CASSATION PARTIELLE sur le pourvoi formé par :
- X... Daniel,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, chambre correctionnelle, du 22 octobre 1992, qui, pour exécution de travaux de construction immobilière sans permis de construire et au mépris d'un arrêté du maire en ordonnant l'interruption, l'a condamné à 80 000 francs d'amende, a ordonné sous astreinte la remise en état des lieux et a prononcé sur les intérêts civils.
LA COUR,
Vu les mémoires produits en demande et en défense ;
Sur le premier moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 410-1, L. 480-1, L. 480-3, L. 480-4, L. 480-13 du Code de l'urbanisme, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a déclaré X... coupable des délits de construction sans permis et de continuation de travaux, dont l'interruption était ordonnée, et l'a condamné au paiement d'une amende de 80 000 francs, outre le paiement de dommages-intérêts envers la commune de Genissieux ;
" aux motifs propres que la déclaration de culpabilité doit être confirmée, compte tenu de la clarté du certificat d'urbanisme du 29 mars 1991, de l'impossibilité pour le prévenu de se méprendre sur la nature des travaux entrepris, lesquels dépassaient le cadre dudit certificat d'urbanisme, et de nombreux avertissements délivrés par le maire ;
" et, aux motifs adoptés du jugement, que, selon les articles 1 et 2 de la zone NC du POS la transformation de bâtiments d'exploitation agricole en bâtiments à usage d'habitation est interdite, et seule est autorisée la restauration ou l'extension de bâtiments d'habitation existants sous réserve du respect des dispositions de l'article 11 ; que le prévenu ne s'est pas contenté de restaurer des bâtiments à usage d'habitation mais a aussi modifié l'affectation de ces bâtiments par rapport à l'usage avicole qu'ils avaient avant le chantier ; qu'ainsi les travaux de transformation ont été exécutés sans autorisation ad'hoc ;
" alors, d'une part, que les dispositions de l'article NC-1-III-2 du POS de la commune de Genissieux prévoient de façon expresse la possibilité de réaliser une extension des bâtiments d'habitation de la zone NC dans la limite d'une surface ne dépassant pas 30 % de l'emprise au sol du bâtiment initial ; que, dès lors, la cour d'appel n'a pu retenir l'existence d'un dépassement par rapport aux mentions du certificat d'urbanisme, lesquelles se bornaient à renvoyer aux dispositions du POS annexées, sans rechercher, comme l'y invitaient les conclusions d'appel de X..., si l'extension des bâtiments d'habitation en cours d'exécution ne respectait pas la limite ainsi fixée par le POS, compte tenu de la proportion des bâtiments déjà affectés à l'habitation ; qu'en cet état l'arrêt attaqué, en se bornant à déclarer par voie de confirmation du jugement que la transformation de bâtiments d'exploitation agricole en bâtiments à usage d'habitation était interdite, n'a pas légalement justifié la condamnation de X... du chef de construction sans permis ;
" alors, d'autre part, que le certificat d'urbanisme est créateur de droits lorsque la demande de permis de construire est déposée dans le délai de 1 an à compter de la délivrance dudit certificat et respecte les dispositions d'urbanisme mentionnées par cet acte ; que, dès lors, le refus du permis de construire émis par le maire le 3 janvier 1992, se situant après l'audience des débats du tribunal correctionnel, mais avant l'expiration du délai d'1 an précité, l'arrêt attaqué, qui ne saurait être justifié par les motifs du jugement, devait surseoir à statuer du fait de la contestation sérieuse soulevée devant le tribunal administratif sur le refus de permis, et en ne répondant pas à la demande de sursis à statuer formée en appel, est entaché d'un défaut de motif " ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que Daniel X... a réalisé sans autorisation des travaux consistant à aménager et transformer un ensemble de bâtiments à usage d'exploitation avicole ; que le maire lui a interdit, par arrêté du 15 avril 1991, de poursuivre les travaux puis lui a refusé, par arrêté du 3 janvier 1992, le permis de construire qu'il avait sollicité en vue de l'aménagement dans ces bâtiments de quinze logements ;
Attendu que Daniel X... est poursuivi pour exécution de travaux de construction immobilière sans permis de construire et au mépris d'un arrêté du maire en ordonnant l'interruption ;
Attendu que les juges étaient saisis de conclusions du prévenu soutenant que les travaux réalisés respectaient les dispositions du certificat d'urbanisme qui lui avait été délivré et du plan d'occupation des sols de la commune et demandant qu'il fût sursis à statuer en l'état du recours exercé par lui notamment contre l'arrêté du maire ayant rejeté sa demande de permis de construire ;
Attendu que, pour écarter ces prétentions et déclarer le prévenu coupable des infractions reprochées, les juges relèvent que les travaux réalisés par Daniel X..., qui n'entrent pas dans les prévisions du certificat d'urbanisme et du plan d'occupation des sols, entraînent la création d'ouvertures, l'agrandissement des bâtiments et leur transformation en locaux à usage d'habitation, qu'enfin le recours exercé devant le tribunal administratif n'a aucun caractère suspensif ;
Attendu qu'en l'état de ces motifs, la cour d'appel a justifié sa décision sans encourir les griefs allégués ;
Qu'en effet, d'une part, la délivrance d'un certificat d'urbanisme ne peut suppléer aux autorisations requises par la loi ;
Que, d'autre part, dès lors que le permis de construire a été refusé et aussi longtemps qu'il n'a pas été régulièrement obtenu, les travaux ne peuvent être licitement entrepris ; que l'illégalité prétendue du refus de permis de construire, à la supposer reconnue, ne pourrait suppléer à l'autorisation requise et enlever aux faits poursuivis leur caractère punissable ;
D'où il suit que le moyen ne peut être admis ;
Sur le deuxième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Mais sur le troisième moyen de cassation, pris de la violation des articles L. 480-7 du Code de l'urbanisme, 1382 du Code civil, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a ordonné la remise en état des lieux sur lesquels X... avait commencé l'exécution de travaux, avec astreinte de 500 francs par jour de retard constaté ;
" alors que la cour d'appel, en ne fixant aucun délai pour l'accomplissement de cette remise en l'état, a violé les textes visés au moyen " ;
Vu lesdits articles ;
Attendu que les juges, après avoir condamné le bénéficiaire d'une construction irrégulièrement édifiée, sont tenus, lorsqu'ils ordonnent la remise en état des lieux, d'impartir un délai dans lequel les travaux nécessités par cette mesure devront être exécutés ;
Attendu que la cour d'appel, après avoir ordonné la remise en état des lieux sous astreinte dont elle a fixé le montant, a omis de préciser, comme elle y était tenue, le délai dans lequel devrait être exécutée cette mesure et à l'expiration duquel l'astreinte commencerait à courir ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la cour d'appel de Grenoble, en date du 22 octobre 1992, mais seulement en ce qu'il a omis de fixer le délai dans lequel la remise en état des lieux devrait être effectuée, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ;
Et pour qu'il soit à nouveau jugé conformément à la loi, dans les limites de la cassation ainsi prononcée :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Grenoble, autrement composée.