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27/09/2022 | FRANCE | N°20BX02722

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 4ème chambre, 27 septembre 2022, 20BX02722


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation éolienne de Beaulieu a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Indre lui a refusé l'autorisation unique nécessaire à l'édification et l'exploitation de quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Beaulieu et d'enjoindre au préfet dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de poursuivre l'instructio

n de la demande et d'engager une phase d'enquête publique préalable.

Par un j...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société d'exploitation éolienne de Beaulieu a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 27 décembre 2017 par lequel le préfet de l'Indre lui a refusé l'autorisation unique nécessaire à l'édification et l'exploitation de quatre éoliennes et un poste de livraison sur le territoire de la commune de Beaulieu et d'enjoindre au préfet dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 500 euros par jour de retard, de poursuivre l'instruction de la demande et d'engager une phase d'enquête publique préalable.

Par un jugement n° 1800307 du 18 juin 2020, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 27 décembre 2017 et a enjoint au préfet de l'Indre de réexaminer la demande d'autorisation unique formée par la société dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.

Procédure devant la cour :

Par un recours et un mémoire, enregistrés les 21 août et 21 septembre 2020, la ministre de la transition écologique demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Limoges du 18 juin 2020 et de rejeter les demandes de la société d'exploitation éolienne de Beaulieu.

Elle soutient que :

- le jugement est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas suffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 et celles de l'article L. 511-1 du code de l'environnement ;

- ainsi que l'a estimé à bon droit le préfet de l'Indre, le projet de parc éolien porté par la société est de nature à entraîner, eu égard à la sensibilité particulière du secteur d'implantation du projet, situé à proximité du site inscrit et classé de la butte, du hameau et des vestiges du château de Brosse, ainsi que leurs abords et au regard, notamment, de la hauteur des équipements envisagés, une modification notable du paysage altérant significativement sa qualité.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 janvier 2021, la société d'exploitation éolienne de Beaulieu, représentée par Me Gelas, conclut au rejet du recours et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que la requête est irrecevable faute, pour la ministre, d'avoir développé des moyens avant l'expiration du délai de recours et qu'en tout état de cause, les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 30 novembre 2021 la clôture d'instruction a été fixée au 11 janvier 2022 à 12h00.

Des mémoires en intervention volontaire, présentés pour l'association Bocage de Beaulieu, M. F..., M. E..., M. B... et M. A..., représentés par Me Catry, et enregistrés les 1er juin et 31 août 2022, après la clôture d'instruction, n'ont pas été communiqués.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... D...,

- les conclusions de Mme Cécile Cabanne, rapporteure publique,

- les observations de Me Kerjean-Gauducheau, représentant la société d'exploitation éolienne de Beaulieu, et les observations de Me Catry, représentant les intervenants.

Considérant ce qui suit :

1. La société d'exploitation éolienne de Beaulieu a sollicité, le 6 juillet 2016, une autorisation unique de construire et d'exploiter un parc éolien constitué de quatre éoliennes d'une hauteur de 180 mètres en bout de pales et d'un poste de livraison sur le territoire de la commune de Beaulieu. Par un arrêté du 27 décembre 2017, le préfet de l'Indre a rejeté sa demande. La ministre de la transition écologique relève appel du jugement du 18 juin 2020 par lequel le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 27 décembre 2017 et a enjoint au préfet de l'Indre de réexaminer la demande d'autorisation unique formée par la société dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.

Sur la régularité du jugement :

2. Il ressort des points 3 à 5 du jugement attaqué que les premiers juges ont suffisamment motivé leur réponse au moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article 3 de l'ordonnance du 20 mars 2014 et celles de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. La ministre de la transition écologique n'est donc pas fondée à critiquer, pour ce motif, la régularité du jugement en litige.

Sur le bien-fondé du jugement :

3. Aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre (...), les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'ordonnance du 12 juin 2014, relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement (...) ". Pour statuer sur une demande d'autorisation unique, il appartient à l'autorité administrative de s'assurer que le projet ne méconnaît pas, notamment, l'exigence de protection des paysages et de conservation des sites et ne porte pas atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Pour rechercher si l'existence d'une atteinte à un paysage, à la conservation des sites et des monuments ou au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants est de nature à fonder un refus d'autorisation ou à fonder les prescriptions spéciales accompagnant la délivrance de cette autorisation, il appartient à l'autorité administrative d'apprécier, dans un premier temps, la qualité du site naturel ou du paysage sur lequel l'installation est projetée et d'évaluer, dans un second temps, l'impact que cette installation, compte tenu de sa nature et de ses effets, pourrait avoir sur le site, sur le monument ou sur le paysage.

4. D'une part, il résulte de l'instruction, notamment du volet paysager de l'étude d'impact, que la zone d'implantation du projet est composée, au nord, d'un grand plateau bocager comprenant de nombreuses vallées et se poursuit, au sud, par les premières collines annonçant le Massif Central. Les aires d'étude intermédiaire et rapprochée, établies autour du projet sur un rayon de proximité de dix kilomètres, se caractérisent par un paysage de plateau bocager plutôt fermé, que viennent traverser deux vallées encaissées, celles de la Benaize et du Bel Rio. Les axes routiers, souvent insérés dans le bocage ou longeant les coteaux, procurent des vues vers le projet au travers des fenêtres végétales alors que, sur les cinq bourgs prenant place dans ce paysage, deux montrent des enjeux particuliers liés à leur situation dégagée vers la zone d'implantation des éoliennes. Les parcelles agricoles y sont dominantes, ponctuées de boisements de taille modeste. Il résulte également de l'instruction que ce paysage rural, où se déploie essentiellement une activité agricole et d'élevage, n'a pas de caractère exceptionnel mais comprend quelques éléments de patrimoine protégés, notamment le site inscrit et classé de la butte, du hameau et des vestiges du château de Brosse, ainsi que leurs abords, situé sur un promontoire dominant l'ensemble de la vallée du Bel Rio et le plateau environnant, dont le niveau de sensibilité est identifié comme fort par le volet paysager de l'étude d'impact.

5. D'autre part, il résulte des éléments joints au dossier, notamment des photomontages présentés dans l'étude paysagère, que le hameau de Brosse, situé en contrebas du château, présente une impression d'espace clos limitant la profondeur des vues et n'offre aucune perspective vers le site d'implantation du projet. A partir des vestiges du château de Brosse et depuis l'espace accessible au public, seul un point de vue ponctuel depuis les abords du donjon, le long des remparts nord-ouest, permet d'observer le grand paysage en direction du projet. Toutefois, la visibilité, notamment des mâts de trois des quatre éoliennes, est en partie masquée par l'effet dissimulant créé par le bocage environnant et, compte tenu de la distance de plus de quatre kilomètres ainsi que des reliefs des coteaux environnants, l'effet de surplomb s'en trouve, malgré la hauteur des constructions, limité. Eu égard aux caractéristiques et à la sensibilité touristique limitée du site, les quatre éoliennes en cause ne peuvent être regardées comme ayant un impact visuel incompatible avec le caractère et l'intérêt des ruines du château de Brosse. Par ailleurs, si quelques secteurs, sur les coteaux de la vallée du Bel Rio, mettent en covisibilité le site, les restes du château et le parc éolien, celle-ci reste très limitée et modérée, les éoliennes s'assimilant à l'horizon bocager et la taille des machines étant bien intégrée dans l'échelle du paysage perçu. Enfin, la visibilité sur le projet depuis la route départementale 29, à l'extrémité ouest du site classé de la butte, du hameau et du château de Brosse ne modifie que très peu la perception du site patrimonial depuis ces lieux qui se trouvent à l'opposé des vestiges du château et ne présentent pas d'intérêt paysager particulier, alors qu'il se trouvent déjà partiellement anthropisés par la présence de lignes électriques et de routes bitumées. Ainsi, comme l'ont jugé à bon droit les premiers juges, la perception lointaine et discrète des éoliennes depuis ce site ne porte pas atteinte à sa conservation. Dès lors, c'est à juste titre que le tribunal a estimé qu'en refusant de délivrer une autorisation unique à la société d'exploitation éolienne de Beaulieu, le préfet de l'Indre a entaché sa décision d'une erreur d'appréciation de l'atteinte portée aux intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement et par l'article 3 de l'ordonnance du 12 juin 2014, relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, que la ministre de la transition écologique n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a annulé l'arrêté du 27 décembre 2017 et a enjoint au préfet de l'Indre de réexaminer la demande d'autorisation unique formée par la société d'exploitation éolienne de Beaulieu dans un délai de quatre mois à compter de la notification du jugement.

Sur les frais liés à l'instance :

7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la société d'exploitation éolienne de Beaulieu et non compris dans les dépens.

DECIDE :

Article 1er : Le recours de la ministre de la transition écologique est rejeté.

Article 2 : L'Etat versera à la société d'exploitation éolienne de Beaulieu une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires, à la ministre de la transition énergétique, à la société d'exploitation éolienne de Beaulieu, à l'association Bocage de Beaulieu, à M. F..., à M. E..., à M. B... et à M. A....

Copie en sera adressée au préfet de l'Indre.

Délibéré après l'audience du 6 septembre 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Evelyne Balzamo, présidente,

M. Nicolas Normand, premier conseiller,

M. Michaël Kauffmann, premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 septembre 2022.

Le rapporteur,

Michaël D... La présidente,

Evelyne BalzamoLe greffier,

Christophe Pelletier

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires et à la ministre de la transition énergétique, chacun en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX02722

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX02722
Date de la décision : 27/09/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme BALZAMO
Rapporteur ?: M. Michaël KAUFFMANN
Rapporteur public ?: Mme CABANNE
Avocat(s) : CABINET LPA-CGR AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 02/10/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-09-27;20bx02722 ?
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