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14/02/2023 | FRANCE | N°22VE01717

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 4ème chambre, 14 février 2023, 22VE01717


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler le titre de recettes émis à son encontre par la commune de Wissous le 13 mai 2016 pour un montant de 66 158,23 euros correspondant au remboursement de ses indemnités de fonctions en tant que maire de cette commune au titre de la période d'avril 2011 à avril 2014 et, d'autre part, de prononcer la décharge de la somme mise à sa charge. Par un jugement n° 1606331 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a

annulé le titre de recettes n° 42-369 émis le 13 mai 2016 et a déchargé...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... F... a demandé au tribunal administratif de Versailles, d'une part, d'annuler le titre de recettes émis à son encontre par la commune de Wissous le 13 mai 2016 pour un montant de 66 158,23 euros correspondant au remboursement de ses indemnités de fonctions en tant que maire de cette commune au titre de la période d'avril 2011 à avril 2014 et, d'autre part, de prononcer la décharge de la somme mise à sa charge. Par un jugement n° 1606331 du 25 octobre 2018, le tribunal administratif de Versailles a annulé le titre de recettes n° 42-369 émis le 13 mai 2016 et a déchargé M. F... de l'obligation de payer la somme de 66 158,23 euros en résultant.

Par une ordonnance n° 18VE04300 du 22 janvier 2021, le président assesseur de la 2ème chambre de la cour administrative d'appel de Versailles a rejeté l'appel formé par la commune de Wissous contre ce jugement.

Par une décision n° 450937 du 1er juillet 2022, le Conseil d'Etat a, sur pourvoi de la commune de Wissous, annulé cette ordonnance et renvoyé l'affaire devant la cour.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires en réplique enregistrés les 25 décembre 2018, 27 mai 2020 et 6 janvier 2023, la commune de Wissous, représentée par Me Beaulac, avocat, demande à la cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter la demande présentée par M. F... en première instance ;

3° de mettre à la charge de M. F... le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier pour absence de signature, et pour avoir statué ultra petita ;

- le versement des indemnités des élus ne constitue pas une décision créatrice de droit car il se borne à procéder à la liquidation d'une créance née d'une décision antérieure ;

- la délégation de fonction à M. C... est suffisamment claire ;

- cette délégation a été affichée du 6 juillet au 6 septembre 2015 ;

- le titre exécutoire est signé par le maire, ainsi que le bordereau de titres ;

- le titre exécutoire précise les bases de la liquidation et il est accompagné des fiches des indemnités perçues ;

- l'article L.2321-2 du code général des collectivités territoriales mentionnant que les dépenses obligatoires comprennent notamment les indemnités de fonction ne signifie pas que l'émission d'un titre exécutoire méconnaîtrait ces dispositions, émission intervenue en exécution du jugement annulant la délibération du 31 mars 2011;

- il n'y a pas violation du principe de l'égalité de traitement puisque les élus précédents ne se trouvent pas dans la même situation, leurs indemnités ayant été fixées par une autre délibération ;

- il n'y a aucun droit acquis au versement sur le fondement de la précédente délibération compte tenu du changement de circonstances de fait ;

- il n'est pas possible de prendre une nouvelle délibération rétroactive régularisant la situation ;

- il n'y a pas de faute de la commune dès lors que c'est l'ancien maire lui-même qui a donné l'ordre de continuer à verser les indemnités aux élus ;

- il n'est pas possible de moduler le titre de recette dès lors qu'une partie de l'indemnité brute a servi à payer les cotisations.

Par des mémoires en défense enregistrés le 18 novembre 2019 et le 9 décembre 2022, M. F..., représenté par Me Lacroix, avocat, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, le cas échéant au titre de l'effet dévolutif, à l'annulation du titre exécutoire de 66 158,23 euros litigieux, à la décharge de la somme de 66 158,23 euros réclamée et à la mise en cause de la responsabilité pour faute de la commune et à sa condamnation au versement de la somme de 66 158,23 euros en réparation du préjudice subi, à titre subsidiaire, à ce qu'il soit enjoint à la commune de Wissous, en application de l'article L. 911-2 du code de justice administrative, de prendre une nouvelle délibération fixant le montant des indemnités de fonctions des élus municipaux pour la période d'avril 2011 à avril 2014, dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, à titre subsidiaire, à ce que la somme due par M. F... soit ramenée à la somme de 52 704,73 euros correspondant au montant net des indemnités perçues par l'intéressé, et, à la mise à la charge de la commune de Wissous du versement de la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme D...,

- les conclusions de Mme Viseur-Ferré, rapporteure publique,

- et les observations de Me Beaulac, représentant la commune de Wissous.

Considérant ce qui suit :

1.Par un jugement n° 1104898 du 3 juillet 2014 non frappé d'appel, le tribunal administratif de Versailles, saisi sur déféré du préfet de l'Essonne, a annulé la délibération du conseil municipal de la commune de Wissous du 31 mars 2011 décidant le versement des indemnités de fonctions aux élus et en fixant les montants bruts mensuels, respectivement, à 1 829,04 euros pour le maire de la commune, à 609,68 euros pour les sept adjoints au maire et à 207,48 euros pour les dix conseillers municipaux bénéficiant d'une délégation de fonctions. A la suite de ce jugement, le maire de la commune de Wissous a émis, le 13 mai 2016, le titre exécutoire n° 42-369 mettant à la charge de M. F... la somme de 66 158,23 euros au titre du remboursement de ses indemnités de fonctions perçues de 2011 à 2014 en tant que maire de la commune de Wissous. Le tribunal administratif de Versailles a annulé ce titre exécutoire à la demande de M. F.... Le Conseil d'Etat a cassé l'ordonnance de la cour administrative d'appel de Versailles rejetant l'appel de la commune de Wissous formé contre le jugement du tribunal et a renvoyé l'affaire devant la cour.

Sur la régularité du jugement :

2. Pour annuler le titre exécutoire émis le 13 mai 2016, le tribunal administratif s'est fondé sur le caractère créateur de droit de la délibération du 31 mars 2011 fixant les indemnités de fonction des élus alors que ce moyen, qui n'est pas d'ordre public, n'était pas invoqué par M. F... en première instance. Par suite, la requérante est fondée à soutenir que le jugement attaqué, en tant qu'il a retenu ce moyen non invoqué par le demandeur est irrégulier. Il y a lieu par suite de l'annuler sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen d'irrégularité invoqué.

3. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. F... devant le tribunal administratif de Versailles.

Sur le titre exécutoire émis le 13 mai 2016 :

4. En premier lieu, aux termes du 4° l'article L.1617-5 du code général des collectivités territoriales alors en vigueur : " (...) En application de l'article L. 111-2 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours./Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation. "

5. Il résulte de l'instruction que le titre exécutoire mentionne comme émetteur, M. B... C..., maire adjoint chargé des finances et que le bordereau de titres de recettes est signé par M. E..., maire de la commune. La circonstance, au demeurant non établie, que M. C... n'aurait pas eu compétence pour émettre le titre de recette est sans incidence sur sa légalité dès lors que le bordereau de titres de recettes, seul document devant être signé, porte la signature du maire de la commune.

6. En deuxième lieu, aux termes de l'article 24 du décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " Dans les conditions prévues pour chaque catégorie d'entre elles, les recettes sont liquidées avant d'être recouvrées. La liquidation a pour objet de déterminer le montant de la dette des redevables. (...) / Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation ". En application de ce principe, une collectivité territoriale ne peut mettre en recouvrement une créance sans indiquer, soit dans le titre lui-même, soit par référence précise à un document joint à l'état exécutoire ou précédemment adressé au débiteur les bases et les éléments de calcul sur lesquels elle se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge des redevables.

7. En l'espèce, le titre litigieux indique précisément, comme objet de la créance, le " remboursement d'indemnités de 2011 à 2014 suite au jugement du 19 juin 2014 " et il n'est pas contesté qu'il était accompagné de toutes les fiches des indemnités perçues durant la période en cause. Ces indications étaient suffisantes pour comprendre l'objet de la créance et le montant réclamé. Le moyen tiré du défaut d'indication des bases de liquidation doit, par suite, être écarté.

8. En troisième lieu, l'article L. 2123-17 du code général des collectivités territoriales dispose : "Sans préjudice des dispositions du présent chapitre, les fonctions de maire, d'adjoint et de conseiller municipal sont gratuites." Aux termes de l'article L. 2123-20 du même code, dans sa rédaction alors en vigueur : "- I. - Les indemnités maximales pour l'exercice des fonctions de maires et adjoints au maire des communes, de conseillers municipaux des communes de 100 000 habitants et plus, de présidents et membres de délégations spéciales faisant fonction d'adjoint sont fixées par référence au montant du traitement correspondant à l'indice brut terminal de l'échelle indiciaire de la fonction publique. " . Aux termes de l'article L.2123-20-1 du même code: " I. - Lorsque le conseil municipal est renouvelé, les indemnités de ses membres, à l'exception de l'indemnité du maire, sont fixées par délibération. Cette délibération intervient dans les trois mois suivant l'installation du conseil municipal. ". Enfin, aux termes de l'article L.2321-2 du même code dans sa version en vigueur : "Les dépenses obligatoires comprennent notamment (...)3° Les indemnités de fonction prévues à l'article L. 2123-20, les cotisations au régime général de la sécurité sociale en application de l'article L. 2123-25-2, les cotisations aux régimes de retraites en application des articles L. 2123-27 et L. 2123-28, les cotisations au fonds institué par l'article L. 1621-2ainsi que les frais de formation des élus mentionnés à l'article L. 2123-14 ; "

9. Si le versement d'indemnités de fonction nécessite au préalable une délibération du conseil municipal, il ne résulte pas de ces dispositions, eu égard au principe de gratuité des fonctions énoncé à l'article L. 2123-17 précité, que le versement d'indemnités de fonction serait de droit pour les élus. Par suite, M. F... ne peut utilement soutenir qu'il aurait droit à des indemnités dès lors qu'il a effectivement exercé ses fonctions, que leur versement constituerait une dépense obligatoire pour la commune, ni que la commune aurait dû prendre une nouvelle délibération à portée rétroactive afin de régulariser sa situation.

10. En quatrième lieu, si M. F... soutient que le tire exécutoire méconnaît le principe d'égalité de traitement des élus dans le temps par rapport à ceux ayant accompli leur mandat avant ou après lui, il ne résulte pas de l'instruction que les délibérations fixant le montant des indemnités de fonction pour ses prédécesseurs et ses successeurs auraient également été annulées et qu'ils de trouveraient ainsi dans la même situation juridique, de versement d'indemnités de fonction sans base légale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.

11. En cinquième lieu, F... ne peut se prévaloir du caractère créateur de droits de la délibération du 31 mars 2011, laquelle doit être réputée n'être jamais intervenue du fait de son annulation par un jugement définitif du tribunal administratif de Versailles du 3 juillet 2014.

12. En revanche, ainsi que le soutient M. F..., l'annulation de la délibération du 31 mars 2011 a eu pour effet de faire revivre les délibérations antérieures des 2 avril et 19 mai 2008 fixant le montant des indemnités de fonction des élus, sans qu'y fasse obstacle la circonstance alléguée par la commune que deux adjoints municipaux auraient quitté leurs fonctions et que des délégations de fonctions auraient été abrogées pour des conseillers municipaux, dès lors qu'aucune disposition législative ou règlementaire n'imposait de prendre une nouvelle délibération, le conseil municipal n'ayant pas été renouvelé. Par suite, M. F... est fondé à soutenir que le montant du titre exécutoire contesté correspondant à l'intégralité des indemnités perçues au cours au cours de la période d'avril 2011 à avril 2014 est illégal en ce qu'il excède le montant des indemnités de fonction auxquelles l'intéressé avait droit en application de la délibération du 2 avril 2008.

13.Par ailleurs, la commune de Wissous ne conteste pas que le titre exécutoire contesté prend en compte les indemnités de fonction brutes, incluant les diverses cotisations obligatoires versées aux organismes sociaux. M. F... est par suite fondé à demander à ce que le titre exécutoire soit annulé en tant qu'il met à sa charge un montant supérieur aux indemnités de fonction nettes qu'il aurait perçues au cours de la période en cause.

Sur les conclusions indemnitaires :

14. En premier lieu, M. F... soutient que la commune était tenue de prendre une nouvelle délibération régularisant sa situation à la suite de l'annulation par le tribunal administratif de la délibération du 31 mars 2011. Toutefois, une telle délibération ayant pour objet de régulariser rétroactivement le versement des indemnités de fonction aurait été entachée de rétroactivité illégale. Par suite, la commune de Wissous n'a commis aucune faute en s'abstenant de prendre une telle délibération.

15. En second lieu, il résulte de l'instruction que la délibération du 31 mars 2011fixant le montant des indemnités de fonction des élus avait fait l'objet d'observations de la part du sous-préfet de Palaiseau dans le cadre de son contrôle de légalité par courrier du 4 avril 2011 demandant de la rapporter compte tenu du dépassement de l'enveloppe globale de la commune pour les indemnités de fonction. M. F..., alors maire, a répondu par courrier du 29 juin 2011 qu'il souhaitait maintenir cette enveloppe. Dans ces conditions, compte tenu du choix de M. F... de maintenir l'illégalité dont il a été informé, il n'est pas fondé à soutenir que la commune de Wissous aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité à son égard. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée par la commune de Wissous en défense, les conclusions indemnitaires présentées par M. F... doivent être rejetées.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

16. L'exécution du présent arrêt n'implique pas nécessairement d'enjoindre à la commune de Wissous de prendre une nouvelle délibération fixant le montant des indemnités de fonction des élus municipaux pour la période d'avril 2011 à avril 2014. Les conclusions aux fins d'injonction présentées par M. F... doivent par conséquent être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède que le titre exécutoire émis à l'encontre de M. F... doit être annulé en tant qu'il excède le montant des indemnités de fonction nettes qu'il aurait perçues sur le fondement de la délibération du 2 avril 2008.

Sur les frais liés au litige :

18. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'une ou l'autre des parties, une somme à verser au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1606331 du 25 octobre 2018 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Le titre exécutoire émis le 16 mai 2016 par la commune de Wissous est annulé en tant qu'il excède le montant des indemnités de fonction nettes que M. F... aurait perçues sur le fondement de la délibération du 2 avril 2008.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la commune de Wissous est rejeté.

Article 4 : Le surplus des conclusions présentées par M. F... est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Wissous et à M. A... F....

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

M. Brotons, président,

Mme Le Gars, présidente assesseure,

Mme Bonfils, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 février 2023.

La rapporteure,

A.-C. D...Le président,

S. BROTONS La greffière,

S. de SOUSA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme

La greffière,

N°22VE01717 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 22VE01717
Date de la décision : 14/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. BROTONS
Rapporteur ?: Mme Anne-Catherine LE GARS
Rapporteur public ?: Mme VISEUR-FERRÉ
Avocat(s) : SCP JEAN-PHILIPPE CASTON

Origine de la décision
Date de l'import : 19/02/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2023-02-14;22ve01717 ?
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