Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... a demandé au tribunal administratif de Toulon d'annuler le titre de perception émis le 3 octobre 2017 à son encontre par la ministre des armées en vue de recouvrer la somme de 8 993,70 euros correspondant à une avance consentie au titre de frais de déplacement, ensemble la lettre de relance établie le 12 février 2018 par la direction départementale des finances publiques du Var et la décision ministérielle confirmative prise à la suite de son recours préalable devant le comptable public.
Par un jugement n° 1802131 du 29 septembre 2020, le tribunal administratif de Toulon a annulé le titre de perception émis le 3 octobre 2017 et la décision rejetant son recours administratif.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 27 novembre 2020, la ministre des armées demande à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulon du 29 septembre 2020 ;
2°) de rejeter les conclusions de première instance de M. D....
Elle soutient qu'ainsi que le rappelle la circulaire n° 24834 du 1er août 2017 relative à la mise en œuvre de la prescription des créances au ministère des armées, les frais de déplacement ne constituent pas des éléments de rémunération au sens des dispositions de l'article L. 4123-1 du code de la défense, et par suite, ils ne peuvent être assimilées à des accessoires de rémunération et sont soumis à un régime de prescription quinquennale.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 février 2021, M. C... D... représenté par Me Laclau conclut au rejet de la requête et demande à la Cour de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- rien n'indique que l'article L. 4123-1 du code de la défense exclurait par principe la prise en charge des frais de déplacement comme devant recevoir la qualification de rémunération alors que cet article fait référence à une rémunération comportant notamment la solde à laquelle peuvent être ajoutées des prestations en nature ;
- à titre subsidiaire, si l'article L. 4123-1 du code de la défense devait être interprété, s'agissant des militaires, comme excluant les frais de déplacement, il serait manifestement inconventionnel, eu égard au principe d'égalité de traitement et au droit de propriété, d'une part, et à la définition communautaire de la rémunération, d'autre part.
Par une ordonnance n° 20MA04411 du 11 février 2021, le président de la 7ème chambre a refusé de transmettre au Conseil d'Etat la question prioritaire de constitutionnalité soulevée par M. D... portant sur l'article L. 4123-1 du code de la défense.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de la défense ;
- la loi n° 2000-321 du 12 avril 2000 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A...,
- les conclusions de M. Roux, rapporteur public,
- et les observations de Me Loiseau, substituant Me Laclau, représentant M. D....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... était, au moment des faits, maître principal dans la marine nationale et affecté au centre d'instruction naval de Saint-Mandrier en qualité d'électrotechnicien. Par une décision du 29 novembre 2013 faisant suite à sa demande du 14 novembre précédent, il a bénéficié d'un congé de reconversion pour la période allant du 6 janvier au 27 juin 2014 afin d'effectuer une période d'adaptation en entreprise au sein de la société ERDF sise à Toulouse, sur l'emploi de technicien de maintenance. Un ordre de mission a été établi le 18 décembre 2013 pour ladite période afin qu'il soit indemnisé de ses frais de déplacement. Il a perçu le 15 janvier 2014 une avance sur décompte n° 582 du 19 décembre 2013 d'un montant de 8 993,70 euros correspondant à 75 % du montant présumé dû au titre du transport, de l'hébergement et de la restauration. Le 3 octobre 2017, un titre de perception a été émis à son encontre pour le recouvrement de cette somme regardée par l'administration comme ayant été perçue à tort par M. D.... La ministre des armées relève appel du jugement du 29 septembre 2020 en tant que le tribunal administratif de Toulon a annulé ce titre de perception, ensemble la décision ministérielle rejetant son recours administratif, au motif que l'action en répétition de l'indu était prescrite.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000 : " Les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents peuvent être répétées dans un délai de deux années à compter du premier jour du mois suivant celui de la date de mise en paiement du versement erroné, y compris lorsque ces créances ont pour origine une décision créatrice de droits irrégulière devenue définitive. Toutefois, la répétition des sommes versées n'est pas soumise à ce délai dans le cas de paiements indus résultant soit de l'absence d'information de l'administration par un agent de modifications de sa situation personnelle ou familiale susceptibles d'avoir une incidence sur le montant de sa rémunération, soit de la transmission par un agent d'informations inexactes sur sa situation personnelle ou familiale ".
3. Il résulte de ces dispositions, éclairées par les travaux parlementaires, qu'ainsi, du reste, que le précise la circulaire RDFF1309975C du 11 avril 2013 de la direction générale des finances publiques et de la direction générale de l'administration et de la fonction publique, " les créances résultant de paiements indus effectués par les personnes publiques en matière de rémunération de leurs agents " doivent être comprises comme visant l'ensemble des sommes susceptibles d'être versées, à titre principal ou accessoire, par une personne publique à l'un de ses agents, en sa qualité d'employeur. Dès lors, quand bien même les frais de déplacement en litige, versés à M. D... alors qu'il était en position d'activité, ne constitueraient pas un élément de sa rémunération, au sens de l'article L. 4123-1 du code de la défense, et ont été engagés sur le titre III du budget du ministère relatif aux dépenses de fonctionnement et non sur son titre II relatif à la rémunération des personnels, leur répétition est soumise à la prescription biennale prévue par l'article 37-1 de la loi du 12 avril 2000.
4. Il résulte de ce qui précède que le ministre des armées n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, les premiers juges ont annulé le titre de perception émis le 3 octobre 2017 à l'encontre de M. D... en vue de recouvrer la somme de 8 993,70 euros, ensemble la décision ministérielle rejetant son recours administratif.
Sur les frais liés au litige :
5. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État (ministre des armées) la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. D... et non compris dans les dépens.
D É C I D E :
Article 1er : La requête du ministre des armées est rejetée.
Article 2 : L'État (ministre des armées) versera à M. D... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre des armées et à M. C... D....
Copie en sera adressée à la direction départementale des finances publiques du Var.
Délibéré après l'audience du 14 septembre 2022, où siégeaient :
- Mme Helmlinger, présidente de la Cour,
- M. B..., premier vice-président,
- M. Pocheron, président de chambre,
- Mme Ciréfice, présidente-assesseure,
- Mme Vincent, présidente-assesseure,
- M. Prieto, premier conseiller,
- M. Mérenne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 septembre 2022.
N° 20MA04411 2