La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/10/2022 | FRANCE | N°21LY02082

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 1ère chambre, 11 octobre 2022, 21LY02082


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 juillet 2019 du maire de Saint-Alban-Auriolles (07120) refusant de dresser un procès-verbal d'infraction à l'encontre de M. et Mme B... A....

Par un jugement n° 1907744 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juin 2021 et le 16 mai 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Jacques, demanden

t à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 avril 2021 ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. C... D... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 29 juillet 2019 du maire de Saint-Alban-Auriolles (07120) refusant de dresser un procès-verbal d'infraction à l'encontre de M. et Mme B... A....

Par un jugement n° 1907744 du 29 avril 2021, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 23 juin 2021 et le 16 mai 2022, M. et Mme A..., représentés par Me Jacques, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 29 avril 2021 ;

2°) d'annuler la décision du 29 juillet 2019 ;

3°) de mettre une somme de 3 000 euros à la charge de M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la requête de première instance était irrecevable en l'absence de justification de la notification de la requête au regard des dispositions de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- le jugement est entaché d'une erreur de droit au regard des dispositions de l'article R. 242-17 du code de l'urbanisme dès lors qu'il prend comme date de départ du délai de caducité la date de délivrance du permis de construire le 4 novembre 2015 et non la date de notification qui ne peut être déterminée ;

- le jugement est entaché d'une erreur de fait, dès lors que les pièces produites établissent une entreprise de travaux à une date antérieure au 17 novembre 2018, faisant ainsi obstacle à la péremption du permis de construire ;

- les travaux réalisés sont conformes aux prescriptions du permis de construire, quant à la hauteur de la construction et à son implantation par rapport aux limites séparatives ;

- ils respectent les articles NB 7 et NB 10 du plan d'occupation des sols alors applicables, s'agissant des règles d'implantation et de hauteur de la construction ;

- une régularisation est possible et un permis de construire modificatif a pu être délivré.

Par des mémoires en défense, enregistrés le 13 avril 2022 et le 20 juin 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. D..., représenté par Me Mamalet, conclut au rejet de la requête et demande d'enjoindre à la commune de Saint-Alban-Auriolles et à M. et Mme A... de produire le courrier de notification de l'arrêté portant permis de construire du 4 novembre 2015, d'assortir l'injonction au maire de dresser procès-verbal d'infraction d'une astreinte financière de 1 000 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, d'enjoindre au maire de la commune de Saint-Alban-Auriolles de dresser procès-verbal de constat des infractions commises et de prendre un arrêté interruptif de travaux, en en transmettant une copie sans délai au ministère public près le tribunal judiciaire de Privas et demande enfin à ce que les sommes de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-Alban-Auriolles au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande d'annulation d'un refus de constater la caducité d'un permis de construire n'est pas soumise à la formalité de l'article R. 600-1 du code de l'urbanisme ;

- les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Par un mémoire en observations enregistré le 17 mai 2022, la commune de Saint-Alban-Auriolles, représentée par Me Brillier Laverdure, conclut à l'annulation du jugement et au rejet des demandes de M. D....

Elle soutient que le permis de construire n'est pas périmé et que les travaux sont conformes à l'autorisation délivrée.

Par ordonnance du 25 avril 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 mai 2022.

Une demande de pièces complémentaires a été adressée aux parties le 21 juillet 2022, sur le fondement de l'article R. 613-3-1 du code de justice administrative.

M. et Mme A... ont produit la pièce demandée le 1er août 2022, qui a été communiquée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. François Bodin-Hullin, premier conseiller ;

- les conclusions de M. Jean-Simon Laval, rapporteur public ;

- les observations de Me Perrier pour M. et Mme A..., celles de Me Mamalet pour M. D... ainsi que celles de Me Royaux, substituant Me Brillier Laverdure, pour la commune de Saint-Alban-Auriolles.

Et après avoir pris connaissance des notes en délibéré produites pour M. et Mme A..., enregistrées le 20 septembre 2022 et le 10 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... ont obtenu le 4 novembre 2015 du maire de Saint-Alban-Auriolles un permis de construire afin d'édifier sur les parcelles cadastrées ... une maison d'habitation. Se fondant tant sur la caducité de ce permis que sur la réalisation de travaux non conformes à cette autorisation, relevés par un constat d'huissier du 20 juin 2019, M. D..., propriétaire d'un terrain voisin, a demandé au maire, par un courrier du 18 juillet 2019, de dresser un procès-verbal d'infraction et de le transmettre au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Privas. Il a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande d'annulation de la décision du maire de Saint-Alban-Auriolles du 29 juillet 2019 refusant d'y faire droit. M. et Mme A... relèvent appel du jugement du 29 avril 2021 par lequel le tribunal a fait droit à la demande d'annulation de cette décision.

Sur la recevabilité de la requête de première instance :

2. Le refus du maire d'user des pouvoirs de police qu'il tient de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme ne constitue pas une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol au sens des dispositions de l'article R. 600-1 du même code. Par conséquent, le recours contentieux dirigé contre un tel refus n'est pas soumis à l'obligation de notification prévue par cet article. La fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance doit, dès lors, être écartée.

Sur la légalité de la décision du 29 juillet 2019 :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme : " (...) / Lorsque l'autorité administrative et, au cas où il est compétent pour délivrer les autorisations, le maire ou le président de l'établissement public de coopération intercommunale compétent ont connaissance d'une infraction de la nature de celles que prévoient les articles L. 480-4 et L. 610-1, ils sont tenus d'en faire dresser procès-verbal. (...) ". Aux termes de l'article L. 480-4 du même code : " Le fait d'exécuter des travaux mentionnés aux articles L. 421-1 à L. 421-5 en méconnaissance des obligations imposées par les titres Ier à VII du présent livre et les règlements pris pour leur application ou en méconnaissance des prescriptions imposées par un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou par la décision prise sur une déclaration préalable est puni d'une amende comprise entre 1 200 euros et un montant qui ne peut excéder, soit, dans le cas de construction d'une surface de plancher, une somme égale à 6 000 euros par mètre carré de surface construite, démolie ou rendue inutilisable au sens de l'article L. 430-2, soit, dans les autres cas, un montant de 300 000 euros. (...) ".

4. Il résulte de ces dispositions que le maire est tenu de dresser un procès-verbal en application de l'article L. 480-1 du code de l'urbanisme lorsqu'il a connaissance d'une infraction mentionnée à l'article L. 480-4, résultant soit de l'exécution de travaux sans les autorisations prescrites par le livre IV du code, soit de la méconnaissance des autorisations délivrées.

5. D'autre part, aux termes de l'article R. 424-17 du code de l'urbanisme : " Le permis de construire, d'aménager ou de démolir est périmé si les travaux ne sont pas entrepris dans le délai de trois ans à compter de la notification mentionnée à l'article R. 424-10 ou de la date à laquelle la décision tacite est intervenue. / Il en est de même si, passé ce délai, les travaux sont interrompus pendant un délai supérieur à une année. (...) ".

6. Il ressort des pièces du dossier, produites pour la première fois en appel, que le permis de construire délivré le 4 novembre 2015 à M. et Mme E... a été notifié le 4 décembre 2015. Le délai de trois ans dans lesquels les travaux doivent être entrepris courent à compter de la notification de ce permis, et non, comme le soutiennent de manière erronée les requérants, à compter de l'affichage de ce permis sur le terrain.

7. Les travaux autorisés par ce permis portent sur la construction d'une maison individuelle d'une surface de plancher de 250 m², sur trois niveaux, impliquant un décaissement conséquent, sur un garage fermé indépendant et sur la réalisation d'une voie de desserte interne et d'un cheminement piéton d'accès à la maison. La déclaration d'ouverture du chantier du 5 février 2018, la présence de l'architecte du projet sur le chantier en mars 2018, l'ordre de service du 19 mars 2018 portant sur un lot de terrassement pour un montant de 22 882,56 euros et invitant à réaliser les travaux dans le délai de quatre semaines à compter du 20 mars 2018 et le compte-rendu préparatoire de chantier le même jour, ou encore les devis produits, dont certains sont en partie sans lien avec le projet autorisé, ne peuvent être regardés comme une entreprise de construction de nature à interrompre le délai de péremption du permis de construire. Si les requérants relèvent que le projet nécessitait de remodeler fortement le terrain, par un décaissement important, pour permettre l'installation de la maison, et que les travaux se seraient poursuivis ensuite par la réalisation de fondations, ni les témoignages faisant état de travaux de terrassement autour des mois de mars et d'avril 2018, qui n'auraient au demeurant duré qu'une quinzaine de jours, ni les photographies jointes au constat d'huissier du 7 juin 2021, qu'ils ont au demeurant eux-mêmes réalisées et qui sont insuffisamment précises et probantes sur la date, l'importance et le lieu exact des travaux réalisés, ni encore, eu égard notamment à leurs montants, les factures établies par l'EURL Michel, ne permettent d'attester de l'importance des travaux réalisés avant l'expiration du délai de péremption le 4 décembre 2018 et strictement liés à la mise en œuvre du permis de construire délivré. Dans ces conditions, les éléments produits ne permettent pas de caractériser des travaux suffisamment importants en lien avec l'opération autorisée et qui auraient été de nature à interrompre le délai de péremption du permis qui expirait le 4 décembre 2018. Par suite, et en l'état des pièces soumises à la Cour, le permis de construire était caduc à la date à laquelle les travaux d'exécution du permis de construire ont débuté, et la réalisation de travaux sans autorisation était constitutive d'une infraction au sens de l'article L. 480-4 du code de l'urbanisme, le maire étant alors tenu, au nom de l'État, d'en dresser procès-verbal.

8. Ce motif justifie à lui seul l'annulation de la décision du 29 juillet 2019 du maire de la commune de Saint-Alban-Auriolles, agissant au nom de l'Etat, refusant de dresser un procès-verbal d'infraction, sans qu'il soit besoin de statuer sur la non-conformité des travaux de construction réalisés au permis délivré. Aucun autre moyen n'est susceptible, pour l'application de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, d'entraîner l'annulation de la décision attaquée.

9. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à se plaindre que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a fait droit à la demande d'annulation de la décision du 29 juillet 2019.

Sur les conclusions incidentes de M. D... à fin d'injonction :

10. Les conclusions tendant à ce que le tribunal enjoigne la production de la justification de la notification de l'arrêté de permis de construire sont privées d'objet, la preuve de cette notification ayant été produite.

11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'assortir l'injonction faite au maire, agissant au nom de l'Etat, de dresser un procès-verbal d'infraction, d'une astreinte de 50 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme que M. et Mme A... demandent au titre des frais qu'ils ont exposés soit mise à la charge de M. D..., qui n'est pas partie perdante.

13. En application de ces mêmes dispositions, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme A... le versement d'une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par M. D....

14. La commune de Saint-Albin-Auriolles, dont le maire agissait au nom de l'Etat, n'a pas la qualité de partie au litige. Les conclusions présentées pour M. D... sur le fondement de ces mêmes dispositions à l'encontre de la commune ne peuvent dès lors qu'être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : L'injonction faire au maire de la commune de Saint-Alban-Auriolles, agissant au nom de l'Etat, de dresser un procès-verbal d'infraction est assortie d'une astreinte de 50 euros par jour de retard courant à compter de l'expiration d'un délai de huit jours à compter de la notification du présent arrêt.

Article 3 : Il n'y a plus lieu de statuer sur l'injonction de produire le courrier de notification du permis de construire.

Article 4 : M. et Mme A... verseront la somme de 1 500 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A..., à M. D..., au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la commune de Saint-Alban-Auriolles.

Délibéré après l'audience du 20 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Camille Vinet, présidente-assesseure,

M. François Bodin-Hullin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 octobre 2022.

Le rapporteur,

F. Bodin-Hullin

La présidente,

M. F...

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer et au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 21LY02082


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 21LY02082
Date de la décision : 11/10/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-001-01 Police. - Polices spéciales.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: M. François BODIN-HULLIN
Rapporteur public ?: M. LAVAL
Avocat(s) : LEGA-CITE

Origine de la décision
Date de l'import : 30/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2022-10-11;21ly02082 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award