Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler la délibération du 24 janvier 2020 par laquelle le conseil métropolitain de Bordeaux Métropole a approuvé la 9ème modification du plan local d'urbanisme intercommunal.
Par un jugement n° 2001777 du 10 juin 2021, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 5 août 2021 et le 8 avril 2022, Mme A..., représentée par Me Cassin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 juin 2021 ;
2°) d'annuler la délibération du 24 janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge de Bordeaux Métropole une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision de création d'un espace boisé classé sur la parcelle EI 0570 est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard de la localisation de cette parcelle, de ses caractéristiques, ainsi que des objectifs de densification du secteur et des besoins en logements de la ville de Pessac ;
- les motifs retenus ne sont pas de nature à justifier le classement de l'ensemble de la parcelle en espace boisé classé ;
- ce classement est entaché de détournement de pouvoir ;
- il porte atteinte à son droit de propriété protégé par l'article 1er du protocole additionnel n°1 à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Par des mémoires en défense enregistrés le 10 février 2022 et le 10 mai 2022, Bordeaux Métropole, représentée par Me Sagalovitsch, conclut au rejet de la requête et demande qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de Mme A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme C... D...,
- les conclusions de M. Romain Roussel, rapporteur public,
- les observations de Me Kobo, représentant Mme A..., et de Me Le Baube, représentant Bordeaux Métropole.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... A... est propriétaire de la parcelle cadastrée EI 570 située avenue du Dauphiné à Pessac. Par une délibération du 24 janvier 2020, le conseil métropolitain de Bordeaux Métropole a approuvé la 9ème modification du plan local d'urbanisme, laquelle a notamment supprimé l'emplacement réservé ER 8.30 grevant une partie de la parcelle appartenant à Mme A... et l'a classée dans sa totalité en espace boisé classé. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux d'annuler cette délibération. Elle relève appel du jugement du 10 juin 2021 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme : " Les plans locaux d'urbanisme peuvent classer comme espaces boisés, les bois, forêts, parcs à conserver, à protéger ou à créer, qu'ils relèvent ou non du régime forestier, enclos ou non, attenant ou non à des habitations. Ce classement peut s'appliquer également à des arbres isolés, des haies ou réseaux de haies ou des plantations d'alignements ". Un tel classement n'est pas subordonné à la valeur du boisement existant, ni même à l'existence d'un tel boisement à la date d'établissement du plan local d'urbanisme. En outre, il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par le plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Ils ne sont pas liés, pour déterminer l'affectation future des différents secteurs, par les modalités existantes d'utilisation des sols, dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme. Leur appréciation sur ces différents points ne peut être censurée par le juge administratif qu'au cas où elle serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ou fondée sur des faits matériellement inexacts.
3. Il ressort des pièces du dossier que la parcelle EI 0570, d'une superficie de 20 678 m2, se situe dans la zone UP54 du plan local d'urbanisme, zone urbaine particulière définie par le rapport de présentation comme un site de développement responsable faisant l'objet d'un projet de développement urbain. Contrairement à ce que soutient la requérante, le caractère urbanisé de cette zone ne fait pas obstacle, par lui-même, à la présence d'un espace boisé classé, qui peut être créé dans tout type de zone, et, dès lors que le classement en espace boisé classé n'est pas subordonné à la valeur du boisement, ni même à son existence, Mme A... ne peut utilement se prévaloir de la mauvaise qualité des boisements de cette parcelle et de la nécessité de procéder à des coupes ciblées. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier que la parcelle en litige, qui était boisée dans sa totalité avant l'intervention de coupes en 2022, jouxte, au sud, des parcelles boisées également classées en espace boisé classé et, à l'est, un emplacement réservé pour la création d'un bassin de retenue, qu'elle est située à proximité d'une continuité paysagère et d'une protection paysagère identifiées au plan local d'urbanisme et qu'elle participe aux continuités écologiques du secteur. Il ressort également des pièces du dossier que, quand bien même le quartier d'implantation est moins densément urbanisé que d'autres parties de la métropole bordelaise, cette parcelle constitue un îlot de fraicheur urbain permettant d'atténuer les effets de chaleur des zones artificialisées alentour, sa préservation permettant en outre d'éviter une aggravation de ce phénomène. Ainsi le classement de cet espace boisé s'inscrit dans le cadre de l'orientation n°1 du projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme approuvé en 2016 qui prévoit de " développer la présence végétale au sein des quartiers ", notamment par la prise en compte des espaces de nature fragmentés en milieu urbain et l'intégration de la nature en ville, et de " s'adapter au changement climatique " par le " maintien ou [la] réalisation au sein des quartiers, d'espaces de nature et de traitements végétalisés (...) permettant de réguler les pics de chaleur et de réduire les apports solaires en été ". Il est également cohérent avec le rapport de présentation qui prévoit, au titre des objectifs pour le classement en espace boisé classé, la préservation de la nature en ville, notamment en raison de son effet climatique et de son intérêt paysager, et qui retient parmi les critères de classement la protection des espaces boisés qui contribuent aux grandes continuités écologiques et paysagères identifiées à l'échelle intercommunale, la préservation du cadre de vie des quartiers et le maintien de l'équilibre entre espaces bâtis et espaces ouverts. Ainsi, quand bien même l'urbanisation de cette parcelle aurait été envisagée avant la révision générale du plan local d'urbanisme en 2016, son classement en espace boisé classé, qui répond aux objectifs du plan local d'urbanisme en matière de préservation des espaces naturels, n'est pas contradictoire avec l'objectif de développement de l'offre de logements dans le quartier de Chappement, qui peut être atteint par d'autres moyens que par l'urbanisation de la parcelle dont il s'agit. Au regard de la superficie de la parcelle, ce classement n'est pas davantage de nature à compromettre la réalisation des objectifs de la commune de Pessac en terme de construction de logements. Dans ces conditions, compte tenu des caractéristiques de la parcelle et de la zone, ainsi que du parti d'aménagement retenu, le classement de la totalité de cette parcelle en espace boisé classé n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
4. En deuxième lieu, contrairement à ce que soutient la requérante, les motifs exposés dans le rapport de présentation, tenant à la prise en compte des attentes de la population qui ne souhaite pas la densification du cœur de quartier, à la nécessité de compenser les effets de la densification des constructions dans les parties d'urbanisation diffuses situées au sud de la zone et à la volonté de préserver les qualités boisées et écologiques des parcelles concernées, ne font pas apparaître que les auteurs du plan local d'urbanisme auraient poursuivi un but étranger à des considérations d'urbanisme et d'aménagement du territoire intercommunal en classant en espace boisé classé la parcelle dont il s'agit qui présentait les caractéristiques permettant un tel classement. Par suite, le moyen tiré du détournement de pouvoir doit être écarté
5. En troisième lieu, si les stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ont pour objet d'assurer un juste équilibre entre l'intérêt général et les impératifs de sauvegarde du droit de propriété, elles laissent aux autorités publiques une marge d'appréciation étendue, en particulier pour mener une politique d'urbanisme, tant pour choisir les modalités de mise en œuvre d'une telle politique que pour juger si leurs conséquences se trouvent légitimées, dans l'intérêt général, par le souci d'atteindre les objectifs poursuivis. En l'espèce, le classement des terrains appartenant à Mme A... auquel a procédé la modification du plan local d'urbanisme n'apparaît pas comme apportant à l'exercice du droit de propriété de l'intéressée des limites qui seraient disproportionnées au regard du but d'intérêt général poursuivi par la délibération approuvant le plan et découlant du parti d'urbanisme retenu. Notamment, les restrictions apportées à l'exercice du droit de propriété par l'article L. 113-1 du code de l'urbanisme sont justifiées par l'intérêt général qui s'attache à la préservation des espaces boisés. Ces restrictions, qui ne concernent que les modes d'occupation du sol de nature à compromettre la conservation, la protection ou la création de boisements et qui sont accompagnées, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, de garanties de fond et de procédure dans le cadre de l'élaboration des plans locaux d'urbanisme, sont proportionnées à l'objectif poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ne peut qu'être écarté.
6. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 24 janvier 2020 approuvant la 9ème modification du plan local d'urbanisme de Bordeaux Métropole. Sa requête d'appel doit, par suite, être rejetée.
7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de Bordeaux Métropole, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande Mme A... au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de Mme A... la somme de 1 500 euros à verser à Bordeaux Métropole au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera à Bordeaux Métropole la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à Bordeaux Métropole.
Délibéré après l'audience du 27 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Marianne Hardy, présidente,
Mme Christelle Brouard-Lucas, présidente-assesseure,
Mme Charlotte Isoard, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 novembre 2022.
La rapporteure,
Christelle D...La présidente,
Marianne Hardy
La greffière,
Marion Azam Marche
La République mande et ordonne à la préfète de la Gironde en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 21BX03351