REJET du pourvoi formé par
- X... Tahar,
contre l'arrêt de la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine, du 4 juillet 1997, qui, pour vol avec arme et délit connexe, l'a condamné à 11 ans de réclusion criminelle et 10 ans d'interdiction des droits civiques, civils et de famille, ainsi que contre l'arrêt du même jour par lequel la Cour a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 6, 287, 310, 316, 355, 366, 802 du Code de procédure pénale, 6. 1 de la Convention européenne des droits de l'homme :
" en ce que statuant sur incident contentieux par arrêt du 30 juin 1997, la Cour ;
" 1°) a dit que l'action publique exercée à l'encontre de Tahar X... ne se trouve pas éteinte ;
" aux motifs que la décision sur l'action publique n'est acquise qu'à partir de l'instant où, l'audience publique ayant été reprise à l'issue du délibéré, le président de la cour d'assises a conformément aux dispositions de l'article 366 du Code de procédure pénale donné lecture à ou aux accusés comparants des réponses apportées par la Cour et le jury réunis aux questions qui leur étaient soumises ainsi que de l'arrêt délibéré en commun ; qu'ainsi l'irrévocabilité des réponses de la cour d'assises aux questions posées ne saurait produire d'effets juridiques à l'égard d'un accusé avant que lecture n'en ait été donnée selon les modalités rappelées ci-dessus ; qu'il est constant en l'espèce : que le 22 décembre 1996 à 1 h 05 la Cour et le jury ayant regagné leur place à l'issue du délibéré, l'audience publique a été reprise ; qu'a alors été constatée l'absence de Tahar X..., accusé libre dont la comparution exigée par l'article 366 du Code de procédure pénale n'a pas été rendue possible malgré les recherches effectuées ; que, suivant arrêt incident, la Cour a alors ordonné la disjonction du jugement de l'accusation portée à l'encontre de ce dernier et ordonné le renvoi de l'affaire à une prochaine session ; qu'à 2 h 10, après que l'audience ait été momentanément suspendue, le président de la cour d'assises a fait comparaître les accusés Christophe Y... et Bernard Z... et leur a donné lecture des réponses apportées par la Cour et le jury réunis aux questions les concernant ainsi que de l'arrêt délibéré en commun en concordance avec celles-ci ; qu'il résulte des éléments ci-dessus exposés qu'aucune déclaration de culpabilité ni condamnation pénale n'a été prononcée à l'encontre de l'accusé Tahar X... ; que celui-ci ne saurait dès lors invoquer l'autorité de la chose jugée et l'extinction de l'action publique pour ce qui le concerne (procès-verbal des débats p. 11 et 12) ;
" alors que la déclaration de culpabilité et l'application de la peine sont irrévocablement acquises à l'issue de la délibération et du vote de la Cour et du jury, de sorte que même si le président ne prononce pas la décision de condamnation, celle-ci n'en est pas moins revêtue de l'autorité de la chose jugée ; qu'en retenant le contraire, la Cour a violé les articles 6, 316, 355 à 366 du Code de procédure pénale ;
" 2°) a dit n'y avoir lieu au renvoi de l'affaire dans l'attente de l'issue du pourvoi régularisé par Bernard Z... à l'encontre de l'arrêt pénal prononcé à son encontre par la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine le 22 décembre 1996 ;
" aux motifs que " si Bernard Z... a formé le 24 décembre 1996 un pourvoi en cassation à l'encontre de l'arrêt pénal et de l'arrêt civil prononcés par la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine le 22 décembre 1996, cette circonstance ne saurait à elle seule différer le procès de Tahar X... régulièrement renvoyé devant ladite Cour pour y être jugé ; qu'un nouveau renvoi de l'affaire serait de nature à entraver la continuité de la justice et de différer le jugement de Tahar X... au delà d'un délai raisonnable ; que la demande doit en conséquence être rejetée " (procès-verbal des débats p. 13) ;
" alors que en omettant de rechercher, comme il le lui avait d'ailleurs été demandé dans des conclusions délaissées, s'il n'était pas d'une bonne administration de la justice de renvoyer l'affaire dans l'attente de l'issue du pourvoi en cassation formé par Bernard Z..., quand ce dernier avait été déclaré coupable de complicité du crime dont Tahar X... était poursuivi en qualité d'auteur principal, et quand le prononcé de la nullité de l'arrêt du 22 décembre 1996 permettrait de juger ensemble l'accusé et son complice, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 287 et 802 du Code de procédure pénale, ensemble l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
" 3°) a dit n'y avoir lieu de rapporter l'ordonnance de disjonction prononcée le 20 juin 1997 ;
" aux motifs que la partie civile, le ministère public pas plus que la défense n'ont fait état d'éléments nouveaux de nature à permettre d'espérer la comparution à brève échéance de Gérard A... devant la cour d'assises afin d'y répondre de l'accusation portée à son encontre ; que dès lors, Gérard A... et Tahar X..., bien qu'ils soient renvoyés devant la cour d'assises des mêmes chefs d'accusation, l'affaire apparaît en état d'être jugée en ce qui concerne ce dernier ; qu'il convient, en considération des dispositions de l'article 5. 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et dans le souci d'une bonne administration de la justice, de maintenir la disjonction du jugement de l'accusation portée contre l'accusé Gérard A... (procès-verbal des débats p. 14) ;
" alors que, en déclarant y avoir lieu de maintenir la disjonction du jugement de l'accusation portée contre Gérard A..., qui était poursuivi comme co-auteur des crimes dont Tahar X... était accusé, quand il suffisait d'attendre que Gérard A... fût extradé, la Cour a méconnu les droits de la défense et violé l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, lequel exige un procès équitable, ce qui implique que les accusés d'un même crime soient, sauf impossibilité absolue, dont il n'a en l'espèce pas été justifié, jugés ensemble ;
" 4°) s'est déclarée incompétente pour connaître de la demande tendant à ce que soit ordonnée la présence, en qualité de condamné ou d'accusé, de MM. A..., Y... et Z... ;
" alors que lorsque les faits de l'accusation sont indivisibles, il est indispensable à la manifestation de la vérité, d'entendre tous les accusés de ces mêmes faits ; que dès lors, en se bornant à énoncer au soutien de sa déclaration d'incompétence, que MM. A..., Y... et Z..., qui avaient été poursuivis à raison de faits indivisibles de ceux dont Tahar X... était accusé, n'avaient pas la qualité de témoins acquis aux débats, sans rechercher, s'il ne ressortissait pas des pouvoirs et de la compétence du président de les faire appeler et entendre en vue de la manifestation de la vérité, la Cour a privé sa décision de base légale au regard des articles 310 et 802 du Code de procédure pénale, ensemble de l'article 6. 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ;
Attendu que la cour d'assises d'Ille-et-Vilaine s'est réunie du 18 au 22 décembre 1996 pour juger Tahar X..., Bernard Z... et Christophe Y... ; que Tahar X... a comparu libre devant cette juridiction, l'ordonnance de prise de corps n'ayant pas été mise à exécution en ce qui le concerne ; qu'il a assisté aux débats jusqu'à ce que la Cour et le jury se retirent pour délibérer ; que, toutefois, il ne s'est pas présenté pour la lecture du verdict ;
Qu'après l'avoir fait vainement rechercher, la Cour, constatant que l'intéressé avait pris la fuite, a ordonné la disjonction de l'accusation portée contre lui et a, avec l'assistance du jury, prononcé son arrêt à l'encontre des 2 autres accusés ;
Qu'en application de l'article 141-2 du Code de procédure pénale, le président de la chambre d'accusation a, le 31 janvier 1997, ordonné la prise de corps de Tahar X..., celui-ci ayant manqué aux obligations du contrôle judiciaire auquel il était soumis ;
Qu'en cet état, Tahar X... a comparu devant la cour d'assises, le 30 juin 1997, pour y être jugé ;
Que ses avocats ont alors déposé des conclusions par lesquelles ils demandaient à la Cour de constater l'extinction de l'action publique, les réponses de la Cour et du jury aux questions posées et leur délibération commune sur la peine, telles que consignées sur la feuille de questions dressée le 22 décembre 1996, étant irrévocables ;
Que, subsidiairement, ils sollicitaient le renvoi de l'affaire dans l'attente de l'extradition d'un coaccusé et de la décision de la Cour de Cassation sur le pourvoi formé par Bernard Z... contre l'arrêt du 22 décembre 1996 ;
Qu'enfin, ils demandaient la comparution de l'ensemble des accusés devant la cour d'assises pour y être entendus ;
Que, pour rejeter ces demandes, la Cour se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Attendu qu'en statuant ainsi, la Cour a fait l'exacte application de la loi ;
Qu'en effet, les réponses de la Cour et du jury aux questions posées et leur décision commune sur la peine ne deviennent irrévocables qu'à compter de leur lecture en audience publique et du prononcé de l'arrêt conformément à l'article 366 du Code de procédure pénale ;
Que, par ailleurs, c'est par une appréciation exempte d'insuffisance comme de contradiction et relevant de son pouvoir souverain que la Cour a estimé, sans préjuger du fond, qu'il n'y avait pas lieu d'ordonner le renvoi de l'affaire en attente du résultat du pourvoi de Bernard Z... et de l'éventuelle extradition de Gérard A... ;
Qu'enfin, c'est à bon droit qu'elle s'est déclarée incompétente pour ordonner la comparution de Christophe Y..., Bernard Z... et Gérard A..., lesquels n'avaient pas été cités comme témoins par les parties au procès ; qu'elle ne pouvait, sans outrepasser ses pouvoirs, faire injonction au président d'user de son pouvoir discrétionnaire pour permettre l'audition de ces personnes ;
Qu'ainsi, le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 316 et 326 du Code de procédure pénale, 6 paragraphe 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que statuant sur incident contentieux par arrêt du 2 juillet 1997, la Cour a dit qu'il sera passé outre aux débats en ce qui concerne l'audition de Dalila B..., témoin à charge régulièrement acquis aux débats, et contre lequel un mandat d'amener avait été délivré ;
" aux motifs qu'il y a lieu de considérer en l'espèce : que dans le cadre de la procédure instruite par monsieur le juge d'instruction près le tribunal de grande instance de Rennes, Tahar X... et Dalila B... ont été confrontés le 22 avril 1993 (D 242 bis) ; qu'il ressort du procès-verbal établi par la brigade territoriale de gendarmerie de Saint-Herblain que malgré les recherches effectuées, surveillance de son domicile et vérification opérée à l'intérieur de celui-ci avec l'accord de sa fille Soraya, née le 9 novembre 1974, Dalila B...n'a pu être appréhendée ; que celle-ci se trouverait à l'heure actuelle en Espagne, où il n'apparaît pas possible de la localiser ; qu'en outre les conclusions d'incident omettent de préciser les raisons pour lesquelles l'audition de Dalila B..., apparaît essentielle aux droits de la défense et à la manifestation de la vérité (procès-verbal des débats, p. 26) ;
" alors que la Cour ne peut passer outre aux débats malgré l'absence d'un témoin contre lequel elle a délivré mandat d'amener, mais qui n'a pu être retrouvé, que si elle estime et justifie, au vu des résultats de l'instruction à l'audience, que l'audition de ce témoin n'est pas indispensable à la manifestation de la vérité ; que dès lors, en ne justifiant pas, par motifs propres, de ce que l'audition de Dalila B... ne serait pas indispensable à la manifestation de la vérité, la Cour, qui a rejeté la demande dont elle était saisie par voie de référence inopérante aux conclusions de Tahar X... a, ce faisant, méconnu l'étendue de ses pouvoirs au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, le témoin Dalila B... n'ayant pu être retrouvée en dépit du mandat d'amener décerné contre elle, la défense a refusé qu'il soit passé outre aux débats et demandé que des recherches complémentaires soient entreprises et que l'affaire soit, au besoin, renvoyée à une session ultérieure ;
Que, pour rejeter cette demande, la Cour, après audition de plusieurs témoins, énonce que Dalila B... a été vainement recherchée et que l'accusé, qui a été confronté avec elle au cours de l'instruction, n'indique pas les raisons pour lesquelles l'audition de ce témoin apparaît essentielle à sa défense et à la manifestation de la vérité ;
Attendu qu'en cet état, et dès lors que, d'une part, les conclusions n'articulaient aucun fait ou circonstance de nature à caractériser l'importance du témoignage réclamé et que, d'autre part, l'accusé avait déjà été confronté avec le témoin à un stade antérieur de la procédure, la Cour, qui a souverainement apprécié l'opportunité de passer outre, n'a pas méconnu les dispositions légales et conventionnelles visées au moyen, lequel doit donc être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation des articles 316 et 646 du Code de procédure pénale, 6 paragraphe 1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que statuant sur incident contentieux par arrêt du 4 juillet 1997, la Cour a rejeté la demande de Tahar X... tendant à lui voir décerner acte de ce qu'un faux figurait au dossier de l'instruction sous le numéro de cote D 450, et de ce que la recherche de la vérité se trouvait viciée par la présence de ce faux ;
" aux motifs que le 22 janvier 1993, ont été saisies par la section de recherches de Rennes diverses affaires personnelles appartenant à Tahar X... (...) qu'une annexe cotée D 450 de la procédure d'instruction comporte d'une part la photocopie des pages du carnet susvisé (scellé n° 11), allant du 24 décembre 1990 au 3 mars 1991 (pages 1 à 5), ainsi que celle de divers papiers (pages 6 à 10) ; que le numéro de téléphone ..., suivi de la mention C... Guilain figure notamment en page 6 de la pièce cotée D 450 (annexe n° 10), au nombre des divers papiers ; que si ces " divers papiers " n'ont jamais fait l'objet d'une saisie, les numéros de téléphone y figurant, ont été cependant répertoriés et visés par l'adjudant Jean-Claude D...aux cotes D 439 et D 435 de la procédure (annexe 2-4) et exploités sur réquisitions, par les services de France Télécom ; que Tahar X... allègue n'avoir jamais été en possession desdits papiers et qu'en conséquence la cote D 450 constituerait un faux ; que la preuve d'une telle affirmation appréciée au regard des éléments susvisés, de la déposition des témoins Jean-Claude D... et Patrick E... n'apparaît nullement rapportée ; qu'au surplus à l'issue des débats et à supposer même que le document critiqué soit entaché de faux, cette circonstance ne serait pas de nature à influer sur l'issue du procès ; qu'ainsi la loyauté des débats n'apparaît nullement faussée, qu'il ne peut en conséquence être décerné acte dans les termes requis (procès-verbal des débats p. 36 et 37) ;
" 1° alors que, il résultait des propres énonciations de l'arrêt que les " divers papiers " figurant à la cote D 450 de la procédure d'instruction n'avaient nullement été saisis sur Tahar X..., ce qui impliquait que la cote susvisée D 450, constituait un faux dès lors qu'elle les répertoriait comme ayant été saisis sur ledit accusé ; qu'en déclarant le contraire, la Cour n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations de fait ;
" 2o alors que, en se bornant à affirmer que, même si le document litigieux était entaché de faux, cette circonstance ne serait pas de nature à influer sur l'issue du procès, sans répondre aux chefs péremptoires des conclusions de Tahar X... faisant valoir que l'arrêt de renvoi s'était essentiellement fondé sur l'existence d'un numéro de téléphone inscrit sur l'un des documents figurant à la cote D 450, de sorte qu'en raison de la fausseté de cette pièce, la recherche de la vérité se trouvait manifestement viciée, la Cour n'a pas légalement justifié sa décision au regard des textes susvisés " ;
Attendu que, pour rejeter les demandes de donner acte et d'inscription de faux présentées par Tahar X..., la cour d'assises se prononce par les motifs reproduits au moyen ;
Qu'en l'état de cette motivation, qui relève de son appréciation souveraine, la Cour a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu qu'aucun moyen n'est produit contre l'arrêt civil, que la procédure est régulière et que la peine a été légalement appliquée aux faits déclarés constants par la Cour et le jury ;
REJETTE le pourvoi.