La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

24/10/1989 | FRANCE | N°88-80793

France | France, Cour de cassation, Chambre criminelle, 24 octobre 1989, 88-80793


REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre des appels correctionnels, en date du 1er décembre 1987 qui, pour complicité de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine, ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et à 30 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire per

sonnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de la...

REJET du pourvoi formé par :
- X...,
contre l'arrêt de la cour d'appel de Colmar, chambre des appels correctionnels, en date du 1er décembre 1987 qui, pour complicité de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe de personnes à raison de leur origine, ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, l'a condamné à 2 mois d'emprisonnement avec sursis et à 30 000 francs d'amende ainsi qu'à des réparations civiles.
LA COUR,
Vu le mémoire personnel produit ;
Sur le premier moyen de cassation pris de la violation de la règle non bis in idem ;
Attendu que pour déclarer X... coupable de complicité de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales, la cour d'appel relève qu'il est reproché au prévenu d'avoir fait paraître sous sa signature dans le numéro 89 / 1987 du périodique mensuel Nouvelle Voix d'Alsace-Lorraine Neue Stimme daté de février-mars 1987 un article en langue allemande qui était la reproduction, après traduction, du texte en langue française publié dans le numéro 83 / 1986 de février-mars 1986 du même périodique sur le fondement duquel la cour d'appel de Colmar l'a condamné à la peine de 10 000 francs d'amende pour provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciales par arrêt du 16 janvier 1987 ; que X... n'a voulu tenir aucun compte de cette décision ; que le fait qu'il se soit pourvu en cassation contre celle-ci, ne l'autorisait nullement à réitérer l'infraction ;
Attendu qu'en statuant ainsi, les juges n'ont pas encouru le grief du moyen ; qu'en effet, le fait de publication étant l'élément par lequel les délits de presse sont consommés, toute reproduction dans un écrit périodique rendu public d'un texte déjà publié, quelle que soit la langue dans laquelle il est rédigé, est constitutive d'une nouvelle infraction ; que dès lors les faits réitérés sont susceptibles de nouvelles poursuites indépendamment de celles qui ont été exercées à la suite de la première publication ; que le moyen n'est pas fondé ;
Sur le deuxième moyen de cassation pris de la violation des articles 24, dernier alinéa, de la loi du 29 juillet 1881, 593 du Code de procédure pénale,
Attendu qu'il appert de l'arrêt attaqué que X... a été poursuivi à la suite de la publication d'un article repris en entier dans la citation introductive d'instance tant dans son texte d'origine que dans sa traduction française et retenu à raison des passages suivants : " les juges du Moyen-Age se trouvaient par rapport aux agissements du diable, du lieu de réunion des sorcières et d'autres idioties dans la même situation que nos juges " éclairés " du 20e siècle par rapport aux chambres à gaz ", ils devaient y croire sans cela ils aboutissaient eux-mêmes sur le bûcher. Ceci Y... le sait et également comment on fait plier des juges... On prend le juif Alain Z... et Roland Y... (Z... a indiqué que Y... n'était pas juif. L'ancien juif et avocat Joseph A... et d'autres déclaraient qu'il était juif. Y... a indiqué lui-même que sa mère était allemande et que son nom était celte). Ils nous ont reproché le 4 octobre devant la 2e chambre correctionnelle de Strasbourg de ne pas croire au gazage de 6 millions de juifs. Z... n'y croit pas lui-même... Mais peut-être Y... et sûrement beaucoup d'autres personnes, juifs et non juifs. L'affirmation des sionistes est contestée et traitée de mensonges... Nous nous tenions jusqu'à présent objectivement au-dessus de cette querelle que les sionistes, sous la conduite d'Israël, mènent contre des historiens, américains, français et allemands. Mais maintenant que nous avons été condamnés injustement sans doute par germanophobie dans cette affaire, nous prenons parti contre les sionistes. Ceux-ci n'ont présenté jusqu'à aujourd'hui aucune preuve contre les historiens. La vérité doit vaincre. Nous constatons avec plaisir que les juifs comme J. G. G..., Haus H... et d'autres luttent aussi contre la folie raciste et les mensonges des sionistes et se trouvent dans le camp des historiens... Nous ne comptons pas Z... et Y... parmi les sionistes honnêtes et nous serons très surpris s'ils défendaient leur foi dans notre publication " ;
Attendu que pour retenir X... dans les liens de la prévention, les juges déclarent que si celui-ci s'efforce de faire une distinction entre les sionistes adeptes d'une certaine doctrine et les juifs, il se dégage de l'ensemble du texte incriminé une impression de haine et de mépris à l'égard d'Alain Z... et de Roland Y... que l'article range parmi ceux qui lui reprochent de ne pas croire à l'extermination dans les chambres à gaz de millions de juifs ; que ce n'est pas innocemment que l'auteur fait précéder le nom des personnes citées du qualificatif juif et accuse les sionistes de mensonge ; que la cour d'appel énonce encore qu'un tel écrit visant nommément des personnes et à travers elles tous les juifs pensant comme elles est bien de nature à provoquer à la discrimination, à la haine ou à la violence à leur égard à raison de leur appartenance à une race ou à une religion déterminée ;
Attendu qu'en l'état de ces constatations et énonciations, c'est sans insuffisance ni contradiction que les juges ont caractérisé à l'encontre du demandeur le délit de complicité de provocation prévu et réprimé par l'article 24, dernier alinéa, de la loi du 29 juillet 1881 ;
D'où il suit que le moyen doit être écarté ;
Sur le troisième moyen de cassation pris de la violation de l'article 55 du Code pénal ;
Attendu qu'il résulte de l'arrêt attaqué que X..., à raison de l'article susvisé, et C..., à raison d'une lettre publiée, comme l'autre écrit, dans le numéro 87 / 1987 du périodique mensuel Nouvelle Voix d'Alsace-Lorraine, ont été cités comme complices de D..., considéré comme auteur principal du délit de provocation à la discrimination, à la haine ou à la violence raciale, en sa qualité de directeur de publication dudit périodique, que ce dernier n'ayant pu être assigné, X... et C... ont été condamnés, outre des peines individuelles, à payer solidairement à chacune des trois parties civiles une somme de 1 000 francs en application de l'article 475-1 du Code de procédure pénale et à supporter les frais de la publication, par extrait, de l'arrêt de condamnation dans le prochain numéro de la Nouvelle Voix d'Alsace-Lorraine ainsi que dans le quotidien les Dernières Nouvelles d'Alsace ;
Attendu que, loin de méconnaître les dispositions de l'article 55 du Code pénal, les juges en, ont fait, au contraire, l'exacte application ; que le demandeur et l'auteur de l'autre écrit incriminé ayant concouru à la commission du délit prévu à l'article 24, dernier alinéa, de la loi sur la liberté de la presse, par le moyen du fait de publication imputé au directeur de publication, ils ont encouru la même responsabilité que l'auteur principal quand bien même celui-ci n'aurait pas été personnellement poursuivi ; que les complices condamnés pour un même délit sont, selon les dispositions légales susvisées, tenus solidairement des restitutions ainsi que des dommages-intérêts ;
Que dès lors le moyen ne saurait être accueilli ;
Sur le quatrième moyen de cassation : (sans intérêt) ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi.


Synthèse
Formation : Chambre criminelle
Numéro d'arrêt : 88-80793
Date de la décision : 24/10/1989
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Criminelle

Analyses

1° PRESSE - Publication - Reproduction d'un écrit déjà publié - Nouvelle infraction.

1° Le fait de publication étant l'élément par lequel les délits de presse sont consommés, toute reproduction dans un écrit rendu public d'un texte déjà publié, quelle que soit la langue dans laquelle il est rédigé, est constitutive d'infraction (1).

2° PRESSE - Responsabilité pénale - Complice - Solidarité - Auteur principal non poursuivi.

2° COMPLICITE - Solidarité - Pluralité de complices - Auteur principal non poursuivi 2° SOLIDARITE - Domaine d'application - Complices - Auteur principal non poursuivi.

2° Encourent la même responsabilité que l'auteur principal, quand bien même celui-ci n'aurait pas été personnellement poursuivi, les auteurs de deux écrits incriminés qui ont concouru à la commission du délit prévu à l'article 24, dernier alinéa, de la loi sur la liberté de la presse par le moyen du fait de publication imputé au directeur de publication (2).


Références :

Code pénal 55
Loi du 29 juillet 1881 art. 24 al.5

Décision attaquée : Cour d'appel de Colmar (chambre correctionnelle), 01 décembre 1987

CONFER : (1°). (1) Cf. A comparer : Chambre criminelle, 1855-12-13 D.P 1856.1.159 ;

Chambre criminelle, 1954-03-02 , Bulletin criminel 1954, n° 94, p. 169 (rejet) ;

Chambre criminelle, 1982-04-27 , Bulletin criminel 1982, n° 102, p. 286 (cassation). CONFER : (2°). (2) Cf. Chambre criminelle, 1965-01-29 , Bulletin criminel 1965, n° 30, p. 63 (rejet).


Publications
Proposition de citation : Cass. Crim., 24 oct. 1989, pourvoi n°88-80793, Bull. crim. criminel 1989 N° 380 p. 916
Publié au bulletin des arrêts de la chambre criminelle criminel 1989 N° 380 p. 916

Composition du Tribunal
Président : Président :M. Berthiau, conseiller doyen faisant fonction
Avocat général : Avocat général :M. Libouban
Rapporteur ?: Rapporteur :M. Dardel

Origine de la décision
Date de l'import : 14/10/2011
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:1989:88.80793
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award