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29/06/2023 | FRANCE | N°23NT00398

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 29 juin 2023, 23NT00398


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités néerlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2216471 du 30 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2023, M. B..., représenté par Me Le Roy, deman

de à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 décembre 2022 ;
...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nantes d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités néerlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Par un jugement n° 2216471 du 30 décembre 2022, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 14 février 2023, M. B..., représenté par Me Le Roy, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 30 décembre 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 2 décembre 2022 ;

3°) d'enjoindre au préfet de Maine-et-Loire de lui délivrer une attestation de demandeur d'asile en procédure normale et, à titre subsidiaire, de procéder à un nouvel examen de sa situation dans les meilleurs délais ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil, qui renonce à percevoir la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle, d'une somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

- l'arrêté de transfert est entaché d'une erreur de fait dans la mesure où il était mineur lors de son passage aux Pays-Bas le 31 mai 2018 ; en indiquant qu'il était majeur à la date de l'arrêté contesté, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes s'est mépris sur son moyen ;

- il n'a pas davantage soulevé le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations de l'article 3.2 du règlement du 26 juin 2013 ;

- cette décision est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; il justifie d'un suivi médical en France pour une pathologie chronique grave ; il bénéficie d'un suivi éducatif en tant que jeune majeur en France et y est scolarisé ; le jugement attaqué qui ne mentionne pas cette situation est insuffisamment motivé ;

- l'arrêté portant assignation à résidence est insuffisamment motivé et révèle un défaut d'examen de sa situation personnelle ;

- l'illégalité de l'arrêté de transfert entache d'illégalité l'arrêté d'assignation à résidence ;

- le préfet a entaché cette décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Par un mémoire en défense, enregistré le 17 mai 2023, le préfet de Maine-et-Loire conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.

Des pièces nouvelles -non communiquées-, enregistrées le 15 juin 2023, ont été produites pour M. B....

M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 17 janvier 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

- le règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991, modifiée, relative à l'aide juridique ;

- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Gélard,

- et les observations de Me Le Roy, représentant M. B....

Une note en délibéré, enregistrée le 16 juin 2023, a été produite pour M. B....

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant marocain, relève appel du jugement du 30 décembre 2022 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 2 décembre 2022 par lequel le préfet de Maine-et-Loire a décidé son transfert aux autorités néerlandaises, responsables de l'examen de sa demande d'asile.

Sur les conclusions à fin d'annulation de l'arrêté de transfert aux autorités néerlandaises :

2. Aux termes de l'article 17 du règlement du 26 juin 2013 : " 1. Par dérogation à l'article 3, paragraphe 1, chaque Etat membre peut décider d'examiner une demande de protection internationale qui lui est présentée par un ressortissant de pays tiers ou un apatride, même si cet examen ne lui incombe pas en vertu des critères fixés dans le présent règlement. / L'Etat membre qui décide d'examiner une demande de protection internationale en vertu du présent paragraphe devient l'Etat membre responsable et assume les obligations qui sont liées à cette responsabilité. (...) ". Il résulte de ces dispositions que si une demande d'asile est examinée par un seul Etat membre et qu'en principe cet Etat est déterminé par application des critères d'examen des demandes d'asile fixés par son chapitre III, dans l'ordre énoncé par ce chapitre, l'application de ces critères est toutefois écartée en cas de mise en œuvre de la clause dérogatoire énoncée au paragraphe 1 de l'article 17 du règlement, qui procède d'une décision prise unilatéralement par un Etat membre. Cette faculté laissée à chaque Etat membre est discrétionnaire et ne constitue nullement un droit pour les demandeurs d'asile. Ces dispositions doivent être appliquées dans le respect des droits garantis par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

3. Il ressort de la fiche d'évaluation de vulnérabilité établie le 25 octobre 2022 par l'Office français de l'immigration et de l'intégration que M. B..., né le 6 mars 2004, a déclaré être hébergé dans une famille d'accueil. L'intéressé justifie en outre de sa prise en charge dans le cadre de plusieurs contrats " jeune majeur ", renouvelés jusqu'au 1er mars 2023. Lors de son entretien individuel, l'intéressé a indiqué qu'il était entré pour la première fois en France en 2014, puis y être revenu en 2019 et en 2021 après avoir séjourné dans plusieurs pays européens. M. B... se prévaut, enfin, d'un certificat établi le 25 novembre 2022 par un médecin addictologue de l'hôpital Saint-Jacques de Nantes attestant qu'il est suivi depuis le 2 août 2021 pour un trouble de l'usage de cannabis, que son état s'améliore depuis un an, qu'il est très investi dans sa prise en charge mais qu'il " nécessite un soutien spécialisé addictologique et psychologique de façon durable et une stabilisation de sa situation sociale ". Le requérant produit également un certificat du 2 décembre 2012, d'un médecin du centre hospitalier Daumézon de Bouguenais indiquant qu'il a été hospitalisé du 21 au 25 octobre 2021 puis du 8 au 19 avril 2022 en raison d'" idées suicidaires " et d'hallucinations. Ce document indique de plus que M. B... est suivi en consultation de manière régulière à rythme trimestriel depuis le 18 octobre 2021 et qu'un traitement antipsychotique lui est prescrit. Au vu de l'ensemble de ces éléments, et compte tenu de la nécessité de ne pas interrompre sa prise en charge mise en place en France eu égard au risque de décompensation psychologique avéré, M. B... établit qu'en ne dérogeant pas aux critères de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande d'asile et en prononçant son transfert aux autorités néerlandaises, le préfet de Maine-et-Loire a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation au regard des dispositions de l'article 17 du règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013. Par suite, l'arrêté contesté doit être annulé à raison de ce motif.

4. Il résulte de ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Nantes a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté préfectoral du 2 décembre 2022 décidant de son transfert aux Pays-Bas.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

5. Compte tenu du motif d'annulation retenu, l'exécution de l'arrêt implique qu'il soit enjoint au préfet de Maine-et-Loire, dans un délai qu'il y a lieu de fixer à un mois, de délivrer à M. B... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale.

Sur les frais liés au litige :

6. M. B... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Son avocate peut ainsi se prévaloir des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991, à la condition de renoncer à la part contributive de l'Etat à l'aide juridictionnelle. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat le versement à Me Le Roy, avocate du requérant, d'une somme de 1 500 euros dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2216471 du tribunal administratif de Nantes en date du 30 décembre 2022 ainsi que l'arrêté du 2 décembre 2022 du préfet de Maine-et-Loire portant transfert de M. B... aux Pays-Bas sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de Maine-et-Loire de délivrer à M. B... une attestation de demandeur d'asile en procédure normale dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par M. B... est rejeté.

Article 4 : L'Etat versera à Me Le Roy, conseil de M. B..., la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative dans les conditions fixées à l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.

Une copie en sera adressée pour information au préfet de Maine-et-Loire.

Délibéré après l'audience du 16 juin 2023 à laquelle siégeaient :

- M. Gaspon, président de chambre,

- M. Coiffet, président-assesseur,

- Mme Gélard, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 29 juin 2023

La rapporteure,

V. GELARDLe président,

O. GASPON

La greffière,

P. BONNIEU

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23NT00398


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23NT00398
Date de la décision : 29/06/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. GASPON
Rapporteur ?: Mme Valérie GELARD
Rapporteur public ?: Mme MALINGUE
Avocat(s) : LE ROY

Origine de la décision
Date de l'import : 10/08/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2023-06-29;23nt00398 ?
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