LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, a rendu l'arrêt suivant :
N° G 22-82.343 F-B
N° 00336
GM
21 MARS 2023
CASSATION
M. BONNAL président,
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 21 MARS 2023
La société [1] a formé un pourvoi contre l'arrêt de la cour d'appel de Cayenne, chambre correctionnelle, en date du 24 février 2022, qui, pour infractions au code de l'environnement, l'a condamnée à 100 000 euros d'amende avec sursis et a prononcé sur les intérêts civils.
Des mémoires, en demande et en défense, ainsi que des observations complémentaires ont été produits.
Sur le rapport de M. Samuel, conseiller, les observations de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société [1], les observations de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de l'Office national des forêts et les conclusions de M. Aldebert, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 février 2023 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Samuel, conseiller rapporteur, Mme Ingall-Montagnier, conseiller de la chambre, et M. Maréville, greffier de chambre,
la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée en application de l'article 567-1-1 du code de procédure pénale, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Il résulte de l'arrêt attaqué et des pièces de procédure ce qui suit.
2. A l'issue d'une opération conduite par l'Office national des forêts (ONF), la société [1], qui bénéficie de l'autorisation d'exploitation d'une mine aurifère sur le territoire de la commune de [Localité 2] (Guyane), a été poursuivie devant le tribunal correctionnel des chefs, d'une part, de déversement de substance nuisible dans les eaux souterraines, superficielles ou de la mer, d'autre part, de rejet en eau douce ou pisciculture de substance nuisible au poisson ou à sa valeur alimentaire.
3. Les juges du premier degré l'ont déclarée coupable et ont prononcé sur les intérêts civils en allouant notamment diverses sommes à l'ONF à titre de dommages-intérêts.
4. La prévenue et l'ONF ont relevé appel de cette décision.
Examen des moyens
Sur le troisième moyen
Enoncé du moyen
5. Le moyen critique l'arrêt en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité tirée de l'absence d'information du procureur de la République, alors « que le non-respect, par un agent mentionné à l'article L. 172-4 du code de l'environnement, de la formalité prévue par l'article L. 172-5 du même code consistant à informer le procureur de la République avant d'accéder, en vue d'y rechercher et constater des infractions, aux établissements, locaux professionnels et installations dans lesquels sont réalisées des activités de production, de fabrication, de transformation, d'utilisation, de conditionnement, de stockage, de dépôt, de transport ou de commercialisation fait nécessairement grief au prévenu dès lors que le procureur de la République aurait pu s'opposer à cet accès ; qu'en retenant, pour rejeter l'exception de nullité tirée du non-respect de l'information préalable du procureur de la République, que cette obligation d'information n'est assortie d'aucune sanction et qu'aucun grief n'est invoqué par la prévenue, la cour d'appel a méconnu les articles 6 de la Convention européenne, L. 172-5 du code de l'environnement, 802, 591 et 593 du code de procédure pénale. »
Réponse de la Cour
Vu l'article L. 172-5, alinéas 2 et 3, du code de l'environnement :
6. Il résulte de ce texte que le non-respect, par un fonctionnaire ou agent mentionné à l'article L. 172-4 du même code, de l'obligation d'informer préalablement le procureur de la République, qui peut s'y opposer, de son accès aux établissements, locaux professionnels ou installations entrant dans ses prévisions affecte nécessairement la validité des actes effectués par ce fonctionnaire ou agent.
7. Pour écarter la demande d'annulation du procès-verbal par lequel un agent de l'ONF a constaté les infractions poursuivies, faute pour ce dernier d'avoir informé préalablement le procureur de la République de son accès aux installations de l'exploitation minière de la société [1], l'arrêt attaqué énonce que cette obligation d'information n'est assortie d'aucune sanction, que l'agent concerné n'a procédé à aucune investigation coercitive, qu'il n'a fait qu'user du droit qu'il tient des articles L. 172-5, L. 216-3 et L. 437-1 du code de l'environnement de procéder, suite au relevé d'indices faisant présumer la commission d'infractions, à un contrôle puis à une analyse de turbidité et à des prélèvements, et qu'aucun grief n'est invoqué.
8. En statuant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé et le principe ci-dessus énoncé.
9. La cassation est par conséquent encourue de ce chef.
PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu d'examiner les autres moyens de cassation proposés, la Cour :
CASSE et ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Cayenne, en date du 24 février 2022, et pour qu'il soit à nouveau jugé, conformément à la loi ;
RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel de Cayenne autrement composée, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ;
DIT n'y avoir lieu à application de l'article 618-1 du code de procédure pénale ;
ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Cayenne et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé.
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en son audience publique du vingt et un mars deux mille vingt-trois.