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17/09/2021 | FRANCE | N°21NT00035

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 17 septembre 2021, 21NT00035


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à prendre en charge la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge au centre hospitalier de Lisieux.

Par un jugement n° 1502458 du 27 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 234 840,40 euros.

Procédure devant

la cour avant cassation :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2017 et régularisée...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Caen de condamner l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à prendre en charge la réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de sa prise en charge au centre hospitalier de Lisieux.

Par un jugement n° 1502458 du 27 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné l'ONIAM à lui verser la somme de 234 840,40 euros.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête enregistrée le 3 mars 2017 et régularisée le 6 mars 2017 et des mémoires enregistrés les 21 juin et 4 décembre 2018 Mme A..., représentée par Me Condé, a demandé à la cour :

1°) de réformer ce jugement du tribunal administratif de Caen du 27 décembre 2016 en tant qu'il n'a fait que partiellement droit à ses demandes indemnitaires ;

2°) de condamner l'ONIAM à lui verser la somme totale de 653 368,18 euros et, subsidiairement, d'allouer à son époux une rente annuelle de 18 856 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 2 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutenait notamment que :

- les premiers juges ne pouvaient déduire l'allocation personnalisée d'autonomie des frais d'assistance par une tierce personne au-delà du 30 septembre 2015, dès lors qu'elle avait cessé de percevoir cette allocation après cette date ;

- du fait de l'accident dont elle avait été victime, elle ne pouvait plus s'occuper de son mari handicapé, comme elle le faisait auparavant, et avait dû recourir à une aide extérieure payante.

Par un mémoire enregistré le 15 mai 2018 l'ONIAM, représenté par Me Welsch, a conclu :

1°) au rejet de la requête ;

2°) par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement attaqué en tant qu'il a fixé le montant dû à Mme A... au titre de son besoin d'assistance par une tierce personne à un montant supérieur à 58 889,50 euros au 1er novembre 2016 et en tant qu'il a fixé un capital et non une rente annuelle pour les frais futurs.

Il soutenait que :

- les moyens invoqués par Mme A... à l'appui de sa requête n'étaient pas fondés ;

- le montant indemnisable au titre du besoin d'assistance par une tierce personne devait être calculé après déduction de l'allocation personnalisée d'autonomie et être versé sous la forme d'une rente annuelle pour la période postérieure au 31 octobre 2016.

Par un arrêt n° 17NT00789 du 11 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a ramené à 98 196,99 euros la somme que le tribunal administratif avait condamné l'ONIAM à verser à Mme A..., attribué à cette dernière une rente annuelle de 11 400 euros au titre des frais futurs d'aide par une tierce personne, et rejeté le surplus des conclusions de la requête.

Par une décision n° 428835 du 31 décembre 2020, le Conseil d'Etat a annulé l'arrêt du 11 janvier 2019 " en tant qu'il statue sur la prise en charge des frais occasionnés à Mme A... par l'hospitalisation et l'assistance apportée à M. A... et en tant qu'il statue sur la prise en charge des frais d'assistance par une tierce personne de Mme A... pour la période antérieure à la date de cet arrêt. " et a renvoyé dans cette mesure cette affaire devant la cour.

Procédure devant la cour après cassation :

Par des mémoires enregistrés les 9 février et 22 mars 2021 Mme A..., représentée par Me Condé, demande à la cour :

1°) de mettre à la charge de l'ONIAM les sommes de 111 840,62 euros au titre de son besoin en assistance par une tierce personne pour la période courant du 22 juillet 2010 au

31 décembre 2020 et 183 422,40 euros au titre de la période postérieure à cette date, la somme de 6 086,92 euros au titre des frais d'hospitalisation de son époux et la somme de 175 425,47 euros au titre du besoin en assistance par une tierce personne de son époux ;

2°) subsidiairement, de mettre à la charge de l'ONIAM une rente annuelle de

11 536 euros en lieu et place de la somme de 183 422,40 euros indiquée au point précédent ;

3°) très subsidiairement, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de

90 821,73 euros au titre de son besoin en assistance par une tierce personne du 22 juillet 2010 au 11 janvier 2019 ainsi qu'une rente annuelle de 11 400 euros pour la période postérieure à cette date ;

4°) de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Par un mémoire enregistré le 8 mars 2021, l'ONIAM conclut à ce que les sommes allouées à Mme A... au titre des dépenses engagées pour son mari et de son besoin en assistance par une tierce personne n'excèdent pas les sommes respectives de 125 755,49 euros et 61 494,30 euros.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- et les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

Considérant ce qui suit :

1. Mme A... a subi le 6 avril 2010 une intervention chirurgicale au centre hospitalier de Lisieux pour la pose d'une prothèse totale de la hanche gauche. Elle a été victime à cette occasion d'un accident médical non fautif lui ouvrant droit à l'indemnisation de ses préjudices au titre de la solidarité nationale. Mme A... a accepté les offres d'indemnisation amiable de l'Office nationale d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) pour les postes relatifs aux déficit fonctionnel temporaire, aux souffrances endurées, au préjudice esthétique et au préjudice d'agrément, pour un montant total de 21 850 euros, mais a refusé l'offre qui lui avait été faite par l'Office pour les autres postes de préjudice. Par un jugement du 27 décembre 2016, le tribunal administratif de Caen a condamné l'ONIAM à lui verser la somme totale de 234 840,40 euros. Mme A... et l'ONIAM ont relevé appel de ce jugement. Par un arrêt du 11 janvier 2019, la cour administrative d'appel de Nantes a réformé ce jugement, réduisant à 98 196,99 euros la somme en capital allouée à Mme A..., qu'elle a complétée par une rente annuelle de 11 400 euros. Par une décision n° 428835 du 31 décembre 2020, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé l'arrêt du 11 janvier 2019 " en tant qu'il statue sur la prise en charge des frais occasionnés à Mme A... par l'hospitalisation et l'assistance apportée à M. A... et en tant qu'il statue sur la prise en charge des frais d'assistance par une tierce personne de Mme A... pour la période antérieure à la date de cet arrêt. " Le Conseil d'Etat a renvoyé dans cette mesure devant la cour l'affaire, qui porte désormais le n° 21NT00035.

Sur les préjudices :

En ce qui concerne les frais d'aide par tierce personne liés au handicap de la requérante :

2. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire permettant, dans les circonstances de l'espèce, le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat, sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier.

3. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que le besoin de Mme A... en assistance par une tierce personne non spécialisée est de deux heures par jour depuis le 22 juillet 2010. Sur la base d'une période indemnisable de 3 096 jours, courant jusqu'au 11 janvier 2019, date à partir de laquelle a été versée à Mme A... une rente de 11 400 euros qui n'a pas été remise en cause par la décision du Conseil d'Etat rappelée ci-dessus, d'un taux horaire moyen de rémunération, tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche, fixé à 13,50 euros, et d'une année de 412 jours incluant les congés payés et les jours fériés, le préjudice de Mme A... s'élève à la somme de 94 291,78 euros (2 x 3 096 x 13,50 euros x 1,128). Il convient toutefois de déduire de ce montant la somme de 13 435,77 euros correspondant ainsi que l'indique, sans être contestée, Mme A... dans ses dernières écritures au montant de l'allocation personnalisée d'autonomie perçue du 22 juillet 2010 au 31 décembre 2013 (8 380,20 euros) et du 1er janvier 2014 au 30 septembre 2015 (5 055,57 €). L'indemnité qui doit être mise à la charge de l'ONIAM au titre de ce chef de préjudice s'élève donc à la somme de 80 856 euros.

4. Pour la période postérieure au 11 janvier 2019, date de lecture de l'arrêt de la cour n°17NT00789, Mme A... n'est fondée à demander, au titre de l'aide par tierce personne, ni une revalorisation de l'indemnité en capital ni une augmentation de la rente de 11 400 euros allouée par la cour, dès lors que cette partie de l'arrêt n°17NT00789 est devenue définitive.

En ce qui concerne les frais liés au besoin de prise en charge de l'époux de Mme A... :

5. Il résulte de l'instruction qu'avant l'intervention qu'elle a subie Mme A... prenait soin quotidiennement de son conjoint handicapé et qu'elle est, par suite, en droit d'être indemnisée des frais exposés pour pérenniser cette assistance.

6. Mme A... a droit à ce que l'ONIAM lui rembourse la somme de 6 086,92 euros qu'elle a été amenée à exposer pour faire hospitaliser son époux pendant sa convalescence, somme qui n'est d'ailleurs pas contestée par l'ONIAM.

7. Mme A... ne peut, en revanche, prétendre à être indemnisée à hauteur du besoin théorique en assistance de son époux, évalué à quatre heures par jour par l'expert. Elle a droit, ainsi que l'a formulé le Conseil d'Etat dans sa décision n° 428835 du 31 décembre 2020, au remboursement des " dépenses liées à la nécessité (...) de lui faire assurer une assistance à domicile à titre onéreux. ". Mme A... justifie par la production d'attestations fiscales que le montant total de ces dépenses s'élève à la somme de 63 634 euros. Il est par ailleurs constant que M. A... a perçu, entre le mois d'août 2010 et la date de son décès, survenu le 27 juillet 2018, la somme de 32 535,43 euros au titre de l'allocation personnalisée d'autonomie, qu'il convient de déduire de celle de 63 634 euros. Il y a donc lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 31 098,57 euros au titre des frais exposés par Mme A... pour la prise en charge à titre onéreux de son époux.

8. Il résulte de ce qui précède que la somme de 60 190 euros que le tribunal administratif de Caen a mise à la charge de l'ONIAM au titre des frais liés au handicap de Mme A... doit être portée à 80 856 euros et que celle-ci a également droit à être remboursée par l'Office des frais engagés pour l'assistance de son époux, qui s'élèvent à la somme totale de 37 185,49 euros.

Sur les frais liés au litige :

9. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La somme de 60 190 euros que le tribunal administratif de Caen a mis à la charge de l'ONIAM au titre des frais liés au handicap de Mme A... est portée à 80 856 euros.

Article 2 : L'ONIAM versera à Mme A... la somme de 37 185,49 euros au titre des frais engagés pour l'assistance de son époux.

Article 3 : Le jugement n° 1502458 du tribunal administratif de Caen du 27 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 4 : Le surplus des conclusions de Mme A... est rejeté.

Article 5 : L'ONIAM versera à Mme A... la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A..., à l'ONIAM et à la caisse primaire d'assurance maladie du Calvados.

Délibéré après l'audience du 2 septembre 2021, à laquelle siégeaient :

- Mme Brisson, présidente,

- M. L'hirondel, premier conseiller

- M Catroux, premier conseiller

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 septembre 2021.

Le rapporteur

M. L'hirondelLa présidente

C. Brisson

Le greffier

R. Mageau

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 21NT00035


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 21NT00035
Date de la décision : 17/09/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BRISSON
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : UGGC AVOCATS et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-09-17;21nt00035 ?
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