Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La préfète de l'Aude a déféré devant le tribunal administratif de Montpellier comme prévenu d'une contravention de grande voirie M. B... A... sur le fondement d'un procès-verbal du 27 février 2020 constatant l'occupation sans droit ni titre d'un terrain, d'un bâtiment à usage d'habitation et d'un garage sur la parcelle cadastrée section KL n°6, sise chemin rural n° 142 de la chaussée de Mandirac à Narbonne appartenant au domaine public maritime.
Par un jugement n° 2003353 du 23 septembre 2021, le tribunal administratif de Montpellier a condamné M. A... au paiement d'une amende de 500 euros et lui a enjoint, s'il ne l'a pas fait, de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, à la démolition de l'ensemble des ouvrages présents sur la parcelle cadastrée section KL n° 6, sise chemin rural n° 142 de la chaussée de Mandirac à Narbonne, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration dudit délai.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 novembre 2021 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille, puis le 1er mars 2022 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse, M. A..., représenté par Me Bégué, doit être regardé comme demandant à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Montpellier du 23 septembre 2021 ;
2°) à titre principal, de le relaxer des poursuites engagées à son encontre ;
3°) à titre subsidiaire, de le condamner à une amende n'excédant pas 50 euros et de ne pas lui enjoindre de remettre en état les lieux.
Il soutient que :
- la preuve de la contravention de grande voirie reprochée n'est pas rapportée dès lors que le procès-verbal de contravention de grande voirie comporte une date d'établissement du procès-verbal différente de celle de la constatation des faits et qu'il articule les faits reprochés de façon insuffisamment précise ;
- le montant de l'amende est excessif ; d'une part, les lieux avaient été évacués à la date du jugement attaqué ; d'autre part, sa situation financière est précaire et il présente de graves soucis de santé ; sa demande de logement social n'a été accueillie que le 5 mai 2021 ;
- il n'est pas à l'origine des travaux d'aménagement et ne peut, en conséquence, être amené à démolir les ouvrages réalisés ; il a restitué les clés de l'immeuble le 9 juin 2021 et n'avait donc plus accès à la propriété pour procéder à sa démolition.
Par un mémoire en défense, enregistré le 23 novembre 2022, le ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le procès-verbal de contravention de grande voirie comporte les indications suffisantes pour parfaitement identifier les ouvrages litigieux, le contrevenant et les dispositions enfreintes du code général de la propriété des personnes publiques ; un tel procès-verbal fait foi jusqu'à preuve du contraire ;
- il appartient au juge de fixer le montant des amendes dues compte tenu des circonstances de l'affaire, dans la limité des taux fixés par les textes applicables ; l'amende prononcée par les premiers juges ayant été fixée au tiers de celle maximale encourue par le contrevenant, l'appelant ne peut soutenir qu'il n'a pas été tenu compte de sa situation personnelle ;
- même si l'appelant n'a pas construit les ouvrages litigieux, il doit être regardé comme en être le gardien ; à ce titre, il doit prendre toutes dispositions pour faire cesser l'atteinte au domaine public ; il n'est pas établi qu'il aurait procédé à la démolition de la construction entreprise.
Par une ordonnance du 25 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 27 décembre 2022 à 12 heures.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 13 janvier 2022.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la propriété des personnes publiques ;
- le code pénal ;
- le décret n° 2003-172 du 25 février 2003 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Karine Beltrami, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Françoise Perrin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... occupait à Narbonne la parcelle cadastrée section KL n° 6 sise au n° 142 du chemin rural de la chaussée de Mandirac. Ce tènement foncier d'une superficie de 760 m², situé en bordure de l'étang de Bages-Sigean dans une zone de marais relevant du domaine public maritime, supportait une maison d'habitation d'environ 87 m² d'emprise au sol et un garage d'approximativement 35 m². Un procès-verbal de contravention de grande voirie a été dressé le 27 février 2020 à l'encontre de M. A... constatant, le 18 décembre 2019, l'occupation, sans autorisation, de la parcelle cadastrée section KL n° 6, située sur le domaine public maritime. M. A... relève appel du jugement du 23 septembre 2021 par lequel le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné au paiement d'une amende de 500 euros et lui a enjoint, s'il ne l'a pas fait, de procéder, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce jugement, à la démolition de l'ensemble des ouvrages présents sur la parcelle cadastrée en litige, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à l'expiration dudit délai.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Le juge est tenu de vérifier si les poursuites avaient un fondement légal au moment où a été dressé le procès-verbal de contravention de grande voirie.
3. Aux termes de l'article L. 2122-1 du code général de la propriété des personnes publiques : " Nul ne peut, sans disposer d'un titre l'y habilitant, occuper une dépendance du domaine public d'une personne publique mentionnée à l'article L. 1 ou l'utiliser dans des limites dépassant le droit d'usage qui appartient à tous. (...) ". Cet article qui fixe les règles générales d'occupation du domaine public, n'institue pas une contravention de grande voirie.
4. Aux termes de l'article L. 2132-3 du même code : " Nul ne peut bâtir sur le domaine public maritime ou y réaliser quelque aménagement ou quelque ouvrage que ce soit sous peine de leur démolition, de confiscation des matériaux et d'amende. /Nul ne peut en outre, sur ce domaine, procéder à des dépôts ou à des extractions, ni se livrer à des dégradations ". Cet article institue une contravention de grande voirie au domaine public maritime.
5. Le procès-verbal de contravention de grande voirie cité au point 1 relève l'occupation, sans autorisation, d'un terrain, d'un bâtiment à usage d'habitation et d'un garage implantés sur la parcelle cadastrée section KL n° 6, située sur le domaine public maritime, et non la construction, l'aménagement d'ouvrages sur cette parcelle, ni le dépôt, l'extraction ou des dégradations portées au domaine public maritime. L'appelant conteste, d'ailleurs, avoir entrepris des travaux d'aménagement sur la parcelle en litige et il ne résulte de l'instruction ni qu'il en serait effectivement l'auteur ni même qu'il en serait propriétaire. Dès lors, en l'absence de texte le prévoyant expressément, la seule occupation irrégulière d'une construction déjà édifiée antérieurement sur le domaine public maritime, sans aucune référence, au demeurant, à l'article L. 2132-3 du code général de la propriété des personnes publiques dans le procès-verbal de contravention de grande voirie précité, ne suffisait pas à établir la commission d'une contravention de grande voirie au domaine public maritime. Dans ces conditions, les poursuites étant dépourvues de fondement légal, M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier l'a condamné à payer une amende de 500 euros et à démolir l'ensemble des ouvrages présents sur la parcelle précitée.
Sur les conclusions aux fins de relaxe :
6. Il résulte de ce qui a été dit au point 5 que l'appelant doit être relaxé des fins des poursuites engagées contre lui.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du 23 septembre 2021 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.
Article 2 : M. A... est relaxé aux fins des poursuites engagées à son encontre.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires.
Délibéré après l'audience du 7 mars 2023 à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 mars 2023.
La rapporteure,
K. Beltrami
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 21TL04568