Attendu que, dans la soirée du 5 septembre 1987, M. Meurice a ressenti des douleurs au niveau du mollet gauche ; qu'en raison de la persistance de ces douleurs et du gonflement de son mollet, il s'est rendu dans la soirée du 6 septembre dans une clinique où les docteurs Y... et X... ont diagnostiqué une " phlébite surale avec gros mollet " et lui ont prescrit un traitement anticoagulant par voie intraveineuse ; que le 7 septembre l'état de M. Meurice ne s'est en rien amélioré, mais que le même diagnostic a été maintenu par un troisième médecin, M. Z... ; que le 8 septembre un quatrième médecin a ordonné une échographie Doppler qui a permis de constater que M. Meurice était en réalité atteint du syndrome des loges, c'est-à-dire l'effet d'une hyperpression à l'intérieur d'un compartiment de membre contenant des muscles, des nerfs et des vaisseaux et limité par des cloisons aponévrotiques ; qu'une décompression chirurgicale a alors été mise en oeuvre, mais que M. Meurice a conservé des séquelles neurologiques irréversibles ; que, sur l'action en réparation de son préjudice engagée contre les trois praticiens, la cour d'appel a estimé qu'ils avaient commis une faute en persistant, malgré l'absence d'amélioration de l'état du patient et sans faire procéder à des examens complémentaires, dans un diagnostic erroné, mais a limité la réparation du préjudice de M. Meurice à la perte de chance de subir des séquelles moindres du syndrome des loges dont il avait souffert ;
Sur le premier moyen du pourvoi principal de M. Meurice et sur le moyen unique du pourvoi incident de M. X... ;
Attendu que l'arrêt attaqué (Paris, 18 mai 1995) se fondant sur le rapport d'expertise, a constaté, d'une part, qu'il était nécessaire en cas de syndrome des loges de faire procéder à une décompression chirurgicale dans un délai de 10 à 15 heures suivant les premiers signes d'alarme et qu'à défaut les chances de récupération s'amenuisaient tandis qu'augmentaient celles de conserver des séquelles neurologiques définitives, d'autre part, que M. Meurice ne s'était présenté à la clinique qu'au bout de 24 heures, de sorte qu'une partie de son dommage était déjà réalisée lors de son hospitalisation ; qu'elle a pu en déduire, sans encourir les griefs des moyens, que les médecins étaient responsables, en raison de leur persistance dans un diagnostic erroné, d'une perte de chance pour M. Meurice de subir des séquelles moindres ;
Sur le second moyen, pris en ses deux branches, du pourvoi principal de M. Meurice :
Attendu que la cour d'appel a évalué à la somme de 171 336,13 francs le préjudice de M. Meurice correspondant à l'atteinte à son intégrité physique et à 79 150 francs la part d'indemnité de caractère personnel, puis estimé qu'eu égard à la perte de chance MM. X... et Y... devaient être condamnés à la moitié de ces montants et M. Z... à " la moitié du dommage incombant à ses confrères " ; que la juridiction du second degré a enfin admis le recours de la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis pour le remboursement de prestations d'un montant de 58 631,38 francs qu'elle avait exposées pour M. Meurice ;
Attendu que M. Meurice reproche à la cour d'appel d'avoir ainsi admis le recours de la Caisse en remboursement de ses prestations, alors que, d'une part, ce recours ne pourrait s'exercer sur les sommes allouées au titre de la réparation d'une perte de chance, et alors que, d'autre part, en déduisant de son préjudice le montant intégral des débours de la Caisse, tout en décidant que les praticiens ne seraient condamnés qu'à la moitié, la cour d'appel aurait méconnu le principe de la réparation intégrale ;
Mais attendu, d'abord, que le recours des tiers payeurs s'exerce sur les sommes allouées à la victime en réparation de la perte de chance d'éviter une atteinte à son intégrité physique, la part d'indemnité de caractère personnel étant seule exclue de ce recours ; que la cour d'appel, après avoir évalué, d'une part, le préjudice afférent à l'atteinte à l'intégrité physique de M. Meurice, d'autre part, le montant de son indemnité de caractère personnel, et fixé, par une appréciation souveraine, la fraction de ces chefs de préjudice dont les médecins étaient redevables au titre de la perte de chance, a déduit la créance de la Caisse de la seule part d'indemnité correspondant à l'atteinte à l'intégrité physique ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ;
Attendu, ensuite, que le recours des caisses primaires d'assurance maladie s'exerce, à due concurrence des prestations qu'elles ont exposées pour la victime, sur l'intégralité des sommes réparant l'atteinte à l'intégrité physique auxquelles le tiers responsable est condamné, et cela alors même que ce tiers ne serait tenu que pour partie ; que c'est, dès lors, à bon droit que la cour d'appel a déduit la totalité de la créance de la Caisse de la somme que les médecins étaient condamnés à payer à M. Meurice en réparation de la perte de chance d'éviter une atteinte à son intégrité physique, peu important que, par une disposition qui n'est pas critiquée, la cour d'appel n'ait condamné les médecins à payer à la Caisse que la moitié de sa créance ;
PAR CES MOTIFS :
REJETTE les pourvois.