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20/02/2007 | FRANCE | N°98DA02325

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 2e chambre - formation à 3 (bis), 20 février 2007, 98DA02325


Vu, enregistrée le 4 août 2006, la décision n° 253350 du 24 juillet 2006 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour M. et Mme Laurent X, demeurant ..., a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai du 27 novembre 2002 et renvoyé l'affaire devant la même Cour ;

Vu le recours, enregistré le 10 novembre 1998, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9401606 du 18 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Lille a accordé à M. X la d

charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il ...

Vu, enregistrée le 4 août 2006, la décision n° 253350 du 24 juillet 2006 par laquelle le Conseil d'Etat, saisi d'un pourvoi en cassation présenté pour M. et Mme Laurent X, demeurant ..., a annulé l'arrêt de la Cour administrative d'appel de Douai du 27 novembre 2002 et renvoyé l'affaire devant la même Cour ;

Vu le recours, enregistré le 10 novembre 1998, du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; le ministre demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement n° 9401606 du 18 juin 1998 par lequel le Tribunal administratif de Lille a accordé à M. X la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 1989 et 1990, ainsi que des pénalités y afférentes ;

2°) de remettre à la charge de M. X les impositions contestées ;

Il soutient que les emprunts souscrits par M. X ne peuvent être regardés comme contractés pour la conservation de la propriété au sens de l'article 31 du code général des impôts ; que la procédure de vérification n'a été entachée d'aucune irrégularité ; que M. X a disposé d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil ; qu'aucune disposition législative ou réglementaire n'oblige l'administration à engager un débat sous forme orale ; que des demandes de justifications et éclaircissements ont été envoyées au contribuable ;

Vu le jugement attaqué ;

Vu le mémoire en défense, enregistré le 6 avril 1999, présenté pour M. X, par

Me Vandamme ; il conclut au rejet du recours et à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 30 000 francs par application de l'article L. 8-1 du code des tribunaux administratifs et des cours administratives d'appel alors en vigueur ; il soutient que le recours du ministre est tardif ; que l'examen contradictoire de la situation personnelle de M. X a débuté le jour de réception de l'avis de vérification ; qu'il n'a donc pas disposé d'un délai suffisant ; qu'en outre, aucune discussion contradictoire n'a eu lieu lors des opérations de contrôle ; que les éventuels échanges écrits n'ont pas suffi à assurer le débat contradictoire ; que ses créanciers ont fait enregistrer pour 6 186 591,55 francs de créances auprès du syndic ; que certains d'entre eux disposaient déjà d'une hypothèque à hauteur de 3 897 597,20 francs ; qu'ainsi son patrimoine immobilier a été grevé d'hypothèques à hauteur de 6 800 000 francs ; qu'il a contracté un emprunt de 6 200 000 francs auprès de la Société Anversoise de dépôts et d'hypothèques (DIPO) qui lui a permis de dédommager ses créanciers ; que cet emprunt a donc eu pour seul objet de lui permettre de conserver l'immeuble générateur de revenus fonciers ; que dans un second temps, le 4 juillet 1989, il a substitué un autre emprunt souscrit auprès du Crédit foncier de France à l'emprunt DIPO ; que les intérêts de ces emprunts sont donc déductibles de ses revenus ; que l'immeuble générateur de revenus fonciers a été évalué 18 360 200 francs ; qu'il était donc de son intérêt de le conserver ;

Vu la mesure d'instruction du 25 avril 2002, reçue par M. X le 26 avril 2002 ;

Vu l'ordonnance en date du 15 mai 2002 portant clôture de l'instruction au 17 juin 2002 ;

Vu le mémoire, enregistré le 11 juin 2002, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE qui conclut aux mêmes fins que son recours et au rejet des conclusions de M. X tendant à la condamnation de l'Etat à lui payer des frais exposés et non compris dans les dépens, par les mêmes moyens que son précédent mémoire ; il soutient en outre que son recours a été enregistré dans le délai prévu à l'article

R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que le directeur général des impôts pouvait, en application du décret du 6 mars 1961 modifié, déléguer sa signature à un fonctionnaire de ses services ; que par arrêté du 5 juin 1998, M. Jean-Pascal Y, directeur général des impôts, a délégué sa signature à M. Jean-Pierre Z, administrateur civil, sous-directeur à la direction générale des impôts, qui était ainsi habilité à signer le recours ; que les opérations de vérification n'ont débuté que le 18 décembre 1991 ; que M. X a disposé d'un délai suffisant pour se faire assister par un conseil entre la réception de l'avis de vérification et les opérations de vérification ; que trois entrevues ont eu lieu ; que seule la partie perdante peut être condamnée au paiement de frais exposés et non compris dans les dépens ;

Vu l'ordonnance en date du 17 juin 2002 portant réouverture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance en date du 20 juin 2002 portant clôture de l'instruction au

16 août 2002 ;

Vu les mémoires, enregistrés les 14 juin et 5 août 2002, présentés pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire et en outre à la condamnation de l'Etat à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les intérêts et frais déduits sont tous justifiés ; que les pénalités de mauvaise foi n'ont pas de fondement réel et sérieux ;

Vu les mémoires, enregistrés les 9 et 13 août 2002, présentés par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE qui conclut aux mêmes fins que son précédent mémoire par les mêmes moyens ; il soutient en outre que les pénalités de mauvaise foi ont été motivées et sont justifiées ;

Vu le mémoire, enregistré le 14 août 2002, présenté pour M. X ; il conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que le recours à la procédure de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales était irrégulier, ce qui affecte l'ensemble de la procédure ;

Vu l'ordonnance en date du 14 août 2002 portant réouverture de l'instruction ;

Vu l'ordonnance en date du 13 septembre 2002 portant clôture de l'instruction au

15 octobre 2002 ;

Vu le mémoire, enregistré le 20 septembre 2002, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il conclut aux mêmes fins que ses précédents mémoires par les mêmes moyens ;

Vu l'ordonnance en date du 28 août 2006 portant clôture de l'instruction au

31 octobre 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré par télécopie le 12 octobre 2006, régularisé par courrier original le 13 octobre 2006, présenté par le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE ; il conclut aux mêmes fins que ses précédentes écritures, par les mêmes moyens ; il soutient en outre que la justification de la réalité des emprunts n'est toujours pas apportée, ce qui fait obstacle à la déduction des intérêts en litige ; qu'à titre subsidiaire,

compte-tenu de la part des emprunts affectés à la conservation des immeubles, leur déduction devrait être limitée à 57 % des intérêts du prêt DIPO en 1987 et 1988, à 40 % des intérêts du même prêt pour 1989, à 15 % des intérêts du prêt CCF en 1989 et à 52 % des intérêts de ce dernier prêt en 1990 ;

Vu la demande, parvenue par télécopie le 20 octobre 2006, régularisée par courrier original le 23 octobre 2006, présentée pour M. et Mme X, tendant à obtenir un report de la clôture d'instruction ;

Vu l'ordonnance en date du 23 octobre 2006 portant clôture de l'instruction au

15 novembre 2006 ;

Vu le mémoire, enregistré le 3 novembre 2006, présenté pour M. et Mme X ; ils concluent aux mêmes fins que leurs précédents mémoires et à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, par les mêmes moyens ; ils soutiennent en outre qu'en application de la décision rendue par le Conseil d'Etat, l'intégralité des intérêts d'emprunt est déductible ; que la seule limitation possible résulterait de la consistance de son patrimoine, composé à 96,60 % de biens productifs de revenus fonciers ; que l'administration ne peut, quatorze ans après le contrôle, porter le débat sur la justification des intérêts déduits ; que ces intérêts sont justifiés par les contrats de prêts et de renégociation d'emprunt ;

Vu la note en délibéré enregistrée le 14 février 2007 présentée pour M. et Mme X ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu la loi n° 67-563 du 13 juillet 1967 ;

Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

Vu le code civil ;

Vu le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 6 février 2007 à laquelle siégeaient Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre, Mme Brigitte Phémolant, président-assesseur et M. Christian Bauzerand, premier conseiller :

- le rapport de Mme Câm Vân Helmholtz, président de chambre ;

- les observations de Me Soulier, pour M. et Mme X ;

- et les conclusions de M. Patrick Minne, commissaire du gouvernement ;

Sur la recevabilité du recours du ministre :

Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales : « A compter de la notification du jugement du tribunal administratif qui a été faite au directeur du service de l'administration des impôts (…) qui a suivi l'affaire, celui-ci dispose d'un délai de deux mois pour transmettre, s'il y a lieu, le jugement et le dossier au ministre chargé du budget. Le délai imparti pour saisir la cour administrative d'appel court, pour le ministre, de la date à laquelle expire le délai de transmission prévu à l'alinéa précédent ou de la date de la signification faite au ministre » ;

Considérant qu'il résulte de l'instruction que le jugement attaqué a été notifié au directeur des services fiscaux de Nord-Lille le 20 juillet 1998 ; que le recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE présenté par télécopie reçue par le greffe de la Cour administrative d'appel de Nancy le 10 novembre 1998, régularisé par la transmission de l'original le 13 novembre 1998, a été enregistré dans le délai d'appel de deux mois dont il dispose à compter de l'expiration du délai de deux mois imparti au service local pour lui transmettre le jugement attaqué et le dossier de l'affaire, en vertu de l'article R. 200-18 du livre des procédures fiscales ; que, par suite, il n'est pas tardif ;

Considérant, en second lieu, que par arrêté en date du 26 décembre 1997, publié au Journal officiel du 27 décembre 1997, le MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE a donné délégation à M. Jean-Pascal Y, directeur général des impôts à l'effet de signer, dans la limite de ses attributions, tous actes, à l'exclusion des décrets ; que par arrêté en date du 5 juin 1998, publié au Journal officiel du 10 juin 1998, M. Y a donné délégation de signature à M. Jean-Pierre Z, sous-directeur, en ce qui concerne, notamment, la présentation des recours formés par l'administration devant les cours administratives d'appel ; que, par suite, ce dernier avait qualité pour signer le recours présenté au nom du ministre ;

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte de l'instruction que l'avis de vérification du

15 novembre 1991, reçu par M. Laurent X le 18 novembre 1991, mentionnait l'envoi, en pièce jointe, de la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié ; que par lettre du

4 décembre 1991, qui rappelait l'envoi de cet avis et de ladite Charte, l'administration a convoqué M. X à un entretien le 18 décembre 1991 au cours duquel il devait être informé des modalités de l'examen contradictoire de l'ensemble de sa situation fiscale personnelle ; que par suite, la vérification doit être regardée comme ayant débuté à cette dernière date et non à celle du 18 novembre 1991 comme la notification de redressement l'a mentionnée par erreur ; qu'en outre, il n'est pas établi que l'administration n'aurait pas remis à M. X la Charte des droits et obligations du contribuable vérifié ;

Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales : « En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156, 199 sexies et

199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts » ;

Considérant que l'administration était fondée à demander à M. X, dans le cadre du contrôle de ses revenus fonciers, des éclaircissements et justifications au sujet du remboursement d'un prêt que lui avait consenti l'un de ses locataires, conformément aux dispositions précitées de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales ; qu'il résulte de l'instruction qu'en plus de l'entretien précité du 18 décembre 1991, deux entretiens ont eu lieu entre le vérificateur et

M. X, les 14 et 28 janvier 1992, avant que le 9 avril 1992, l'administration demande au contribuable des éclaircissements et justifications sur les éléments ayant servi de base à la détermination de ses revenus fonciers pour les années 1989 et 1990 ; que par suite, le moyen tiré de l'absence de débat contradictoire avant le recours à la procédure de demande de justifications de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales manque en fait ;

Sur le bien-fondé des impositions :

Considérant qu'aux termes de l'article 31 du code général des impôts : « I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : 1° pour les propriétés urbaines : (…) d) les intérêts de dettes contractées pour la conservation, l'acquisition, la construction, la réparation ou l'amélioration des propriétés » ;

Considérant que M. X a fait l'acquisition le 25 janvier 1979 de deux ensembles immobiliers à usage commercial situés à Dunkerque moyennant le prix total de 3 millions de francs ; que pour financer l'acquisition de ces immeubles ensuite donnés en location, M. X a souscrit deux emprunts, pour un montant égal au prix de vente, auprès du Crédit commercial de France et de la société A, vendeur de l'un des deux immeubles ; que l'entreprise individuelle de bâtiment de M. X et la société Hôtel des Arcades dont il détenait 85 % des actions ont été placées en règlement judiciaire par arrêt du 10 juin 1982 de la Cour d'appel de Douai ; que par la même décision, la cour d'appel a prononcé la confusion des patrimoines de l'intéressé ; que les immeubles litigieux ont fait l'objet d'une inscription d'hypothèque légale au bénéfice de la masse des créanciers à compter de 1986 ; que, par jugement du 26 décembre 1986, le Tribunal de commerce de Dunkerque a homologué un concordat stipulant le désintéressement des créanciers de M. X ; que pour exécuter ce concordat, M. X a contracté le

30 janvier 1987 un nouvel emprunt de 6 200 000 francs auprès de la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques ; que ce nouvel emprunt a lui-même été remplacé par deux emprunts d'un montant global de 6 800 000 francs souscrits le 4 juillet 1989 auprès du Crédit foncier de France ;

En ce qui concerne la déductibilité des charges en litige :

Considérant que l'administration fait valoir que le passif de M. X, apuré par l'effet de l'emprunt du 30 juin 1987 en litige, n'était pas composé exclusivement de dettes liées à l'acquisition des deux ensembles immobiliers de Dunkerque mais comprenait d'autres dettes contractées pour l'acquisition de valeurs mobilières et d'autres immeubles et plus généralement des dettes commerciales ; qu'il résulte cependant des stipulations du contrat de prêt du

30 juin 1987 que le capital emprunté à la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques était destiné exclusivement au désintéressement des créanciers titulaires de l'hypothèque grevant les ensembles immobiliers acquis le 25 janvier 1979 ; qu'il n'est pas contesté que les fonds débloqués par cette banque ont été effectivement affectés à la destination prévue par le contrat ; que dans la mesure où l'assiette de la sûreté réelle détenue par l'ensemble des créanciers n'était constituée que des deux ensembles immobiliers en litige, seule l'extinction de l'ensemble des créances détenues par les titulaires de l'hypothèque a permis à ce dernier d'obtenir la mainlevée de cette sûreté réelle grevant les immeubles acquis le 25 janvier 1979, ainsi qu'il résulte de l'attestation établie le 9 octobre 1988 par le commissaire chargé de la surveillance de l'exécution du concordat, nommé par le Tribunal de commerce de Dunkerque ; que la série de deux emprunts d'un montant global de 6 800 000 francs souscrits le 4 juillet 1989 auprès du Crédit foncier de France a pour seul objet de se substituer au prêt de 6 200 000 francs contracté le

30 janvier 1987 auprès de la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques ; que cette substitution n'est pas de nature à retirer à cette série d'emprunts son caractère de dettes contractées pour la conservation des immeubles productifs de revenus fonciers au sens des dispositions précitées de l'article 31 du code général des impôts ;

Considérant, toutefois, qu'en raison de la confusion des patrimoines prononcée par l'autorité judiciaire et dès lors que les créances ayant fait l'objet du concordat trouvaient leur origine dans les diverses activités de M. X, les prêts en litige ont permis en fait au contribuable de conserver d'autres éléments de son patrimoine ; qu'il appartient au juge de l'impôt de vérifier dans quelle mesure les emprunts en litige ont été engagés pour la conservation des deux ensembles immobiliers dont M. X était propriétaire afin de déterminer la proportion des charges d'intérêt déductibles liée à ces emprunts ; qu'à la date du 30 janvier 1987, outre les ensembles immobiliers en litige, M. X était propriétaire avec son épouse d'un appartement d'une valeur, non contestée, de 650 000 francs et d'une entreprise individuelle de bâtiment dont la valeur, également non contestée, était nulle dès lors que son actif net comptable était négatif ; qu'à la même date, la valeur de l'ensemble immobilier productif de revenus fonciers s'élevait à 18 500 000 francs ; que, par suite les intérêts des emprunts pouvaient faire l'objet d'une déduction à concurrence de 96,60 % de leur montant justifié ;

En ce qui concerne la justification de la nature et du montant des charges déduites :

S'agissant de 1989 :

Considérant que le montant emprunté en vertu du contrat de prêt souscrit le

30 janvier 1987 auprès de la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques a été mis à la disposition du contribuable sous la forme d'un prêt principal assorti d'une ouverture de crédit consentie en trois échéances annuelles successives, de 1987 à 1989 ; que les dates convenues pour les premières échéances de remboursement du capital de ces emprunts et ouvertures de crédit étaient fixées, respectivement, aux 5 mai 1988 et 6 février 1989 ; que la convention prévoyait que l'établissement prêteur, en plus d'une inscription hypothécaire, recevait en antichrèse, à titre de garantie pour le remboursement du capital, des intérêts et de tous les frais et accessoires dus par M. X, l'ensemble immobilier acquis en 1979 ; que, pour la mise en oeuvre de cette sûreté prévue par les articles 2085 et suivants du code civil et qui a entraîné la dépossession du contribuable, le contrat de prêt stipulait que la société foncière de gestion s'engageait, en vertu d'un mandat de gestion irrévocable consenti le même jour par l'emprunteur, à supporter les charges afférentes aux biens tenus en antichrèse et qu'en vertu de ce gage, l'établissement prêteur était destinataire des fruits, à savoir les loyers versés par les occupants des immeubles ; qu'en plus de ces sûretés réelles, le contrat du 30 janvier 1987 stipulait que la Société française d'assurance et de cautionnement, par ailleurs dépositaire et séquestre des sommes débloquées au profit de M. X, s'engageait à rembourser le prêt à sa place, à titre de caution solidaire en cas de défaillance de ce dernier ; que la convention organisait les rapports entre les parties en précisant que la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques autorisait la société foncière de gestion à percevoir les fruits perçus au titre des immeubles remis en antichrèse, à charge pour cette société gestionnaire de verser les sommes dues à la Société française d'assurance et de cautionnement, séquestre et garante, pour qu'elles soient en définitive reversées par cette dernière à la banque ; que la rémunération annuelle de la Société française d'assurance et de cautionnement s'élevait, selon le contrat, à 2 % du montant du capital restant dû ;

Considérant que l'administration fait valoir, comme elle peut le faire à tout moment de la procédure, que, faute de justification suffisante sur leur montant, M. X ne pouvait porter en déduction de ses revenus fonciers les sommes de 519 198 francs pour 1987, 560 528 francs pour 1988 et 194 500 francs pour 1989 et que pour cette dernière année, l'intéressé ne pouvait prendre en compte par voie de conséquence le déficit reportable des années 1987 et 1988 et les sommes déduites au titre de cette année ;

Considérant, en premier lieu, qu'il résulte des relevés établis par la Société foncière de gestion et produits par M. X à l'appui de sa déclaration de revenus fonciers de l'année 1987, que la somme contestée de 519 198 francs correspond à une série de quatre échéances du prêt consenti par la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques à payer à la Société française d'assurance et de cautionnement ; que ces échéances ne sont pas appuyées de justificatifs émanant de la banque qui permettraient de déterminer la nature des sommes versées ; qu'il résulte toutefois des stipulations mêmes du contrat de prêt du 30 janvier 1987 analysées

ci-dessus que les échéances dues au titre de l'année 1987 ne peuvent qu'être constituées d'intérêts d'emprunt et de frais accessoires tels que la rémunération de la caution dès lors que la première échéance comprenant l'amortissement du capital emprunté était postérieure à l'année 1987 et que l'administration ne soutient pas qu'il en aurait été autrement en fait ; qu'en revanche, l'administration fait valoir que sur les quatre échéances de remboursement de l'année 1987, celle de 135 528 francs ne peut se rattacher à cette année d'imposition dès lors qu'elle correspond au terme échu en février 1988 et qu'elle a été déduite une seconde fois au titre de cette dernière année ; qu'en l'absence de contradiction sur ce point, le ministre est seulement fondé à soutenir que M. X n'était en droit de déduire de ses revenus fonciers de 1987 que la somme de

383 670 francs et que le déficit foncier de l'année 1987 reporté en 1989 doit être diminué dans la mesure de la rectification de ce déficit foncier antérieur ;

Considérant, en deuxième lieu, qu'il résulte des relevés établis par la Société foncière de gestion et produits par M. X à l'appui de sa déclaration de revenus fonciers de l'année 1988, que la somme contestée de 560 528 francs correspond à une série de quatre échéances du prêt consenti par la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques à payer à la Société française d'assurance et de cautionnement ; que si l'administration, qui s'appuie sur les relevés de la Société foncière de gestion, fait valoir sans être contestée sur ce point, que la somme de

140 000 francs a été déduite deux fois au cours de la même année, en revanche M. X justifie que la somme de 135 528 francs figurant sur le relevé établi le 5 février 1988 est déductible dès lors qu'il résulte de l'instruction que la première échéance comprenant l'amortissement du capital du prêt principal était fixée au 5 mai 1988, que la première échéance de remboursement du capital au titre de l'ouverture du crédit en trois tranches était prévue postérieurement à l'année 1988 et que le ministre ne soutient pas que les modalités effectives de remboursement auraient été différentes ; que s'agissant des sommes de 140 000 francs et de 145 000 francs figurant sur les relevés émis les 5 août 1988 et 5 novembre 1988, pour établir que ces montants représentent uniquement des remboursements d'intérêts, l'intéressé soutient que le montant des loyers perçus de ses immeubles gérés par la Société foncière de gestion permettaient de couvrir uniquement les intérêts du prêt ; que toutefois, aucune pièce présentée par M. X ne corrobore cette allégation ; que si ce dernier fait valoir qu'entre le 30 janvier 1987 et le 10 juillet 1989, date de remboursement du prêt par anticipation, seuls 23 067,37 francs de capital avaient été remboursés ainsi qu'il ressort du décompte des arriérés de paiement établi par la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques, ce document ne permet pas de distinguer, comme l'auraient fait les tableaux d'amortissement demandés en vain par la Cour en vertu d'une mesure d'instruction ordonnée le 25 avril 2002, la part des remboursements relatifs au capital et aux intérêts en 1988 alors qu'ainsi qu'il vient d'être dit, la première échéance de remboursement du capital était fixée au

5 mai 1988 ; qu'en raison de l'impossibilité de procéder à la répartition précise sur les années 1988 et 1989 des sommes affectées au remboursement du capital à hauteur de 23 067,37 francs constaté le 10 juillet 1989, M. X à qui il incombe de justifier les déductions qu'il entend opérer de ses revenus fonciers et qui ne saurait invoquer une impossibilité arithmétique de remise en cause des montants qu'il a déduits n'établit, par les pièces présentées, ni que les sommes de 140 000 francs et de 145 000 francs ont été acquittées au seul titre des intérêts d'emprunts et des frais accessoires de 1988, ni que celles-ci, déduction faite de la somme de

23 067,37 francs, dont il n'est pas établi qu'elle représente la part de capital remboursée en 1988, devraient être prises en compte au titre des frais déductibles des revenus fonciers ; que le ministre est seulement fondé à soutenir que M. X n'était en droit de déduire de ses revenus fonciers de 1988 que la somme de 135 528 francs et que le déficit foncier de l'année 1988 reporté en 1989 doit être diminué dans la mesure de la rectification de ce déficit foncier antérieur ;

Considérant, en troisième lieu, qu'il résulte d'une lettre du 29 juin 1989 émanant de la Société française d'assurance et de cautionnement que le solde de la rémunération lui restant due s'élevait, à la date du remboursement anticipé du prêt accordé par la Société anversoise de dépôts et d'hypothèques dont elle était le dépositaire des fonds et la garante du contribuable, à la somme de 194 500 francs ; que la teneur de ce document n'est pas sérieusement contestée par l'administration ; que, par suite, le ministre n'est pas fondé à soutenir que la nature et le montant de cette somme déduite par M. X de ses revenus fonciers de 1989 n'était pas justifiée ;

Considérant qu'ainsi, la base d'imposition pour 1989, devra être calculée en tenant compte de 96,60 % des dépenses justifiées d'une part à hauteur d'un déficit reportable prenant en compte des sommes déductibles des revenus fonciers de 1987 et de 1988 respectivement de

383 670 francs soit 58 490 euros et 135 528 francs soit 20 661 euros et d'autre part de la somme de 194 500 francs soit 29 651 euros ;

S'agissant de 1990 :

Considérant que le ministre ne conteste pas le montant des intérêts d'emprunt que

M. X a entendu déduire ; qu'il y a lieu, dès lors, de calculer la base d'imposition de 1990 en tenant compte de 96,60 % des charges d'intérêts d'emprunt déduites des revenus fonciers de

M. X ;

Sur les pénalités :

Considérant qu'eu égard à ce qui précède, l'administration n'établit pas la mauvaise foi de M. X en faisant valoir que la déduction de la totalité des intérêts d'emprunt a permis à l'intéressé de se soustraire à l'impôt pendant plusieurs années ; que, par suite, il n'y a pas lieu pour les importantes remises à la charge du requérant de rétablir les pénalités de mauvaise foi ;

Considérant qu'il résulte de ce qui précède que le ministre est seulement fondé à soutenir que c'est à tort que le Tribunal administratif de Lille a prononcé une décharge totale des impositions en admettant la déductibilité intégrale des intérêts d'emprunt et à demander le rétablissement partiel des cotisations à l'impôt sur le revenu des années 1989 et 1990 auxquelles M. X a été assujetti ;

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

Considérant qu'il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions présentées par M. et Mme X sur le fondement des dispositions de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative ;

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 9401606 du Tribunal administratif de Lille du 18 juin 1998 est annulé.

Article 2 : La base d'imposition à l'impôt sur le revenu de 1989 de M. et Mme X sera calculée en retenant en tant que charges déductibles des revenus fonciers 96,60 %, d'une part, d'un déficit reportable prenant en compte les sommes de 383 670 francs soit 58 490 euros et de 135 528 francs soit 20 661 euros et, d'autre part, de la somme de 194 500 francs soit

29 651 euros.

Article 3 : La base d'imposition à l'impôt sur le revenu de 1990 de M. et Mme X sera calculée en retenant en tant que charges déductibles des revenus fonciers 96,60 % des charges d'intérêts d'emprunt.

Article 4 : L'impôt sur le revenu au titre des années 1989 et 1990 calculé conformément aux bases définies aux articles 1er et 2 ainsi que les intérêts de retard est remis à la charge de

M. et Mme X.

Article 5 : Le surplus des conclusions du recours du MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et les conclusions de M. et Mme X sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié au MINISTRE DE L'ECONOMIE, DES FINANCES ET DE L'INDUSTRIE et à M. et Mme Laurent X.

2

N°98DA02325


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 2e chambre - formation à 3 (bis)
Numéro d'arrêt : 98DA02325
Date de la décision : 20/02/2007
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Autres

Composition du Tribunal
Président : Mme Helmholtz
Rapporteur ?: Mme Annick Brenne
Rapporteur public ?: M. Minne
Avocat(s) : VANDAMME

Origine de la décision
Date de l'import : 02/07/2015
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2007-02-20;98da02325 ?
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