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11/03/2022 | FRANCE | N°21MA00676

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 1ère chambre, 11 mars 2022, 21MA00676


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL AC Promotions a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le maire de Cuttoli-Corticchiato a, au nom de la commune, refusé de lui délivrer un permis de construire dix-huit logements sur les parcelles cadastrées section A n° 1378 et n° 1384 situées lieu-dit Giaccharello, pour une surface de plancher créée de 1 380 m², ensemble la décision du 12 février 2016 de rejet de son recours gracieux, d'annuler, par la voie de l'exception d'illégalité

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SARL AC Promotions a demandé au tribunal administratif de Bastia d'annuler l'arrêté du 11 décembre 2015 par lequel le maire de Cuttoli-Corticchiato a, au nom de la commune, refusé de lui délivrer un permis de construire dix-huit logements sur les parcelles cadastrées section A n° 1378 et n° 1384 situées lieu-dit Giaccharello, pour une surface de plancher créée de 1 380 m², ensemble la décision du 12 février 2016 de rejet de son recours gracieux, d'annuler, par la voie de l'exception d'illégalité, la délibération du 11 juillet 2006 par laquelle le conseil municipal de Cuttoli-Corticchiato a adopté le plan local d'urbanisme de la commune en tant qu'il classe en zone N la parcelle cadastrée section A n° 1384 et de mettre à la charge de la commune de Cuttoli-Corticchiato une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1600478 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du maire de Cuttoli-Corticchiato du 11 décembre 2015 et la décision du 12 février 2016.

Par un arrêt n° 18MA01249 du 8 juillet 2019, la cour administrative d'appel de Marseille a rejeté l'appel formé par la commune de Cuttoli-Corticchiato contre ce jugement.

Par une décision n° 434335 du 3 février 2021, le Conseil d'Etat, statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire à la cour administrative d'appel de Marseille.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 20 mars 2018, 16 octobre 2018, 9 novembre 2018, 3 juin 2019 et 14 avril 2021, la commune de Cuttoli-Corticchiato, représentée par Me Giovannangeli de la SCP Morelli Maurel et associés, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 janvier 2018 ;

2°) de rejeter la demande de première instance de la société AC Promotions ;

3°) d'annuler l'avis favorable du préfet du 3 décembre 2015 ;

4°) de mettre à la charge de la SARL AC Promotions la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle a régulièrement communiqué copie du jugement attaqué à la cour ;

- le pétitionnaire ne disposait d'aucune qualité lui permettant de déposer régulièrement la demande de permis de construire ;

- la parcelle A 1384 n'est pas constructible ;

- les articles L. 111-1-2 et R. 111-14 du code de l'urbanisme s'opposent à la délivrance du permis de construire ;

- le III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme s'oppose à cette délivrance également ;

- le réseau d'assainissement n'est pas conforme aux préconisations de l'étude hydrogéologique ;

- le maire n'avait pas compétence liée pour accorder le permis sollicité ;

- le projet en litige méconnait les dispositions des articles R. 111-5 et R. 111-2 du code de l'urbanisme, qui peuvent être invoquées par substitution de motif.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 13 septembre 2018 et 6 novembre 2018, la SARL AC Promotions, représentée par Me Don Simoni, conclut au rejet de la requête, à voir déclarer illégale et annuler, par voie d'exception, la délibération du 11 juillet 2006 par laquelle le conseil municipal de Cuttoli-Corticchiato a approuvé son plan local d'urbanisme (PLU), en tant qu'elle classe la parcelle A n° 1384 en zone N, et à ce qu'il soit mis à la charge de la commune de Cuttoli-Corticchiato une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête d'appel est irrecevable dès lors que la commune n'a pas communiqué à la cour le jugement attaqué ;

- le classement de la parcelle A n° 1384 en zone N est illégal, ainsi que la Cour l'a déjà jugé s'agissant de la parcelle A n° 1378 ;

- les moyens soulevés par la commune de Cuttoli-Corticchiato ne sont pas fondés.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à intervenir était susceptible d'être fondé sur des moyens relevés d'office, relative à l'irrecevabilité des conclusions tendant à l'annulation de l'avis conforme du Préfet de Corse en date du 3 décembre 2015 et de déclarer comme illégal et annuler par la voie de l'exception le classement d'une parcelle en zone naturelle.

Un mémoire, enregistré le 17 février 2022, présenté par Me Don Simoni pour la SARL AC Promotions, n'a pas été communiqué en application de l'article R. 611-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

La présidente de la Cour a désigné M. d'Izarn de Villefort pour présider la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Quenette,

- les conclusions de Mme Gougot, rapporteure publique,

- et les observations de Me Giovannangeli représentant la commune de Cuttoli-Corticchiato et de Me Gaudon, substituant Me Don Simoni, représentant la SARL AC Promotions.

Une note en délibéré, présentée par Me Giovannangeli pour la commune de Cuttoli-Corticchiato a été enregistrée le 25 février 2022.

Une note en délibéré, présentée par Me Don Simoni pour la SARL AC Promotions a été enregistrée le 10 mars 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Le 11 juillet 2013, la SARL AC Promotions a déposé en mairie de Cuttoli-Corticchiato une demande de permis de construire dix-huit logements sur les parcelles cadastrées section A n° 1378 et n° 1384, situées lieu-dit Giaccharello pour une surface de plancher créée de 1 380 m². Par un arrêté du 4 octobre 2013, le maire de cette commune a, au nom de celle-ci, refusé de délivrer le permis sollicité. Par le jugement du 1er octobre 2015, le tribunal administratif de Bastia a annulé ce refus et a enjoint à la commune de Cuttoli-Corticchiato de se prononcer à nouveau sur la demande de la société requérante dans un délai de deux mois. Par un arrêté du 11 décembre 2015, le maire de cette commune a, au nom de celle-ci, refusé de délivrer le permis sollicité par cinq motifs. Le maire de Cuttoli-Corticchiato a rejeté le 12 février 2016 le recours gracieux de la société. Par un jugement n° 1600478 du 18 janvier 2018, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du maire de Cuttoli-Corticchiato du 11 décembre 2015 et la décision du 12 février 2016. L'arrêt de la cour administrative d'appel de Marseille du 8 juillet 2019 rejetant l'appel formé par la commune de Cuttoli-Corticchiato contre ce jugement du 18 janvier 2018 a été annulé par le Conseil d'Etat qui a renvoyé l'affaire devant la présente Cour.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Si la SARL AC Promotions soutient que la requête d'appel est irrecevable au motif que le jugement attaqué n'aurait pas été joint, cette allégation manque en fait. La fin de non-recevoir qu'elle oppose en ce sens doit donc être écartée.

Sur la recevabilité des conclusions :

3. Les conclusions de la commune de Cuttoli-Corticchiato tendant à l'annulation de l'avis favorable du préfet de Corse du 3 décembre 2015 émis sur le fondement de l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme qui n'ont pas été soumises aux premiers juges, ont le caractère de conclusions nouvelles en cause d'appel et ne sont pas dirigées contre une décision susceptible de recours. Elles sont, par suite, irrecevables.

4. Il n'appartient pas au juge de l'excès de pouvoir de déclarer illégal un acte réglementaire par la voie de l'exception ou d'en prononcer " l'annulation " par la même voie. Les conclusions de la SARL AC Promotions tendant à déclarer illégale et annuler, par voie d'exception, la délibération du 11 juillet 2006 par laquelle le conseil municipal de Cuttoli-Corticchiato a approuvé son PLU en tant qu'elle classe la parcelle A n° 1384 en zone N, sont donc irrecevables.

Sur la légalité de l'arrêté du 11 décembre 2015 :

5. Aux termes du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme alors en vigueur : " Sous réserve de l'adaptation, du changement de destination, de la réfection ou de l'extension limitée des constructions existantes et de la réalisation d'installations ou d'équipements publics incompatibles avec le voisinage des zones habitées, l'urbanisation doit se réaliser en continuité avec les bourgs, villages, hameaux, groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants. / Lorsque la commune est dotée d'un plan local d'urbanisme ou d'une carte communale, ce document peut délimiter les hameaux et groupes de constructions traditionnelles ou d'habitations existants en continuité desquels il prévoit une extension de l'urbanisation, en prenant en compte les caractéristiques traditionnelles de l'habitat, les constructions implantées et l'existence de voies et réseaux (...) ". Par " groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existant " au sens de ces dispositions, il convient d'entendre un groupe de plusieurs bâtiments qui, bien que ne constituant pas un hameau, se perçoivent, compte tenu de leur implantation les uns par rapport aux autres, notamment de la distance qui les sépare, de leurs caractéristiques et de la configuration particulière des lieux, comme appartenant à un même ensemble. Pour déterminer si un projet de construction réalise une urbanisation en continuité par rapport à un tel groupe, il convient de rechercher si, par les modalités de son implantation, notamment en termes de distance par rapport aux constructions déjà présentes, ce projet sera perçu comme s'insérant dans l'ensemble existant.

6. Aux termes du plan d'aménagement et de développement durable de la Corse (PADDUC) : " la continuité urbaine peut être caractérisée par des critères physiques et visuels tangibles, tels que la distance, la configuration des lieux, la forme urbaine, mais aussi par des critères de nature plus sensible, qui tiennent notamment aux connexions fonctionnelles et symboliques [...] L'impossibilité d'ordre juridique [...] d'urbaniser en continuité n'exclut pas les opérations de densification à l'intérieur d'un périmètre urbanisé [...] d'adaptation, de changement de destination, de réfection, ou d'extension limitée des constructions existante. [...] un espace urbanisé qui ne peut donc être étendu peut en revanche être renforcé ou [...] densifié : c'est le renforcement urbain. ". Il préconise en outre de tenir compte des ruptures, notamment morphologiques mais aussi de la " forme urbaine existante [...] dans toutes ses dimensions ", et notamment de la " morphologie urbaine ".

7. Il est constant que les parcelles d'assiette du projet sont éloignées de tout bourg, village ou hameau. Si les terrains d'assiette du projet sont situés sur des parcelles à proximité immédiate, à l'ouest, de parcelles supportant cinq constructions, il ressort des pièces du dossier qu'ils se situent à l'extrémité est d'une zone de moins en moins densément bâtie composée de maisons individuelles non groupées s'ouvrant sur une vaste zone naturelle avec de rares habitations, sur un terrain en pente de plus de 30 %, marquant une rupture topographique avec les terrains plus à l'ouest partiellement urbanisés ainsi que cela ressort des profils altimétriques du site internet " Géoportail ", accessible tant au juge qu'aux parties, ainsi que d'une photo produite dans la requête. Le projet en litige consiste à implanter trois immeubles comptant en tout dix-huit logements dans un espace vierge de toute construction, ne pouvant ainsi être regardé comme une densification de l'urbanisme existant au sens du PADDUC. Il constitue au contraire une rupture avec la morphologie urbaine existante constituée essentiellement de constructions individuelles. Ainsi, alors même que les terrains d'assiette seraient desservis par certains réseaux et une voirie et que la délibération du 11 juillet 2006 approuvant le plan local d'urbanisme a été annulée en tant qu'elle classait la parcelle principale du projet en zone naturelle par l'arrêt de la Cour administrative de Marseille n° 07MA03818 du 29 janvier 2010, le projet en litige ne peut être regardé comme s'établissant en continuité d'un groupe de constructions traditionnelles ou d'habitations existant. Par suite, la commune était fondée à refuser, au seul motif de la méconnaissance des dispositions du III de l'article L. 145-3 du code de l'urbanisme, le permis de construire sollicité.

8. Il résulte de ce qui précède que la commune de Cuttoli-Corticchiato est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bastia a annulé l'arrêté du maire de Cuttoli-Corticchiato du 11 décembre 2015 et la décision du 12 février 2016.

Sur les conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Cuttoli-Corticchiato, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la SARL AC Promotions demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la SARL AC Promotions une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Cuttoli-Corticchiato et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Bastia du 18 janvier 2018 est annulé.

Article 2 : La demande de la SARL AC Promotions devant le tribunal administratif de Bastia est rejetée.

Article 3 : La SARL AC Promotions versera à la commune de Cuttoli-Corticchiato la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la SARL AC Promotions devant la Cour sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Cuttoli-Corticchiato et à la SARL AC Promotions.

Délibéré après l'audience du 24 février 2022, où siégeaient :

- M. d'Izarn de Villefort, président assesseur, présidant la formation de jugement en application de l'article R. 222-26 du code de justice administrative,

- M. Quenette, premier conseiller,

- Mme Baizet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 mars 2022.

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N° 21MA00676

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