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24/09/2020 | FRANCE | N°20BX01124

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 1ère chambre, 24 septembre 2020, 20BX01124


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1903830 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête et un mémoire, enregistrés les 25 mars et 13 août 2020, M. C..., représenté par Me D..., dema...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Par un jugement n° 1903830 du 6 février 2020, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 25 mars et 13 août 2020, M. C..., représenté par Me D..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 6 février 2020 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 7 juin 2019 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai ;

3°) d'enjoindre au préfet de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", subsidiairement de réexaminer sa demande, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé ce délai ;

4°) de mettre à la charge de l'État le paiement de la somme de 2 000 euros à verser à son conseil en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il soutient que :

s'agissant de l'ensemble des décisions litigieuses :

- elles sont entachées d'une insuffisance de motivation ;

s'agissant du refus de titre de séjour :

- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins, de sorte qu'il a méconnu l'étendue de ses compétences ;

- la décision litigieuse méconnaît les dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dès lors qu'il ne peut accéder effectivement à des traitements appropriés à ses différentes pathologies en Géorgie ;

- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste dans son appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;

s'agissant de l'obligation de quitter le territoire français :

- elle est privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- le préfet a méconnu les dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

s'agissant de la décision fixant le pays de renvoi :

- elle est privée de base légale par voie de conséquence de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ;

- elle méconnaît l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Par un mémoire en défense, enregistré le 31 juillet 2020, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. C... ne sont pas fondés.

M. C... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 29 avril 2020.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. B... A... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. C..., ressortissant géorgien né le 9 juillet 1978, est entré en France, selon ses déclarations, le 13 septembre 2016. Il s'est maintenu irrégulièrement sur le territoire français, puis a demandé, le 19 avril 2017, la délivrance d'un titre de séjour temporaire en qualité d'étranger malade. Après avoir disposé d'une autorisation provisoire de séjour valable du 22 août au 22 novembre 2017, il a de nouveau demandé, le 30 janvier 2018, son admission au séjour en qualité d'étranger malade. M. C... relève appel du jugement du 6 février 2020 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Haute-Garonne du 7 juin 2019 portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel il serait reconduit à l'issue de ce délai.

Sur la légalité de l'arrêté pris dans son ensemble :

2. L'appelant se borne à reprendre en appel, au soutien de ses conclusions dirigées contre l'ensemble des décisions litigieuses, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

Sur la légalité du refus de titre de séjour :

3. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " est délivrée de plein droit : (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. Les médecins de l'office accomplissent cette mission dans le respect des orientations générales fixées par le ministre chargé de la santé. ". En vertu de l'article R. 313- 22 du même code : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ". L'article 6 de l'arrêté susvisé du 27 décembre 2016 dispose que : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis, (...) Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

4. En premier lieu, l'appelant se borne à reprendre en appel, au soutien de ses conclusions dirigées contre la décision portant refus de titre de séjour, le moyen tiré de ce que le préfet se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et aurait ainsi méconnu l'étendue de ses compétences, sans apporter d'éléments de fait ou de droit nouveaux. Dans ces conditions, il y a lieu, par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges, d'écarter ce moyen.

5. En deuxième lieu, sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi, sauf circonstance humanitaire exceptionnelle. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

6. Il ressort des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé que si l'état de santé de M. C... nécessitait une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, M. C... pourrait effectivement bénéficier d'un traitement adapté dans son pays d'origine et que son état lui permettait de voyager sans risque. Les certificats médicaux et les attestations sociales produits par M. C..., s'ils font état de ses multiples pathologies, ne sont pas de nature à contredire l'avis rendu collégialement sur l'accès effectif à un traitement approprié en Géorgie alors que le préfet y justifie de l'existence de programmes de substitution aux produits psychotropes, de l'accès à une trithérapie antirétrovirale pour les personnes atteintes du VIH, de structures médicales de prise en charge des maladies psychiatriques et que l'hépatite C dont est atteint l'intéressé a été traitée et ne nécessite plus qu'une surveillance médicale. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

7. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. C... est entré en France à l'âge de 38 ans. Il est sans attache familiale en France et ne maîtrise pas la langue française. Ainsi qu'il a été dit au point précédent, il peut avoir accès en Géorgie à des traitements appropriés à son état de santé. Dans ces conditions, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste dans son appréciation des conséquences de sa décision de refus de séjour sur la situation personnelle de M. C....

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

8. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que l'obligation de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour doit être écarté.

9. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions du 10° de l'article L. 511-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux qui ont été développés au point 6 ci-dessus.

Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :

10. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait dépourvue de base légale du fait de l'illégalité du refus de titre de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français doit être écarté.

11. Il ne ressort pas des pièces du dossier que M. C... serait exposé à des risques de traitements inhumains et dégradants en cas de retour en Géorgie, alors notamment que, ainsi qu'il a été dit, il pourra y bénéficier de soins appropriés à ses différentes pathologies. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Ses conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte ainsi que celles présentées en application des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent par voie de conséquence être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... C... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera transmise, pour information, au préfet de la Haute-Garonne.

Délibéré après l'audience du 27 août 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Marianne Hardy, président,

M. B... A..., président-assesseur,

Mme Nathalie Gay-Sabourdy, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 24 septembre 2020.

Le rapporteur,

Didier A...

Le président,

Marianne HardyLe greffier,

Sophie Lecarpentier

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 20BX01124


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 20BX01124
Date de la décision : 24/09/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : Mme HARDY
Rapporteur ?: M. Didier SALVI
Rapporteur public ?: M. ROUSSEL
Avocat(s) : POUGAULT

Origine de la décision
Date de l'import : 06/10/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-09-24;20bx01124 ?
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