 21 mars 2005, 98NC02583


Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 décembre 1998 sous le n° 98NC02583, complétée par des mémoires enregistrés les 28 mai, 17 juin 1999 et 19 octobre 2004, présentée pour la COMMUNE DE GRANDVILLARS, représentée par son maire en exercice, domicilié en mairie de Grandvillars 90600, par Mme Perez, avocat ;

La commune demande à la Cour :

1°) - de réformer le jugement en date du 15 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a fait droit que partiellement à sa demande de condamnation solidaire de la SA Mathis et des architectes

X et C à lui payer une somme de 211 979,55 F en réparation des désordres surv...

Vu la requête, enregistrée au greffe de la Cour le 21 décembre 1998 sous le n° 98NC02583, complétée par des mémoires enregistrés les 28 mai, 17 juin 1999 et 19 octobre 2004, présentée pour la COMMUNE DE GRANDVILLARS, représentée par son maire en exercice, domicilié en mairie de Grandvillars 90600, par Mme Perez, avocat ;

La commune demande à la Cour :

1°) - de réformer le jugement en date du 15 octobre 1998 par lequel le Tribunal administratif de Besançon n'a fait droit que partiellement à sa demande de condamnation solidaire de la SA Mathis et des architectes X et C à lui payer une somme de 211 979,55 F en réparation des désordres survenus dans la salle de tennis ;

2°) - de faire droit à l'intégralité de ses demandes indemnitaires ;

3°) - de condamner solidairement la SA Mathis et les architectes X et C à lui verser une somme de 4 600 euros en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Elle soutient que :

- les conclusions dirigées contre l'entreprise Mathis sont recevables, la fin de non-recevoir opposée en raison de la procédure collective devant être écartée compte tenu de la mauvaise foi de la défenderesse ;

- les architectes ont manqué à leur obligation de conseil en ne mettant pas en garde le maître d'ouvrage quant aux risques inhérents au type de construction envisagé dans le bâtiment dont ils se voyaient confier la maîtrise d'oeuvre ;

- l'entreprise générale ne doit pas se conformer aux ordres du maître d'oeuvre si elle les estime inadaptés à la destination de l'ouvrage ;

- le coût de la réparation du revêtement du terrain de tennis a été sous évalué et doit être indemnisé à hauteur de 50 000 F ;

- les troubles de jouissance liés au caractère impropre à sa destination de l'immeuble en raison des infiltrations justifient l'allocation d'un montant de 100 000 F ;

Vu le jugement attaqué :

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 19 avril 1999 et 5 novembre 2004, présentés par M. X, par Mmes D et C ainsi que M. Marc C, héritiers de M. Norbert C, architecte décédé et par M. B, successeur de M. C ; ils concluent :

- au rejet de la requête,

- à la condamnation de la commune à leur verser une somme de 7 500 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel ;

Ils soutiennent que :

- aucune faute n'a été commise par les maîtres d'oeuvre, tant comme concepteurs techniques de l'ouvrage qu'au moment de la réception ;

- aucune pièce justificative de l'indemnisation sollicitée n'est produite ;

Vu les mémoires en défense, enregistrés les 3 mai 1999 et 2 novembre 2004, présentés pour la SA Mathis par Me Levi, avocat ; elle conclut :

- au rejet de la requête ;

- à la condamnation de la commune à leur verser une somme de 10 000 F en application de l'article L.8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel

Elle soutient que :

- la SA Paul Mathis étant en redressement judiciaire depuis le 30 avril 1996, la demande est irrecevable à défaut pour la commune d'avoir déclaré sa créance au représentant des créanciers ;

- l'entreprise n'a commis aucune faute ;

- la cause des désordres est étrangère à l'entreprise, c'est le maître d'oeuvre et le maître d'ouvrage qui ont préconisé la mise en place des bacs secs à l'origine de l'excès de condensation et des infiltrations, omis l'isolation thermique entraînant la condensation, renoncé au chauffage et fermé les aérations ;

-

- le préjudice de troubles de jouissance n'est pas établi et le revêtement intérieur ne subit qu'un léger désordre esthétique ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la lettre en date du 17 novembre 2004 par laquelle le président de la Cour a soulevé d'office le moyen d'ordre public tiré de l'extinction des rapports contractuels ;

Vu l'ordonnance du 29 septembre 2004 fixant la clôture de l'instruction à la date du

20 octobre 2004 et celle du 26 octobre 2004 la reportant au 12 novembre 2004 ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 février 2005 :

- le rapport de M. Devillers, premier conseiller ;

- les observations de Me Bloch, de la SCP Alexandre-Levy-Kahn, avocat de la SA Mathis ;

- et les conclusions de M.Wallerich, commissaire du gouvernement ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que la COMMUNE DE GRANDVILLARS a confié les travaux de construction d'un tennis couvert et d'une salle de restauration pour personnes âgées à la société Paul Mathis, entreprise générale, et la maîtrise d'oeuvre à MM. Georges X et Norbert C, architectes ; que la réception des travaux a été prononcée le 24 janvier 1989 ; que si des infiltrations d'eau de pluie sont apparues au cours des mois suivants, plus aucune fuite n'avait été signalée après les interventions exécutées en mars 1990 ; que, toutefois, des infiltrations ayant à nouveau été constatées en 1994, la commune a engagé devant le Tribunal administratif de Besançon le 8 octobre 1996 une action en responsabilité contractuelle contre les architectes et une action en garantie décennale contre la société Paul Mathis ;

Sur les conclusions dirigées contre les architectes :

Considérant que si la COMMUNE de GRANDVILLARS fait valoir que les architectes ont manqué à leur devoir de conseil en n'attirant pas son attention sur les risques liés au type de couverture envisagé, l'action de la commune a été engagée, en tout état de cause, après l'expiration du délai de garantie de parfait achèvement qui marque la fin des rapports contractuels entre les constructeurs et le maître de l'ouvrage ; que le Tribunal n'a donc pas commis d'erreur en rejetant la demande la commune ;

Sur l'appel incident de la société Mathis :

Considérant que la SA Paul Mathis fait valoir qu'étant en redressement judiciaire depuis le 30 avril 1996, la demande est irrecevable à défaut pour la commune d'avoir déclaré sa créance au représentant des créanciers ;

Considérant que si, en application des dispositions des articles 47 à 53 de la loi du

25 janvier 1985 et des articles 65 et suivants du décret du 27 décembre 1985, il appartient de façon exclusive à l'autorité judiciaire de statuer sur l'admission ou la non-admission des créances déclarées, la circonstance que la collectivité publique, dont l'action devant le juge administratif tend à faire reconnaître et évaluer ses droits à la suite des désordres constatés dans un ouvrage construit pour elle par une entreprise admise ultérieurement à la procédure de redressement, puis de liquidation judiciaire, n'aurait pas déclaré sa créance éventuelle dans le délai fixé à l'article 66 du décret du

27 décembre 1985 et n'aurait pas demandé à être relevée de la forclusion dans les conditions prévues par les articles 53 de la loi du 5 janvier 1985 et 70 du décret du 27 décembre 1985 est sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur les conclusions relatives à cette créance, dès lors qu'elles ne sont elles-mêmes entachées d'aucune irrecevabilité au regard des dispositions dont l'appréciation relève de la juridiction administrative et ce, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur l'extinction de cette créance ; qu'il résulte également de ce qui précède que si les dispositions législatives précitées réservent à l'autorité judiciaire la détermination des modalités de règlement des créances sur les entreprises en état de redressement, puis de liquidation judiciaire, il appartient néanmoins au juge administratif de juger si la collectivité publique a droit à la réparation de son préjudice et de fixer le montant des indemnités qui lui sont dues à ce titre par l'entreprise défaillante ou son liquidateur, sans préjudice des suites que la procédure judiciaire est susceptible d'avoir sur le recouvrement de cette créance ; qu'ainsi la société Paul Mathis n'est pas fondée à soutenir que la demande d'indemnisation formée à son encontre par la COMMUNE DE GRANDVILLARS serait irrecevable par application des dispositions de la loi du 25 janvier 1985 ;

Sur le bien-fondé de la demande :

Considérant que les désordres dus aux infiltrations, qui ont pour cause le procédé de couverture, sont imputables à la société Paul Mathis, chargée des travaux, qu'elle a confiés à un sous-traitant, alors même que les travaux auraient été exécutés conformément aux règles de l'art ; que la société ne peut s'exonérer de sa responsabilité qu'en cas de force majeure ou de faute du maître de l'ouvrage et non, comme elle le soutient, en établissant une cause étrangère ; qu'elle ne saurait en particulier se prévaloir de l'imputabilité des désordres à un autre constructeur, dès lors que ces désordres lui sont également imputables ; qu'il n'est pas contesté qu'ainsi que l'ont mentionné les premiers juges, le procédé de couverture a été conçu par la société Paul Mathis ; que cette société n'établit pas une faute du maître de l'ouvrage, qui notamment, ne lui a pas imposé le mode de couverture en bacs secs ; qu'ainsi, le Tribunal n'a pas commis d'erreur en jugeant que les défauts d'étanchéité de la couverture engageaient la responsabilité décennale de la société Paul Mathis ;

Sur les préjudices :

Considérant que l'évaluation des dommages subis par la COMMUNE DE GRANDVILLARS doit être faite à la date où, leur cause ayant pris fin et leur étendue étant connue, il pouvait être procédé aux travaux destinés à les réparer ; qu'en l'espèce, cette date est, au plus tard, celle du 9 mai 1995 à laquelle l'expert désigné par le juge des référés du Tribunal administratif de Besançon a déposé son rapport, qui définissait avec une précision suffisante la nature et l'étendue des travaux nécessaires ; que l'expert a évalué le coût de réparation des désordres à la somme de

61 879,55 F (9 433,48 euros) ; que la commune, qui fait valoir que les infiltrations ont perduré, n'allègue pas avoir été dans l'impossibilité d'exécuter ces travaux prévus par l'expert ; qu'elle n'établit pas que les premiers juges auraient commis une erreur en lui accordant une indemnité de

20 000 F (3 048,98 euros) en réparation du préjudice causé par la dégradation du revêtement intérieur de la salle de tennis et n'établit pas non davantage la réalité du trouble de jouissance allégué ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la requête de la COMMUNE DE GRANDVILLARS et l'appel incident de la société Paul Mathis doivent être rejetés ;

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L.761-1 du code de justice administrative :

Considérant que ces dispositions du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Paul Mathis et les architectes X et C, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, soient condamnés à payer à la COMMUNE DE GRANDVILLARS la somme qu'elle demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens ;

Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner la COMMUNE DE GRANDVILLARS à payer respectivement à la société Paul Mathis et aux consorts X et C une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ;

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la COMMUNE DE GRANDVILLARS est rejetée.

Article 2 : La COMMUNE DE GRANDVILLARS est condamnée à verser une somme de 1 000 euros respectivement à la société Paul Mathis et aux consorts X et C.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la COMMUNE DE GRANDVILLARS, à la société Paul Mathis et aux consorts X et C.

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N° 98NC02583


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nancy
Formation : 4eme chambre - formation a 3
Numéro d'arrêt : 98NC02583
Date de la décision : 21/03/2005
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. le Prés GILTARD
Rapporteur ?: M. Pascal DEVILLERS
Rapporteur public ?: M. WALLERICH
Avocat(s) : PERREZ

Origine de la décision
Date de l'import : 05/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nancy;arret;2005-03-21;98nc02583 ?
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