Attendu que M. X..., engagé le 17 mai 1984 en qualité de chef d'exploitation par la société Union 36, a été victime, le 24 octobre 1990, d'un accident du travail ; que déclaré consolidé le 30 janvier 1993, il a été reconnu, le 11 février 1993, par le médecin du Travail apte à la reprise d'un travail sans port de charges supérieures à 25 kg ; que, le 12 mars 1993, l'employeur a procédé à la mise à la retraite du salarié avec un préavis de trois mois de l'exécution duquel il a été dispensé, et l'a délié du respect de la clause de non-concurrence figurant dans le contrat de travail ; que le salarié a saisi la juridiction prud'homale de demandes en paiement du salaire pour la période du 13 février 1993 au 13 mars suivant et en paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence ; qu'en cause d'appel, le salarié a demandé en outre la condamnation de l'employeur au paiement de l'indemnité spéciale de licenciement par application de l'article L. 122-32-6 du Code du travail et de dommages-intérêts par application de l'article L. 122-32-7 de ce Code ;
Sur le second moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu que l'employeur fait grief à l'arrêt attaqué de l'avoir condamné à verser à M. X... une somme à titre d'indemnisation de la clause de non-concurrence contractuelle, alors, selon le moyen, d'une part, qu'ayant constaté que la société Union 36 avait délié M. X... de son engagement de non-concurrence lors de sa notification de mise à la retraite, la cour d'appel, qui a cependant considéré que la contrepartie financière de l'engagement de non-concurrence était due, a violé, par refus d'application, l'article 1134 du Code civil ; d'autre part, que la cour d'appel qui a relevé, d'un côté, que M. X... n'avait pas atteint l'âge de soixante ans lors de sa mise à la retraite, et, de l'autre, qu'il remplissait les conditions conventionnelles de mise à la retraite parmi lesquelles figurait l'âge de soixante ans, a entaché sa décision d'une contradiction de motifs équivalant à un défaut de motifs en méconnaissance de l'article 455 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu que la cour d'appel a relevé, sans contradiction, que, d'une part, le contrat de travail ne prévoyait aucune possibilité de renonciation à la clause de non-concurrence, que, d'autre part, cette clause était stipulée aussi bien en faveur de l'employeur que du salarié en raison de sa contrepartie financière ; que c'est donc à bon droit que la cour d'appel a décidé que l'employeur ne pouvait renoncer unilatéralement à l'exécution de la clause ; que le moyen n'est pas fondé ;
Mais sur le premier moyen du pourvoi principal de l'employeur :
Vu l'article L. 122-32-5 du Code du travail ;
Attendu que, pour condamner l'employeur à payer au salarié une somme à titre de rappel de salaire pour la période du 13 février au 13 mars 1993, la cour d'appel a énoncé qu'iI ne résultait pas de l'article L. 122-32-5 du Code du travail que pendant la période de réflexion d'un mois à dater de l'examen de reprise par le médecin du Travail d'un salarié déclaré inapte en conséquence d'un accident du travail et à l'issue de laquelle l'employeur doit reprendre le paiement des salaires du salarié, ni reclassé ni licencié, l'employeur soit dispensé de rémunérer le salarié dont le contrat de travail n'est plus suspendu et que la consolidation de son état de santé prive du maintien des indemnités journalières ;
Qu'en statuant comme elle l'a fait, alors que l'article L. 122-32-5 du Code du travail ne prévoit la reprise du paiement des salaires qu'à l'expiration du délai d'un mois commençant à courir à la date de l'examen médical de reprise du travail, la cour d'appel, qui a imposé à l'employeur une obligation de rémunération que la loi ne prévoit pas en l'absence de fourniture de travail, a violé, par fausse application, le texte susvisé ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident du salarié :
Vu l'article L. 122-32-6 du Code du travail ;
Attendu que, pour débouter le salarié de sa demande en paiement de l'indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 122-32-6 du Code du travail, après avoir exactement décidé que l'article L. 122-32-5 de ce Code ne faisait pas interdiction à l'employeur de procéder à la rupture du contrat de travail autrement que par un licenciement et spécialement par une mise à la retraite, la cour d'appel a retenu que ce mode de rupture spécifique du contrat ouvrait droit à des indemnités équivalentes à celles dont bénéficie le salarié en cas de licenciement ;
Attendu, cependant, que si l'employeur peut rompre le contrat de travail d'un salarié dont l'inaptitude consécutive à un accident du travail a été déclarée par le médecin du Travail, par une mise à la retraite prononcée en conformité avec les dispositions légales et conventionnelles, il résulte de l'article L. 122-32-6 du Code du travail que la rupture du contrat dans les cas prévus au 4e alinéa de l'article L. 122-32-5 de ce Code ouvre droit notamment pour le salarié à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue à l'article L. 122-9 du Code du travail ;
Et attendu que la cour d'appel, qui a constaté que la mise à la retraite du salarié dont elle a relevé le caractère régulier, avait été motivée par l'impossibilité de reclassement de l'intéressé déclaré inapte en conséquence d'un accident du travail, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il résultait que l'intéressé pouvait prétendre au paiement de l'indemnité telle que calculée par l'article L. 122-32-6 du Code du travail ;
D'où il suit qu'en statuant comme elle l'a fait, la cour d'appel a violé, par refus d'application, le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en celles de ses dispositions ayant condamné l'employeur à payer au salarié une somme à titre de salaire pour la période du 13 février 1993 au 13 mars 1993, et ayant débouté le salarié de sa demande en indemnité spéciale de licenciement prévue à l'article L. 122-32-6 du Code du travail, l'arrêt rendu le 10 février 1995, entre les parties, par la cour d'appel de Bourges ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Riom.