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11/04/2023 | FRANCE | N°20BX03785

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 11 avril 2023, 20BX03785


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Viviers Renaud-Boutin a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge de l'amende mise à sa charge sur le fondement du 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 217 948 euros.

Par un jugement n° 1802128 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21

novembre 2020 ainsi que les 30 septembre et 20 octobre 2022, ce dernier n'ayant pas été commu...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Viviers Renaud-Boutin a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge de l'amende mise à sa charge sur le fondement du 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 217 948 euros.

Par un jugement n° 1802128 du 24 septembre 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 21 novembre 2020 ainsi que les 30 septembre et 20 octobre 2022, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la société Viviers Renaud-Boutin, représentée par Me Richard, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 1802128 du tribunal administratif de Poitiers du 24 septembre 2020 ;

2°) de prononcer la décharge de l'amende mise à sa charge sur le fondement du 1. du I de l'article 1737 du code général des impôts au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 217 948 euros, ou, à titre subsidiaire, d'en prononcer la diminution d'un montant de 62 128 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

- l'administration a commis un détournement de procédure et a manqué à son devoir de loyauté en recourant à une vérification de comptabilité pour établir l'amende qui lui a été infligée, alors que cette dernière est sans rapport avec des rehaussements d'impôts ou de taxes ;

- les garanties prévues à l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales n'ont pas été respectées par le service ;

En ce qui concerne le bien-fondé de l'amende fiscale :

- l'administration n'a fait la preuve, ni que les ventes à l'origine des factures litigieuses ont été réalisées à destination de professionnels, ni de son intention frauduleuse de dissimuler l'identité des clients ;

- en tout état de cause, les montants sur la base desquels l'amende a été liquidée doivent être révisés à la baisse au titre de chacun des exercices vérifiés, ce qui emporte une réduction de son montant.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 20 mai 2021 et 17 octobre 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête en faisant valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A... B...,

- et les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Viviers Renaud-Boutin, qui exerce une activité de grossiste en poissons-crustacés, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er octobre 2011 au 30 septembre 2014. A l'issue des opérations de contrôle, le service a procédé à des rappels de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) et de taxe sur les véhicules de sociétés ainsi qu'à la mise en œuvre de l'amende prévue au I de l'article 1737 du code général des impôts, sanctionnant les infractions aux règles de facturation. La société Viviers Renaud-Boutin relève appel du jugement du 24 septembre 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de l'amende qui a ainsi été mise à sa charge au titre des exercices clos en 2012, 2013 et 2014, pour un montant total de 217 948 euros, ou, à titre subsidiaire, sa réduction.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article R. 13-1 du livre des procédures fiscales : " Les vérifications de comptabilité mentionnées à l'article L. 13 comportent notamment : / a) La comparaison des déclarations souscrites par les contribuables avec les écritures comptables et avec les registres et documents de toute nature (...) / b) L'examen de la régularité, de la sincérité et du caractère probant de la comptabilité (...) ". Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles (...) ". Aux termes de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales : " Pour rechercher les manquements aux règles de facturation auxquelles sont soumis les assujettis à la taxe sur la valeur ajoutée en application du code général des impôts (...), les agents des impôts ayant au moins le grade de contrôleur peuvent se faire présenter les factures, la comptabilité matière ainsi que les livres, les registres et les documents professionnels pouvant se rapporter à des opérations ayant donné ou devant donner lieu à facturation et procéder à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation. (...) ". Enfin, aux termes de l'article L. 80 H du même livre : " A l'issue de l'enquête prévue à l'article L. 80 F, les agents de l'administration établissent un procès-verbal consignant les manquements constatés ou l'absence de tels manquements. La liste des documents dont une copie a été délivrée lui est annexée s'il y a lieu. / (...) / Les constatations du procès-verbal ne peuvent être opposées à cet assujetti ainsi qu'aux tiers concernés par la facturation que dans le cadre des procédures de contrôle mentionnées à l'article L. 47 au regard des impositions de toute nature et de la procédure d'enquête prévue à l'article L. 80 F. (...). La mise en œuvre du droit d'enquête ne peut donner lieu à l'application d'amendes hormis celles prévues aux 1,2 et 3 du I et au II de l'article 1737 et à l'article 1788 B du code général des impôts. ".

3. Les dispositions du I de l'article 1737 du code général des impôts ne prévoient aucune règle spécifique relative à leur mise en œuvre. Si les dispositions combinées des articles L. 80 F et L. 80 H du livre des procédures fiscales permettent à l'administration d'enquêter, dans les conditions qu'elles définissent, sur les manquements aux règles de facturation applicables aux personnes assujetties à la taxe sur la valeur ajoutée et de rechercher notamment d'éventuelles factures fictives et l'autorisent ensuite, conformément aux dispositions du dernier alinéa de l'article L. 80 H du livre des procédures fiscales, à se fonder sur les éléments recueillis dans le cadre de cette enquête pour procéder à une vérification de comptabilité dans les conditions prévues notamment par l'article L. 47 du même livre, il ne ressort aucunement des dispositions relatives à la vérification de comptabilité que celles-ci prohiberaient le constat direct par le vérificateur, à l'occasion d'une vérification de comptabilité menée conformément à son objet, de la méconnaissance par le contribuable des règles concernant la facturation. La société Viviers Renaud-Boutin ne conteste pas, en l'espèce, que la procédure de vérification de comptabilité engagée à son encontre n'avait pas pour unique objet, ainsi qu'il a été exposé au point 1, de rechercher les infractions aux règles de facturation qui lui ont été imputées. Par suite, quand bien même la société avait précédemment fait l'objet d'une enquête menée en application des dispositions de l'article L. 80 F du livre des procédures fiscales, entre le 12 février et le 1er juillet 2015, au cours de laquelle l'administration a constaté certaines infractions aux règles de facturation, c'est régulièrement et sans détournement de procédure ni manquement des agents du service à leur devoir de loyauté à l'égard des contribuables que l'amende en litige, qui concerne des infractions distinctes, a pu être infligée à la société requérante dans le cadre de la vérification de comptabilité engagée à compter du 17 août 2015, après mise en œuvre de traitements informatiques réalisés en application des dispositions de l'article L. 47 A du même livre.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales : " (...) / II. - En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / a) Les agents de l'administration peuvent effectuer la vérification sur le matériel utilisé par le contribuable ; / b) Celui-ci peut effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification. Dans ce cas, après, le cas échéant, la remise des copies prévue au second alinéa du présent b, l'administration précise par écrit au contribuable, ou à un mandataire désigné à cet effet, les travaux à réaliser ainsi que le délai accordé pour les effectuer. / (...) / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration, dans les quinze jours suivant la formalisation par écrit de son choix, les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. (...) ".

5. Il résulte de ces dispositions que le vérificateur qui envisage un traitement informatique sur une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés est tenu d'indiquer au contribuable, au plus tard au moment où il décide de procéder au traitement, par écrit et de manière suffisamment précise, la nature des investigations qu'il souhaite effectuer, c'est-à-dire les données sur lesquelles il entend faire porter ses recherches ainsi que l'objet de ces investigations, afin de permettre au contribuable de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions. Le vérificateur n'est, à cet égard et conformément aux dispositions du b) du II de l'article L 47 A du LPF, tenu de préciser au contribuable la description technique des travaux informatiques à réaliser en vue de la mise en œuvre de ces investigations que si celui-ci a fait ensuite le choix d'effectuer lui-même tout ou partie des traitements informatiques nécessaires à la vérification.

6. Il résulte des termes du courrier du 1er octobre 2015 adressé à la société Viviers Renaud-Boutin que le vérificateur l'a informée de ce qu'il souhaitait mettre en œuvre, conformément aux dispositions du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, des traitements sur les données de gestion du logiciel Divalto achat/vente visant à valider, sur la période vérifiée, le chiffre d'affaires de la société ainsi que la TVA collectée, les taux de TVA collectée appliqués et la présence des mentions obligatoires sur les factures de vente. A cet égard, contrairement à ce qui est soutenu, le contrôle des mentions obligatoires sur les factures de vente impliquait nécessairement de déterminer, notamment, si certains clients étaient des professionnels assujettis à la TVA ou des personnes non assujetties, au vu des quantités achetées et du montant moyen des factures hors taxe sur la période vérifiée. Ce courrier précise, en outre, que les traitements informatiques porteront sur les fichiers des factures de vente en-tête et pied, des factures de vente en ligne, des bons de livraison en-tête et pied et des bons de livraison ligne. Dans ces conditions, le courrier adressé à la société par le vérificateur identifiait les données sur lesquelles il envisageait de conduire ses investigations ainsi que l'objet de celles-ci, précisant ainsi la nature des investigations qu'il estimait nécessaires au contrôle de la comptabilité. Par suite, la société Viviers Renaud-Boutin qui, en définitive, a choisi l'option c) offerte par le II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et ne peut ainsi utilement invoquer la circonstance qu'elle n'aurait pas été suffisamment informée de la description technique des travaux informatiques à réaliser, doit être regardée comme ayant été mise à même de choisir en toute connaissance de cause entre les trois options offertes par ces dispositions et n'est pas fondée à soutenir que la garantie prévue par les dispositions ci-dessus rappelées du livre des procédures fiscales aurait été méconnue.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales " (...) / En cas de contrôle inopiné tendant à la constatation matérielle des éléments physiques de l'exploitation ou de l'existence et de l'état des documents comptables, l'avis de vérification de comptabilité et la charte des droits et obligations du contribuable vérifié sont remis au contribuable au début des opérations de constatations matérielles. (...) ". Aux termes du III de l'article L. 47 A du même livre : " a. - Dans le cadre du contrôle inopiné mentionné au dernier alinéa de l'article L. 47, lorsque la comptabilité est tenue au moyen de systèmes informatisés, (...) / d. - L'administration communique au contribuable, sous forme dématérialisée ou non, au choix de ce dernier, le résultat des traitements informatiques qui donnent lieu à des rehaussements au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification mentionnée à l'article L. 57. (...) ".

8. La société Viviers Renaud-Boutin se prévaut, sur le fondement des dispositions du III de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, de ce qu'elle ne se serait pas vue proposer le choix du mode de communication des traitements informatiques effectués par le vérificateur, sous forme dématérialisée ou non. Toutefois, l'intéressée, qui n'a pas fait l'objet d'un contrôle inopiné mentionné au dernier alinéa de l'article L. 47 du même livre, ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de ces dispositions. En tout état de cause, la circonstance que l'administration n'ait pas proposé formellement un tel choix à la société mais s'est contentée de lui communiquer ces résultats sous format papier, en annexe à la proposition de rectification du 4 décembre 2015, n'a privé cette dernière d'aucune garantie procédurale et n'a pas eu d'influence sur la décision de rectification, dès lors qu'il résulte de l'instruction que la requérante a disposé, eu égard aux éléments contenus dans cette proposition de rectification et ses annexes, de la possibilité de contester utilement les rectifications en litige, ce qu'elle a d'ailleurs fait.

Sur le bien-fondé de l'amende fiscale :

9. Aux termes de l'article 1737 du code général des impôts : " I. - Entraîne l'application d'une amende égale à 50 % du montant : / 1. Des sommes versées ou reçues, le fait de travestir ou dissimuler l'identité ou l'adresse de ses fournisseurs ou de ses clients, les éléments d'identification mentionnés aux articles 289 et 289 B et aux textes pris pour l'application de ces articles ou de sciemment accepter l'utilisation d'une identité fictive ou d'un prête-nom ; / (...) / Les dispositions des 1 à 3 ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers (...) ". Aux termes du II de l'article 289 du même code : " Un décret en Conseil d'Etat fixe les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures. Ce décret détermine notamment les éléments d'identification des parties, les données concernant les biens livrés ou les services rendus et celles relatives à la détermination de la taxe sur la valeur ajoutée. ". Aux termes de l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts : " I. - Les mentions obligatoires qui doivent figurer sur les factures en application du II de l'article 289 du code général des impôts sont les suivantes : / 1° Le nom complet et l'adresse de l'assujetti et de son client ; / 2° Le numéro individuel d'identification attribué à l'assujetti en application de l'article 286 ter du code précité et sous lequel il a effectué la livraison de biens ou la prestation de services ; (...) ". Enfin, aux termes de l'article 1649 bis A du code général des impôts : " Sans préjudice des dispositions de l'article L. 85 du livre des procédures fiscales concernant le droit de communication de l'administration des impôts, les commerçants et artisans en ce qui concerne l'imposition de leur bénéfice ou de leur chiffre d'affaires, peuvent être tenus, suivant des modalités qui seront fixées par décret, de déclarer à l'administration le montant total, par client, des ventes autres que les ventes au détail, réalisées au cours de l'année civile ou de leur exercice comptable lorsque cet exercice ne coïncide pas avec l'année civile. / Pour l'application du présent article, il faut entendre par ventes au détail les ventes faites à un prix de détail portant sur des quantités qui n'excèdent pas les besoins privés normaux d'un consommateur. (...) ".

10. Il appartient à l'administration, lorsqu'elle a mis en recouvrement une amende fiscale sur le fondement des dispositions du I de l'article 1737 du code général des impôts, d'apporter la preuve que les faits retenus à l'encontre du redevable entrent bien dans les prévisions de ces dispositions. Il lui appartient à ce titre d'établir soit que le contribuable a sciemment dissimulé ou travesti l'identité de ses clients, soit que les omissions constatées sur des factures avaient pour objet, de la part du contribuable concerné, de travestir ou dissimuler l'identité véritable de ses clients et ne résultaient pas d'une simple négligence. Ces principes ne s'appliquent pas aux ventes au détail et aux prestations de services faites ou fournies à des particuliers.

11. Il résulte de l'instruction qu'au cours des opérations de contrôle, l'administration a relevé que la société Viviers Renaud-Boutin a procédé à des ventes, essentiellement en espèces, de poissons et de crustacés à des clients dits " de passage " pour lesquels, s'agissant de l'identification du client, les factures émises mentionnent uniquement le nom d'une personne physique. Au titre de la période vérifiée, les ventes comptabilisées à ce titre se sont élevées à 1 102 847 euros, représentant 16,82% du chiffre d'affaires de l'entreprise. Dans le cadre de traitements informatiques réalisés sur le fondement du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, le service a sélectionné les clients ayant acheté au moins 200 kg de poissons et crustacés sur la période vérifiée avec un montant hors taxes moyen par facture supérieur à 200 euros, soit 103 clients ayant procédé à des achats, pour un chiffre d'affaires de 416 575 euros hors taxes. Le service a estimé, au vu des montants et des quantités achetées, que les ventes réalisées à destination de ces 103 clients non précisément identifiés, pour lesquels la société a établi 1 261 factures, n'étaient pas des ventes au détail effectuées pour des particuliers mais à destination de professionnels. Par suite, constatant que l'absence d'identification complète de ces clients professionnels sur les factures émises constituait un manquement aux obligations prévues aux articles 289 du code général des impôts et 242 nonies A de l'annexe II à ce code, l'administration a fait application de l'amende prévue au 1. du I de l'article 1737 même code, correspondant à 50 % du montant des sommes reçues en espèces, soit 66 262 euros, 74 642 euros et 77 044 euros au titre, respectivement, des exercices clos en 2012, 2013 et 2014.

12. De première part, il est constant que la totalité des 1 261 factures dont s'agit ne comporte pas, soit l'adresse complète s'agissant des personnes physiques, soit la raison sociale et l'adresse complète de l'établissement ou du siège social pour les personnes morales. Dès lors, eu égard au nombre de ces factures et au chiffre d'affaires généré par ces opérations, c'est à bon droit que le service a estimé que la société n'a pas agi par simple négligence mais a sciemment dissimulé les éléments d'identification des factures qu'elle a émises à destination des clients concernés.

13. De deuxième part, la seule circonstance que les ventes en cause ont été inscrites en comptabilité dans des comptes ouverts sous les libellés " clients espèces comptant " et " clients divers " n'est pas, contrairement à ce qui est soutenu, de nature à faire présumer que ces ventes ont été réalisées à destination de particuliers, dès lors qu'il est constant que la société requérante exerce une activité de grossiste en poissons et crustacés.

14. De troisième part, la société requérante soutient que l'amende litigieuse, en ce qu'elle s'applique à des ventes d'un poids inférieur à 400 kg de poissons et crustacés au titre de la période vérifiée, est irrégulière dès lors que de telles ventes doivent s'assimiler à des ventes au détail isolées à destination de clients particuliers. Il résulte toutefois de l'instruction que, pour de nombreux clients, le service a relevé plusieurs dizaines d'opérations qui ont, en outre, été pratiquées à des prix identiques ressortant des transactions réalisées avec des professionnels dûment identifiés et non à un prix de détail, alors qu'aucun des clients retenus n'a fait l'objet d'une unique facturation. En outre, le service a constaté que, parmi les clients dûment identifiés, qui sont pourtant des acheteurs professionnels, moins de la moitié remplissait les critères appliqués par le vérificateur pour identifier les opérations litigieuses. Dès lors, compte tenu de la volumétrie des cessions (achat d'au moins 200 kg de poissons et crustacés sur la période vérifiée), de leur montant (montant moyen par facture supérieur à 200 euros) ainsi que du caractère récurrent de ces ventes, l'administration établit que ces dernières excèdent les besoins privés normaux d'un consommateur et ont nécessairement été réalisées à destination de professionnels.

15. De dernière part, la société Viviers Renaud-Boutin critique, à titre subsidiaire, la méthode retenue par le service et soutient que les ventes inférieures à 200 kg de poissons et crustacés par client au titre de chacun des exercices vérifiés, pris isolément, n'excèdent pas les besoins privés normaux d'un consommateur. Toutefois, il résulte de ce qui a été précédemment exposé que le service n'a sélectionné que les clients ayant acheté au moins 200 kg de poissons et crustacés sur les trois exercices vérifiés, soit une moyenne de 66,6 kg par exercice pour le moins important des clients concernés. L'administration n'a sélectionné, en outre, que les clients ayant été facturés à un montant moyen par facture supérieur à 200 euros, soit, 40 kg en moyenne par facture pour le moins important des clients concernés. Dès lors, en l'absence de circonstances particulières invoquées par la société requérante, tenant notamment à la composition du foyer de l'acheteur ou à l'organisation d'un évènement spécial, l'intéressée n'est pas fondée à remettre en cause la méthode retenue par le vérificateur pour conclure que de tels achats excèdent les besoins privés normaux d'un consommateur.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la société Viviers Renaud-Boutin n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande. Les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées par voie de conséquence.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la société Viviers Renaud-Boutin est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL Viviers Renaud-Boutin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction régionale du contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

Mme Bénédicte Martin, présidente-assesseure,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 avril 2023.

Le rapporteur,

Michaël B... La présidente,

Evelyne Balzamo

Le greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX03785

2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX03785
Date de la décision : 11/04/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : RICHARD

Origine de la décision
Date de l'import : 16/04/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-04-11;20bx03785 ?
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