Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Les SAS Agilis et Midi Travaux ont demandé au tribunal administratif de Marseille de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, à leur payer la somme de 552 796 euros hors taxes, soit 666 355,20 euros toutes taxes comprises, et d'arrêter, par voie de conséquence, le décompte général et définitif à la somme de 4 214 923,58 euros toutes taxes comprises ; à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société d'économie mixte d'aménagement du Pays d'Aubagne (SAEMPA) exerçant désormais sous l'enseigne SEM Façoneo et le groupement Citta-Strada-Burgeap à leur payer la somme de 552 796 euros hors taxes, soit 663 355,20 euros toutes taxes comprises, en tant qu'ils ont contribué chacun pour leur part aux surcoûts exposés par le groupement solidaire Agilis et Midi Travaux ; à titre infiniment subsidiaire, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à leur payer la somme de 222 836,63 euros hors taxes, soit 267 403,96 euros toutes taxes comprises correspondant au montant de l'indemnisation acceptée dans le projet de protocole non régularisé, et/ou de condamner in solidum la SEM Façoneo et le groupement Citta-Strada-Burgeap à leur payer cette même somme, en tant qu'ils ont contribué aux surcoûts engagés par le groupement solidaire Agilis et Midi Travaux.
Par un jugement n° 1710149 du 14 janvier 2020, le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 mars 2020 et 9 juillet 2021, les sociétés Agilis et Midi Travaux, représentées par Me Sinai-Sinelnikoff, demandent à la Cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, à leur payer la somme de 552 796 euros hors taxes, soit 666 355,20 euros toutes taxes comprises, et d'arrêter, par voie de conséquence, le décompte général et définitif à la somme de 4 214 923,58 euros toutes taxes comprises ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner in solidum la société d'économie mixte d'aménagement du Pays d'Aubagne (SAEMPA) exerçant désormais sous l'enseigne SEM Façoneo et le groupement Citta-Strada-Burgeap à leur payer la somme de 552 796 euros hors taxes, soit 663 355,20 euros toutes taxes comprises, en tant qu'ils ont contribué chacun pour leur part aux surcoûts exposés par le groupement solidaire Agilis et Midi Travaux ;
4°) à titre infiniment subsidiaire, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence à leur payer la somme de 222 836,63 euros hors taxes, soit 267 403,96 euros toutes taxes comprises, correspondant au montant de l'indemnisation acceptée dans le projet de protocole non régularisé, et/ou de condamner in solidum la SEM Façoneo et le groupement Citta-Strada-Burgeap à leur payer cette même somme, en tant qu'ils ont contribué aux surcoûts engagés par le groupement solidaire Agilis et Midi Travaux ;
5°) en tout état de cause, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence d'une part, la SEM Façoneo d'autre part et le groupement Citta-Strada-Burgeap enfin, au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
1°) elles recherchent la responsabilité contractuelle de la maîtrise d'ouvrage (métropole Aix-Marseille-Provence), la responsabilité quasi-délictuelle de la maîtrise d'ouvrage déléguée (SEM Façonéo) au titre de la mission d'ordonnance, pilotage coordination qui leur a été confiée par la maîtrise d'ouvrage et la responsabilité quasi-délictuelle de la maîtrise d'œuvre (groupement d'entreprises Citta-Strada-Burgeap) au titre notamment des missions OPC (ordonnancement pilotage coordination) et DET dont elle était titulaire dans le cadre du marché strictement limité à l'aménagement des espaces publics ; elles ne remettent pas en cause l'absence de responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage délégué et de la maîtrise d'œuvre ;
2°) sur la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage :
- la maîtrise d'ouvrage a insuffisamment défini préalablement son besoin d'une part et manqué d'autre part à son rôle de direction et de contrôle de l'opération, et ce en méconnaissance notamment de la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 relative à la maîtrise d'ouvrage publique et ses relations avec la maîtrise d'œuvre privée ;
- en écartant toute responsabilité de la maîtrise d'ouvrage au motif que cette dernière avait confié à la maîtrise d'ouvrage déléguée une mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des différentes opérations, le tribunal administratif de Marseille a exonéré la maîtrise d'ouvrage de sa responsabilité telle que prévue à la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 alors applicable ;
3°) sur la responsabilité quasi-délictuelle de la maîtrise d'ouvrage déléguée (SEM Façoneo) et de la maîtrise d'œuvre (groupement d'entreprises Citta-Strada-Burgeap) :
- la SEM Façoneo intervenait en qualité de maître d'ouvrage délégué et de titulaire d'une mission d'ordonnancement pilotage coordination en partie sous-traitée à une société tierce ; le groupement d'entreprises Citta-Strada-Burgeap intervenait au titre notamment des missions OPC et DET dont elle était titulaire dans le cadre du marché strictement limité à l'aménagement des espaces publics ;
- la responsabilité de la société SEM Façoneo et du groupement Citta-Strada-Burgeap est engagée sur le terrain de la responsabilité quasi-délictuelle au regard de l'article 10 du décret du 29 novembre 1993 ; en l'espèce, aucun chemin critique n'a été établi et plus globalement, aucune mesure d'organisation n'a été arrêtée dans le cadre des travaux ; dans des circonstances analogues, le juge administratif retient la responsabilité du titulaire des prestations d'ordonnancement, de pilotage et de coordination ;
4°) sur la co-activité des travaux du tramway et des bâtiments et les activités liées à l'organisation et au phasage du chantier et ses incidences, si les contraintes liées à la co-activité des travaux du tramway et des bâtiments et celles liées à l'organisation et au phasage du chantier décrites au CCTP ont été intégrées dans l'offre du groupement Agilis-Midi Travaux, ce sont leurs évolutions et leur gestion par les intervenants à l'opération de travaux qui ont été préjudiciables ;
5°) sur les contraintes apparues en cours d'exécution :
- la société SIAREM, au regard de l'article 1.5 du CCAP, assurait auprès de la SAEMPA une mission de coordination générale d'aménagement du site Rousselot destinée à coordonner le marché de la métropole, le marché du tramway et enfin les marchés des promoteurs Pitch et Agir ; cette prestation de coordination, dont la SAEMPA devenue SEM Façoneo avait la charge, a été sous-traitée par contrat du 28 mai 2013 à la société SIAREM ; au titre de ce contrat figuraient notamment les missions d'organisation générale du chantier portant sur les emprises et installations de chantier, les branchements provisoires en énergie et fluide (article 3.2.1), la coordination générale des travaux (article 3.2.3) et une mission d'organisation et d'interface des différentes opérations ;
- force est de constater que l'élaboration d'un chemin critique par la maîtrise d'œuvre fait manifestement défaut ;
- force est également de constater en l'espèce que ni la maîtrise d'ouvrage, ni la maîtrise d'ouvrage déléguée, ni la maîtrise d'œuvre n'ont été en mesure de mettre le titulaire en capacité d'exécuter ses prestations conformément aux prévisions contractuelles ; cette absence de coordination de l'opération s'est manifestée tant en amont de l'opération de travaux que dans le cadre de l'exécution des travaux ; de cette absence de coordination résulte une série de postes de préjudices ;
6°) sur le droit à réparation :
- la maîtrise d'ouvrage ainsi que la société Citta ne sont pas fondées à opposer une irrecevabilité de la demande tirée des dispositions de l'article 15.4.1 du CCAG Travaux, au motif que le groupement avait l'obligation d'aviser la maîtrise d'œuvre d'un dépassement du montant des travaux, obligation auquel ce dernier n'aurait pas déféré ; or, le juge administratif ne subordonne pas la recevabilité d'une demande de rémunération complémentaire au respect de ce formalisme ;
- la maîtrise d'ouvrage n'est pas fondée à se prévaloir de la signature de deux avenants pour des montants respectivement de 10 721,25 euros hors taxes et de 292 045,40 euros hors taxes, pour soutenir que l'évolution des conditions d'exécution a été prise en considération au fil de l'opération et a donné lieu à une rémunération complémentaire auprès du groupement titulaire Agilis-Midi Travaux, dans la mesure où l'objet de ces avenants ne recoupe nullement les motifs de la réclamation ;
7°) sur les préjudices :
- le groupement a été tenu de procéder à l'évacuation de matériaux et de déblais de chantier stockés par des tiers à l'opération notamment dans le cadre de la réalisation du chantier du tramway afin de pouvoir disposer des emprises permettant la réalisation des travaux ; il appartient à la maîtrise d'ouvrage de permettre à l'entreprise d'exécuter ses prestations, et ce indépendamment de son inertie ou de son incapacité - réelle ou supposée - à assurer la maîtrise foncière de l'opération ; par conséquent, le groupement Agilis-Midi Travaux est fondé à solliciter la somme de 9 393 euros hors taxes au titre des surcoûts liés à la libération des emprises ;
- le déplacement du compteur d'eau en question n'est pas lié au respect des obligations contractuelles du groupement requérant mais bien à une contrainte imposée par la maîtrise d'ouvrage via sa maîtrise d'ouvrage déléguée et non gérée par la maîtrise d'œuvre ; il sera, par ailleurs, souligné que les parties, dans le cadre du Protocole, ont acté le bien-fondé de ce déplacement et de l'absence de toute responsabilité du groupement en la matière ; la position du tribunal ne manque pas d'étonner puisqu'elle reprend une partie du protocole mais omet toutefois la conclusion du paragraphe qui acte de ce que la maîtrise d'ouvrage consent à indemniser le groupement à hauteur du montant réclamé de 1 584 euros hors taxes ;
- sur la mise en place d'un périmètre de sécurité, cette problématique rejoint précisément la notion de travaux supplémentaires puisque ces travaux ont été strictement nécessaires à la bonne réalisation de l'ouvrage ; le préjudice supporté par le titulaire du marché pour les seules problématiques liées au défaut de libération des emprises s'élève à 20 915 euros hors taxes ;
- sur l'anticipation du démarrage des travaux de bâtiment et de la chaufferie :
a. aucune disposition dans le cadre du marché du groupement requérant ne précisait la moindre interface, contrainte ni même co-activité liée à la construction d'une chaufferie à proximité immédiate des prestations du groupement ; le démarrage anticipé de la construction des bâtiments et l'ajout des travaux de la chaufferie non prévus dans le cadre du marché ont généré pour le titulaire du marché un préjudice à hauteur de 269 458 euros hors taxes dont ce dernier est bien-fondé à solliciter l'indemnisation se décomposant comme suit ;
b. l'anticipation de la construction des bâtiments et de la chaufferie les a contraintes à déplacer l'installation de chantier déjà en place pour un coût de 3 644 euros hors taxes et a généré une co-activité ayant conduit à un allongement de la durée de présence du conducteur de travaux sur une période a minima de quarante semaines supplémentaires et une computation de trois à dix semaines sur l'ensemble des autres moyens, leur causant un préjudice d'un montant de 93 938 euros hors taxes ;
c. la co-activité générée par le démarrage anticipé des bâtiments a également eu pour incidence de réduire les zones de stockage disponibles pour le groupement, l'obligeant à des évacuations fréquentes de matériaux dont le remploi était prévu ainsi que la fourniture de nouveaux matériaux en lieu et place de ceux évacués, entrainant un surcoût de 51 563 euros hors taxes ;
d. l'absence de disponibilité de l'intégralité de l'assiette les a conduites à installer un bassin en préfabriqué en lieu et place du bassin de rétention prévu à l'article 12.10 du CCTP dont la réalisation a entrainé une plus-value de l'ordre de 14 % et a nécessité la mobilisation d'une grue de 70 tonnes au lieu d'une grue de 10 tonnes, engendrant un surcoût de l'ordre de 81 375 euros hors taxes ;
e. par ailleurs, la co-activité a conduit à de multiples interruptions, lesquelles conduisent à imputer pour chaque arrêt une demi-journée pour la mise en sécurité des ouvrages et repli du personnel et une demi-journée pour la reprise des travaux, soit une immobilisation de l'ordre de dix jours pour un coût de 38 938 euros hors taxes ;
- sur la modification des accès au chantier :
a. le tribunal oppose au groupement requérant les stipulations de l'article 3.4 du CCTP-00, en omettant une fois encore de considérer que la maîtrise d'ouvrage déléguée a acté dans le cadre d'un protocole la survenance de nouvelles contraintes " non anticipables " par le groupement ; la société Agilis est bien fondée à solliciter la somme de 28 234 euros hors taxes se décomposant comme suit :
b. le groupement a été immobilisé pendant une semaine lors du démarrage des travaux dès lors qu'aucun accès au chantier n'était possible, immobilisation qui a engendré un coût de l'ordre de 11 047 euros hors taxes suivant détail précisé au point 5.1 du mémoire en réclamation de l'entreprise ;
c. la modification des conditions d'accès au chantier puis sa limitation ont conduit à l'immobilisation du groupement pendant une semaine lors du démarrage des travaux et ont engendré, par une augmentation des moyens de transport compte tenu des difficultés d'accès, des attentes pour accéder au site et des manœuvres induites des surcoûts pour un montant de 17 188 euros hors taxes ;
- sur l'insuffisance des déclarations de travaux effectués par la maîtrise d'ouvrage, l'avenant n° 2 produit en pièce n° 3.2 ne fait état d'aucune renonciation à recours de la part des éléments visés dans le cadre de la régularisation de l'avenant, de telle sorte que même s'il devait être considéré que les déclarations de travaux figuraient au titre de l'item " Mise en cohérence du projet avec les aménagements de Pitch ", ce qui n'est pas le cas, rien n'exclut, au titre de cet avenant, la possibilité pour le groupement d'envisager une demande indemnitaire ; s'agissant des sondages complémentaires effectués et des travaux supplémentaires réalisés, le groupement est bien fondé à solliciter la somme de 8 156 euros hors taxes ;
- s'agissant des préjudices liés à la défaillance dans la coordination du chantier, la co-activité avec les opérations du tramway a généré des coûts d'un montant de 55 956 euros hors taxes tenant aux désordres matériels de la co-activité, à l'immobilisation des moyens durant les essais du tramway et à la gestion de l'interface avec l'exploitation du tramway ;
- sur les défaillances dans la coordination avec Pitch :
a. des divergences de planning ont conduit à ce que l'emprise des travaux du groupement s'agissant de la zone " traverse de la Gélatine " ait été rendue très tardivement au groupement ; des modifications ont été rendues nécessaires pour la réalisation des travaux du groupement tenant à la pose de gabions ; pour ce seul poste tenant à la modification des travaux du groupement Agilis-Midi Travaux, celui-ci est bien fondé à solliciter la somme de 29 956 euros hors taxes ;
b. cette même problématique s'est posée s'agissant des travaux sur " l'impasse de la Pépinière " impliquant également des surcoûts pour le groupement de l'ordre de 7 962 euros hors taxes, suivant détail précisé au point 7.2.1 du mémoire en réclamation du groupement ;
c. dans le cadre du raccordement du projet amont-aval, le groupement a dû redéfinir les travaux tels que prévus au CCTP, et ce compte tenu d'une divergence entre les plans marchés et la réalité d'exécution ; la réalisation de regards par Pitch n'était ni prévue au marché du groupement, ni prévisible en l'état des éléments communiqués dans le cadre des documents de la consultation ; il en va de même de la réalisation d'un escalier qui s'est avérée être un obstacle dans la réalisation des travaux du groupement ; par voie de conséquence et dans le cadre de l'exécution, le groupement a dû procéder à de nouvelles études afin de valider les réalisations à exécuter ; le surcoût correspondant s'élève à la somme de 7 125 euros hors taxes, suivant détail décomposé au point 7.2.2 du mémoire en réclamation du groupement ;
d. dans le cadre des travaux de libération des bâtiments L, le groupement a été impacté par l'emplacement erroné du poteau incendie, du coffret d'alimentation électrique et de travaux de la société Pitch non achevés, s'agissant de la première phase ; s'agissant de la seconde phase, les modalités de bétonnage ont dû être modifiées, compte tenu du positionnement du poste incendie ; les multiples échanges subséquents entre la maîtrise d'œuvre, la ville et la maîtrise d'ouvrage déléguée ont généré des décalages substantiels dans le temps et une perte de rendement pour la réalisation du béton désactivé ; ce surcoût s'élève à 22 950 euros hors taxes, suivant détail précisé en page 66 du mémoire en réclamation ;
e. dans le cadre des travaux de libération des bâtiments HIJK, il a ainsi fallu attendre le 16 décembre 2015 pour que la maîtrise d'ouvrage déléguée résolve la difficulté avec la société Pitch ; au regard de ce qui précède, le groupement est bien fondé à solliciter l'indemnisation de ses attentes et pertes de rendement pour la réalisation de béton désactivé en discontinuité qui s'élève à 14 344 euros hors taxes, suivant décomposition visée au point 7.5 du mémoire en réclamation ;
- sur les défaillances dans la coordination avec la société Agir :
a. de nombreuses dégradations ont été constatées par le groupement et la maîtrise d'œuvre sur ses ouvrages (cf. sur ce point le compte-rendu n° 89), de telle sorte que ce dernier a été contraint de sécuriser les travaux d'ores et déjà exécutés ; les surcoûts de cette protection des ouvrages s'élèvent à la somme de 15 112 euros hors taxes suivant détail précisé au point 8.1 du mémoire en réclamation ;
b. le groupement devait réaliser les travaux de parking et du bassin de rétention à partir de septembre 2015, mais ces derniers n'ont pu toutefois débuter que le 19 janvier 2016 après retrait des installations de chantier de la société Agir ; le groupement a ainsi exposé des surcoûts de l'ordre de 21 094 euros hors taxes ;
c. le déroulement du réseau haute tension (HTA) et du réseau basse tension (BT) a occasionné un surcoût de l'ordre de 4 726 euros hors taxes, dont le détail figure au point 8.3 du mémoire en réclamation ;
d. dans le cadre de ses travaux, le groupement a découvert le 30 octobre 2013 une infrastructure dont il pouvait être présumé qu'elle comportait de l'amiante, étant entendu que cet élément avait été porté à la connaissance de la maîtrise d'ouvrage dès le stade du mémoire technique du groupement Agilis-Midi Travaux ; dès le 18 décembre 2013, un ajournement a été notifié par voie de compte-rendu au groupement, lequel est assorti d'une demande de sécurisation de la zone (cf. sur ce point extraits de compte-rendu produit en page 81 du mémoire en réclamation) ; le 19 février 2014, le groupement a été informé par la maîtrise d'œuvre de la neutralisation des opérations de travaux jusqu'à la fin du désamiantage, lequel interviendra dès le 4 mars 2014 pour une durée de trois jours ; de ce fait, le groupement est fondé à solliciter l'indemnisation de l'arrêt de chantier et la mise en place de la sécurisation de la zone pour un montant de 10 812 euros hors taxes ;
e. constatant des sondages non prévus sur le site et potentiellement réalisés par la société Agir, la maîtrise d'œuvre a sollicité du groupement, dans le cadre d'un compte-rendu n° 12 du 6 janvier 2014 (cf. extraits page 83 du mémoire en réclamation), le remblaiement, travaux qui ont été à l'origine d'un surcoût de l'ordre de 6 787 euros hors taxes dont elle est fondée à solliciter l'indemnisation ;
f. le groupement Agilis-Midi Travaux a procédé à une mise à disposition de sanitaires au profit de la société Agir pour un coût de 1 737 euros hors taxes, laquelle résulte de l'absence d'anticipation et de coordination par l'OPC (ordonnancement pilotage coordination) ; par voie de conséquence, le groupement n'a pas à en assumer le coût ;
- son préjudice s'établit à la somme totale de 552 796 euros hors taxes soit 666 355,20 euros toutes taxes comprises ; à titre subsidiaire et dès lors qu'il est établi que les parties ont admis leur responsabilité respective dans le cadre d'un protocole d'accord qui, s'il n'est pas régularisé, acte néanmoins d'une reconnaissance univoque de responsabilité, et ce au profit du groupement requérant, il sera acté d'une indemnisation due à hauteur d'une somme de 222 836,63 euros hors taxes soit 267 403,96 euros toutes taxes comprises.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre 2020 et 17 septembre 2021, la métropole Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Sindres, conclut au rejet de la requête des sociétés Agilis et Midi Travaux et demande à la Cour de mettre à leur charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions tendant à sa condamnation à la somme de 707 139,46 euros hors taxes sont irrecevables en l'absence d'un mémoire en réclamation sur le montant demandé de nature à lier le contentieux, en méconnaissance de l'article 15.4.1 du CCAG Travaux ; aucune demande de paiement de travaux supplémentaires n'a été formulée préalablement à la notification du décompte général par les sociétés requérantes ; les sociétés requérantes ne peuvent prétendre au paiement des travaux exécutés au-delà du montant contractuel en l'absence de mise en œuvre de la procédure prévue à l'article 15.4 du CCAG Travaux ;
- le contrat liant la métropole Aix-Marseille-Provence et les sociétés Agilis et Midi Travaux est un marché à forfait en vertu des articles 4.2 de l'acte d'engagement, 3.2 du CCAP, et de l'article 7 du CCTP-00 général (version DCE) ; par principe, un marché à forfait est réputé couvrir l'ensemble des coûts des prestations décrites dans les pièces contractuelles. Par exception, le Conseil d'Etat admet que les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un tel marché puissent ouvrir droit à indemnité lorsque ces difficultés ont eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, ou lorsque ces difficultés sont imputables à une faute de la personne publique ; or, il ressort très clairement de la jurisprudence que le maître d'ouvrage ne saurait être tenu pour responsable des préjudices liés à un allongement de la durée d'exécution d'un marché de travaux en raison des retards imputables à d'autres entrepreneurs ou à la maîtrise d'œuvre ;
- les pièces contractuelles exposaient clairement l'obligation de coordination entre les entreprises et sur la nécessaire interaction des travaux à réaliser ;
- elle n'a pas signé le protocole d'accord dont se prévalent les sociétés appelantes ;
- les sociétés requérantes ne sauraient rechercher sa responsabilité pour des allongements de chantiers imputables aux promoteurs Agir et Pitch ;
- les allégations relatives à la prétendue abstention du maître d'ouvrage et de son maître d'ouvrage délégué dans le cadre de la réalisation des travaux malgré leur information des dysfonctionnements sont générales et ne sont aucunement étayées ; les sociétés requérantes n'établissent pas les dates ou les difficultés pour lesquelles elle se serait abstenue ni le lien de causalité entre les préjudices allégués et la faute de la métropole ;
- de nombreux travaux présentés comme étant des prestations supplémentaires entraient dans le champ des obligations contractuelles ;
- les sociétés requérantes ont à plusieurs reprises été à l'origine de retard ou d'inexécution dans leurs prestations, notamment en ce qui concerne la production des documents d'exécution, lesquels se sont accumulés avec ceux des entreprises tierces ;
- il n'est pas établi que les sociétés Agilis et Midi Travaux auraient elles-mêmes exécuté les travaux d'enlèvement des matériaux et déblais de chantier stockés par des tiers ;
- concernant le déplacement du compteur, les sociétés Agilis et Midi Travaux ne démontrent en rien que la réalisation de ces travaux ne rentrerait pas dans le champ de leurs obligations contractuelles ;
- s'agissant du prétendu rétrécissement des emprises, il n'est pas établi que les dimensions prévues aux pièces contractuelles ou aux plans d'exécution n'ont pas été respectées, la faute de la maîtrise d'ouvrage n'étant ainsi pas démontrée ; le groupement requérant est à l'origine des modifications de programme relatives au mode constructif du bassin de rétention et des retards pris dans l'exécution des travaux ;
- contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, les études d'exécution étaient à leur charge ; elles ne démontrent pas que les études PRO n'auraient pas été réalisées par le maître d'œuvre, conformément aux articles 1.3 du CCTP lot n° 1 qui stipule parmi la liste des travaux compris dans le marché " la réalisation des études d'exécution ", 3.1 du CCTP lot n° 1 et 3.5 du CCTP lot n° 1 ; les sociétés requérantes confondent la mission PRO avec la mission EXE ;
- les sociétés requérantes n'établissent pas que les difficultés rencontrées dans l'avancement des travaux des marchés " bâtiments et chaufferie " seraient imputables à une faute du maître d'ouvrage dans l'exécution de ses missions alors que ces ouvrages, à l'exception de la chaufferie, relevaient des missions confiées au promoteur Agir ; sa responsabilité ne saurait être recherchée pour des allongements de délais liés aux défaillances d'entreprises tierces ; les stipulations de l'article 1.9.4 du CCTP excluent toute indemnisation demandée au titre de la modification du phasage proposé, lequel n'était donné qu'à titre indicatif ;
- la possible limitation du nombre d'accès était mentionnée à l'article 3.4 du CCTP, lequel renvoyait à une décision postérieure prise par le maître d'ouvrage ;
- sur la prétendue insuffisance des déclarations de travaux effectués par la maîtrise d'ouvrage, les pièces contractuelles avaient ici encore fait état de la situation à prendre en compte dans le cadre de l'exécution du marché, à savoir que les plans qui figuraient au DCE n'étaient qu'indicatifs et qu'il incombait aux entreprises d'effectuer les sondages nécessaires à la localisation des réseaux (CCTP-00, article 1.9) ; l'objet même du lot n° 1 dont le groupement requérant était le titulaire concernait les réseaux secs et humides ; l'article 1.11.1 du CCTP-00 stipulait que " Sont compris dans ce lot : - ..., - l'amené, la gestion et le repliement des adductions d'énergie (eau, électricité) pour tous les lots, ... " ; l'article 1.3 du CCTP lot n° 1 reprend cette obligation parmi la liste des prestations attendues ; l'avenant n° 2 a pris en compte les demandes financières formulées en cours de chantier par les sociétés Agilis et Midi Travaux ; le point 3 figurant au sein du tableau (article 2 de l'avenant) concerne précisément les travaux réalisés sur l'impasse de la Pépinière et l'adaptation des emprises des aménagements publics pour le montant de 33 307,20 euros ;
- sur la prétendue défaillance dans la coordination du chantier :
a. si les sociétés requérantes font état de difficultés, elles n'évoquent ni ne démontrent la présence de fautes imputables à la maîtrise d'ouvrage, à son maître d'ouvrage délégué ni même à son maître d'œuvre, mais à des contraintes imposées par des personnes tierces largement prises en compte et relayées par l'équipe de maîtrise d'œuvre dans ses comptes rendus de chantier ; les demandes ne pourront qu'être rejetées en tant qu'elles sont mal dirigées, dès lors que les contraintes étaient imposées par des tiers ;
b. le seul contenu des articles 1.5 et 1.9.2 du CCTP-00 révèle l'étendue de l'obligation de coordination entre les entreprises, qui n'était en rien restreinte " dans ses conséquences " ; l'article 1.5 impose une coordination entre les différentes entreprises sans aucune limitation dans le temps ou dans l'espace entre tous les titulaires du marché du site Rousselot ; l'équipe en charge de la maîtrise d'œuvre et le coordonnateur général inter-chantiers étaient habilités par les pièces contractuelles à imposer des contraintes entre, d'une part, les sociétés requérantes et la mission TRAM et, d'autre part, les sociétés requérantes et les promoteurs en charge des projets Pitch et Agir ; les impératifs des différents chantiers ont tous été intégrés et relayés par la maîtrise d'œuvre et l'OPC ; les sociétés Agilis et Midi Travaux ont été tenues informées de l'état d'avancement du chantier tant par la maîtrise d'œuvre que par la SIAREM, comme cela ressort tant des comptes rendus de chantier que du document de synthèse retraçant les dates de présence de la société Agilis aux réunions de l'entreprise en charge de la coordination générale inter-chantiers ;
c. en ce qui concerne la co-activité avec la zone Sud Pitch, les sociétés requérantes ne démontrent pas en quoi la SIAREM et la SEM Façoneo (sur la fin du chantier) auraient failli dans leur mission, puisque les sociétés étaient parfaitement informées de l'état d'avancement des chantiers et des contraintes en présence ; en tout état de cause, la responsabilité de la métropole ne saurait être engagée puisque les difficultés sont ici imputables aux intervenants du projet Pitch ;
d. s'agissant de la co-activité avec la zone Nord du bâtiment Agir, les difficultés sont ici clairement imputées à la société Agir par les sociétés Agilis et Midi Travaux, sans que ces dernières en aient tiré les conséquences en termes de responsabilité ; concernant les dégradations, il y a lieu de rappeler que l'article 2.6.2 du CCTP du lot n° 1 imposait aux sociétés Agilis et Midi Travaux " la mise en place, ... la surveillance et... l'entretien des installations collectives de sécurité sur le chantier ", étant précisé que l'installation générale du chantier était à la charge du groupement requérant, en application de l'article 3.1 du CCTP lot n° 1.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 septembre 2020 et 3 septembre 2021, la SEM Façoneo, représentée par Me Sindres, conclut au rejet de la requête des sociétés Agilis et Midi Travaux et demande à la Cour de mettre à leur charge une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les sociétés Agilis et Midi Travaux fondent leur demande sur la responsabilité quasi-délictuelle de la SEM Façoneo, alors que la requête introductive d'instance était fondée sur des moyens se rapportant à une cause juridique distincte, à savoir sa responsabilité contractuelle en tant que maître d'ouvrage délégué et en tant que titulaire d'un marché complémentaire relatif à la coordination générale du site (mission sous-traitée à la SIAREM) ; les moyens présentés par le groupement requérant dans la requête d'appel sont donc irrecevables, car ne sont recevables que les moyens qui se rapportent à la cause juridique dont procédaient les moyens soulevés en première instance, avant l'expiration du délai contentieux ;
- subsidiairement, pour le cas où les conclusions dirigées à son encontre étaient déclarées recevables, la responsabilité du mandataire du maître de l'ouvrage ne peut être recherchée que pour les seuls cas où les fautes auraient été commises hors du champ du contrat de mandat, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2021, la société Citta, représentée par Me Goulet, conclut au rejet de la requête des société Agilis et Midi Travaux et demande à la Cour de mettre à la charge de la société Agilis une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, pour le cas où une condamnation serait prononcée à son encontre, de condamner la métropole Aix-Marseille-Provence, au titre de la mission OPC appartenant à la société Façoneo et par la société Strada, à la garantir du paiement de ces condamnations.
Elle soutient que :
- le groupement Citta n'était nullement chargé de la coordination de l'ensemble de ce chantier, ni même de la mission OPC ;
- du fait que la société Agilis participait également aux travaux des autres phases de la co-activité, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté les différentes demandes indemnitaires de cette société ; cette co-activité était gérée par SIAREM, devenue Façoneo, qui intervenait en qualité d'OPC, outre le fait qu'elle était mandataire du maître d'ouvrage pour le chantier de la métropole objet de la présente procédure ; c'est cependant à tort que le tribunal a écarté la responsabilité de la société Façoneo en qualité d'OPC de l'ensemble du site, au motif notamment que cette société n'intervenait qu'en qualité de mandataire du maître d'ouvrage, car la responsabilité délictuelle de la société Façoneo peut être recherchée, dans la mesure où le chantier réalisé sous la maîtrise d'œuvre de la société Citta est un tiers par rapport aux deux autres groupes de chantier, à savoir les chantiers privés Pitch/Agir et public du tram ; si la Cour devait cependant confirmer la décision entreprise en notant qu'en sa qualité de mandataire, sa responsabilité ne pourrait être recherchée, c'est celle du maître d'ouvrage lui-même, c'est à dire la métropole, qui devra être retenue ;
- la société requérante ne saurait rechercher sa responsabilité pour les préjudices résultant des co-activités avec les sociétés Agir et Pitch qui lui sont non seulement totalement étrangères mais de plus imprévisibles, alors au demeurant qu'en application de l'article 1.9.4 du CCTP, elle était tenue de prendre en compte dans son offre la proximité du chantier du tramway et des bâtiments Nord et Sud et que le phasage n'était donné qu'à titre indicatif sans possibilité de demander une compensation financière en cas d'évolution dans le temps ; les essais du tramway ont été décidés unilatéralement par le maître d'ouvrage intervenant pour la réalisation du tramway ; si une responsabilité devait être retenue, elle ne pourrait l'être qu'à l'encontre des sociétés Pitch et Agir ou, sinon, à l'encontre de la SEM Façoneo ;
- les sociétés requérantes ne peuvent prétendre au paiement des travaux exécutés au-delà du montant contractuel en l'absence de mise en œuvre de la procédure prévue à l'article 15.4 du CCAG Travaux ;
- les réclamations les plus importantes résultent de faits imputables à des tiers, à savoir le chantier du tram et les travaux réalisés par les promoteurs Pitch et Agir non appelés dans la cause par Agilis ; au surplus, la maîtrise d'œuvre a une obligation de moyens et la preuve n'est nullement rapportée d'une faute de la société Citta ;
- sur les préjudices allégués :
a. s'agissant des préjudices liés au défaut de libération des emprises, concernant d'abord l'évacuation de matériaux et déblais, il s'avère qu'il s'agissait de matériaux et déblais provenant du chantier du tram, point qui ne saurait concerner la maîtrise d'œuvre qui ne peut être responsable de dépôts laissés par un organisme tiers ; concernant le déplacement du compteur d'eau, cela ne résulte que d'une erreur de l'entreprise qui, connaissance prise du terrain, ne pouvait se méprendre sur l'emplacement de ce compteur ; concernant le périmètre de sécurité, la demande de la société Agilis est tout à fait contraire au plan n° 10 qui indique une largeur en tête à 2,3m et à l'article 1.9.5 du CCTP-00 rappelant l'obligation de maintien des cheminements piétons ; de plus, il s'agit d'un point en rapport avec la co-activité des différents chantiers ; la demande de la société Agilis devra être rejetée et ne saurait, en tout état de cause, concerner la maîtrise d'œuvre ;
b. s'agissant des préjudices liés à l'incomplétude des études de projet, la société Agilis ne saurait faire valoir la mise en œuvre de moyens supplémentaires alors que la réalisation des études d'exécution (EXE) relevait bien de sa compétence ;
c. la société Agilis ne saurait faire état d'un préjudice résultant de l'anticipation des travaux de construction des bâtiments et de la chaufferie alors que le retard a été généré par la remise tardive de ses études pour le bassin à la suite de la proposition d'une variante et qu'elle ne pouvait utiliser des ouvrages dont l'occupation n'était pas contractuellement autorisée sans l'accord de la société Agir ; le maître d'œuvre ne saurait en tout état de cause être concerné par ce problème ; la proposition par la société Agilis d'une variante pour la réalisation du bassin n'avait d'autre objet que de lui permettre de réaliser son chantier en co-activité avec la société Agir, et ce compte tenu également du retard pris dans ses études d'exécution ; en tout état de cause, la maîtrise d'œuvre est étrangère aux difficultés rencontrées avec la société Agir ;
d. le marché de la chaufferie est indépendant du marché réalisé pour le compte de la métropole ;
e. les documents contractuels ne faisaient pas état de la possibilité de deux accès sur l'îlot Nord ; la société Agilis ne justifie pas des arrêts de chantiers qu'elle chiffre à 11 047 euros, notamment par la production d'un compte-rendu d'OPC général, ni de la somme de 17 188 euros sollicitée au titre de l'augmentation des moyens de transport ;
f. les contraintes liées aux co-activités étaient prévues par les pièces contractuelles ; les préjudices qui relèvent de la co-activité avec d'autres marchés sont étrangers à la société Citta et relèvent d'autres titulaires qui pourraient voir leur responsabilité engagée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 17 novembre 2020, la SARL Strada Ingénierie, représentée par Me Fournier, conclut au rejet de la requête des sociétés Agilis et Midi Travaux et demande à la Cour de mettre à leur charge une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions indemnitaires dirigées contre le groupement momentané qui n'a plus d'existence depuis le 19 septembre 2016 sont irrecevables ;
- aucune faute ne peut lui être reprochée ;
- les entreprises requérantes ne caractérisent pas la faute précise qui pourrait être imputable à chacun de ses membres en relation avec les préjudices invoqués ;
- la mission ordonnancement pilotage coordination incluse dans le contrat de la maîtrise d'œuvre, qui concernait la coordination inter lots du chantier d'aménagement des espaces publics, a été gérée sans aucun problème particulier ;
- les problèmes de coordination des co-activités et interactions avec les chantiers des bâtiments Nord et Sud réalisés par les promoteurs privés relevaient de la mission pilotage inter-chantiers exercée par la SEM Façoneo et ne lui sont pas imputables ;
- la maîtrise d'œuvre ne peut être concernée par le défaut invoqué de libération des emprises ;
- s'agissant de la prétendue incomplétude des études de projet, le CCAP (article 29.11) prévoyait expressément que les études d'exécution étaient à la charge des entreprises ; quand bien même la mission du maître d'œuvre comportait la réalisation des études d'exécution au stade du DCE, le CCAP prévoyait expressément que les études d'exécution étaient à la charge des entreprises, notamment lorsque celles-ci proposaient des variantes à la solution contractuelle décrite au DCE ; contrairement à ce que soutiennent les sociétés requérantes, c'est le maître d'œuvre qui a dû se substituer à l'entreprise défaillante dans l'établissement des plans d'exécution pour le bassin de rétention ;
- s'agissant de l'anticipation du démarrage des travaux de bâtiment et de chaufferie, compte tenu du retard pris par la société Agilis dans la réalisation des études d'exécution, elle est seule responsable du retard dans la réalisation du bassin et par conséquent de sa co-activité forcée avec les travaux de bâtiments du promoteur Agir, alors en outre que la proposition de variante devait se faire sans plus-value ;
- s'agissant de la diminution des zones de stockage, le groupement est seul responsable de l'organisation de son stockage, qu'elle avait prévu, dans ses plans prévisionnels de l'offre, en partie en dehors du périmètre d'intervention de son marché sur les emprises privées du promoteur Agir ;
- les interruptions de chantier qui seraient liées à la co-activité avec les entreprises du promoteur Agir ne résultaient pas d'un démarrage anticipé de ce programme mais du retard de la société Agilis dans l'exécution du bassin de rétention ;
- les documents contractuels ne faisaient pas état de la possibilité de deux accès sur l'îlot Nord et l'article 3.4 du CCTP-00 précisait bien les contraintes d'accès liées aux approvisionnements ;
- les contraintes liées à la co-activité avec l'opération du tramway était prévues à l'article 1.9.4 du CCTP sans possibilité de compensation financière en cas d'évolution du phasage dans le temps ; en tout état de cause, la coordination avec les opérations du tramway n'était pas dans ses attributions ;
- s'agissant de la co-activité avec le programme de la zone Sud Pitch, le groupement de maîtrise d'œuvre dont elle était membre est étranger à la réalisation du programme privé Pitch ;
- s'agissant de la libération du bâtiment L, si le déplacement tardif d'un poteau incendie et d'un coffret de chantier puis le retard de validation des stationnements par la société Pitch ont nécessité que l'entreprise intervienne en plusieurs fois, occasionnant une certaine perte de rendement, le maître d'œuvre est également étranger aux contraintes liées à des intervenants extérieurs ;
- les éventuels surcoûts liés à la libération des bâtiments H, I, J, K imputables au retard du programme Pitch et à la gestion de la co-activité entre les différents programmes sont également étrangers au groupement de maîtrise d'œuvre ;
- s'agissant de la co-activité du programme Agir en zone Nord, le groupement de maîtrise d'œuvre dont elle était membre, chargé uniquement des travaux d'aménagement public, est étranger aux incidences éventuelles dues à des programmes privés dont il n'était pas chargé de gérer la co-activité ;
- les dispositifs de protection pour protéger les ouvrages de la société Agilis étaient bien prévus au marché de l'entreprise ;
- sur la libération tardive du parking Nord, la co-activité était bien prévue au marché et le délai de travaux était habituel sans ouvrages spécifiques en dehors du marché ;
- sur le déroulement du réseau haute et basse tension du programme Agir, le surcoût revendiqué est exclusivement imputable au chantier Agir non géré par elle ;
- sur le désamiantage du chantier Agir et le comblement du sondage réalisé par erreur par cette société, le groupement de maîtrise d'œuvre dont elle était membre n'est pas davantage concerné par ces griefs ;
- la société Agilis et le promoteur Agir ont mis en commun des installations sanitaires, accord qui ne concerne ni le maître d'ouvrage public, ni son maître d'œuvre ;
- s'agissant de la remise tardive et incomplète des études projets réalisés par le groupement de maitrise d'œuvre Citta-Strada-Burgeap, si le groupement requérant soutient que le groupement de maîtrise d'œuvre aurait commis une faute dans l'exécution de ses obligations à l'égard du maître d'ouvrage en ne remettant pas en temps utile des études PRO qu'il était chargé d'établir en application de l'article 2.2 de l'acte d'engagement de la maîtrise d'œuvre, le contraignant à pallier cette carence lors de l'établissement de ses propres études EXE, il n'établit pas plus en appel que devant le tribunal le manquement allégué, ni le lien de causalité entre ce retard et l'origine des difficultés d'exécution qu'il a rencontrées.
Par ordonnance du 17 septembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée au 5 octobre 2021.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 93-1268 du 9 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- le décret n° 2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Gilles Taormina, rapporteur,
- les conclusions de M. Renaud Thielé, rapporteur public,
- et les observations de Me Lebègue représentant les sociétés Agilis et Midi Travaux, et de Me Chavalarias représentant la métropole Aix-Marseille-Provence.
Une note en délibéré pour les SAS Agilis et Midi Travaux a été enregistrée le 17 mai 2022.
Considérant ce qui suit :
1. La communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la métropole Aix-Marseille-Provence, a entrepris, à la fin de l'année 2010 une opération de réaménagement de la friche industrielle du site " Rousselot " à Aubagne, comprenant l'aménagement et la création des espaces publics et la construction de plus de quatre-cents logements sous la maîtrise d'ouvrage de promoteurs privés, outre l'extension de la ligne de tramway.
2. Le marché relatif à la création des espaces publics a été alloti en quatre lots dont le lot n° 1 " VRD, terrassement, génie civil, réseaux secs, humides, pluvial et mobilier urbain " attribué par acte d'engagement du 30 septembre 2013 au groupement solidaire Agilis et Midi Travaux, pour un montant global et forfaitaire de 2 662 692 euros hors taxes porté à 3 761 715 euros hors taxes après conclusions de deux avenants.
3. La communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, aux droits de laquelle vient aujourd'hui la métropole Aix-Marseille-Provence, a désigné en septembre 2011, au terme d'une procédure d'appel d'offres, la société d'économie mixte d'aménagement du Pays d'Aubagne (SAEMPA), comme titulaire du mandat de maîtrise d'ouvrage. Une mission de coordination générale de l'aménagement du site Rousselot a ainsi été confiée à la SAEMPA, aux droits de laquelle est venue la SEM Façoneo, par acte d'engagement du 28 mai 2013, cette mission ayant été sous-traitée à la société SIRAEM Méditerranée pour une durée de trente mois, prolongée par avenant du 18 décembre 2015 jusqu'au 1er juin 2016. La SEM Façoneo, titulaire du mandat de maîtrise d'ouvrage, a été chargée d'une mission d'ordonnancement, de planification, de pilotage et de coordination générale de l'aménagement du site Rousselot, afin d'assurer un avancement organisé entre les promoteurs Pitch, Agir, les entreprises en charge de la réalisation des travaux du tramway et celles retenues pour l'exécution des équipements publics.
4. La maîtrise d'œuvre de l'opération d'aménagement des équipements publics a été confiée en février 2012 au groupement d'entreprises Citta-Strada-Burgeap, lequel avait en charge la mission OPC (ordonnancement pilotage coordination) pour les lots 1 à 4 du marché relatif aux équipements publics.
5. Les travaux relatifs à l'aménagement des espaces publics démarrés en novembre 2013 pour un achèvement initialement prévu fin 2015 ont été réceptionnés le 19 septembre 2016. La société Agilis, en sa qualité de mandataire du groupement Agilis-Midi Travaux, a procédé à la notification de son projet de décompte final le 8 mars 2017, auquel était annexée une demande d'indemnisation complémentaire pour un montant de 557 608 euros hors taxes correspondant aux surcoûts générés, selon ledit groupement, par les multiples difficultés auxquelles celui-ci se serait heurté lors de l'exécution de son marché et qui seraient liées à la co-activité avec les travaux du tramway et des bâtiments, ainsi qu'à une insuffisante coordination des différents chantiers. Un décompte général ayant été notifié à la société Agilis le 2 mai 2017, arrêté à la somme de 3 458 295,10 euros toutes taxes comprises, le montant total des acomptes payés à la société Agilis étant arrêté à la somme totale de 3 507 784,57 euros toutes taxes comprises, et écartant la demande de rémunération complémentaire du groupement, la société Agilis a adressé le 12 mai 2017 un courrier de réserves accompagné d'un mémoire en réclamation. Il n'a pas été répondu à ce courrier.
6. Les sociétés Agilis et Midi travaux relèvent appel du jugement n° 1710149 du 14 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Marseille a rejeté leur requête tendant à la condamnation de la métropole Aix-Marseille-Provence, venant aux droits de la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, à leur payer la somme qu'elles estiment leur être due et d'arrêter, par voie de conséquence, le décompte général et définitif et, à titre subsidiaire, à la condamnation in solidum de la SEM Façoneo et du groupement Citta-Strada-Burgeap à leur payer la même somme.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la responsabilité contractuelle de la métropole Aix-Marseille-Provence, maître d'ouvrage :
7. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise, notamment, dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
S'agissant des conclusions indemnitaires fondées sur la libération tardive des emprises :
8. Les sociétés Agilis et Midi Travaux soutiennent que la mise à disposition tardive des zones d'intervention et leur modification leur ont causé un préjudice constitué par la nécessité pour elles de réaliser des travaux supplémentaires non prévus initialement, consistant en l'évacuation de matériaux et de déblais de chantiers stockés par des tiers, dans le cadre de la réalisation du chantier du tramway, le déplacement d'un compteur d'eau et la mise en place d'une nouvelle méthodologie de travail, ainsi qu'un nouveau phasage pour un coût total de 20 915 euros.
9. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la métropole Aix-Marseille-Provence, il résulte de l'instruction, et notamment du compte rendu de chantier n° 10 du 11 décembre 2013, que la société Agilis a dû procéder à l'enlèvement de matériaux et déblais du chantier du tramway stockés sur l'emprise de ses travaux depuis au moins le 30 octobre 2013, les relances de la mission tram par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre pour leur enlèvement étant demeurées vaines. Si l'évacuation et la mise en décharge de matériaux générés par des intervenants extérieurs ne peut se rattacher à son obligation contractuelle d'évacuation et de mise en décharge prévue aux articles 1.2 et 1.3 du CTTP applicable au marché, la société requérante ne démontre toutefois pas que les travaux supplémentaires qu'elle a réalisés seraient imputables à une faute de la maîtrise d'ouvrage de nature à engager sa responsabilité alors que celle-ci est intervenue à plusieurs reprises auprès de la mission tram afin qu'il y soit remédié. Si, aux termes du contrat relatif à la mission de coordination générale du site Rousselot signé le 28 mai 2013, le maître d'ouvrage délégué et son sous-traitant avaient une mission d'ordonnancement, de pilotage et de coordination des travaux comprenant l'organisation générale des chantiers, la définition de l'ordonnancement de l'opération, la coordination et le pilotage des travaux et des chantiers, la gestion des interfaces, la coordination générale des interventions et les directives générales d'organisation des chantiers sous maîtrise d'ouvrage, cette mission formulée comme une obligation de moyens s'exerçait par la mise en place notamment de plannings, de tableaux de bord pour les comités de suivi, d'un carnet de phasage, de la rédaction de rapports synthétiques, de reporting mensuel composé de plans de phasages, de tableaux d'objectifs, de notes de coordination, de l'organisation de réunions et de comptes rendus, sans que soient prévus des moyens coercitifs ou de sanctions à l'égard des autres intervenants extérieurs au marché. Par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions tendant au versement de la somme de 9 393 euros hors taxes demandée à ce titre.
10. En deuxième lieu, s'il est constant que le groupement requérant a dû procéder au déplacement d'un compteur d'eau, il ne démontre pas, en se bornant à faire état, sans autre précision, d'une insuffisante définition des contraintes et une coordination défaillante, que ce déplacement aurait été rendu nécessaire en raison d'une faute commise par le maître d'ouvrage ou du maître d'œuvre, alors au demeurant qu'il résulte de l'instruction, et notamment du projet de protocole auquel fait référence le groupement, que le déplacement du compteur est intervenu à la demande du concessionnaire du service public de l'eau. Par suite, les sociétés appelantes, qui ne démontrent pas par ailleurs que ces travaux excèderaient leurs obligations contractuelles, lesquelles incluaient aux termes de l'article 3.1.3 du CCTP les travaux relatifs à l'amenée, la gestion et le repliement des adductions d'énergie (eau, électricité) pour tous les lots, ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions tendant à une indemnisation au titre du déplacement du compteur d'eau.
11. En troisième lieu, le groupement requérant soutient qu'en raison d'une co-activité non initialement prévue sur la phase n° 1 de ses travaux avec le promoteur Agir chargé de la construction des bâtiments de la zone Nord, la réduction des emprises disponibles pour permettre la circulation des camions et engins de ladite société l'ont contraint à modifier la méthodologie et le phasage pour la réalisation du talus taillé à la verticale côté tramway au lieu d'un talutage prévisible à 1/1 rendant nécessaire, en outre, la mise en place d'un périmètre de sécurité pour protéger ce talus spécifique.
12. Aux termes de l'article 1.4 du CCTP applicable au lot n° 1 relatif aux phasages des travaux : " Le titulaire des travaux a pris connaissance de l'article 1.9.2 du CCTP lot 00 " prescription générale " dans l'élaboration de son offre financière. Le DCE est scindé en deux parties Phase 1 et phase 2 correspondant aux phases ci-dessus : Phase 1 : Terrassement général du chantier / Réalisation des collecteurs principaux réseaux divers secs et humides hors antennes et du bassin enterré en béton armé / Réalisation des fonds de forme des plateformes des espaces publics. / Une fois cette phase terminée, l'entrepreneur prend en compte dans son offre un arrêté de chantier à la réalisation des bâtiments des îlots nord et sud (emprise nécessaire sur futurs espaces publics pour la réalisation du gros œuvre). / Une fois les emprises libérées par le gros œuvre, le titulaire du lot 1 devra intervenir pour relaisser les revêtements, bordures et finalisation des travaux. Une réception des plateformes avant et après cette l'intervention sera réalisée entre les entreprises du gros œuvre et le titulaire du lot 1. / Phase 2 : Antennes réseaux divers par bâtiments (intervention en 1 seule ou plusieurs fois en cas d'avancement décalé des bâtiments) / Reprise de plateforme support des espaces publics (...). Le titulaire devra se coordonner également avec l'entreprise en charge des travaux de la plateforme du tramway pour la réalisation du plateau traversant au droit de la RN8 (...) ". Aux termes de l'article 1.9.2 du cahier des clauses techniques particulières 00-Prescriptions générales : " L'entrepreneur tient compte dans les contraintes que les travaux réalisés sur l'espace public sont conditionnés par la réalisation des bâtiments des îlots nord et sud du site Rousselot (...) ". Aux termes de l'article 1.9.4 du même cahier : " Le titulaire des travaux devra prendre en compte dans son offre la proximité de chantiers du tramway et des bâtiments nord et sud. Le phasage proposé à l'article 1.9.2 est donné à titre indicatif et l'entrepreneur ne pourra demander une compensation financière si le phasage proposé évolue dans le temps ".
13. Contrairement ce que soutiennent les sociétés appelantes, il ne résulte pas des stipulations précitées que toute co-activité avec le chantier des bâtiments aurait été exclue lors de la première phase des travaux. S'il résulte de l'article 1.4 du CCTP qu'une interruption du chantier était prévue au cours de cette première phase après la réalisation des fonds de forme des plateformes pour permettre la réalisation des bâtiments impliquant une occupation des emprises du groupement, lequel devait reprendre son chantier après leur libération, il ressort toutefois des stipulations de l'article 1.9.2 du cahier des clauses techniques particulières 00-Prescriptions générales que ce phasage n'était qu'indicatif, ce dernier étant susceptible d'évoluer en fonction des décalages du chantier bâtiments. Dès lors, les sociétés appelantes, qui n'établissent pas la faute du maître d'ouvrage dans la réduction des emprises de sa zone de travaux, ne sauraient se prévaloir d'un quelconque préjudice à ce titre alors, au demeurant, que le groupement a accepté cette co-activité lors de la réunion du 23 octobre 2013. Par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions tendant à l'indemnisation des surcoûts tenant à la mise en place d'un périmètre de sécurité.
S'agissant des conclusions indemnitaires fondées sur l'anticipation du démarrage des travaux de bâtiments et la construction de la chaufferie :
14. Aux termes de l'article 5.2 du cahier des clauses techniques particulières 00-Prescriptions générales : " Il sera mis au point un planning général de réalisation des travaux, qui devra être suivi par chacun sous peine de pénalités provisoires ou définitives... La période de préparation est de 4 semaines. Le délai prévu pour la réalisation de ces travaux tous corps d'Etat est décomposé ci-dessous : lot 1 : délai global : Phase 1 : 7 mois hors période de préparation ; Phase 2 : 6 mois soit 13 mois hors période d'arrêt de chantier interaction avec le gros œuvre des bâtiments... ".
15. Les sociétés Agilis et Midi Travaux soutiennent que la co-activité générée par le démarrage anticipé des bâtiments et la construction de la chaufferie auraient eu pour conséquence un repositionnement des installations de chantier, une prolongation de la durée de présence de ses moyens humains et matériels, une diminution des zones de stockage, une obligation de modification du mode constructif de la nature du bassin de rétention ainsi qu'une multiplication des transferts liés à la co-activité pour un préjudice total qu'elles évaluent à 269 456 euros hors taxes, soit 323 347,20 euros toutes taxes comprises.
16. Il résulte de l'instruction, et notamment du compte-rendu du 9 octobre 2013, que le démarrage de la phase préparatoire du lot n° 1 a été fixé au 1er octobre 2013 avec un démarrage des travaux reporté au 12 novembre 2013. Les travaux relatifs au bassin de rétention qui devaient initialement se dérouler dans la période comprise entre le 15 janvier 2014 et le 30 mai 2014 telle que prévue à l'issue de la réunion de coordination du 2 octobre 2013 (CR n° 16) ont été achevés le 27 juin 2014. Enfin, il résulte des comptes rendus de chantier du 23 octobre 2013 et du 20 novembre 2013 que les travaux de terrassement de la société Agir devaient débuter avec l'accord de la société Agilis au 6 janvier 2014.
17. En premier lieu, en se bornant à faire valoir que la phase 1 des travaux n'était grevée d'aucune co-activité avec le gros œuvre des bâtiments, sans apporter aucune précision sur les dates d'exécution effectives des travaux ni produire le calendrier détaillé d'exécution des travaux, les sociétés appelantes ne démontrent pas l'anticipation des travaux de bâtiments, ni n'établissent, en tout état de cause, la faute du maître d'ouvrage dans l'anticipation alléguée. Par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions indemnitaires fondées sur la co-activité résultant de l'anticipation des travaux des bâtiments.
18. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction qu'au cours de la réunion de coordination du 2 octobre 2013, le groupement des sociétés appelantes a été informé du démarrage des travaux de la chaufferie fin novembre pour un achèvement prévu fin février 2014, lui imposant une co-activité qui n'était pas prévue par le marché. Si cette carence est de nature à engager la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, en se bornant à se prévaloir du calendrier prévisionnel annoncé au cours des réunions préalables au démarrage des travaux alors qu'il ressort du compte rendu de la réunion de coordination du 21 mai 2014 que les plans d'installation de la chaufferie n'avaient toujours pas été produits à cette date et en se bornant, au titre des incidences de cette co-activité, à faire état d'une obligation de passage sur sa zone d'intervention sans autre précision, les sociétés appelantes ne démontrent pas que les préjudices qu'elles allèguent résulteraient de la réalisation des travaux de la chaufferie. Au demeurant, il ressort de l'instruction que la co-activité imposée était, pour partie, imputable au groupement en raison d'une remise tardive de ses plans d'exécution. Par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions indemnitaires fondées sur la co-activité résultant des travaux de la chaufferie.
19. En troisième lieu, si la co-activité a conduit à de multiples interruptions de travaux liées à des retards dans l'exécution de chantiers d'autres intervenants, ayant occasionné, selon les sociétés appelantes, une immobilisation de l'ordre de dix jours pour un coût de 38 938,00 euros hors taxes, soit 46 725,60 euros toutes taxes comprises, il n'est pas utilement démontré que cette situation aurait pour origine des fautes commises par le maître d'ouvrage. Par suite, les sociétés appelantes ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté les conclusions indemnitaires formulées à ce titre.
20. En quatrième lieu, si, faute de définition contractuelle de la forme du bassin de rétention, les prestations de protection du talus vertical ne peuvent être analysées comme des prestations supplémentaires mais sont des surcoûts générés par la situation de co-activité, en revanche, l'absence de disponibilité de l'intégralité de l'assiette a conduit le groupement Agilis-Midi Travaux à installer un bassin préfabriqué en lieu et place du bassin de rétention prévu à l'article 12.10 du CCTP, dont la réalisation a entraîné une plus-value de l'ordre de 14 % et a nécessité la mobilisation d'une grue de 70 tonnes au lieu d'une grue de 10 tonnes, engendrant un surcoût de 81 375 euros hors taxes, soit 97 650 euros toutes taxes comprises. Cette prestation est bien une prestation supplémentaire dont le caractère indispensable est établi. Par suite, les sociétés appelantes sont fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions indemnitaires formulées à ce titre.
S'agissant des conclusions indemnitaires formulées au titre de la modification des accès au chantier :
21. Aux termes de l'article 3.4 du CCTP-00 : " Les entrepreneurs sont réputés avoir tenu compte de toutes les sujétions induites par ces mesures d'organisation de chantier dans leur offre, et en particulier : de la limitation des points d'accès et d'approvisionnement ou stockage sur le chantier,... Les points d'accès sont imposés par le maître d'ouvrage... ". Il résulte de ces stipulations que le nombre de points d'accès, lesquels sont susceptibles de limitation, sont imposés par le maître d'ouvrage. Dès lors, et en premier lieu, le groupement requérant, qui ne peut utilement se prévaloir du nombre d'accès repris dans son offre, ne démontre pas, à ce titre, la faute du maître d'ouvrage de nature à engager sa responsabilité contractuelle. Par suite, les sociétés Agilis et Midi Travaux ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont rejeté leurs conclusions indemnitaires formulées à ce titre, correspondant aux coûts supplémentaires induits par les difficultés d'accès et les manœuvres supplémentaires nécessaires pour accéder à leur chantier.
22. En second lieu, s'il est constant que les moyens du groupement requérant ont été immobilisés pendant la première semaine de chantier, du fait de l'impossibilité de faire franchir aux camions l'accès en béton réalisé trop tardivement dans le cadre du chantier du tramway et non encore sec, ce retard ne révèle pas un défaut de coordination des chantiers imputable à la métropole Aix-Marseille-Provence. Par suite, les sociétés Agilis et Midi Travaux ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions indemnitaires formulées à ce titre.
S'agissant des conclusions indemnitaires fondées sur l'insuffisance des déclarations effectuées par le maître d'ouvrage :
23. Si les sociétés appelantes soutiennent que leur groupement s'est heurté, dans le cadre des travaux, à une insuffisance des déclarations des travaux opérés par le maître d'ouvrage, notamment s'agissant de l'impasse de la Pépinière, les déclarations n'ayant pas été réalisées sur les bonnes emprises ce qui a contraint le groupement à des déclarations de travaux et des sondages supplémentaires, elles ne justifient cependant pas du montant de l'indemnité de 8 156 euros demandée à ce titre alors, au demeurant, qu'il n'est pas établi que ces surcoûts ne seraient pas inclus dans l'avenant n° 2 comportant notamment l'indemnisation de la mise en cohérence du projet avec les aménagements de la société Pitch sur l'impasse de la Pépinière. Par suite, les sociétés Agilis et Midi Travaux ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions indemnitaires formulées à ce titre.
S'agissant des conclusions indemnitaires fondées sur les défaillances dans la coordination du chantier du fait de la co-activité avec le chantier du tramway, du chantier de la zone Nord (promoteur Agir), et du chantier de la zone Sud (promoteur Pitch) :
24. Il résulte de l'instruction que la SEM Façoneo, venant aux droits de la SAEMPA, titulaire du mandat de maîtrise d'ouvrage, a été chargée d'une mission d'ordonnancement, de planification, de pilotage et de coordination générale de l'aménagement du site Rousselot afin d'assurer un avancement organisé entre les promoteurs Pitch, Agir et les entreprises en charge de la réalisation des travaux du tramway et celles retenues pour l'exécution des équipements publics. Cette mission de coordination générale a été principalement sous-traitée à la société SIAREM Méditerranée pour une durée initiale de trente mois prolongée jusqu'au début du mois de juin 2016.
25. Si les sociétés appelantes font valoir que les difficultés que leur groupement a rencontrées dans l'exécution de son marché résultent de fautes commises par le maître d'ouvrage et la SEM Façoneo au titre de sa mission de coordination générale, elles se bornent à invoquer, à l'appui de ce moyen, la sous-évaluation des contraintes liées aux co-activités, des défaillances dans l'organisation du chantier et la coordination des entreprises, l'absence de définition du chemin critique, les incidences des multiples travaux modificatifs sur les délais d'exécution, l'obligation d'intégrer les contraintes et interruptions imposées par les essais du tramway, les modifications multiples de phasage du planning ne lui permettant pas de disposer d'une information fiable, la modification de la procédure d'autorisation avec l'intervention de la société Transdev en charge de l'exploitation du tramway dans la validation des documents, ainsi que l'absence d'intervention du maître d'ouvrage et de son mandataire pour pallier les nombreux dysfonctionnements en cours d'exécution des travaux consécutifs aux co-activités avec les chantiers du tramway et des promoteurs Pitch et Agir. Toutefois, ces différents éléments ne sont pas de nature à eux seuls, qu'ils soient pris isolément ou dans leur globalité, à caractériser l'existence de fautes commises par le maître de l'ouvrage, soit dans l'estimation de ses besoins et la conception du marché, soit dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de surveillance du chantier et notamment de l'intervention des différents constructeurs. Les pièces versées aux débats ne permettent pas davantage d'établir le rôle du maître d'ouvrage dans la survenue des difficultés dont le groupement demande réparation, et notamment des retards ayant affecté l'exécution des différents chantiers. Ainsi, en se bornant à se prévaloir de ces circonstances sans démontrer ni même soutenir que la maîtrise d'ouvrage et son mandataire en charge de la mission coordination étaient en mesure d'anticiper leur survenance et d'agir en conséquence, les sociétés appelantes n'établissent pas que les préjudices qu'elles estiment avoir subis leur seraient imputables. Par suite, les sociétés Agilis et Midi Travaux ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions indemnitaires formulées à ce titre.
26. Compte tenu de ce qui a été dit aux points 13 à 24, les sociétés Agilis et Midi Travaux sont fondées à demander la condamnation de la métropole Aix-Marseille-Provence à leur payer la somme totale de 81 375 euros hors taxes, soit 97 650 euros toutes taxes comprises.
S'agissant du décompte général du marché :
27. Compte tenu de tout ce qui précède, le décompte général du marché doit être fixé à la somme totale de 3 506 455,63 toutes taxes comprises (3 458 295,10 + 97 650,00 - 49 489,47), soit 2 922 046,35 euros hors taxes (TVA à 20 %).
En ce qui concerne la responsabilité quasi-délictuelle de la SEM Façoneo, maître d'ouvrage délégué, et des sociétés Citta, Strada et Burgeap, maîtres d'œuvre :
28. Dans le cadre d'une action tendant à l'indemnisation des préjudices qu'il soutient avoir subis dans le cadre de l'exécution d'un marché relatif à des travaux publics, le titulaire du marché peut rechercher, outre la responsabilité contractuelle du maître d'ouvrage, la responsabilité quasi-délictuelle des autres participants à cette même opération avec lesquels il n'est lié par aucun contrat de droit privé.
S'agissant de la remise tardive et incomplète des études réalisées par le groupement de maîtrise d'œuvre Citta-Strada-Burgeap :
29. Si les sociétés appelantes soutiennent que le groupement de maîtrise d'œuvre a commis une faute dans l'exécution de ses obligations à l'égard du maître d'ouvrage en ne remettant pas en temps utile des études PRO qu'il était chargé d'établir en application de l'article 2.2 de l'acte d'engagement de la maîtrise d'œuvre, le contraignant à pallier cette carence lors de l'établissement de ses propres études EXE, elles n'établissent cependant pas le manquement allégué ni le lien de causalité entre ce retard et l'origine des difficultés d'exécution qu'elles ont rencontrées. Par suite, les sociétés Agilis et Midi Travaux ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions indemnitaires formulées à ce titre.
S'agissant de la méconnaissance des dispositions de l'article 10 du décret n° 93-1268 du 9 novembre 1993 :
30. Aux termes de l'article 10 du décret n° 93-1268 du 9 novembre 1993 relatif aux missions de maîtrise d'œuvre confiées par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé : " L'ordonnancement, la coordination et le pilotage du chantier ont respectivement pour objet : a) D'analyser les tâches élémentaires portant sur les études d'exécution et les travaux, de déterminer leurs enchaînements ainsi que leur chemin critique par des documents graphiques ; / b) D'harmoniser dans le temps et dans l'espace les actions des différents intervenants au stade des travaux ; / c) Au stade des travaux et jusqu'à la levée des réserves dans les délais impartis dans le ou les contrats de travaux, de mettre en application les diverses mesures d'organisation arrêtées au titre de l'ordonnancement et de la coordination. ".
31. En se bornant à faire valoir, sans autre précision, que la faute de la SEM Façoneo et celle du groupement de maîtrise d'œuvre seraient caractérisées à la lecture des dispositions de l'article 10 précité, les sociétés appelantes n'établissent pas la faute desdites sociétés de nature à engager leur responsabilité quasi-délictuelle.
32. Par suite, compte tenu de ce qui a été dit aux points 27 à 30, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions tendant à la mise en œuvre de la responsabilité quasi-délictuelle de la SEM Façoneo, maître d'ouvrage délégué, et des sociétés Citta, Strada et Burgeap, maîtres d'œuvre, les sociétés Agilis et Midi Travaux ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Marseille a rejeté leurs conclusions indemnitaires formulées à l'encontre de ces sociétés.
En ce qui concerne les conclusions d'appel en garantie formées par la société Citta :
33. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions des sociétés Agilis et Midi Travaux dirigées contre la société Citta, ne prononce aucune condamnation à la charge de cette dernière. Par suite, l'appel en garantie formulé par elle est sans objet.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
34. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
35. Il n'y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge d'aucune des parties une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1710149 rendu le 14 janvier 2020 par le tribunal administratif de Marseille est annulé.
Article 2 : Le décompte général du marché conclu entre le groupement d'entreprises Agilis-Midi Travaux et la communauté d'agglomération du Pays d'Aubagne et de l'Etoile, aux droits de laquelle vient la métropole Aix-Marseille-Provence, est fixé à la somme totale de 2 922 046,35 euros hors taxes soit 3 506 455,63 toutes taxes comprises.
Article 3 : La métropole Aix-Marseille-Provence est condamnée à payer aux sociétés Agilis et Midi Travaux, prises solidairement, une somme de 97 650,00 euros toutes taxes comprises.
Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société Agilis, à la société Midi Travaux, à la société Façoneo, à la société Citta, à la société Strada Ingénierie et à la métropole Aix-Marseille-Provence.
Délibéré après l'audience du 10 mai 2022, où siégeaient :
- M. Guy Fédou, président,
- M. Gilles Taormina, président assesseur,
- M. François Point, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 23 mai 2022.
N° 20MA01231 2