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05/04/2022 | FRANCE | N°20BX00822

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 05 avril 2022, 20BX00822


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Pro'Confort a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au ti

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Par un jugement n° 1802647 du 28 janvier 2020, le ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Pro'Confort a demandé au tribunal administratif de Poitiers de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Par un jugement n° 1802647 du 28 janvier 2020, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 6 mars 2020 et 8 décembre 2021, la société Pro'Confort, représentée par Me Genuyt, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Poitiers du 28 janvier 2020 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les frais engagés par Mme C... B..., ancienne gérante salariée, constatés par KPMG à hauteur de 70 875,27 euros pour 2011, 41 585,91 euros pour 2012 et 108 931,66 euros pour 2013, sont déductibles du résultat fiscal de la société ;

- l'avis de mise en recouvrement n° 05012 est irrégulier en ce qu'il mentionne une créance n° 1706560 d'un montant de 10 361 euros aux droits du contribuable au titre de l'impôt sur les sociétés pour l'exercice clos en 2011, alors que, le 30 août 2016, la société a été informée que cette même somme avait été admise en déduction pour 2011 ;

- ainsi que l'indique l'administration dans sa doctrine référencée BOI-REC-PREA-10-10-20-20180801, cette irrégularité affecte la validité de l'avis de mise en recouvrement ; cette irrégularité entraine la décharge de toutes les impositions mentionnées sur cet avis ;

- l'avis de mise en recouvrement n° 05011 est irrégulier en raison de la période visée pour la créance n° 1706510 " du 01-01-2011 au 31-12-2013 " au lieu de " 01-12-2012 au 31-12-2013 " et des droits de la créance n° 1706560 de 235 864 euros au lieu de 198 697 euros, informations erronées qui l'ont privée d'une garantie en ce qu'elle a été empêchée d'identifier sans aucune ambiguïté le montant des sommes dont l'administration poursuivait le recouvrement ;

- les redevances versées à la société de droit chypriote Hastera en contrepartie du dépôt de la marque Pro'Confort, en 2012 et 2013, respectivement à hauteur de 221 443 euros et 100 000 euros, sont déductibles du résultat fiscal de la société ;

- alors même qu'il a été mis fin à la convention de services entre MFR Internationale et Pro'Confort en mars 2011, en raison d'un retard de facturation et au vu des prestations réalisées, une charge de 62 000 euros rattachée à l'exercice 2011 est venue augmenter le déficit reportable de la société sur l'exercice 2011 et diminuer d'autant le bénéfice imposable de l'exercice 2012 ; au cours d'un précédent contrôle portant sur les années antérieures à 2010, l'administration avait admis la déduction des dépenses exposées à ce titre ;

- le résultat imposable et la valeur ajoutée évalués par le service vérificateur doivent être rectifiés en retranchant du chiffre d'affaires imposable les montants de 538 382,96 euros pour 2011, 578 756,26 euros pour 2012 et 750 000 euros pour 2013, l'inscription d'écritures globales en fin ou en début d'exercice étant sans lien avec les ventes particulières réalisées par la société et résultant d'erreurs comptables commises par l'ancienne gérante ;

- en l'absence de cadrage de taxe sur la valeur ajoutée, le service vérificateur n'apporte pas la preuve des rectifications envisagées en matière de taxe sur la valeur ajoutée dès lors qu'il se limite, dans ses propositions de rectification, à ressortir les écritures comptables qui minorent le montant de la taxe sur la valeur ajoutée collectée apparaissant en comptabilité, sans démontrer que ces écritures comptables se sont traduites sur les déclarations TVA CA3 déposées par l'entreprise ; il n'est pas établi que les écritures comptables ont conduit à minorer les montants de TVA déclarés au Trésor sur les déclarations déposées par l'entreprise de 62 471 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 janvier 2012 et de 124 421 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013 ;

- la défaillance de l'ancienne directrice comptable ou financière tant sur l'utilisation des sommes de la société que sur la tenue de la comptabilité ou le respect des obligations fiscales ne saurait établir un manquement de la société ; l'application de la pénalité pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts n'est pas justifiée.

Par deux mémoires, enregistrés les 23 novembre 2020 et 5 janvier 2022, le ministre de l'économie, des finances et de la relance conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les moyens développés par la société Pro'Confort ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Nathalie Gay;

- les conclusions de M. Stéphane Gueguein, rapporteur public ;

- et les observations de Me Genuyt, représentant la société Pro Confort.

Considérant ce qui suit :

1. La société Pro'Confort qui exerce l'activité de commercialisation de tous produits alimentaires ou non, de bien-être ou autres auprès d'une clientèle de séniors, a fait l'objet d'une vérification de comptabilité à l'issue de laquelle l'administration l'a informée, par deux propositions de rectification des 12 décembre 2014 et 14 décembre 2015 de son intention de mettre à sa charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, un complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011, 2012 et 2013. La société Pro'Confort relève appel du jugement du 28 janvier 2020 par lequel le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces impositions.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement n° 05012 du 31 mars 2017 :

2. Aux termes de l'article R. 256-1 du livre des procédures fiscales : " L'avis de mise en recouvrement prévu à l'article L. 256 indique pour chaque impôt ou taxe le montant global des droits, des pénalités et des intérêts de retard qui font l'objet de cet avis (...) / Lorsque l'avis de mise en recouvrement est consécutif à une procédure de rectification, il fait référence à la proposition prévue à l'article L. 57 ou à la notification prévue à l'article L. 76 et, le cas échéant, au document adressé au contribuable l'informant d'une modification des droits, taxes et pénalités résultant des rectifications ". Aux termes de l'article L. 48 du même livre : " A l'issue d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle au regard de l'impôt sur le revenu, d'une vérification de comptabilité ou d'un examen de comptabilité, lorsque des rectifications sont envisagées, l'administration doit indiquer, avant que le contribuable présente ses observations ou accepte les rehaussements proposés, dans la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou dans la notification mentionnée à l'article L. 76, le montant des droits, taxes et pénalités résultant de ces rectifications. Lorsqu'à un stade ultérieur de la procédure de rectification contradictoire l'administration modifie les rehaussements, pour tenir compte des observations et avis recueillis au cours de cette procédure, cette modification est portée par écrit à la connaissance du contribuable avant la mise en recouvrement, qui peut alors intervenir sans délai (...) ".

3. Il résulte de l'instruction qu'à la suite d'un entretien du représentant de la société, le 24 juin 2016, avec le supérieur hiérarchique du vérificateur, l'administration a, par lettre du 30 août 2016, dans sa partie relative aux conséquences financières du contrôle, informé la société Pro'Confort que les sommes dues concernant l'impôt sur les sociétés au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2011 étaient de - 10 631 euros compensant ainsi la cotisation initiale d'impôt sur les sociétés à laquelle la société Pro'Confort était assujettie au titre du même exercice. Ainsi, l'avis de mise en recouvrement n°05012 du 31 mars 2017 qui indique une créance n° 1706550 d'un montant de 10 631 euros, porte sur des montants supérieurs à ceux qui étaient mentionnés dans la dernière pièce modifiant les rehaussements figurant dans la proposition de rectification du 12 décembre 2014. Toutefois, l'avis de mise en recouvrement mentionne pour chaque créance la date de la proposition de rectification, la réponse aux observations du contribuable, la nature et les montants des droits, majorations et intérêt de retard, permettant à la société Pro'Confort de contester utilement les montants mis en recouvrement. Ainsi, l'avis de mise de recouvrement était simplement entaché d'une erreur matérielle et seul le surplus des impositions doit être regardé comme irrégulièrement mis en recouvrement. Cependant, l'administration ayant, par une décision d'acceptation partielle du 4 septembre 2018, fait droit à la demande de la société en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés mis à sa charge correspondant à la déclaration initialement souscrite au titre de l'exercice clos le 31 décembre 2012 et accordé le dégrèvement de la somme de 10 631 euros, cette erreur n'a pas d'incidence sur la régularité des impositions restant en litige.

En ce qui concerne la régularité de l'avis de mise en recouvrement n° 05011 du 31 mars 2017 :

4. D'une part, il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement n° 05011 du 31 mars 2017 fait référence à la proposition de rectification adressée à la société Pro'Confort le 14 décembre 2015 qui mentionnait la période d'imposition du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013. Par suite, l'erreur matérielle dont est entaché l'avis de mise en recouvrement des cotisations à l'impôt sur les sociétés, émis le 31 mars 2017, qui mentionnait, comme période d'imposition, la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013, alors qu'il s'agissait de la période du 1er janvier 2012 au 31 décembre 2013, n'a pas d'incidence sur la régularité des impositions en litige.

5. D'autre part, il résulte de l'instruction que l'avis de mise en recouvrement n° 05011 du 31 mars 2017 indique, concernant les cotisations d'impôt sur les sociétés, le montant de 235 864 euros qui correspond aux cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, telles qu'elles résultent des conséquences financières jointes à la lettre du 30 août 2016, pour un montant respectif de 71 294 euros et 138 034 euros, auxquelles s'ajoutent les cotisations primitives dues au titre de ces mêmes exercices, d'un montant de 14 179 euros pour 2012 et de 12 357 euros pour 2013, dont il n'est pas contesté qu'elles n'ont pas été acquittées par la société Pro'Confort. Par suite, et contrairement à ce que soutient la société, l'avis de mise en recouvrement n° 05011 du 31 mars 2017 est régulier.

6. Aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction issue de la loi du 30 décembre 2008 de finances rectificative pour 2008 : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration. / Lorsque le redevable a appliqué un texte fiscal selon l'interprétation que l'administration avait fait connaître par ses instructions ou circulaires publiées et qu'elle n'avait pas rapportée à la date des opérations en cause, elle ne peut poursuivre aucun rehaussement en soutenant une interprétation différente. Sont également opposables à l'administration, dans les mêmes conditions, les instructions ou circulaires publiées relatives au recouvrement de l'impôt et aux pénalités fiscales ". Sont opposables à l'administration, dans les conditions prévues par le second alinéa de ce texte, les instructions ou circulaires publiées relatives à l'assiette ou au recouvrement de l'impôt, ainsi que celles relatives au bien-fondé ou au recouvrement des pénalités fiscales, mais non celles relatives à la procédure d'établissement de l'impôt, ni celles relatives à la procédure d'établissement des pénalités fiscales. Dès lors que l'avis de mise en recouvrement est l'acte par lequel l'administration établit sa créance sur le contribuable et rend celle-ci exigible, sans pour autant constituer un acte de poursuite, une instruction portant sur les mentions devant figurer sur l'avis de mise en recouvrement est relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt.

7. Si la société a entendu se prévaloir des paragraphes 1 et 360 de l'instruction administrative publiée au bulletin officiel des finances publiques-impôts sous la référence BOI-REC-PREA-10-10-20, il résulte de ce qui a été dit au point précédent qu'une telle instruction qui est relative à la procédure d'établissement de l'impôt ou des pénalités fiscales, et non au recouvrement de l'impôt, ne peut être opposée à l'administration sur le fondement du second alinéa de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

Sur le bien-fondé des impositions :

8. En premier lieu, il résulte des dispositions combinées des articles 38 et 39 du code général des impôts, applicables en matière d'impôt sur les sociétés en vertu des dispositions de l'article 209 du même code, que le bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion commerciale normale. C'est au regard du seul intérêt propre de l'entreprise que l'administration doit apprécier si les opérations litigieuses correspondent à des actes relevant d'une gestion commerciale normale, sans qu'il y ait lieu pour elle, dans ce cadre, de se prononcer sur l'opportunité des choix de gestion faits par l'entreprise et notamment sur l'ampleur des risques pris par elle pour améliorer ses résultats.

9. En cas de détournements de fonds commis au détriment d'une société, les pertes qui en résultent sont, en principe, déductibles des résultats de la société. Il en va ainsi, en particulier, lorsque ces détournements ont été commis par des tiers. En revanche, ne sont pas déductibles les détournements commis par les dirigeants, mandataires sociaux ou associés ainsi que ceux, commis par un salarié de la société, qui ont pour origine, directe ou indirecte, le comportement délibéré des dirigeants, mandataires sociaux ou associés ou leur carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, contraires à l'intérêt de la société.

10. Il résulte de l'instruction que Mme B..., gérante de la société du 26 avril 2010 au 5 novembre 2015 et détentrice de 0,2 % des parts sociales de la société Pro'Confort, n'a pas la qualité de simple salarié et que les détournements commis par elle ne peuvent être regardés comme déductibles des résultats taxables de la société. Au surplus, la société requérante n'apporte pas d'éléments permettant d'estimer que, même s'ils avaient été commis par Mme B... en tant que salariée, les détournements en question n'auraient pas pour origine, directe ou indirecte, une carence manifeste dans l'organisation de la société et la mise en œuvre des dispositifs de contrôle, alors qu'elle indique par ailleurs que M. A..., principal actionnaire, ne pouvait, résidant au Togo, contrôler la société et avait choisi de confier à Mme B... les fonctions les plus étendues. Par suite, la société appelante n'est pas fondée à soutenir que les frais engagés par Mme B..., à hauteur de 70 875,27 euros pour 2011, 41 585,91 euros pour 2012 et 108 931,66 euros pour 2013, sont déductibles du résultat fiscal de la société.

11. En deuxième lieu, aux termes de l'article 238 A du code général des impôts : " (...) les redevances de cession ou concession de licences d'exploitation, (...) de marques de fabrique, (...) et autres droits analogues ou les rémunérations de services, payés ou dus par une personne physique ou morale domiciliée ou établie en France à des personnes physiques ou morales qui sont domiciliées ou établies dans un Etat étranger ou un territoire situé hors de France et y sont soumises à un régime fiscal privilégié, ne sont admis comme charges déductibles pour l'établissement de l'impôt que si le débiteur apporte la preuve que les dépenses correspondent à des opérations réelles et qu'elles ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré. / Pour l'application du premier alinéa, les personnes sont regardées comme soumises à un régime fiscal privilégié dans l'Etat ou le territoire considéré si elles n'y sont pas imposables ou si elles y sont assujetties à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont elles auraient été redevables dans les conditions de droit commun en France, si elles y avaient été domiciliées ou établies ".

12. Pour l'application de ces dispositions, la charge de la preuve de ce que le bénéficiaire des rémunérations en cause est soumis à un régime fiscal privilégié incombe à l'administration. Il lui appartient à cet égard d'apporter tous éléments circonstanciés non seulement sur le taux d'imposition, mais sur l'ensemble des modalités selon lesquelles des activités du type de celles qu'exerce ce bénéficiaire sont imposées dans le pays où il est domicilié ou établi. Le contribuable peut, de son côté, faire valoir, en réponse à l'administration, tous éléments propres à la situation du bénéficiaire en cause. Dans le cas où l'administration doit être regardée, au vu de l'ensemble des éléments ainsi produits par les parties, comme ayant établi que le bénéficiaire n'est pas imposable ou est assujetti à des impôts sur les bénéfices ou les revenus dont le montant est inférieur de plus de la moitié à celui de l'impôt sur les bénéfices ou sur les revenus dont il aurait été redevable dans les conditions de droit commun en France, il appartient au contribuable d'apporter la preuve que les dépenses en cause correspondent à des opérations réelles et ne présentent pas un caractère anormal ou exagéré.

13. Il résulte de l'instruction que la société Pro'Confort a conclu 15 novembre 2011, avec la société chypriote Hastera Investments limited, un contrat de licence de marque et que l'administration fiscale a remis en cause les redevances versées au titre des exercices clos en 2012 et 2013, d'un montant respectif de 221 443 euro et 100 000 euros.

14. D'une part, l'administration fait valoir sans être contestée que la société Hastera Investments, détenue par M. A..., a déclaré, pour l'exercice 2011, un bénéfice net de 13 334 euros et a été soumise à l'impôt sur les bénéfices au taux de 10 % et que, pour les exercices 2012 et 2013, cette même société n'a pas déposé de déclaration de résultat ni acquitté d'impôt sur les sociétés à Chypre. L'administration indique sans être contestée que les sociétés constituées à Chypre dans le capital est détenu par des non-résidents et dont la source de revenus est située hors de Chypre sont soit soumises à un taux d'impôt sur les sociétés de 10 % (12,5 % en 2013) si elles sont contrôlées ou dirigées depuis Chypre, soit exonérées dans le cas contraire, alors que le taux de l'impôt français sur les sociétés est fixé à 33,1/3 % par l'article 219 du code général des impôts au titre des exercices en litige. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant que la société Hastera Investments était soumise à un régime fiscal privilégié au sens de l'article 238 A précité.

15. D'autre part, la société Pro'Confort n'apporte aucun élément permettant de démontrer que la société Hastera Investments aurait réalisé des prestations en contrepartie des redevances perçues alors qu'il résulte de la réponse à la demande de renseignements adressée aux autorités chypriotes le 10 décembre 2014 que cette société n'a aucune activité sur le territoire chypriote. En outre, si la société produit une étude de valorisation des marques " Pro'Confort France " entre 2010 et 2015, réalisée par le cabinet TGS en octobre 2021, qui conclut à une valorisation de la marque à un montant de 654 083 euros, cette étude qui a été réalisée sans accès aux différents contrats de licence, met en exergue un défaut d'inscription au registre des marques qui impacte négativement la qualité monopolistique du titulaire, l'absence de stratégie de veille et de surveillance dans les registres, un risque de déchéance pour non usage et un manque de clarté quant à la défense de la marque. Par ailleurs, en se bornant à faire valoir que, selon l'étude du cabinet TGS, la redevance qui aurait pu être perçue pour une marque comparable est de 5 % du chiffre d'affaires et que le montant des redevances représentait moins de 3% du chiffre d'affaires, sans assortir ses allégations d'éléments comptables, la société Pro'Confort ne peut être regardée comme apportant la preuve que les dépenses en cause ne présentent pas un caractère anormal. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que l'administration a refusé la déduction des redevances versées à la société Hastera Investments au titre des exercices clos en 2012 et 2013.

16. En troisième lieu, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, s'il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits nécessaires au succès de sa prétention, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions des articles 38 et 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des créances de tiers, amortissements, provisions et charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. En ce qui concerne les charges, le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

17. Il résulte de l'instruction que le service vérificateur a remis en cause la déduction d'une somme de 62 000 euros inscrite au compte de charge " 6223 Rémunérations d'intermédiaires et honoraires " au cours de l'exercice clos en 2012. La société se prévaut d'une convention de services signée le 1er janvier 2006 avec la société MFR International, société à responsabilité limitée de droit belge, en vertu de laquelle cette dernière l'assisterait dans le développement de sa clientèle sur le marché belge et assurerait le suivi des commerciaux sur la région. Toutefois, il est constant que cette convention a été résiliée le 10 mars 2011 et la seule production de notes d'information qui auraient été adressées aux vendeurs et chargés de mission de la société ne suffit pas à établir la réalité des prestations qui auraient été effectuées par la société MFR International au cours des exercices 2011 et 2012 dans l'intérêt de la société Pro'Confort. Par suite, c'est à bon droit que l'administration a remis en cause le caractère déductible de cette charge.

18. A supposer que la société Pro'Confort ait entendu se prévaloir, sur le fondement de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales, d'une prise de position formelle de l'administration qui résulterait de l'absence de remise en question par l'administration fiscale du caractère déductible des redevances versées à la société MFR International lors d'un précédent contrôle qui aurait donné lieu à une décision du 28 février 2012, une absence de rehaussement ne constitue pas par elle-même une prise de position formelle de l'administration fiscale sur la situation du contribuable au sens de ces dispositions et n'est dès lors pas opposable à l'administration.

19. En quatrième lieu, la société fait valoir qu'elle exerce une activité de vente de biens, dont le prix excède rarement la centaine d'euros, à des particuliers, principalement à des personnes seniors et retraitées, à la suite d'événements organisés chaque année en partenariat avec des clubs ou des associations, que son activité rend impossible la comptabilisation d'opérations de 538 382,96 euros au crédit du compte 70725000 " ventes de marchandises à 20 % " au 31 décembre 2011 et de 578 756 euros au 31 décembre 2012 au crédit du compte 70880000 " autres produits d'activités annexes " et que ces montants comptabilisés en fin ou en début d'exercice par l'ancienne comptable pour masquer ses agissements, correspondent à des écritures comptables purement artificielles sans lien avec l'activité réelle de l'entreprise. Toutefois, ces seules allégations ne suffisent pas à démontrer que le montant des produits qu'elle a comptabilisés ne correspondrait pas à des ventes effectives qu'elle aurait réalisées. En outre, la comptabilisation d'une opération inverse comptabilisée le 1er janvier 2013 d'un montant identique de 578 756,26 euros ne permet pas d'établir l'existence d'une erreur comptable et la surestimation du chiffre d'affaires pris en compte au titre de l'exercice clos en 2012. Enfin, la seule inscription au 1er janvier 2013, d'une écriture du journal " opérations diverses " d'une somme globale de 750 000 euros au crédit du compte 75800000 " produits divers de gestion courante " et au débit du compte 41100000 " collectifs clients " et qui apparait avec pour intitulé " régul voyages début " ne démontre pas qu'elle ne correspondrait à aucun produit effectif. Par suite, les conclusions de la société Pro'Confort tendant à la diminution de son chiffre d'affaires à concurrence de 538 382,96 euros pour l'exercice clos en 2011, 578 756,26 euros pour l'exercice clos en 2012 et 750 000 euros pour l'exercice clos en 2013 ne peuvent qu'être rejetées.

20. En cinquième lieu, contrairement à ce que soutient la société, il résulte de l'instruction que le service vérificateur a procédé à un rapprochement entre le montant des crédits des comptes de clients figurant en comptabilité et les déclarations de chiffre d'affaires souscrites par la société auprès de l'administration fiscale au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013. La société soutient que certaines écritures comptables qui auraient été reprochées par le service vérificateur n'ont pas eu de traduction effective sur les déclarations de chiffre d'affaires CA3 déposées par l'entreprise dès lors qu'elles auraient été enregistrées matériellement après l'écriture comptable permettant de solder les comptes de taxe sur la valeur ajoutée pour alimenter la déclaration de chiffre d'affaires CA3. Toutefois, ces seules allégations ne permettent pas de remettre en cause les minorations des déclarations de taxe sur la valeur ajoutée constatées par le service à concurrence de 62 471 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2012 et de 124 421 euros au titre de la période du 1er janvier au 31 décembre 2013.

21. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pro'Confort n'est pas fondée à demander la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2012 et 2013, du complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Sur les pénalités :

22. La société Pro'Confort reprend en appel, sans l'assortir d'arguments nouveaux ou de critique utile du jugement, le moyen tiré de ce que l'application de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts en cas de manquement délibéré ne serait pas justifiée. Il convient d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par les premiers juges.

23. Il résulte de tout ce qui précède que la société Pro'Confort n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Poitiers a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2012 et 2013, du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2011 au 31 décembre 2013 et des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des années 2011, 2012 et 2013.

Sur les frais liés au litige :

24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre de ces dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la société Pro'Confort est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Pro'Confort et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal sud-ouest.

Délibéré après l'audience du 8 mars 2022 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

Mme Nathalie Gay, première conseillère,

Mme Laury Michel, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 avril 2022.

La rapporteure,

Nathalie GayLa présidente,

Elisabeth Jayat

La greffière,

Virginie Santana

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 20BX00822 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 20BX00822
Date de la décision : 05/04/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-01-04 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Bénéfices industriels et commerciaux. - Détermination du bénéfice net.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Nathalie GAY
Rapporteur public ?: M. GUEGUEIN
Avocat(s) : FIDAL LA ROCHE SUR YON

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2022-04-05;20bx00822 ?
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