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05/11/2021 | FRANCE | N°20NT00903

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 3ème chambre, 05 novembre 2021, 20NT00903


Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Mme Rolland a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours à lui verser, à titre de provision à valoir sur son indemnisation, la somme de 331 003,47 euros.

II. Mme Rolland a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

1°) de condamner le CHRU de Tours à lui verser la somme de 473 509,90 euros en réparation des préjudices de tous ordres imputables à l'infection nosocomiale contractée l

ors d'une intervention chirurgicale réalisée au sein de l'établissement hospitalier le 8 oc...

Vu la procédure suivante :

Procédures contentieuses antérieures :

I. Mme Rolland a demandé au juge des référés du tribunal administratif d'Orléans de condamner le centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours à lui verser, à titre de provision à valoir sur son indemnisation, la somme de 331 003,47 euros.

II. Mme Rolland a demandé au tribunal administratif d'Orléans :

1°) de condamner le CHRU de Tours à lui verser la somme de 473 509,90 euros en réparation des préjudices de tous ordres imputables à l'infection nosocomiale contractée lors d'une intervention chirurgicale réalisée au sein de l'établissement hospitalier le 8 octobre 2014, ainsi que les intérêts au taux légal sur ces montants et leur capitalisation à compter de la date de la demande préalable et, à tout le moins, de la requête ;

2°) de réserver les postes de préjudices correspondant aux dépenses de santé futures et aux frais de logement adapté ;

3°) de condamner le CHRU de Tours aux entiers dépens.

Par un jugement n°s 1802398 et 1802399 du 27 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le CHRU de Tours à verser à Mme Rolland la somme totale de 237 854,85 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis et a assorti cette somme des intérêts au taux légal ainsi que de la capitalisation des intérêts. Il a également condamné le centre hospitalier à verser à Mme Rolland la somme de 148 euros en remboursement de ses frais de déplacement aux opérations d'expertise, a mis à la charge de l'hôpital les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 160 euros et a rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour :

I. Sous le n°20NT00903, par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars 2020 et le 12 janvier 2021, la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Charente-Maritime, représentée par la SELARL Bardet et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1802399 du tribunal administratif d'Orléans du 27 février 2019 en tant qu'il a rejeté ses demandes ;

2°) de condamner le CHRU de Tours à lui verser la somme totale de 247 942,03 euros de laquelle sera déduite la somme de 50 247,60 euros, représentant la provision réglée par le centre hospitalier ;

3°) de condamner le CHRU de Tours à lui rembourser les arrérages à échoir de la pension d'invalidité auxquels elle sera exposée sauf, pour le centre hospitalier et s'il y consent, de se libérer de son obligation par le versement immédiat d'une somme de 62 006,07 euros ;

4°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation des intérêts ;

5°) de condamner le CHRU de Tours à lui verser la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 ;

6°) de mettre à la charge du CHRU de Tours la somme de 1 500 euros ainsi que celle de 13 euros correspondant aux droits de plaidoirie, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la responsabilité sans faute du CHRU de Tours retenue par les premiers juges ne pourra être que confirmée par la cour dès lors que Mme Rolland a été victime d'une infection nosocomiale lors de sa prise en charge par cet établissement et que l'expert indique notamment que le taux de déficit fonctionnel permanent, imputable à cette infection nosocomiale, est de 18 % ;

- ainsi que l'ont retenu à bon droit les premiers juges, la délégation qui lui a été conférée par la convention de mutualisation régularisée le 29 décembre 2017 est régulière en application des dispositions combinées des articles L. 221-3-1 et du II de l'article L. 216-2-1 du code de la sécurité sociale ;

- l'agent, signataire des conclusions présentées en première instance, avait compétence pour agir dès lors qu'il bénéficiait pour ce faire d'une délégation permanente du directeur du 12 novembre 2018 ;

- dans ces conditions, le CHRU de Tours devra être condamné à lui rembourser ses débours justifiés par un état des débours et par l'attestation détaillée d'imputabilité du médecin-conseil, à savoir :

* la somme de 83 600,42 euros, au titre de ses débours d'ores et déjà exposés, laquelle sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir ;

* les frais futurs au fur et à mesure qu'ils seront exposés par elle, à moins que le centre hospitalier ne consente à lui verser immédiatement le capital représentatif, soit la somme de 164 341,61 euros ;

* les arrérages à échoir d'une pension d'invalidité évaluée à hauteur de 62 006,07 euros, à moins que le centre hospitalier ne préfère se libérer de son obligation par le versement immédiat de cette somme ;

* la provision réglée par le CHRU de Tours, d'un montant de 50 247,60 €, à la suite de l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nantes du 9 février 2018, devra être déduite de l'ensemble de ces condamnations ;

- les frais pour des soins post consolidation sont à prendre en compte, la date de consolidation ne présumant pas la fin de toutes les dépenses de santé ; il en est de même des soins réalisés après l'expertise.

Par des mémoires, enregistrés les 24 avril et 20 août 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SELARL Birot-Ravaux et associés, conclut au rejet de la requête, à la condamnation du CHRU de Tours aux entiers dépens et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le jugement attaqué devra être confirmé en tant qu'il l'a mis hors de cause dès lors que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 30 juillet 2020, 8 janvier 2021 et 21 janvier 2021, le centre hospitalier régional universitaire de Tours, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête et de l'appel incident de Mme Rolland.

Il soutient que :

- Mme Rolland ayant subi un déficit fonctionnel permanent de 35 %, la réparation du dommage incombe à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et le recours de la caisse est subordonnée à la preuve d'une faute ; en l'espèce, aucun manquement aux obligations de lutte contre les infections nosocomiales n'a été relevé à son encontre ;

- en tout état de cause, alors même que la caisse justifie désormais de la recevabilité de son intervention, les frais médicaux futurs, d'un montant de 164 341,61 euros, ne sont pas justifiés au regard de l'infection nosocomiale ; il en est ainsi des frais d'hospitalisation entre le 15 novembre et le 26 novembre 2016, cette hospitalisation étant postérieure à la consolidation et n'est pas mentionnée dans le rapport d'expertise, et de la rente d'invalidité servie à Mme Rolland compte tenu de son état antérieur ;

- les premiers juges, qui n'ont retenu aucune perte de gains professionnels, ont évalué l'incidence professionnelle à 5 000 euros et la caisse justifie avoir servi des indemnités journalières à Mme Rolland à hauteur de 25 204,45 euros ; la somme mise à sa charge au titre de la pension d'invalidité ne saurait, dans ces conditions, excéder la somme de 30 204,45 euros ;

- la demande tendant au versement de la somme de 25 204,45 euros réclamée par la caisse au titre des indemnités journalières servies à Mme Rolland entre le 24 décembre 2014 et le 1er septembre 2016, qui n'a pas été présentée devant les premiers juges, constitue des conclusions nouvelles qui sont irrecevables ;

- la caisse ne saurait réclamer le versement de l'indemnité forfaitaire de gestion, cette indemnité ayant déjà été versée dans le cadre de la procédure de référé ;

- les demandes formées par Mme Rolland dans le cadre de son appel incident concernant une réévaluation des indemnisations qui lui ont été allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire et permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et permanent, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel, de l'assistance par une tierce personne, de l'incidence professionnelle et au titre des frais de véhicule adapté ne sont pas fondées ;

- en revanche, le jugement attaqué devra être réformé en tant qu'il accorde une indemnisation trop importante concernant la réparation du préjudice esthétique, du déficit fonctionnel permanent, de l'assistance par une tierce personne, les premiers juges ne pouvant, par ailleurs, pour ce dernier chef de préjudice, calculer le capital selon le barème édité par la Gazette du Palais qui n'a pas de valeur réglementaire.

Par des mémoires enregistrés les 21 octobre 2020 et 18 janvier 2021, Mme A... Rolland, représentée par la SCP Denizeau Gaborit Takhdmit demande, :

1°) de confirmer le jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il reconnaît l'entière responsabilité du CHRU de Tours ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la condamnation du CHRU de Tours à lui verser la somme totale de 490 634,98 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable d'indemnité et de la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner le CHRU de Tours aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge du CHRU de Tours la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa demande de première instance était bien recevable ; en particulier, elle n'était pas tardive en l'absence de délivrance d'un accusé de réception à sa demande préalable ;

- c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu la responsabilité du CHRU de Tours dès lors qu'elle a été victime, lors de sa prise en charge par cet établissement, d'une infection nosocomiale et que le taux de déficit fonctionnel permanent qui en est la conséquence a été fixée par l'expert à 18 % ;

- elle est en droit d'obtenir la réparation des préjudices suivants :

* En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux temporaires :

* Déficit fonctionnel temporaire : 11 445 euros ;

* Souffrances endurées : 20 000 euros ;

* Préjudice esthétique temporaire : 10 000 euros ;

* En ce qui concerne les préjudices extrapatrimoniaux permanents :

* Déficit fonctionnel permanent : 52 290 euros ;

* Préjudice esthétique permanent : 10 000 euros ;

* Préjudice d'agrément : 10 000 euros ;

* Préjudice sexuel : 20 000 euros.

* En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux temporaires :

* Frais divers : 148 euros au titre des frais de déplacement

* Assistance par une tierce personne : 27 480 euros ;

* En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux permanents :

* Assistance par une tierce personne : 238 912,62 euros ;

* Incidence professionnelle : 80 000 euros ;

* Frais de véhicule adapté : 10 359,36 euros.

II. Sous le n°20NT00905, par une requête et un mémoire, enregistrés le 10 mars 2020 et le 12 janvier 2021, la CPAM de la Charente-Maritime, représentée par la SELARL Bardet et associés, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°1802398 du tribunal administratif d'Orléans du 27 février 2019 en tant qu'il a rejeté ses demandes ;

2°) de condamner le CHRU de Tours à lui verser la somme totale de 247 942,03 euros de laquelle sera déduite la somme de 50 247,60 euros, représentant la provision réglée par le centre hospitalier ;

3°) de condamner le CHRU de Tours à lui rembourser les arrérages à échoir de la pension d'invalidité auxquels elle sera exposée sauf, pour le centre hospitalier et s'il y consent, de se libérer de son obligation par le versement immédiat d'une somme de 62 006,07 euros ;

4°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation des intérêts ;

5°) de condamner le CHRU de Tours à lui verser la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 ;

6°) de mettre à la charge du CHRU de Tours la somme de 1 500 euros ainsi que celle de 13 euros correspondant aux droits de plaidoirie, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

La CPAM de la Charente-Maritime reprend les mêmes moyens que ceux exposés

ci-dessus dans l'instance enregistrée sous le n°20NT00903.

Par un mémoire enregistré le 23 avril 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SELARL Birot-Ravaux et associés, conclut au rejet de la requête, à la condamnation du CHRU de Tours aux entiers dépens et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le jugement attaqué devra être confirmé en tant qu'il l'a mis hors de cause dès lors que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 24 décembre 2020 et 21 janvier 2021, le centre hospitalier régional universitaire de Tours, représenté par Me Le Prado, conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- Mme Rolland ayant subi un déficit fonctionnel permanent de 35 %, la réparation du dommage incombe à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et le recours de la caisse est subordonnée à la preuve d'une faute ; en l'espèce, aucun manquement aux obligations de lutte contre les infections nosocomiales n'a été relevé à son encontre ;

- alors même que la caisse justifie désormais de la recevabilité de son intervention, les frais médicaux futurs, d'un montant de 164 341,61 euros, ne sont pas justifiés au regard de l'infection nosocomiale ; il en est ainsi des frais d'hospitalisation entre le 15 novembre et le

26 novembre 2016, cette hospitalisation étant postérieure à la consolidation et n'est pas mentionnée dans le rapport d'expertise, et de la rente d'invalidité servie à Mme Rolland compte tenu de son état antérieur ;

- les premiers juges, qui n'ont retenu aucune perte de gains professionnels, ont évalué l'incidence professionnelle à 5 000 euros et la caisse justifie avoir servi des indemnités journalières à Mme Rolland à hauteur de 25 204,45 euros ; la somme mise à sa charge au titre de la pension d'invalidité ne saurait alors excéder la somme de 30 204,45 euros ;

- la demande tendant au versement de la somme de 25 204,45 euros réclamée par la caisse au titre des indemnités journalières servies à Mme Rolland entre le 24 décembre 2014 et le 1er septembre 2016, qui n'a pas été présentée devant les premiers juges, constitue des conclusions nouvelles qui sont irrecevables ;

- la caisse ne saurait réclamer le versement de l'indemnité forfaitaire de gestion, cette indemnité ayant déjà été versée dans le cadre de la procédure de référé.

III. Sous le n°20NT01394, par une requête et des mémoires, enregistrés les 27 avril 2020, 30 juillet 2020, 8 janvier 2021 et 21 janvier 2021, le centre hospitalier régional universitaire de Tours, représenté par Me Le Prado, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°s 1802398, 1802399 du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

2°) de rejeter la demande formée par Mme Rolland devant le tribunal administratif d'Orléans et ses conclusions d'appel incident ;

3°) de condamner la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, agissant pour le compte de la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne, à lui rembourser les sommes versées à titre provisionnel.

Il soutient que :

- c'est à tort que le tribunal administratif a retenu la recevabilité de la demande de première instance formée par Mme Rolland alors qu'elle était tardive ;

- le jugement attaqué est irrégulier pour être insuffisamment motivé ;

- c'est à tort que le tribunal administratif a jugé que l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales devait être mis hors de cause alors que Mme Rolland a subi un déficit fonctionnel permanent de 35 % dû à l'amputation dont elle a fait l'objet et a, par suite, rejeté ses conclusions tendant au remboursement des sommes qu'il a versées, à titre provisionnel, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Vienne ;

- les demandes formées par Mme Rolland dans le cadre de son appel incident concernant une réévaluation des indemnisations qui lui ont été allouées au titre du déficit fonctionnel temporaire et permanent, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et permanent, du préjudice d'agrément, du préjudice sexuel, de l'assistance par une tierce personne, de l'incidence professionnelle et au titre des frais de véhicule adapté ne sont pas fondées ;

- en revanche, le jugement attaqué devra être réformé en tant qu'il accorde une indemnisation trop importante concernant la réparation du préjudice esthétique, du déficit fonctionnel permanent, de l'assistance par une tierce personne, les premiers juges ne pouvant, par ailleurs, pour ce dernier chef de préjudice, calculer le capital selon le barème édité par la Gazette du Palais qui n'a pas de valeur réglementaire ;

- la demande tendant au versement de la somme de 25 204,45 euros réclamée par la caisse au titre des indemnités journalières servies à Mme Rolland entre le 24 décembre 2014 et le 1er septembre 2016, qui n'a pas été présentée devant les premiers juges, constitue des conclusions nouvelles qui sont irrecevables ;

- le remboursement des frais médicaux futurs, d'un montant de 164 341,61 euros, réclamé par la caisse n'est pas justifié au regard de l'infection nosocomiale ; il en est ainsi des frais d'hospitalisation entre le 15 novembre et le 26 novembre 2016, cette hospitalisation étant postérieure à la consolidation et n'est pas mentionnée dans le rapport d'expertise, et de la rente d'invalidité servie à Mme Rolland compte tenu de son état antérieur ;

- les premiers juges, qui n'ont retenu aucune perte de gains professionnels, ont évalué l'incidence professionnelle à 5 000 euros et la caisse justifie avoir servi des indemnités journalières à Mme Rolland à hauteur de 25 204,45 euros ; la somme mise à sa charge au titre de la pension d'invalidité ne saurait, dans ces conditions, excéder la somme de 30 204,45 euros ;

- la caisse ne saurait réclamer le versement de l'indemnité forfaitaire de gestion, cette indemnité ayant déjà été versée dans le cadre de la procédure de référé.

Par un mémoire enregistré le 19 août 2020, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté par la SELARL Birot-Ravaux et associés, conclut au rejet de la requête, à la condamnation du CHRU de Tours aux entiers dépens et à ce qu'il soit mis à la charge du centre hospitalier la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que le jugement attaqué devra être confirmé en tant qu'il l'a mis hors de cause dès lors que les conditions pour une indemnisation au titre de la solidarité nationale ne sont pas réunies.

Par des mémoires enregistrés les 20 octobre 2020 et 18 janvier 2021, Mme A... Rolland, représentée par la SCP Denizeau Gaborit Takhdmit, demande, par la voie de l'appel incident :

1°) de rejeter l'appel du CHRU de Tours ;

2°) par la voie de l'appel incident, de réformer le jugement du tribunal administratif d'Orléans en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande tendant à la condamnation du CHRU de Tours à lui verser la somme totale de 490 634,98 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la demande préalable d'indemnité et la capitalisation de ces intérêts ;

3°) de condamner le CHRU de Tours aux entiers dépens ;

4°) de mettre à la charge du CHRU de Tours la somme de 5 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Mme Rolland reprend les mêmes moyens que ceux exposés ci-dessus dans l'instance enregistrée sous le n°20NT00903.

Par un mémoire enregistré le 12 janvier 2021, la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, représentée par la SELARL Bardet et associés, demande à la cour, par la voie de l'appel incident :

1°) de rejeter l'appel du CHRU de Tours ;

2°) de réformer ce jugement en tant qu'il a rejeté ses demandes ;

3°) de condamner le CHRU de Tours à lui verser la somme totale de 247 942,03 euros de laquelle sera déduite la somme de 50 247,60 euros, représentant la provision réglée par le centre hospitalier ;

4°) de condamner le CHRU de Tours à lui rembourser les arrérages à échoir de la pension d'invalidité auxquels elle sera exposée sauf, pour le centre hospitalier et s'il y consent, de se libérer de son obligation par le versement immédiat d'une somme de 62 006,07 euros ;

5°) d'assortir ces sommes des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir et de la capitalisation des intérêts ;

6°) de condamner le CHRU de Tours à lui verser la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion, en application des articles 9 et 10 de l'ordonnance n°96-51 du 24 janvier 1996 ;

7°) de mettre à la charge du CHRU de Tours la somme de 1 500 euros ainsi que celle de 13 euros correspondant aux droits de plaidoirie, sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

La CPAM de la Charente-Maritime reprend les mêmes moyens que ceux exposés ci-dessus dans l'instance enregistrée sous le n°20NT00903.

Par une lettre du 11 octobre 2021, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de ce que la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime ne peut régulariser en appel l'irrecevabilité de sa demande de première instance, en l'absence d'appel régulièrement formé par la victime.

Par un mémoire, enregistré le 12 octobre 2021, le centre hospitalier régional universitaire de Tours a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public.

Par un mémoire, enregistré le 13 octobre 2021, la CPAM de la Charente-Maritime a présenté des observations en réponse au moyen d'ordre public

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. L'hirondel,

- les conclusions de M. Berthon, rapporteur public,

- et les observations de Me Demailly pour le CHRU de Tours et de Me Chabouty pour Mme A... Rolland.

Considérant ce qui suit :

1. Le 16 novembre 2010, Mme A... Rolland, née le 15 mai 1971, a été victime, sur son lieu de travail, d'une luxation de la cheville gauche à la suite d'une chute, dont le traitement a nécessité quatre interventions chirurgicales, les 31 mars 2011 et 26 mars 2012 au centre hospitalier universitaire de Poitiers, puis les 24 septembre 2014 et 8 octobre 2014 au centre hospitalier régional universitaire (CHRU) de Tours. Au cours de cette dernière intervention, Mme Rolland a contracté une ostéoarthrite septique qui a conduit, le 3 juin 2015, à une amputation antérieure de sa jambe gauche. Saisi par Mme Rolland, le président du tribunal administratif d'Orléans a ordonné, le 26 avril 2016, une expertise confiée à deux experts qui ont déposé leur rapport le 9 novembre 2016, en concluant à une infection d'origine nosocomiale et à la consolidation de l'état de l'intéressée le 1er septembre 2016. Mme Rolland a saisi, sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, le juge des référés du tribunal administratif d'Orléans d'une demande tendant à la condamnation du CHRU de Tours à lui verser une allocation provisionnelle et la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Vienne a, quant à elle, sollicité dans la même instance le remboursement de ses débours. Par une ordonnance n° 1700383 du 14 novembre 2017, le juge des référés de ce tribunal a mis hors de cause l'ONIAM, a rejeté les conclusions de Mme Rolland comme irrecevables pour défaut de demande préalable et a condamné le CHRU de Tours à verser à la CPAM de la Vienne, à titre de provision, la somme de 33 910,32 euros. Par un arrêt n° 17NT03501 du 9 février 2018, la cour administrative d'appel de Nantes a porté cette somme à hauteur de 50 247,60 euros. Mme Rolland a ensuite adressé au CHRU de Tours, le 6 février 2018, une demande de réparation des préjudices qu'elle a subis à la suite de l'intervention du 8 octobre 2014 au cours de laquelle elle a contracté une infection nosocomiale. Ce courrier est resté sans réponse. C'est dans ces conditions que, par deux demandes enregistrées le 29 juin 2018, Mme Rolland a demandé au tribunal administratif d'Orléans d'une part, de condamner le CHRU de Tours à lui verser, à titre de provision à valoir sur son indemnisation, la somme de 331 003,47 euros et, d'autre part, de condamner ce même centre hospitalier à réparer les préjudices qu'elle a subis.

2. Par un jugement du 27 février 2019, le tribunal administratif d'Orléans a condamné le CHRU de Tours à verser à Mme Rolland la somme totale de 237 854,85 euros en réparation des préjudices qu'elle a subis et a assorti cette somme des intérêts au taux légal ainsi que de la capitalisation des intérêts. Il a également condamné le centre hospitalier à verser à Mme Rolland la somme de 148 euros en remboursement de ses frais de déplacement aux opérations d'expertise et a mis à la charge de l'hôpital les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 3 160 euros. Par ce même jugement, il a déclaré irrecevable la demande de la CPAM de la Charente-Maritime agissant pour le compte de la CPAM de la Vienne. Par les requêtes susvisées, le CHRU de Tours demande à la cour d'annuler ce jugement et la CPAM de la Charente-Maritime de le réformer en tant qu'il n'a pas fait droit à sa demande. Par des appels incidents, Mme Rolland demande à ce que le montant de l'indemnité mise à la charge du centre hospitalier soit réévalué.

3. Les requêtes nos 20NT00903, 20NT00905 et 20 NT01394 sont dirigées contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur le recours subrogatoire de la CPAM de la Charente-Maritime :

4. En premier lieu, pour rejeter, par le jugement attaqué, la demande de la CPAM de la Charente-Maritime, le tribunal administratif d'Orléans s'est fondé sur le motif tiré de ce que le signataire des écritures, M. B... C..., du service des " affaires juridiques " de La Rochelle, ne justifiait pas d'une délégation de signature du directeur l'habilitant à agir en justice au nom de la caisse conformément à l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale. Il est constant que la caisse n'a produit devant le tribunal administratif d'Orléans aucun mandat du directeur autorisant cet agent à agir en justice en son nom, conformément aux dispositions de l'article L. 122-1 du code de la sécurité sociale, alors qu'une fin de non-recevoir, qui lui a été communiquée, était opposée sur ce point par le CHRU de Tours. Il suit de là que la CPAM de la Charente-Maritime n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif d'Orléans a rejeté sa demande pour irrecevabilité au motif qu'elle avait été présentée par une personne n'ayant pas justifié de sa qualité pour la représenter.

5. En second lieu, compte tenu, d'une part, du lien qu'établissent les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale entre la détermination des droits de la victime et celle des droits de la caisse d'assurance maladie à laquelle elle est affiliée et, d'autre part, de l'obligation qu'elles instituent d'appeler cette caisse dans la cause, en tout état de la procédure, afin de la mettre en mesure de rechercher le remboursement de ses débours par l'auteur de l'accident, l'appel régulièrement formé par la victime contre un jugement statuant sur sa demande et sur un recours subrogatoire présenté au nom de la caisse est de nature à rouvrir à cette dernière, si elle avait omis de le faire en première instance, la possibilité de justifier que les agents qui ont introduit ce recours étaient dûment habilités à cette fin. En revanche, en l'absence d'appel régulièrement formé par la victime, la caisse ne saurait régulariser devant la cour le défaut de justification de l'habilitation de la personne ayant signé son recours subrogatoire de première instance, que ce soit dans le cadre d'un appel principal formé par elle ou dans le cadre d'un appel formé par l'auteur de l'accident, même en présence de conclusions présentées par voie d'appel incident par la victime.

6. En l'absence d'appel formé par Mme Rolland contre le jugement du 27 février 2019, la CPAM de la Charente-Maritime ne saurait par voie d'appel principal, dans les instances ouvertes sous les n°s 20NT00903 et 20NT00905, régulariser sa demande par la production, pour la première fois en appel, de la décision du 12 novembre 2018 par laquelle le directeur de la CPAM de la Charente-Maritime a donné délégation à M. B... C..., pour conclure devant les tribunaux. La caisse ne saurait davantage régulariser sa demande, par la voie de l'appel incident, dans l'instance ouverte sous le n°20NT01394, sur l'appel formé par le CHRU de Tours à l'encontre du jugement du 27 février 2019 l'ayant condamné à indemniser Mme Rolland de ses préjudices, alors même que cette dernière a également présenté des conclusions par la voie de l'appel incident.

Sur les droits de la victime :

En ce qui concerne la régularité du jugement attaqué :

7. Les premiers juges ont suffisamment précisé dans le jugement attaqué, tant en droit qu'en fait, les raisons pour lesquelles ils ont écarté la fin de non-recevoir opposée par le centre hospitalier à la demande présentée par Mme Rolland. Ils ont également précisé les motifs pour lesquels la responsabilité de l'hôpital étaient engagée et les modalités retenues pour fixer les indemnités à allouer à Mme Rolland au titre des différents chefs de préjudice dont le tribunal était saisi. Par suite, le CHRU de Tours ne saurait sérieusement soutenir dans sa requête sommaire que le jugement attaqué du tribunal administratif d'Orléans est insuffisamment motivé au regard des conclusions dont il était saisi.

En ce qui concerne la recevabilité de la demande de première instance présentée par Mme Rolland :

8. Si dans sa requête sommaire, le CHRU de Tours soutient que c'est à tort que le tribunal a jugé que la demande de Mme Rolland n'était pas tardive au motif qu'un accusé de réception répondant aux exigences prévues à l'article L. 112-3 du code des relations entre le public et l'administration n'avait pas été délivré à sa demande préalable, il n'apporte au soutien de son allégation aucun élément de nature à en apprécier le bien-fondé. Par suite, et par adoption des motifs retenus par tribunal aux points 6 et 7 de son jugement, il y a lieu d'écarter la fin de non-recevoir opposée à cette demande par le centre hospitalier.

En ce qui concerne la responsabilité du CHRU de Tours :

9. Aux termes de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique : " I. - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. / Les établissements, services et organismes susmentionnés sont responsables des dommages résultant d'infections nosocomiales, sauf s'ils rapportent la preuve d'une cause étrangère.". Aux termes de l'article L. 1142-1-1 du même code : " Sans préjudice des dispositions du septième alinéa de l'article L. 1142-17, ouvrent droit à réparation au titre de la solidarité nationale : / 1° Les dommages résultant d'infections nosocomiales dans les établissements, services ou organismes mentionnés au premier alinéa du I de l'article L. 1142-1 correspondant à un taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique supérieur à 25 % déterminé par référence au barème mentionné au II du même article, ainsi que les décès provoqués par ces infections nosocomiales ; (...) ".

10. Dans le cas d'une infection nosocomiale contractée à l'occasion d'une opération communément pratiquée, ne présentant pas de risque particulier, et s'étant déroulée sans incident, devant donc normalement permettre au patient de recouvrer une grande partie de ses capacités fonctionnelles, le taux d'atteinte à l'intégrité du patient doit être calculé non pas par la différence entre sa capacité avant l'intervention et sa capacité après consolidation des conséquences de l'infection, mais en se référant à la capacité dont l'intervention aurait permis la récupération en l'absence de cette infection.

11. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de l'expert, que Mme Rolland a fait le 16 novembre 2010 une chute qui a occasionné une entorse grave de sa cheville gauche et que, malgré les différentes interventions chirurgicales subies, elle restait atteinte de séquelles résiduelles importantes. En particulier, elle a subi le 24 septembre 2013 une arthrodèse de la cheville gauche. Si l'expert a fixé à 35 %, le déficit fonctionnel permanent dont Mme Rolland est atteinte à la suite de l'opération du 8 octobre 2014 ayant conduit à l'infection nosocomiale, il précise toutefois qu'en l'absence d'une telle infection, l'intéressée aurait conservé un déficit fonctionnel permanent évalué à 17 % pour une cheville gauche en arthrodèse avec douleurs neuropathiques résiduelles. Il suit de là, alors que l'opération du 8 octobre 2014 n'avait pas pour objet de réduire les conséquences de l'arthrodèse, que le taux de déficit fonctionnel permanent imputable à l'infection est de 18 %, inférieur au taux de 25 % prévu à l'article L.1142-1-1 précité du code de la santé publique. Par suite, le CHRU de Tours n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont engagé sa responsabilité et, par suite, n'ont pas fait droit à sa demande tendant à ce que les sommes versées à titre prévisionnel lui soient remboursées par la CPAM de la Charente-Maritime.

En ce qui concerne l'évaluation des préjudices :

S'agissant des préjudices patrimoniaux de Mme Rolland :

Quant aux dépenses de santé, de frais de logement et frais divers :

12. Ainsi que l'a retenu le tribunal et qu'il n'est pas contesté par les parties, Mme Rolland n'établit pas avoir supporté des dépenses de santé, ni avoir engagé des dépenses pour permettre l'adaptation de son logement. En revanche, elle a justifié avoir exposé des frais de déplacement à hauteur de 148 euros, non contestés par le CHRU de Tours, et que le tribunal a indemnisés au titre des dépens.

Quant aux frais d'assistance par une tierce personne :

Concernant les dépenses relevant de la période avant consolidation :

13. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.

14. Il résulte de l'instruction, et plus particulièrement du rapport d'expertise, que le déficit fonctionnel dont Mme Rolland a été atteinte du fait de l'infection nosocomiale a été fixé à 75 % du 22 janvier 2015 au 1er juin 2015 et du 11 juin au 1er septembre 2015, soit une période de 214 jours, nécessitant l'assistance quotidienne d'une tierce personne pendant trois heures. En outre, du 2 septembre 2015 au 1er septembre 2016, soit pendant un an, le taux du déficit fonctionnel, fixé à 50 %, nécessitait l'assistance d'une tierce personne pendant deux heures par jour. Il ne résulte pas de l'instruction que compte tenu des séquelles dont est atteinte l'intéressée, l'assistance d'une tierce personne requérait une qualification particulière. Par suite, c'est sans avoir minimisé l'importance de l'aide ainsi apportée, que les premiers juges ont pu fixer l'indemnisation sur la base d'un taux horaire moyen de 13 euros tenant compte des charges patronales et des majorations de rémunération pour travail du dimanche. Par suite, et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment de l'attestation de versement du 17 décembre 2018 du président du conseil départemental de la Vienne, que la victime percevrait des aides devant être déduites de l'indemnisation, le préjudice de Mme Rolland, calculé sur la base d'une période indemnisable d'une année de 412 jours pour tenir compte des congés payés et des jours fériés, ce qui représente un coefficient de 1,128, s'élève à la somme de 20 119 euros.

Concernant le dépenses relevant de la période post consolidation :

15. D'une part, l'expert a retenu, à la date de la consolidation, l'aide d'une tierce personne non médicalisée à raison d'une heure trente par jour dont la moitié seulement, soit quarante-cinq minutes, est imputable à l'infection nosocomiale. Pour le même motif que précédemment, les premiers juges ont pu fixer à bon droit à 14 euros le taux horaire moyen de rémunération. Dans ces conditions, et en tenant compte également d'une période indemnisable, de la date de consolidation à celle du présent arrêt, de 1 892 jours à laquelle est appliquée le coefficient de 1,128, il convient d'évaluer ce chef de préjudice à la somme de

22 409 euros.

16. D'autre part, s'agissant des préjudices futurs de la victime, c'est-à-dire à compter de la date du présent arrêt, non couverts par des prestations de sécurité sociale, il appartient au juge de décider si la réparation par le tiers responsable doit prendre la forme du versement d'un capital ou d'une rente selon que l'un ou l'autre de ces modes d'indemnisation assure à la victime, dans les circonstances de l'espèce, la réparation la plus équitable, sans que le choix ne soit subordonné à l'accord du responsable. Si le CHRU de Tours soutient que la réparation sous forme de rente serait, en l'espèce, la forme la plus adaptée, il n'apporte au soutien de ses allégations aucun élément permettant d'en apprécier le bien-fondé. En particulier, il ne résulte pas de l'instruction que le mode de prise en charge de Mme Rolland, qui souffre d'une amputation, est susceptible, compte tenu de son âge et de son mode de vie, de connaître une évolution ayant pour effet de la décharger de tout ou partie de ses frais d'assistance, de sorte qu'une indemnisation sous forme de rente serait plus adaptée à celle apportée sous forme de capitalisation.

17. Dans ces conditions, et pour l'avenir, le préjudice de Mme Rolland correspond, sur la base d'un besoin d'assistance à tierce personne calculé dans les mêmes conditions qu'au point 15, à un besoin viager d'un montant annuel de 4 323,06 euros. Pour capitaliser cette rente, il pourra être tenu compte, contrairement à ce que soutient le centre hospitalier, du dernier barème édité par la Gazette du Palais paru en septembre 2020. Eu égard à l'âge de 50 ans de la victime à la date du présent arrêt, et en application du point de rente de 36,080, le capital ainsi obtenu correspondant au préjudice résultant de la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne doit être fixé à 155 976 euros.

Quant à l'incidence professionnelle :

18. L'incidence professionnelle a pour objet d'indemniser les préjudices périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage, ou encore au préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

19. Il résulte de l'instruction que Mme Rolland perçoit une pension d'invalidité dont l'objet est de réparer prioritairement les pertes de revenus professionnels et, par suite, comme ne réparant tout ou partie de l'incidence professionnelle que si la victime ne subit pas de pertes de revenus ou si le montant de ces pertes est inférieur à celui perçu au titre de la pension. Il résulte, par ailleurs, du rapport de l'expert, que même si elle n'avait pas subi d'amputation, Mme Rolland n'aurait jamais pu reprendre, eu égard à l'état fonctionnel de ses deux chevilles, son activité professionnelle d'aide-soignante mais que, toutefois, son handicap actuel vient limiter les possibilités de reclassement professionnel qui sera nécessairement sédentaire. Il suit de là que du fait des conséquences de l'infection nosocomiale et de l'amputation qui en a résulté, Mme Rolland a subi une aggravation de sa dévalorisation sur le marché du travail ainsi qu'une augmentation de sa perte d'une chance professionnelle. Alors que Mme Rolland perçoit une pension d'invalidité, l'intéressée n'est pas fondée à se plaindre de ce que les premiers juges lui ont accordé, pour ce chef de préjudice, la somme de 5 000 euros, somme non contestée par le CHRU de Tours.

Quant aux frais de véhicule adapté :

20. Mme Rolland soutient, alors qu'elle est titulaire du permis de conduire, qu'il est nécessaire d'apporter des adaptations à son véhicule en l'équipant d'une boite automatique, ce qui représente un surcoût, en tant compte de son installation et des frais de réparation, estimé à 1 200 euros. Elle demande également le versement, sous forme de capital, d'une somme de 9 159 euros compte tenu de la nécessité de changer tous les cinq ans son véhicule.

21. Si Mme Rolland peut prétendre au remboursement des dépenses nécessaires pour procéder à l'adaptation de son véhicule, il ne résulte pas de l'instruction qu'elle possèderait une automobile ni, à supposer qu'elle en possède une, qu'elle ait procédé aux dépenses alléguées. Par suite, elle ne saurait demander, pour ce chef de préjudice, le versement d'une somme de 1 200 euros. Si elle venait à acquérir un véhicule, les frais futurs nécessaires à son adaptation en lien avec la faute devront être remboursés, sur présentation de justificatifs, par le CHRU de Tours au fur et à mesure de leur exposition et dans la limite d'une fréquence de renouvellement de sept ans.

S'agissant des préjudices extrapatrimoniaux de Mme Rolland :

Quant au déficit fonctionnel temporaire :

22. Selon le rapport d'expertise, Mme Rolland a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 24 décembre 2014 au 21 janvier 2015 puis du 2 au 10 juin 2015, un déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 75 % du 22 janvier au 1er juin 2015 puis du 11 juin au 1er septembre 2015 et enfin, un déficit fonctionnel temporaire à hauteur de 50 % du 2 septembre 2015 au 1er septembre 2016. Pour indemniser ce chef de préjudice, le tribunal administratif a retenu un taux journalier d'indemnisation de 16,60 euros. Si Mme Rolland demande que ce taux journalier soit porté à 30 euros, elle ne se prévaut, au soutien de sa demande, d'aucune circonstance particulière de nature à justifier une telle réévaluation. Dans ces conditions, les premiers juges n'ont pas fait une évaluation insuffisante de ce chef de préjudice en l'évaluant à la somme totale de 6 333 euros.

Quant au déficit fonctionnel permanent :

23. Selon le rapport d'expertise, Mme Rolland demeure atteinte d'un déficit fonctionnel permanent de 35 %, dont 18 % sont imputables exclusivement à l'infection nosocomiale contractée au centre hospitalier, laquelle a entraîné l'amputation partielle de sa jambe gauche. Compte tenu de son âge à la date de consolidation (45 ans) et eu égard au retentissement de ces séquelles dans ses conditions d'existence, le tribunal administratif a fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en le fixant à la somme de 30 000 euros.

Quant aux préjudices esthétiques temporaire et permanent :

24. L'expert a évalué à 4 sur une échelle allant de 1 à 7 le préjudice esthétique temporaire subi par Mme Rolland jusqu'à la réalisation d'une prothèse définitive et à 3 sur une même échelle de 7 son préjudice esthétique permanent. Il sera, dans les circonstances de l'espèce, fait une juste appréciation de ces chefs de préjudice en accordant à la victime une indemnité totale de 15 000 euros à ce titre.

Quant aux souffrances endurées :

25. Selon le rapport d'expertise, les souffrances endurées dues à la reprise chirurgicale, à l'amputation et au traitement antibiotique prolongé, ont été évaluées à 4 sur une échelle de 7. Il résulte par ailleurs de l'instruction, en particulier du courrier du professeur Brilhaut du 9 avril 2015, que l'amputation a été demandée par Mme Rolland en raison de " douleurs permanentes, insomniantes, inflammatoires mais aussi neuropathiques qui la confinent au fauteuil ". Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en allouant à Mme Rolland la somme de 10 000 euros.

Quant aux préjudice d'agrément :

26. Mme Rolland se plaint, sans davantage de précisions, d'être limitée dans ses activités sportives ou de loisirs ainsi que dans ses activités à l'extérieur. En se bornant, par ailleurs, à faire état d'avoir une marche limitée pour ne pas dépasser une distance de 500 mètres, elle n'invoque pas de préjudice distinct de son déficit fonctionnel permanent, qui indemnise les troubles de toute nature dans la vie quotidienne de la victime du fait de ses séquelles. Il s'ensuit que Mme Rolland n'établit pas la réalité du préjudice d'agrément dont elle sollicite la réparation.

Quant au préjudice sexuel :

27. Si Mme Rolland soutient qu'elle a rompu avec son compagnon, elle n'établit pas le lien de cette rupture avec les séquelles de l'intervention. Par ailleurs, il ne résulte pas de l'instruction qu'en évaluant le préjudice sexuel de l'intéressée à 2 000 euros en raison de l'absence qu'elle allègue de libido et d'activité sexuelle depuis la survenue du dommage, les premiers juges auraient insuffisamment indemnisé ce chef de préjudice.

28. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de porter de 237 854,85 euros à 266 985 euros le montant de l'indemnité due par le CHRU de Tours à Mme Rolland en raison des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale qu'elle a contractée lors de l'opération intervenue le 8 octobre 2014.

Sur les intérêts :

29. Mme Rolland a droit aux intérêts au taux légal sur les condamnations prononcées à son profit à compter du 8 février 2018, date de présentation de sa demande préalable d'indemnisation. Les intérêts échus à la date du 8 février 2019, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Sur les frais d'expertise :

30. Il y a lieu de maintenir les frais d'expertise, taxés à la somme de

3 160 euros, à la charge définitive du CHRU de Tours.

Sur les frais liés au litige :

31. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du CHRU de Tours, la somme que la CPAM de la Charente-Maritime demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge du CHRU de Tours une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par Mme Rolland et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du CHRU de Tours la somme que l'ONIAM demande sur le même fondement.

DÉCIDE :

Article 1er : Les requêtes n°s 20NT00903 et 20NT00905 sont rejetées.

Article 2 : La somme de 237 854,85 euros que le tribunal administratif de Nantes a condamné le CHRU de Tours à verser à Mme Rolland, à l'article 1er de son jugement, est portée à 266 985 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 8 février 2018. Les intérêts échus à la date du 8 février 2019 seront capitalisés à chaque échéance annuelle à compter de cette date pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : Le CHRU de Tours est condamné à rembourser à Mme Rolland les frais futurs nécessaires à l'adaptation de son véhicule dans les conditions fixées au point 21 du présent arrêt.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif d'Orléans du 27 février 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Les frais de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 3 160 euros sont mis à la charge définitive du CHRU de Tours.

Article 6: Le CHRU de Tours versera à Mme Rolland la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le surplus des conclusions présentées par les parties dans l'instance n°20NT01394 est rejeté.

Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à la caisse primaire d'assurance maladie de la Charente-Maritime, au centre hospitalier régional universitaire de Tours, à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales et à Mme A... Rolland.

Délibéré après l'audience du 14 octobre 2021, à laquelle siégeaient :

- M. Salvi, président de chambre,

- Mme Brisson, président-assesseur,

- M. L'hirondel, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2021.

Le rapporteur,

M. L'HIRONDELLe président,

D. SALVI

La greffière,

A. MARTIN

La République mande et ordonne au ministre des solidarités et de la santé en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

17

Nos 20NT00903, 20NT00905, 20NT01394


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 20NT00903
Date de la décision : 05/11/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. SALVI
Rapporteur ?: M. Michel LHIRONDEL
Rapporteur public ?: M. BERTHON
Avocat(s) : SCP DENIZEAU GABORIT TAKHEDMIT

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2021-11-05;20nt00903 ?
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