Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société à responsabilité limitée (SARL) La Grange de Fontenay a demandé au tribunal administratif de Rouen, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1903674 du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la SARL La Grange de Fontenay et non compris dans les dépens.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 20 octobre 2020 et le 9 février 2021, le ministre de l'économie, des finances et de la relance demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de remettre à la charge de la SARL La Grange de Fontenay les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif de Rouen.
Il soutient que :
- les premiers juges, pour prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, ont estimé à tort que les locations consenties par la SARL La Grange de Fontenay à ses clients portaient sur des locaux nus, alors que les locaux étaient, durant la période vérifiée, mis à disposition avec les aménagements nécessaires à leur exploitation en tant que salles de réception ; en effet, la SARL La Grange de Fontenay imposait à ses clients, en vertu des stipulations du contrat conclu avec chacun d'eux, de recourir à l'un des traiteurs figurant sur une liste limitative préétablie, jointe au dossier de réservation remis à la clientèle ; ces traiteurs, liés par convention avec la SARL La Grange de Fontenay, versaient à celle-ci, pour chaque contrat conclu avec un locataire du site, une commission correspondant à une part fixe, s'élevant généralement à 10 % du montant facturé à chaque client, en contrepartie de l'usage des locaux ; ainsi, contrairement à ce qu'a retenu le tribunal administratif, d'une part, la relation nouée entre chaque client et le traiteur n'était pas indépendante du contrat de location, d'autre part, les clients de la SARL La Grange de Fontenay n'étaient, dans les faits, pas libres de choisir ou non de faire appel à un traiteur ; en outre, des indices concordants relevés par le service permettent d'établir que la SARL La Grange de Fontenay proposait à ses clients, dans le prolongement de sa pratique antérieure telle qu'elle avait été constatée à l'occasion d'une précédente vérification de sa comptabilité, de prendre en location les tables, chaises et le mobilier nécessaires à chaque événement, ces matériels étant mis, sur place, à la disposition des clients ;
- dans ces conditions, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée, prévu en faveur de la location de locaux nus par le 2° de l'article 261 D du code général des impôts, sous lequel la SARL La Grange de Fontenay avait entendu placer, durant la période vérifiée, la location de ses locaux ;
- pour les motifs exposés dans les écritures produites au nom de l'Etat devant les premiers juges, les autres moyens soulevés par la SARL La Grange de Fontenay devant le tribunal administratif de Rouen, dont la cour se trouverait saisie par l'effet dévolutif de l'appel, ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 décembre 2020, la SARL La Grange de Fontenay, représentée par Me Dhalluin, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- comme l'a estimé à bon droit le tribunal administratif, ses locaux étaient, durant la période vérifiée, donnés en location sans les aménagements et équipements nécessaires à leur exploitation commerciale, les prestations annexes utiles n'étant pas incluses dans le contrat de location conclu avec ses clients mais faisant l'objet d'un contrat indépendant et distinct, de sorte que le bénéfice, pour ces locations, du régime d'exonération, prévu en faveur de la location de locaux nus par le 2° de l'article 261 D du code général des impôts, a été remis en cause à tort par l'administration ; en effet, chaque client avait la possibilité, et non l'obligation, de commander des prestations à un traiteur ; le fait qu'elle impose de choisir ceux-ci sur une liste préétablie, qui s'enrichit d'ailleurs chaque année, aux seules fins de garantir un niveau de qualité des prestations et de préserver sa réputation, ainsi que le bon usage et la conservation de ses équipements de cuisine, est sans incidence sur le caractère facultatif du recours à un traiteur ; la relation contractuelle nouée entre chaque client et le traiteur choisi est indépendante et distincte du contrat de location des locaux, sans qu'ait d'incidence le versement, par le traiteur, d'une commission assise sur les propres recettes de celui-ci ; de même, ses clients étaient libres d'utiliser, pour l'organisation de leur réception, soit les tables et chaises en matière plastique qu'elle mettait à leur disposition, soit le mobilier proposé à la location par une société partenaire, soit leur propre matériel ou celui mis à disposition par les traiteurs ou par un tiers ; ainsi, la prestation annexe de mise à disposition du mobilier était indépendante et distincte de la location des locaux et laissée au seul choix des locataires ;
- les autres moyens soulevés dans la demande qu'elle a présentée devant le tribunal administratif de Rouen sont fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. La société à responsabilité limitée (SARL) La Grange de Fontenay, qui a son siège à Fontenay-en-Vexin (Eure), a pour objet la gestion et l'exploitation des locaux et des dépendances de la propriété dénommée La Grange de Fontenay, qui appartient à la société civile immobilière (SCI) La Grange de Fontenay et qui est située sur le territoire de cette commune. La SARL La Grange de Fontenay propose à la location, en vue de l'organisation d'événements familiaux, principalement des mariages, mais aussi de séminaires ou colloques d'entreprise, une salle de réception d'une surface de 270 m², d'une capacité d'accueil de 250 personnes assises, ainsi qu'une grange aménagée en " espace cocktails " d'une capacité d'accueil de 350 personnes. Ces locaux sont situés dans un parc de quatre hectares incluant un parc de stationnement d'une centaine de places et comprennent une salle de préparation aménagée à l'usage des traiteurs, ainsi qu'un gîte d'une capacité d'accueil de 40 couchages. La SARL La Grange de Fontenay a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, étendue au 30 avril 2016 en matière de taxe sur la valeur ajoutée. Au cours de ce contrôle, le vérificateur a constaté que les seules opérations ayant donné lieu, durant la période vérifiée, à la comptabilisation de taxe sur la valeur ajoutée collectée consistaient en la perception de commissions versées par les traiteurs ayant fourni des prestations sur le site, ainsi que par quelques prestataires annexes, tels ceux chargés de l'animation des soirées. Dans le même temps, il est apparu au vérificateur que la location des lieux par la SARL La Grange de Fontenay à ses clients avait été placée sous le régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévu en faveur des locations de locaux nus par le 2° de l'article 261 D du code général des impôts. Les éléments d'information portés à la connaissance du vérificateur, au cours du contrôle, l'ont conduit à estimer que les locations en cause ne portaient pas exclusivement sur des locaux nus et, en conséquence, à remettre en cause le bénéfice de ce régime d'exonération. La SARL La Grange de Fontenay a été informée, par une proposition de rectification qui lui a été adressée le 30 septembre 2016, des rectifications ainsi envisagées. Celles-ci ont été maintenues malgré les observations formulées par la société. Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée résultant des rectifications notifiées ont été mis en recouvrement le 31 janvier 2017 à hauteur des sommes de 46 485 euros en droits, 3 345 euros en intérêts de retard et 18 594 euros en pénalités, soit une somme totale de 68 424 euros.
2. Sa réclamation ayant été rejetée, la SARL La Grange de Fontenay a porté le litige devant le tribunal administratif de Rouen en lui demandant, d'une part, de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée, et des pénalités correspondantes, auxquels elle a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, d'autre part, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par un jugement du 24 août 2020, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge, en droits et pénalités, de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a mis à la charge de l'Etat, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par la SARL La Grange de Fontenay et non compris dans les dépens. Le ministre de l'action et des comptes publics, qui relève appel de ce jugement, demande à la cour d'en prononcer l'annulation et de remettre à la charge de la SARL La Grange de Fontenay les rappels de taxe sur la valeur ajoutée dont la décharge a été prononcée par le tribunal administratif de Rouen.
3. En vertu du I. de l'article 256 du code général des impôts, les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée. En outre, le c) du 2. de l'article 269 de ce code dispose que, pour les prestations de services, la taxe est exigible lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. Toutefois, le 2° de l'article 261 D du même code exonère de la taxe sur la valeur ajoutée les locations de terrains non aménagés et de locaux nus, à l'exception des emplacements pour le stationnement des véhicules. Ce même 2° précise que ces dispositions ne sont pas applicables lorsque les locations constituent pour le bailleur un moyen de poursuivre, sous une autre forme, l'exploitation d'un actif commercial ou d'accroître ses débouchés ou lorsque le bailleur participe aux résultats de l'entreprise locataire.
4. Doit être regardée comme une location de locaux nus, au sens des dispositions du 2° de l'article 261 D du code général des impôts, celle qui porte sur des locaux qui ne sont pas pourvus des aménagements nécessaires, c'est-à-dire de ceux sans lesquels l'exploitation commerciale à laquelle ils sont destinés n'est pas possible. A l'exception des cas, qui ne sont pas celui de l'espèce, où, eu égard à la procédure d'imposition mise en œuvre, la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge de l'impôt, au vu de l'instruction et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si une entreprise contribuable remplit les conditions légales d'une exonération.
5. Il résulte de l'instruction que la SARL La Grange de Fontenay, durant la période vérifiée, proposait à sa clientèle de prendre en location ses locaux et leurs dépendances en vue de la réalisation d'événements privés ou de séminaires d'entreprise. Les stipulations des contrats qu'elle proposait, à cette fin, à ses clients, dont un exemplaire type a été produit à l'instruction, énoncent ainsi, à l'article 3, que le loueur met à disposition du locataire les locaux suivants : une entrée principale, une salle de réception dite " Sucrerie ", des toilettes accessibles aux personnes handicapées, une douche, une nurserie, un vestiaire, un local avec serrure à code, une mezzanine ouverte sur la salle de réception " Sucrerie ", une réserve destinée à l'entreposage des boissons, la salle dite " Pommeraie " ouverte sur l'extérieur avec un sas, ainsi que des locaux de service dont l'accès est réservé exclusivement au traiteur et sous sa responsabilité. L'article 4 des mêmes contrats précise que la location comprend, en outre, la fourniture de l'eau froide et de l'eau chaude, du papier toilette, de l'électricité et du chauffage, et qu'elle inclut une prestation de nettoyage des locaux. Le même article ajoute que la location n'inclut cependant aucun mobilier ni matériel. Par ailleurs, l'article 5 des mêmes contrats stipule qu'il convient que le locataire contacte directement les traiteurs exclusifs référencés dans la liste fournie par le loueur pour l'organisation de la réception. Le même article précise que le loueur n'acceptera pas de traiteur hors liste et que toute réception alimentaire devra être effectuée par l'un des traiteurs référencés par le loueur, y compris les lendemains de réception. Il ajoute que, pour des raisons de sécurité, le traiteur devra être présent pendant toute la durée de la réception, et qu'il assurera la fermeture de la salle " Sucrerie ", le site ne pouvant en aucun cas faire l'objet d'une location sans la présence d'un responsable de salle et de service, ainsi que du personnel de service désigné par le traiteur ou par le loueur. Enfin, l'article 8 des mêmes contrats comporte une clause voisine, selon laquelle le locataire devra faire appel, pour l'animation des réceptions, aux prestataires référencés sur la liste fournie par le loueur.
6. L'appréciation, au regard des règles fiscales, des conditions d'exercice, par la SARL La Grange de Fontenay, durant la période vérifiée, de son activité ne saurait se fonder sur les seules stipulations contractuelles énoncées au point précédent. Ainsi, s'il résulte de ces stipulations que, comme l'a relevé le tribunal administratif, les clients de la SARL La Grange de Fontenay n'étaient pas contractuellement contraints de faire appel aux services d'un traiteur, sauf s'ils se proposaient de servir des denrées alimentaires à leurs invités, il n'est toutefois pas établi que, pour les besoins d'événements justifiant la location de locaux dédiés à l'organisation de réceptions incluant, par nature, le service d'un cocktail, voire des prestations de restauration, certains des clients de la SARL La Grange de Fontenay se soient abstenus de recourir aux professionnels inclus sur la liste imposée par cette société, qui n'apporte d'ailleurs aucun élément au soutien de ses allégations contraires. En outre, il résulte de l'instruction que chacun des traiteurs, portés sur la liste établie par la SARL La Grange de Fontenay, sollicités par la clientèle de cette société était tenu, en application d'un contrat conclu avec cette dernière, de lui verser, en contrepartie de leur maintien sur la liste des traiteurs agréés pour intervenir sur le site et utiliser les locaux, une commission représentant une part fixe, s'élevant le plus souvent à 10 %, du montant des prestations réalisées dans ces locaux et facturées par lui à son client, les sommes facturées au titre de la mise à disposition du personnel étant généralement non comprises. Ainsi et contrairement à ce qu'a estimé le tribunal administratif, la relation contractuelle nouée entre le traiteur et son client n'était pas sans lien avec les locations consenties par la SARL La Grange de Fontenay, dès lors que celle-ci était intéressée au chiffre d'affaires réalisé, dans ses locaux, par le traiteur auquel elle était elle-même contractuellement liée.
7. Il résulte, par ailleurs, de l'instruction que, dans le but d'appréhender l'étendue des prestations associées aux locations de locaux consenties par la SARL La Grange de Fontenay, le service avait, dans le cadre d'une précédente vérification de comptabilité réalisée en 2013, pris l'attache d'anciens clients qui avaient organisé des événements familiaux dans les salles de réception proposées par cette société. Il ressort des réponses concordantes ainsi adressées à l'administration, dont la teneur est reprise dans la proposition de rectification établie le 30 septembre 2016, que la SARL La Grange de Fontenay avait pour habitude, jusqu'au 31 juillet 2015, d'inciter ses clients à prendre en location, auprès d'une tierce société, la société par actions simplifiée (SAS) Locarial, qui était dirigée par ses propres associés et qui avait pour objet social la location de mobilier et équipements destinés aux espaces de réception, les tables, chaises et autres mobiliers nécessaires à l'organisation des réceptions, lesquels, composés de plusieurs modèles assortis, étaient d'ailleurs stockés dans une dépendance des salles de réception. La SARL La Grange de Fontenay informait aussi sa clientèle qu'elle était à même, à défaut ou en complément, de leur fournir une quarantaine de chaises en matière plastique, ainsi que les tables associées à celles-ci. Si, comme l'a relevé le tribunal administratif, le recours au mobilier proposé à la location par la SAS Locarial, à laquelle a succédé, à compter du 31 juillet 2015, la SARL Your Event Service, constituée par deux anciennes associées de la SARL La Grange de Fontenay, n'était pas imposé par cette dernière à ses clients, ainsi qu'il en était des matériels lui appartenant, la proposition systématique à ceux-ci de faire appel aux prestations offertes par la SAS Locarial puis par la SARL Your Event Service, avec lesquelles elle était liée par une communauté d'intérêts, associait, en réalité, ces prestations accessoires à la prestation principale de mise à disposition des locaux. Plusieurs anciens clients ont d'ailleurs indiqué au service que la mise à disposition du mobilier n'avait pas fait l'objet d'une facturation distincte, mais qu'elle leur avait été présentée comme assurée par la SARL La Grange de Fontenay, et qu'elle avait donné lieu, sur la demande de cette dernière, à un règlement en espèces. Ainsi, la dissociation de la location et de la prestation de mise à disposition du mobilier nécessaire aux réceptions, d'une part, n'était pas systématique durant la période vérifiée, d'autre part, reposait sur une répartition artificielle, entre des entités liées par une forte communauté d'intérêts, de la même activité de location de salles de réception.
8. Il résulte de ce qui a été dit aux points 6 et 7 que la SARL La Grange de Fontenay doit être regardée comme ayant exercé, au cours de la période vérifiée, une activité de location de locaux pourvus des aménagements et équipements nécessaires à leur exploitation commerciale, d'une part, en raison de son intéressement direct à l'activité des traiteurs liés contractuellement avec elle et dont le concours était, par nature, inhérent à son activité de mise à disposition de salles de réception, d'autre part, en raison des liens étroits qu'elle entretenait avec les principaux fournisseurs des mobiliers nécessaires à la tenue des réceptions organisés dans ses locaux par ses clients. Le ministre de l'action et des comptes publics est donc fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Rouen, pour prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige, a retenu que l'administration n'avait pu, en l'espèce, remettre en cause le bénéfice du régime d'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévu en faveur des locations de locaux nus par le 2° de l'article 261 D du code général des impôts.
9. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par la SARL La Grange de Fontenay devant le tribunal administratif de Rouen.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
10. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation.
11. Il ressort des termes de la proposition de rectification adressée le 30 septembre 2016 à la SARL La Grange de Fontenay que celle-ci précise les impôts ainsi que les périodes et exercices concernés par les rectifications envisagées, et comporte l'énoncé des motifs de droit et de fait justifiant ces rectifications. En particulier, si, pour les besoins de sa démonstration, le vérificateur s'est référé, dans la proposition de rectification, à des extraits d'une précédente proposition de rectification, adressée le 11 décembre 2013 à la SARL La Grange de Fontenay à l'issue d'une vérification de comptabilité dont celle-ci avait fait l'objet au titre d'une période antérieure, en reproduisant ces extraits qui reprennent la teneur des réponses apportées au service par d'anciens clients ayant fait appel à la SARL La Grange de Fontenay pour l'organisation d'événements familiaux, ces mentions, qui ont mis la contribuable à même de contester la position de l'administration, et que le vérificateur a complétées par le constat de ce qu'aucun des éléments portés à sa connaissance ne l'avait conduit à estimer que la SARL La Grange de Fontenay avait adopté des modalités d'exploitation différentes depuis le précédent contrôle, constituent une motivation suffisante au regard de l'exigence posée par les dispositions de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.
Sur les pénalités :
12. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...) ".
13. Pour justifier l'application aux rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts, l'administration a retenu, selon les termes de la proposition de rectification qu'elle a adressée à la SARL La Grange de Fontenay le 30 septembre 2016 et du mémoire produit devant les premiers juges, que la taxe sur la valeur ajoutée, dont la collecte, au cours de la période vérifiée, avait été omise par la SARL La Grange de Fontenay à l'occasion de la réalisation des prestations de location, portait sur des sommes importantes et qu'à l'issue du précédent contrôle dont la société avait fait l'objet en 2013, l'administration lui avait déjà fait savoir que son mode de fonctionnement consistant à créer, par l'intervention de sociétés avec lesquelles elle entretenait une communauté étroite d'intérêts, une dissociation entre l'activité de location de locaux nus et celle de mise à disposition de mobiliers et d'équipements, alors qu'elle ne pouvait ignorer que ces deux activités étaient, dans les faits, intrinsèquement liées, l'avait mise en situation de bénéficier indûment d'une exonération à laquelle elle ne pouvait légalement prétendre. Ces éléments sont de nature à établir l'intention délibérée d'éluder l'impôt qui a animé la SARL La Grange de Fontenay au cours de la période vérifiée. En conséquence, c'est à bon droit que l'administration a fait application aux droits en litige de la majoration de 40 % prévue, en cas de manquement délibéré, par les dispositions précitées du a. de l'article 1729 du code général des impôts.
14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'économie, des finances et de la relance est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Rouen a prononcé la décharge, en droits et pénalités, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels la SARL La Grange de Fontenay a été assujettie au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, et a mis la somme de 1 200 euros à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Le ministre est également fondé à demander que ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée, en droits et pénalités, soient remis à la charge de la SARL La Grange de Fontenay. La demande présentée par la SARL La Grange de Fontenay devant le tribunal administratif de Rouen doit donc être rejetée.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1903674 du 24 août 2020 du tribunal administratif de Rouen est annulé.
Article 2 : Les rappels de taxe sur la valeur ajoutée établis au titre de la période allant du 1er janvier 2013 au 30 avril 2016, dont la décharge a été prononcée par ce jugement, sont remis, en droits et pénalités, à la charge de la SARL La Grange de Fontenay.
Article 3 : La demande présentée par la SARL La Grange de Fontenay devant le tribunal administratif de Rouen est rejetée.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique et à la SARL La Grange de Fontenay.
Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.
Délibéré après l'audience publique du 13 octobre 2022 à laquelle siégeaient :
- M. Christian Heu, président de chambre,
- M. Bertrand Baillard, premier conseiller,
- M. Jean-François Papin, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2022.
Le rapporteur,
Signé : J.-F. PapinLe président de chambre,
Signé : C. Heu
La greffière,
Signé : N. Roméro
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
Pour expédition conforme
La greffière,
Nathalie Roméro
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