Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par la société Chronopost que sur le pourvoi principal formé par la société Ferrari Technotrans ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué, que, chargée par la société Gold House (l'ayant droit) de faire acheminer un colis contenant de l'or de France à Monaco, la société Ferrari Technotrans (le commissionnaire de transport) a confié l'exécution du déplacement à la Société française de messagerie internationale, SFMI Chronopost, aux droits de laquelle se trouve la société Chronopost (le transporteur) ; que le colis ayant disparu au cours de son transport, l'ayant droit a assigné, en réparation de ses divers préjudices, le commissionnaire ; que celui-ci a appelé en garantie le transporteur, lequel a invoqué la limitation d'indemnité de la convention de Genève du 19 mai 1956 relative au contrat de transport international de marchandises par route, dite CMR ;
Sur le premier moyen, pris en ses deux branches du pourvoi principal :
Attendu que le commissionnaire de transport fait grief à l'arrêt d'avoir décidé qu'il ne pouvait pas se prévaloir à l'égard de l'ayant droit des limitations d'indemnisation dont bénéficiait le transporteur et de l'avoir condamné en conséquence, sous la garantie partielle du transporteur, à payer à cet ayant droit la valeur de la marchandise perdue et à réparer son préjudice commercial, alors, selon le pourvoi, d'une part, qu'en ne précisant pas quelles " exigences administratives " et quelles " règles de sécurité " le commissionnaire aurait méconnues et en quoi ce manquement serait à l'origine de la perte des colis, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 1147 du Code civil ; et alors, d'autre part, qu'en ne précisant pas en quoi l'acheminement de colis par " Chronopost " serait un mode aléatoire et en quoi le respect de certaines règles de sécurité aurait évité la perte du colis, tombé sur la chaussée en cours de route selon le transporteur..., la cour d'appel a encore privé sa décision de base légale au regard du même texte ;
Mais attendu que l'arrêt relève que le commissionnaire de transport a, en connaissance de cause, confié au transport un colis de métal précieux comme un colis ordinaire et conclu un contrat de transport contenant une clause exonérant le transporteur de toute responsabilité en cas de perte de métaux précieux ; qu'en l'état de ces seules constatations, la cour d'appel a pu retenir que ce commissionnaire de transport avait commis une faute personnelle dont il devait réparation ; d'où il suit que le moyen ne peut être accueilli en aucune de ses branches ;
Mais sur le second moyen de ce même pourvoi :
Vu, ensemble, les articles 1150 du Code civil et 17 et 29 de la CMR ;
Attendu que, pour rejeter la demande en garantie du commissionnaire de transport dirigée contre le transporteur auquel il reprochait d'avoir commis une faute lourde exclusive de toute limitation d'indemnisation, l'arrêt retient que : " le plafond de la condamnation de la société Chronopost, conformément à l'article 23-3 de la CMR, n'étant pas discutable dans la mesure où la faute personnelle sur le fondement de laquelle le commissionnaire est condamné au-delà de la condamnation du transporteur est autre que la faute imputée à celui-ci, dont l'examen de la gravité devient sans objet " ;
Attendu qu'en statuant ainsi, alors que la faute personnelle commise par le commissionnaire de transport à l'égard de son donneur d'ordre ne lui interdisait pas de rechercher la responsabilité du transporteur et d'invoquer à son profit la faute lourde de ce dernier, la cour d'appel a violé les textes susvisés ;
Et sur le moyen unique du pourvoi incident :
Vu l'article 23-4 de la CMR ;
Attendu qu'en vertu de ce texte, l'indemnité mise à la charge du transporteur pour perte ou avarie de la marchandise comprend, outre la valeur de cette marchandise, le prix du transport, les droits de douane et les autres frais encourus à l'occasion du transport de la marchandise, en totalité en cas de perte totale et au prorata en cas de perte partielle, d'autres dommages-intérêts n'étant pas dus ;
Attendu qu'en condamnant le transporteur à payer, in solidum avec le commissionnaire de transport, la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts en raison de certains frais occasionnés à l'ayant droit par la perte de la marchandise, la cour d'appel a violé le texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS :
CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il a débouté le commissionnaire de transport de sa demande en garantie dirigée contre le transporteur en raison de la faute lourde que ce dernier aurait commise, et en ce qu'il a condamné le transporteur, in solidum avec le commissionnaire de transport, à payer la somme de 50 000 francs à titre de dommages-intérêts à l'ayant droit, la société Gold House, l'arrêt rendu le 17 mars 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Rouen.