La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/01/1993 | FRANCE | N°92-85534

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 20 janvier 1993, 92-85534


CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Claude,
contre l'arrêt n° 461 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse du 8 octobre 1992 qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroqueries et d'infraction à la loi sur les prêts d'argent, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant sa détention provisoire pour une durée de 4 mois.
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 5.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fonda

mentales, des articles 137, 138, 144 et 593 du Code de procédure pénale, ...

CASSATION sur le pourvoi formé par :
- X... Claude,
contre l'arrêt n° 461 de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse du 8 octobre 1992 qui, dans l'information suivie contre lui des chefs d'escroqueries et d'infraction à la loi sur les prêts d'argent, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction prolongeant sa détention provisoire pour une durée de 4 mois.
LA COUR,
Vu le mémoire ampliatif produit ;
Sur le moyen unique de cassation pris de la violation des articles 5.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, des articles 137, 138, 144 et 593 du Code de procédure pénale, défaut et contradiction de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a rejeté l'appel interjeté par l'inculpé d'une ordonnance de prolongation de sa détention provisoire du 16 septembre 1992 ;
" aux motifs que par une ordonnance du 19 novembre 1991 non frappée de recours, le juge d'instruction avait ordonné la mise en liberté de l'intéressé sous condition du versement préalable d'un cautionnement de 4 500 000 francs, dont partie seulement a été consignée ; que le débat sur les critères de la détention provisoire n'a pas de raison d'être, qu'il a été évacué par la mise en liberté sous contrôle judiciaire de l'inculpé, dont la détention se prolonge de son propre fait, et ne viole pas les règles posées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; que surabondamment, le non-respect de ses obligations acceptées par lui laisse mal augurer de sa représentation en justice ;
" alors, d'une part, que, dès lors qu'un inculpé se trouve en détention, cette détention ne doit durer que le temps raisonnable exigé par l'article 5 de la Convention précitée, et ne peut être justifiée que par les conditions posées par l'article 144 du Code de procédure pénale ; que le juge reste, tout au long de la procédure, tenu d'assurer le respect de ces règles fondamentales ; que le simple fait que, à un moment quelconque de la procédure, le juge d'instruction ait accepté le principe d'une mise en liberté sous condition préalable de versement d'un cautionnement qui n'a pas été versé, ne saurait en rien dispenser ce juge d'instruction du respect des dispositions précitées, et que la détention doit cesser sans condition, soit si elle a excédé le délai raisonnable de l'article 5 de la Convention européenne, soit si elle ne correspond plus aux exigences de l'article 144 du Code de procédure pénale ; qu'en s'abstenant, par conséquent, de rechercher si la détention de l'inculpé avait ou non excédé une durée raisonnable, et si elle était encore nécessaire aux objectifs de l'article 144 précité, la chambre d'accusation n'a pas vidé le litige qui lui était soumis, et a violé les dispositions en cause ;
" alors, d'autre part, que la chambre d'accusation ne pouvait se borner à affirmer que l'absence de versement par l'inculpé du cautionnement exigé laissait mal augurer de sa représentation en justice, sans vérifier si le cautionnement de 4 500 000 francs exigé était compatible avec les ressources d'un inculpé emprisonné depuis plus de 2 ans ; que la chambre d'accusation n'a pas donné de base légale à sa décision ;
" alors, enfin, que l'ordonnance de mise en liberté sous condition de versement d'un cautionnement affectait une partie seulement de celui-ci (100 000 francs) à la garantie de représentation de l'inculpé, le reste devant garantir les éventuels préjudices et les frais de procédure ; que l'inculpé s'était acquitté de partie de ce cautionnement pour une valeur supérieure à 100 000 francs ; que, dès lors, la garantie de sa représentation en justice était assurée, et que la chambre d'accusation ne pouvait ultérieurement refuser sa mise en liberté au seul motif, au demeurant insuffisant et dubitatif, que l'on devait " mal augurer " de sa représentation " ;
Vu lesdits articles, ensemble les articles 145 et 145-1 du Code de procédure pénale ;
Attendu que les juges sont tenus de répondre aux chefs péremptoires des conclusions dont ils sont saisis ; que tout arrêt ou jugement doit contenir les motifs propres à justifier la décision et que l'insuffisance des motifs équivaut à leur absence ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de la procédure que Claude X..., ressortissant belge extradé d'Espagne, a été inculpé le 18 mai 1991 par le juge d'instruction d'escroqueries et d'infraction à la loi du 24 janvier 1984 sur les prêts d'argent et placé le même jour sous mandat de dépôt ; que la détention provisoire a été prolongée pour une durée de 4 mois à compter du 18 septembre 1991 par ordonnance du 16 septembre 1991 ; que le 19 novembre 1991, le juge d'instruction a ordonné son placement sous contrôle judiciaire, obligation lui étant faite de fournir, préalablement à sa mise en liberté, un cautionnement de 4 500 000 francs destiné à garantir, à concurrence de 100 000 francs, sa représentation à tous les actes de la procédure et, dans la limite de 4 400 000 francs, " le paiement de la réparation des dommages causés par l'infraction, des frais avancés par la partie publique et des amendes " ; que cette ordonnance n'a pas été suivie d'effet, l'inculpé ne s'étant acquitté du cautionnement fixé qu'à hauteur de 2 563 000 francs ; que le 15 mai 1992, le juge d'instruction a rejeté la demande de mainlevée partielle du contrôle judiciaire formée par X... et prolongé la détention provisoire pour une durée de 4 mois à compter du 18 mai 1992, " sauf mise en jeu éventuelle de la mise en liberté ordonnée sous condition de versement d'une caution préalable de 4 500 000 francs " ; que par ordonnance du 16 septembre 1992, dont l'intéressé a interjeté appel, la détention provisoire a encore été prolongée pour une durée de 4 mois prenant effet le 18 septembre 1992 ;
Attendu que pour confirmer cette ordonnance, la juridiction du second degré, après avoir rappelé les faits dont Claude X... est inculpé et le caractère définitif de l'ordonnance du 19 novembre 1991 le plaçant sous contrôle judiciaire, énonce que " le débat sur les critères de la détention provisoire initié par l'avocat de X... n'a pas de raison d'être ; qu'il a en effet été évacué par la mise en liberté sous contrôle judiciaire de l'inculpé dont la détention se prolonge de son propre fait et ne viole donc pas les règles posées par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales " ; que les juges ajoutent que " surabondamment, le non-respect de ses obligations, acceptées par lui, laisse mal augurer de sa représentation en justice s'il était, aujourd'hui, remis en liberté " ;
Mais attendu qu'en décidant ainsi, sans répondre au mémoire dont elle était saisie, qui invoquait la violation des dispositions de l'article 5.3 de la Convention précitée selon lesquelles toute personne arrêtée ou détenue a le droit d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure, et sans s'expliquer sur les considérations de droit et de fait justifiant, par référence aux dispositions de l'article 144 du Code de procédure pénale, la prolongation de la détention provisoire dont les règles, telles que définies par l'article 145-1 du même Code, ne comportent aucune exception, la chambre d'accusation a méconnu les textes et le principe sus-énoncés et n'a pas donné de base légale à sa décision ;
D'où il suit que la cassation est encourue ;
Par ces motifs :
CASSE ET ANNULE l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Toulouse, en date du 8 octobre 1992, et pour qu'il soit jugé à nouveau conformément à la loi :
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Agen.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 92-85534
Date de la décision : 20/01/1993
Sens de l'arrêt : Cassation
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° DETENTION PROVISOIRE - Décision de prolongation - Décision fondée sur l'énoncé des considérations de droit et de fait de l'espèce - Domaine d'application.

1° CONTROLE JUDICIAIRE - Obligations - Obligation de fournir un cautionnement - Obligation non respectée - Décision de prolongation de la détention provisoire - Décision fondée sur l'énoncé des considérations de droit et de fait de l'espèce - Nécessité.

1° Les règles prévues par l'article 145-1 du Code de procédure pénale pour justifier la prolongation de la détention provisoire, selon lesquelles l'ordonnance la prescrivant doit comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, par référence aux dispositions de l'article 144 du même Code, ne souffrent aucune exception. Elles s'imposent, notamment, lors de la prolongation de la détention d'un inculpé ayant fait l'objet d'une mesure de placement sous contrôle judiciaire, sous condition de fournir un cautionnement préalablement à sa mise en liberté, et qui n'a pas exécuté cette obligation (1).

2° CONVENTION EUROPEENNE DES DROITS DE L'HOMME - Article 5 - Droit de toute personne d'être jugée dans un délai raisonnable ou libérée pendant la procédure - Détention provisoire - Délai raisonnable - Décision de prolongation.

2° Doit être cassé l'arrêt de la chambre d'accusation qui ordonne la prolongation de la détention sans répondre au mémoire de l'inculpé qui invoquait la violation des dispositions de l'article 5.3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (2).


Références :

1° :
2° :
Code de procédure pénale 137, 138, 144, 145, 145-1
Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 04 novembre 1950 art. 5

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse (chambre d'accusation), 08 octobre 1992

CONFER : (1°). (1) A comparer: Chambre criminelle, 1972-11-22, bulletin criminel 1972, n° 360, p. 914 (cassation) ;

Chambre criminelle, 1983-12-20, bulletin criminel 1983, n° 349, p. 899 (cassation). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1986-02-19, bulletin criminel 1986, n° 66, p. 159 (arrêt n° 1 : cassation) ;

Chambre criminelle, 1987-11-05, bulletin criminel 1987, n° 391, p. 1032 (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 20 jan. 1993, pourvoi n°92-85534, Bull. crim. criminel 1993 N° 32 p. 69
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1993 N° 32 p. 69

Composition du Tribunal
Président : Président : M. Le Gunehec
Avocat général : Avocat général : M. Robert.
Rapporteur ?: Rapporteur : M. Carlioz.
Avocat(s) : Avocat : la SCP Waquet, Farge et Hazan.

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1993:92.85534
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award