REJET des pourvois formés par :
- X... Paul,
- Y... Bernard,
- Z... Michel,
contre l'arrêt de la chambre d'accusation de la cour d'appel de Lyon, en date du 29 mai 1990, qui les a renvoyés devant la cour d'assises du département du Rhône sous l'accusation de vols avec port d'arme, arrestations illégales et séquestration de personnes comme otages, tentative de meurtre et association de malfaiteurs.
LA COUR,
Vu le mémoire produit ;
Joignant les pourvois en raison de la connexité ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation des articles 368 du Code pénal, 8 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les écoutes téléphoniques ordonnées par commissions rogatoires du juge d'instruction ;
" aux motifs que toutes les écoutes téléphoniques temporaires ont été mises en place sur commission rogatoire du magistrat instructeur qui en a réglé les modalités alors qu'il était saisi d'infractions de nature criminelle et de faits d'association de malfaiteurs, de sorte que leur régularité ne peut être attaquée ; qu'il est inexact de dire que les écoutes téléphoniques de la ligne de la mère de Y... ont abouti à l'arrestation de celui-ci, son arrestation n'étant intervenue que plusieurs mois plus tard ;
" alors, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article 8 de la Convention européenne que l'ingérence des autorités publiques dans la vie privée et familiale, le domicile et la correspondance d'une personne, si elle peut constituer une mesure nécessaire à la répression des infractions pénales, doit être définie par une loi, fixant clairement et avec précision l'étendue et les modalités d'exercice d'un tel pouvoir ; que tel n'est pas le cas des articles 81 et 151 du Code de procédure pénale qui n'autorisent pas expressément le juge d'instruction à mettre sous écoute téléphonique une ligne privée, et ne définissent pas avec une précision suffisante et avec suffisamment de garanties les conditions de l'exercice de ce mode d'investigation particulier du juge d'instruction ;
" alors, d'autre part, que l'article 802 du Code de procédure pénale ne saurait recevoir application en cas de violation des prescriptions édictées par l'article 8 de la Convention européenne (et sanctionnées par l'article 368 du Code pénal), impliquant nécessairement une atteinte aux intérêts de l'intéressé ; qu'en énonçant que les écoutes téléphoniques de la ligne de la mère de Y... n'auraient pas directement conduit à son arrestation, la chambre d'accusation a statué par un motif inopérant ;
" alors, de surcroît, que les commissions rogatoires litigieuses, précisant que " les opérations devront se dérouler jusqu'à tant que de besoin ", étaient également nulles pour ne pas limiter dans le temps la durée des écoutes ; qu'en conséquence, la chambre d'accusation aurait dû les annuler, ainsi que la procédure subséquente ;
" alors, enfin, qu'en l'absence de toute garantie de nature à s'assurer que l'intégralité des enregistrements aurait été communiquée tant au juge d'instruction qu'à la défense, et en l'absence de tout contrôle effectif du juge d'instruction sur la mise en oeuvre et l'exécution des écoutes, qui sont restées entièrement dans la main et à la discrétion des officiers de police judiciaire, l'intégralité de ces mesures et des pièces correspondantes aurait dû être annulée par la chambre d'accusation " ;
Attendu que la Cour de Cassation est en mesure de s'assurer par l'examen des procès-verbaux établis en exécution des commissions rogatoires du juge d'instruction qu'aucun fait susceptible d'être retenu à la charge des inculpés n'a été révélé par les écoutes téléphoniques pratiquées ; que, dès lors, à supposer que celles-ci n'aient pas satisfait à toutes les conditions découlant de l'article 8. 2 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette inobservation ne saurait constituer, au regard de la présente procédure, une atteinte aux droits des demandeurs, susceptible d'entraîner l'annulation des actes de l'information ;
D'où il suit que le moyen ne peut être accueilli ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation de l'article 103 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler les témoignages cotés J / D. 76, D. 88 et D. 104 ;
" aux motifs que les témoins n'ont certes prêté serment qu'en fin d'audition, mais ont déclaré, après avoir rempli cette formalité, réitérer leurs dépositions ;
" alors que la prestation de serment a posteriori ne saurait régulariser rétroactivement l'audition d'un témoin qui n'a pas rempli cette formalité, une telle irrégularité portant nécessairement atteinte aux intérêts de la défense dès lors que, malgré ses protestations, les témoins n'ont pas été réentendus " ;
Attendu que, pour refuser d'annuler les procès-verbaux d'audition de témoins critiqués, la chambre d'accusation observe que les témoins n'ont pas prêté serment avant leur audition mais qu'" après observation de la défense, le magistrat instructeur leur a fait prêter serment en fin d'audition " et qu'" après avoir rempli cette formalité les témoins ont déclaré réitérer leurs dépositions " ; que les juges relèvent qu'aucune atteinte aux droits de la défense n'est établie ;
Attendu, en cet état et alors d'ailleurs que la formalité du serment prévue par l'article 103 du Code de procédure pénale n'est pas prescrite à peine de nullité, c'est sans encourir le grief allégué que l'arrêt attaqué s'est prononcé comme il l'a fait ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 103 du Code de procédure pénale, 593 de ce Code, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que l'arrêt attaqué a refusé d'annuler la présentation à témoins cotée J / D. 44 ;
" aux motifs que l'indication du nom et de l'adresse des témoins suffit à les identifier, alors qu'ils ont déjà été entendus dans la procédure et que toutes les indications nécessaires ont été fournies antérieurement ;
" alors que l'audition d'un témoin doit, à peine de nullité, comprendre tous les renseignements d'identité sur ce témoin, et ce, même lorsque le témoin a déjà été entendu ; que la présentation à témoins ne précisant ni l'âge, ni l'état, ni la profession des témoins, était nulle " ;
Attendu qu'en énonçant les noms et adresses des témoins qui avaient déjà été entendus dans la procédure et avaient fourni antérieurement les indications nécessaires la chambre d'accusation n'encourt pas les griefs du moyen ;
Qu'en effet les dispositions de l'article 103 du Code de procédure pénale ne sont pas prescrites à peine de nullité et qu'aucune atteinte aux intérêts des demandeurs n'est alléguée ni établie ;
Qu'ainsi le moyen ne peut être admis ;
Sur le quatrième moyen de cassation pris de la violation des articles 2 et 295 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a renvoyé Y... devant la cour d'assises du Rhône, du chef de tentative de meurtre ;
" alors qu'il ne résulte d'aucune constatation de l'arrêt attaqué que Y...- qui n'était pas le conducteur du véhicule R 11, ni l'auteur du coup de feu ayant atteint et blessé le sous-brigadier A...- aurait concouru par un quelconque acte matériel à cette infraction " ;
Sur le cinquième moyen de cassation pris de la violation des articles 2 et 295 du Code pénal, 593 du Code de procédure pénale, défaut de motifs, manque de base légale :
" en ce que la chambre d'accusation a renvoyé Z..., Y... et X... devant la cour d'assises du Rhône, du chef de tentative de meurtre ;
" aux motifs que l'intention de tuer le sous-brigadier A... doit être retenue contre les trois inculpés, dans la mesure où le demi-tour et le face-à-face avec la police ont été délibérés ; que deux occupants du véhicule R 11 ont dit au conducteur qu'il convenait de s'arrêter sur le parking pour " descendre " le policier qui les suivait ;
" alors que de tels motifs ne caractérisent nullement l'intention de donner la mort " ;
Les moyens étant réunis ;
Attendu que, pour renvoyer X..., Y... et Z... devant la cour d'assises sous l'accusation de tentative de meurtre, la chambre d'accusation qui expose que ces inculpés auraient pris part auparavant à des faits d'arrestation illégale et de séquestration de personne, puis, auraient participé à un vol avec arme, relève que, pour prendre la fuite, Y... aurait, en compagnie de X..., pris place dans une automobile conduite par Z... à côté duquel ils avaient contraint B..., retenu comme otage, à s'installer ; que le véhicule aurait été poursuivi par le sous-brigadier de police A... et que les deux inculpés, occupants des sièges arrière, auraient intimé l'ordre au conducteur de s'arrêter pour " descendre " leur poursuivant ; que cet arrêt aurait eu lieu après un demi-tour opéré par le véhicule qui se serait trouvé en face de celui du policier ; que ce dernier aurait lui-même quitté sa voiture pour sommer les inculpés de se rendre et aurait, à ce moment, été blessé par un coup de feu tiré par X... ;
Attendu, en cet état, que, d'une part, à supposer que les faits relevés ne caractérisent pas à l'égard de Y... le crime de tentative de meurtre visé dans l'arrêt attaqué, ils n'en constitueraient pas moins le crime de complicité par instructions données de tentative de meurtre, prévu et réprimé par les articles 2, 59, 60, 295 et 304 du Code pénal ; que cette constatation suffit pour que l'arrêt de la chambre d'accusation soit, sous ce rapport, à l'abri de la censure ; qu'il appartiendra à la cour d'assises qui n'est pas liée par les qualifications retenues par la décision de renvoi de se prononcer sur les faits, objet de l'accusation ;
Que, d'autre part, les chambres d'accusation en statuant sur les charges de culpabilité apprécient souverainement à cet égard tous les éléments constitutifs des crimes et délits et notamment les questions d'intention ; que la Cour de Cassation n'a d'autre pouvoir que de vérifier si la qualification donnée justifie le renvoi devant la juridiction de jugement ;
D'où il suit que les moyens doivent être écartés ;
Sur le moyen relevé d'office et pris de la violation de l'article 593 du Code de procédure pénale en ce qu'il y a défaut de concordance entre le dispositif et les motifs de l'arrêt de renvoi ;
Attendu que le dispositif de l'arrêt attaqué mentionne qu'il prononce la mise en accusation de Michel Z..., Paul X..., Bernard Y..., Krim C... pour être jugés " sur les crimes et délits de vols à main armée (1, 2, 3, 4), tentative de meurtre (1, 2, 3), association de malfaiteurs pour préparer ou faciliter la commission d'un crime ou favoriser la fuite ou assurer l'impunité des auteurs ou complices d'un crime (1, 2, 3) ci-dessus spécifiés " ;
Que cependant, dans ses motifs, l'arrêt constate en outre qu'il existe contre les accusés des charges suffisantes d'avoir commis des crimes d'arrestations illégales et séquestration de personnes prévus et réprimés par les articles 341 et 343, alinéas 1 et 2, du Code pénal ainsi que le délit connexe d'association de malfaiteurs prévu et réprimé par l'article 265 du même Code ; qu'il qualifie ces infractions ;
Attendu, en cet état, que le dispositif d'un arrêt devant être interprété par les motifs auxquels il s'unit entièrement et dont il est la conséquence, le défaut de concordance entre ce dispositif et les motifs résulte à l'évidence d'une erreur matérielle pouvant être réparée par la procédure prévue par les articles 710 et 711 du Code de procédure pénale et ne saurait entraîner ouverture à cassation ;
Qu'ainsi le moyen n'est pas fondé ;
Et attendu que la chambre d'accusation était compétente ; qu'il en est de même de la cour d'assises devant laquelle les demandeurs ont été renvoyés ; que la procédure est régulière et que les faits, objet de l'accusation principale, sont qualifiés crime par la loi ;
REJETTE les pourvois.