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21/03/2023 | FRANCE | N°22BX02053

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 21 mars 2023, 22BX02053


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103089 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022, M. C..., repr

senté par Me Bonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103089 du tribunal admini...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Poitiers d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 par lequel la préfète de la Vienne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2103089 du 31 mars 2022, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 19 juillet 2022, M. C..., représenté par Me Bonneau, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103089 du tribunal administratif de Poitiers du 31 mars 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 28 octobre 2021 de la préfète de la Vienne ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Vienne de lui délivrer un titre de séjour mention " vie privée et familiale ", dans un délai de quinze jours à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 150 euros par jour de retard, ou à défaut de procéder au réexamen de sa situation, dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et de lui délivrer dans l'attente, sous 48 heures à compter de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 150 euros par jour de retard, une autorisation provisoire de séjour ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des articles 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle et L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

Sur la régularité du jugement du 31 mars 2022 :

- le principe du contradictoire a été méconnu dès lors que le tribunal n'a pas communiqué le premier mémoire en défense de la préfecture, daté du 21 mars 2022, sur lequel il s'est pourtant fondé ;

Sur la légalité de l'arrêté du 28 octobre 2021 :

En ce qui concerne l'arrêté dans son ensemble :

- il a été pris par une autorité incompétente ;

En ce qui concerne le refus de séjour :

- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;

- elle a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors que :

- il n'est pas établi que le médecin auteur du rapport médical transmis à l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a rendu son avis en application des dispositions du 11°) de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en vigueur à la date de la décision attaquée ;

- le caractère collégial de la délibération du collège des médecins de l'OFII n'est pas établi ;

- les signatures étant illisibles, il n'est pas établi que l'avis a été signé par chacun des 3 médecins composant le collège ;

- la décision est entachée d'erreur de droit en ce que la préfète s'est estimée liée par l'avis du collège des médecins de l'OFII ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile à défaut pour la préfète d'avoir saisi la commission du titre de séjour ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est illégale du fait de l'illégalité de la décision de refus de séjour sur laquelle elle se fonde ;

- elle est insuffisamment motivée ;

- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle méconnaît les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

En ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi :

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par ordonnance du 16 décembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 17 février 2023.

Un mémoire a été présenté pour la préfète de la Vienne, enregistré postérieurement à la clôture d'instruction, le 22 février 2023, et n'a pas été communiqué.

M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du 30 juin 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien né le 5 décembre 1986, est entré en France le 20 août 2013, d'après ses déclarations. Il a sollicité le bénéfice de l'asile, demande qui a fait l'objet d'une décision de rejet de l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (OFPRA) le 29 mai 2015, décision confirmée par la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) le 29 août 2016. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français et s'est soustrait à deux mesures d'éloignement qu'il a contestées par des recours rejetés par le tribunal administratif de Poitiers et la cour administrative d'appel de Bordeaux. Il a obtenu par la suite une carte de séjour temporaire à raison de son état de santé, valable du 28 février 2020 au 27 février 2021. Le 15 février 2021, il a sollicité le renouvellement de cette carte ainsi que la délivrance d'une carte de séjour " vie privée et familiale " sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par arrêté du 28 octobre 2021, la préfète de la Vienne a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. C... relève appel du jugement du 31 mars 2022 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement du 31 mars 2022 :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : " L'instruction des affaires est contradictoire. (...). ". Aux termes de l'article R. 611-1 du code de justice administrative : " La requête et les mémoires, ainsi que les pièces produites par les parties, sont déposés ou adressés au greffe. La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes dans les conditions prévues aux articles R. 611-2 à R. 611-6. Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux. ". Aux termes de l'article R. 613-3 du code de justice administrative : " Les mémoires produits après la clôture de l'instruction ne donnent pas lieu à communication et ne sont pas examinés par la juridiction (...) ". Lorsque, postérieurement à la clôture de l'instruction, le juge est saisi d'une production, d'un mémoire ou d'une pièce, émanant d'une partie à l'instance, il lui appartient de prendre connaissance de cette production pour déterminer s'il y a lieu de rouvrir l'instruction afin de la soumettre au débat contradictoire et de pouvoir en tenir compte dans le jugement de l'affaire. S'il s'abstient de rouvrir l'instruction, le juge doit se borner à viser la production sans l'analyser et ne peut la prendre en compte sans entacher sa décision d'irrégularité.

3. Il ressort des pièces du dossier de première instance que le premier mémoire en défense du préfet de la Vienne a été produit le 21 mars 2022, postérieurement à la clôture d'instruction intervenue le 24 février 2022. Le tribunal administratif de Poitiers, qui n'a pas communiqué ce mémoire à M. C..., l'a visé sans l'analyser. Cependant, il ressort du jugement contesté que les premiers juges ne se sont pas fondés sur des éléments de droit ou de fait qui n'auraient été contenus que dans ce mémoire et que M. C... n'aurait pas eu la possibilité de discuter. Par suite, le moyen tiré de ce que la procédure suivie devant les premiers juges aurait été conduite en méconnaissance du caractère contradictoire doit être écarté.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

4. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2- Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Aux termes de l'article L.423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui n'entre pas dans les catégories prévues aux articles L. 423-1, L. 423-7, L. 423-14, L. 423-15, L. 423-21 et L. 423-22 ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, et qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine. / L'insertion de l'étranger dans la société française est évaluée en tenant compte notamment de sa connaissance des valeurs de la République. ".

5. M. C... est célibataire sans charge de famille et n'établit pas être dépourvu d'attaches familiales dans son pays d'origine où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-sept ans. S'il se prévaut de la durée de sa présence en France, elle est consécutive à l'examen de sa demande d'asile puis à son maintien en séjour irrégulier sur le territoire français, et ce alors même qu'il a fait l'objet de deux mesures d'éloignement en 2016 et 2018 qu'il n'a pas exécutées, puis à l'obtention d'un titre de séjour en qualité d'étranger malade valable un an et au temps d'examen de sa demande de renouvellement, ce qui ne lui donne pas vocation à rester durablement en France. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, et notamment des deux certificats médicaux datés des 12 octobre et 16 novembre 2021, que la mère de M. C..., Mme B..., présente également sur le territoire français et hébergée par ce dernier, souffre d'un cancer du pancréas, pour lequel elle a été opérée en juillet 2020, nécessitant une chimiothérapie adjuvante et un suivi spécialisé par le pôle cancérologie du centre hospitalier universitaire de Poitiers. Son médecin traitant indique que ces divers traitements ont entrainé une polyneuropathie des membres inférieurs et qu'elle présente un lourd handicap et une invalidité supérieure ou égale à 80%, nécessitant la présence indispensable de son fils pour tous les actes de la vie quotidienne. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier qu'à la date de la décision contestée, elle était titulaire d'un récépissé valable jusqu'au 11 avril 2022 de demande de renouvellement de son titre de séjour délivré à raison de son état de santé, qui avait expiré le 15 septembre 2021. Par suite, dans les circonstances très particulières de l'espèce, et en l'absence d'autres éléments relatifs notamment à la situation administrative de Mme B..., la préfète de la Vienne a, en refusant le titre de séjour sollicité par M. C..., porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a prise et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. C... est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Poitiers a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 28 octobre 2021 de la préfète de la Vienne.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Eu égard au motif d'annulation retenu, il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, d'enjoindre au préfet de la Vienne de délivrer à M. C... une carte de séjour mention " vie privée et familiale " dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt sans qu'il y ait lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.

Sur les frais liés au litige :

8. M. C... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle. Par suite, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à Me Bonneau.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 31 mars 2022 est annulé.

Article 2 : L'arrêté du 28 octobre 2021 de la préfète de la Vienne est annulé.

Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Vienne de délivrer une carte de séjour mention " vie privée et familiale " à M. C... dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 4 : L'Etat versera à Me Bonneau la somme de 1 200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, ce versement emportant renonciation à percevoir les sommes correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au préfet de la Vienne.

Délibéré après l'audience du 28 février 2013 à laquelle siégeaient :

M. Luc Derepas, président de la cour,

Mme Elisabeth Jayat, présidente de la 5ème chambre,

Mme Héloïse Pruche-Maurin, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.

La rapporteure,

Héloïse D...

Le président,

Luc Derepas

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°22BX02053


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22BX02053
Date de la décision : 21/03/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. le Pdt. DEREPAS
Rapporteur ?: Mme Héloïse PRUCHE-MAURIN
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : BONNEAU

Origine de la décision
Date de l'import : 14/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-03-21;22bx02053 ?
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