COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Owners, Strata Plan LMS 3905 c. Crystal Square Parking Corp., 2020 CSC 29
Appel entendu : 9 juin 2020
Jugement rendu : 23 octobre 2020
Dossier : 38741
Entre :
Owners, Strata Plan LMS 3905
Appelante
et
Crystal Square Parking Corporation
Intimée
- et -
C.H.O.A. Condominium Home Owners’ Association of B.C.
et Urban Development Institute – Pacific Region
Intervenants
Traduction française officielle
Coram : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin et Kasirer
Motifs de jugement :
(par. 1 à 59)
Motifs dissidents en partie:
(par. 60 à 106)
La juge Côté (avec l’accord du juge en chef Wagner et des juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Brown, Martin et Kasirer)
Le juge Rowe
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
owners, strata plan lms 3905 c. crystal square
Owners, Strata Plan LMS 3905 Appelante
c.
Crystal Square Parking Corporation Intimée
et
C.H.O.A. Condominium Home Owners’ Association of B.C. et
Urban Development Institute – Pacific Region Intervenants
Répertorié : Owners, Strata Plan LMS 3905 c. Crystal Square Parking Corp.
2020 CSC 29
No du greffe : 38741.
2020 : 9 juin; 2020 : 23 octobre.
Présents : Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Rowe, Martin et Kasirer.
en appel de la cour d’appel de la colombie‑britannique
Contrats — Contrats postérieurs à la constitution d’une entité — Formation — Associations condominiales — Convention relative aux parcelles aériennes prévoyant des obligations de payer des droits de stationnement conclue et enregistrée sur le titre par le promoteur avant la constitution de l’association condominiale — Différend survenant ultérieurement entre l’association condominiale et le propriétaire du stationnement — L’association condominiale est‑elle assujettie à la convention relative aux parcelles aériennes? — Strata Property Act, S.B.C. 1998, c. 43.
Le complexe Crystal est un grand complexe à usages multiples comprenant diverses parcelles aériennes, notamment une tour de bureaux et un stationnement. En 1999, le promoteur et la ville de Burnaby ont conclu une convention (« Convention RPA »), qui prévoyait des servitudes réciproques d’appui, de commodité et d’accès des véhicules, ainsi que des servitudes réciproques permettant d’autres utilisations des diverses parcelles aériennes du complexe Crystal. En particulier, selon l’art. 7.5 de la Convention RPA, le propriétaire du stationnement était tenu de fournir du stationnement et des droits d’accès pour les véhicules des propriétaires des autres parcelles aériennes, contre le versement de frais annuels payables mensuellement. Cet article prévoyait également que l’association créée à la suite de la subdivision de toute parcelle aérienne suivant un plan de condominium aurait le droit d’accorder toutes les permissions et tous les consentements pouvant être fournis par les propriétaires de la parcelle subdivisée, et qu’elle serait responsable du paiement des frais ainsi que de l’application des droits de stationnement aux propriétaires des unités condominiales. De plus, il disposait que les frais annuels seraient considérablement réduits lorsque le propriétaire du stationnement aurait recouvré les coûts en capital des travaux de construction de cette installation. En outre, l’art. 16.3 prévoyait qu’après la subdivision d’une parcelle conformément à un plan de condominium, l’association devait conclure une convention de prise en charge avec les propriétaires des autres parcelles aériennes afin qu’ils assument les obligations prévues dans la Convention RPA. La Convention RPA a été enregistrée comme servitude auprès d’un bureau d’enregistrement des titres fonciers le 17 mars 1999.
Le 26 mai 1999, le plan de condominium LMS 3905, qui comprend 68 unités condominiales dans la tour de bureaux sur la deuxième parcelle aérienne du complexe Crystal, a été déposé auprès d’un bureau d’enregistrement des titres fonciers, ce qui a emporté la constitution de l’Association. Celle‑ci n’a jamais conclu avec les propriétaires des autres parcelles aériennes la convention de prise en charge qui était prévue dans la Convention RPA. Le 28 juin 2002, le promoteur a vendu la cinquième parcelle aérienne, où est situé le stationnement, à une société exploitant des stationnements (« CSPC »). Dans le cadre de cette transaction, le promoteur a cédé la Convention RPA à CSPC.
Jusqu’en 2012, les membres de l’Association ont stationné leurs véhicules dans le stationnement et se sont acquittés des droits y afférents au taux prévu dans la Convention RPA. Un différend est ensuite survenu entre les parties et l’Association a cessé de payer les frais de stationnement. CSPC a réagi en révoquant les privilèges de stationnement des membres de l’Association, ce qui a donné lieu à un recours judiciaire. L’Association a sollicité une déclaration portant que l’art. 7.5 de la Convention RPA était nul ou une ordonnance portant qu’il était inexécutoire, ou, subsidiairement, une ordonnance portant que l’art. 7.5 devait être rectifié pour indiquer que les coûts en capital ont été entièrement recouvrés, et a aussi sollicité des dommages‑intérêts ou la restitution des gains obtenus en raison de la violation du contrat. CSPC a déposé une demande reconventionnelle en vue d’obtenir le paiement des droits non payés que, selon lui, l’Association aurait dû lui verser conformément à la Convention RPA. La juge de première instance a conclu que la conduite de l’Association n’indiquait pas qu’elle avait, après sa constitution, l’intention de conclure un contrat et donc qu’elle n’était pas liée par la Convention RPA. La Cour d’appel a infirmé la décision de la juge de première instance et a statué que l’Association avait conclu, après sa constitution, un contrat selon les mêmes termes que la Convention RPA.
Arrêt (le juge Rowe est dissident en partie) : L’appel est rejeté.
Le juge en chef Wagner et les juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Martin et Kasirer : Une société, même si n’est pas liée par un contrat préconstitutif, peut néanmoins conclure après sa création un nouveau contrat selon les mêmes termes que le contrat préconstitutif. Le test applicable pour établir l’existence d’un contrat postérieur à la constitution ne diffère pas du test applicable en common law pour établir l’existence de toute autre convention. Il s’agit d’un test objectif, et l’offre, l’acceptation, la contrepartie et les termes peuvent être inférés à partir de la conduite des parties et des circonstances entourant la conclusion du contrat. Une manifestation extériorisée de l’assentiment de chaque partie qui fasse naître chez l’autre une attente raisonnable est nécessaire, et il faut examiner comment la conduite de chaque partie serait perçue par une personne raisonnable placée dans la même situation que l’autre partie.
La Strata Property Act (« SPA ») n’écarte pas les principes ordinaires de common law régissant la formation des contrats. La common law fait partie du contexte dans lequel un législateur adopte des lois, et il faut présumer que le législateur n’a pas l’intention de modifier ni d’écarter les principes de common law lorsqu’il adopte des lois. Ces présomptions ne peuvent être réfutées que si une intention contraire est exprimée clairement par le législateur. Rien dans la SPA n’indique que le législateur avait clairement l’intention de réfuter ces présomptions; au contraire, la SPA contient plutôt des indices démontrant que le législateur voulait en fait que les associations condominiales puissent conclure des conventions non écrites par leur conduite. Conclure qu’un contrat est opposable à une association condominiale sur le fondement de sa conduite objective n’est pas incompatible avec le modèle de gouvernance des associations condominiales établi dans la SPA. De plus, il n’y a aucune raison impérieuse de modifier les règles de common law en matière contractuelle qui s’appliquent aux associations condominiales afin de protéger les acquéreurs d’unités condominiales des pratiques peu scrupuleuses ou des pratiques injustes inattendues de la part de promoteurs, car les lois de la Colombie‑Britannique offrent déjà de nombreuses protections aux acquéreurs d’unités condominiales. Abroger les principes généralement applicables à la formation des contrats dans le cas des associations condominiales compromettrait la stabilité commerciale et minerait les attentes raisonnables des parties commerciales, en faisant fi de la sagesse et de l’expérience contenues dans des siècles de patiente élaboration de précédents et de principes régissant les relations commerciales. Au lieu d’essayer de réinventer le droit des contrats pour tenir compte du caractère novateur de la propriété d’unités condominiales, il vaut mieux avoir recours aux principes généralement applicables établis dans la jurisprudence. Ainsi, le besoin de stabilité dans les affaires commerciales et l’importance de protéger les attentes raisonnables des parties commerciales commandent l’application régulière continue des règles de common law dans ce domaine. Une association condominiale peut donc conclure un contrat postérieur à sa constitution par sa conduite.
L’exécution d’un contrat postérieur à la constitution d’une entité qui touche des intérêts fonciers ne constitue pas une exception à la règle générale selon laquelle les acquéreurs subséquents d’un bien‑fonds ne sont pas liés par des engagements de faire. Les engagements réels et les contrats créent des formes juridiquement distinctes de droits et obligations, et ne devraient pas être confondus. Les propriétaires fonciers peuvent avoir recours à des engagements réels de ne pas faire pour lier les acquéreurs éventuels en equity, et ce, même s’il n’existe aucun lien contractuel entre eux. En revanche, le droit à l’exécution du contrat est un intérêt juridique personnel pour les parties contractantes. Une autre distinction entre les engagements réels et les droits contractuels réside dans le moment où naît le droit. Lorsque les règles d’equity servent à opposer un engagement réel de ne pas faire à un acquéreur subséquent du bien‑fonds informé de l’existence de cet engagement, le droit appliqué est un droit préexistant en equity qui a subsisté après que le prédécesseur en titre eut transféré son bien‑fonds. Les droits contractuels, eux, naissent au moment de la formation du contrat. Dans le cas d’un contrat postérieur à la constitution en association, ils naissent après la constitution de l’association lorsque les parties manifestent objectivement leur intention d’être liées par une nouvelle entente selon les mêmes termes que celles du contrat préconstitutif. Il n’y a donc pas d’équivalence entre l’application d’un droit contractuel à un cocontractant et l’application d’un engagement réel à un acquéreur subséquent, et un contrat postérieur à la constitution d’une entité qui est par ailleurs valide et en vigueur n’est pas inexécutoire simplement parce que ses termes touchent des intérêts fonciers.
En l’espèce, la Cour d’appel a eu raison de conclure que l’Association a, par sa conduite objective postérieure à sa constitution, manifesté son intention d’être liée par contrat à CSPC, après que cette dernière eut acheté le stationnement du promoteur. L’offre et l’acceptation d’un contrat passé avec CSPC après la constitution de l’Association s’appuient sur une preuve solide. Après l’acquisition du stationnement, CSPC a manifesté objectivement l’intention d’offrir à l’Association un contrat selon les termes de la Convention RPA en mettant à la disposition des membres de l’Association un nombre de vignettes de stationnement valides égal au nombre de places de stationnement qui leur avaient été attribuées aux termes de l’art. 7.5 de la Convention RPA. De plus, l’entretien et l’exploitation du stationnement au fil des ans auraient nécessité des capitaux importants pour CSPC. La Convention RPA prévoyait de telles dépenses, lesquelles ont été prises en compte dans le calcul des frais de stationnement exigibles de la part de l’Association. Les membres de l’Association auraient dû savoir que la contrepartie à titre onéreux dont ils bénéficiaient leur était fournie dans l’attente du paiement des frais exigibles selon l’art. 7.5 de la Convention RPA. Quant à elle, l’Association a manifesté objectivement l’intention d’accepter l’offre de CSPC en payant les frais prévus dans la Convention RPA et ses membres ont exercé les droits y afférents en garant leurs véhicules dans le stationnement après que CSPC en eut acquis la propriété. Puisque les membres ont soit donné leur assentiment à la contrepartie, soit acquiescé à ce que celle‑ci leur soit fournie, et qu’ils en ont bénéficié, il y a lieu de considérer qu’ils l’ont implicitement demandée. Ainsi, une personne raisonnable placée dans la même situation que CSPC estimerait que la conduite de l’Association constituait une forme d’assentiment aux termes énoncés à l’art. 7.5 de la Convention RPA. La conduite objective de l’Association démontre son intention de conclure une entente ayant force obligatoire selon les termes de l’art. 7.5 de la Convention RPA.
Le juge Rowe (dissident en partie) : L’analyse du droit que font les juges majoritaires en l’espèce est adoptée, mais pas le dispositif du pourvoi. Il ne faut pas trancher la question de savoir si l’Association a manifesté une intention objective d’être liée par les conditions de la Convention RPA. Cette question devrait plutôt être renvoyée au tribunal de première instance car celui‑ci est mieux placé pour la trancher. L’application du droit en l’espèce est tributaire des faits et la Cour ne dispose pas de tous les faits nécessaires pour procéder à une telle application. La conclusion de fait que tirent les juges majoritaires diffère de celle que tirent la juge de première instance et la Cour d’appel. Cette dernière a considéré le fait d’avoir bénéficié de la convention comme une manifestation en soi de l’intention de la partie d’être liée par les conditions telles qu’elles sont exprimées. Les juges majoritaires paraissent toutefois formuler les choses un peu différemment en ce qu’ils favorisent une évaluation plus traditionnelle de l’offre et de l’acceptation. En reformulant le test juridique, l’application du droit aux faits donne nécessairement lieu à une question mixte de fait et de droit qui est différente de celle qui a été tranchée par la Cour d’appel.
Les cours d’appel peuvent tirer des conclusions de fait autres que celles tirées par les juridictions inférieures uniquement s’il est dans l’intérêt de la justice de le faire et si cela ne soulève pas d’obstacle en pratique. Cela suppose de soupeser deux facteurs : d’une part, l’économie possible de coûts et de temps pour les parties lorsque la cour d’appel tranche de telles questions de fait; et, d’autre part, le préjudice qui pourrait découler du fait que la cour d’appel tire ces conclusions en l’absence de preuve adéquate. En l’espèce, le fait que la Cour tire des conclusions de fait irait à l’encontre de ces deux facteurs, qui militent plutôt en faveur de retenue en appel. On peut se questionner à savoir si le fait que la Cour tire des conclusions de fait comme celles que tireraient les juges majoritaires pourrait entraîner un gain en efficacité pour ce qui est de l’utilisation des ressources judiciaires ou des procureurs. La Cour ne peut disposer de l’action de façon définitive, car même si elle rejette l’appel, l’affaire doit être renvoyée au tribunal de première instance pour qu’il tranche les questions de l’existence d’une erreur de fait commune, de la rectification, de l’iniquité ou de la frustration; et, si les prétentions ne sont pas retenues, qu’il examine la demande reconventionnelle et évalue les dommages-intérêts. Qui plus est, lors de ce procès, il se pourrait bien que la juge doive examiner en détail les circonstances entourant la formation du contrat. En deuxième lieu, il est possible qu’un préjudice découle du fait que la Cour tire les conclusions de fait proposées. En l’espèce, des éléments de preuve auxquels la Cour n’a pas accès pourraient vraisemblablement mener la juge de première instance à une conclusion différente quant à la question de savoir si l’Association a manifesté objectivement l’intention d’être liée par la Convention et, dans l’affirmative, à quel moment elle l’aurait fait. De surcroît, la juge de première instance jouit, par rapport aux juges d’appel, de nombreux avantages qui influent sur toutes les conclusions de fait et est en mesure d’évaluer la crédibilité des témoins, a une expertise relative en matière d’appréciation et d’évaluation de la preuve et possède une plus grande familiarité avec toute la trame factuelle de l’affaire.
L’existence d’un contrat préconstitutif fait partie des circonstances dans lesquelles la conduite des parties est interprétée de façon objective. Une conduite conforme au contrat peut être une preuve convaincante qu’une offre a été acceptée. Une telle conduite ne constitue pas, toutefois, une preuve déterminante de l’acceptation de l’offre. Dans certaines circonstances, une autre inférence pourrait fournir une explication objectivement meilleure de la conduite que ne le ferait l’acceptation de l’offre. Il est plausible que le tribunal de première instance, en s’appuyant sur un dossier plus complet, ne serait pas d’avis que l’Association, par sa conduite, a manifesté objectivement son intention d’accepter le contrat. Il y a trois inférences opposées que le tribunal de première instance pourrait préférer : en payant les frais de stationnement, l’Association exécutait une obligation préexistante plutôt qu’elle ne consentait à une nouvelle obligation; l’Association s’acquittait de ce qu’elle jugeait (erronément) être une obligation préexistante et si la société exploitant le stationnement, CSPC, avait des raisons de savoir cela, il pourrait être déraisonnable qu’elle considère le paiement de l’Association comme une indication qu’elle acceptait une nouvelle obligation; et la Convention RPA créait une servitude assortie de conditions, et le paiement effectué par l’Association représentait l’exercice d’une option en vertu de celle‑ci. Par conséquent, ces questions de fait devraient être renvoyées au tribunal de première instance.
Jurisprudence
Citée par la juge Côté
Arrêt appliqué : Saint John Tug Boat Co. c. Irving Refining Ltd., 1964 CanLII 88 (SCC), [1964] R.C.S. 614; arrêts adoptés : Touche c. Metropolitan Railway Warehousing Co. (1871), L.R. 6 Ch. App. 671; Howard c. Patent Ivory Manufacturing Co. (1888), 38 Ch. D. 156; Smith c. Hughes (1871), L.R. 6 Q.B. 597; arrêt examiné : Heinhuis c. Blacksheep Charters Ltd. (1987), 1987 CanLII 2491 (BC CA), 19 B.C.L.R. (2d) 239; arrêts désapprouvés : In re Northumberland Avenue Hotel Co. (1886), 33 Ch. D. 16; Bagot Pneumatic Tyre Co. v. Clipper Pneumatic Tyre Co., [1901] 1 Ch. D. 196; arrêts mentionnés : Rhone c. Stephens, [1994] 2 A.C. 310; Tulk c. Moxhay (1848), 2 Ph. 774, 41 E.R. 1143; Austerberry c. Corporation of Oldham (1885), 29 Ch. D. 750; Noble c. Alley, 1950 CanLII 13 (SCC), [1951] R.C.S. 64; Heritage Capital Corp. c. Équitable, Cie de fiducie, 2016 CSC 19, [2016] 1 R.C.S. 306; Parkinson c. Reid, 1966 CanLII 4 (SCC), [1966] R.C.S. 162; Design Services Ltd. c. Canada, 2008 CSC 22, [2008] 1 R.C.S. 737; Keppell c. Bailey (1834), 2 My. & K. 517, 39 E.R. 1042; Tercon Contractors Ltd. c. Colombie-Britannique (Transports et Voirie), 2010 CSC 4, [2010] 1 R.C.S. 69; Kelner c. Baxter (1866), L.R. 2 C.P. 174; In re Empress Engineering Co. (1880), 16 Ch. D. 125; Natal Land and Colonization Co. c. Pauline Colliery and Development Syndicate Ltd., [1904] A.C. 120; Scotsburn Co‑operative Services Ltd. c. W. T. Goodwin Ltd., 1985 CanLII 57 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 54; Chartbrook Ltd. c. Persimmon Homes Ltd., [2009] UKHL 38, [2009] 1 A.C. 1101; Grant c. Province of New Brunswick (1973), 1973 CanLII 1765 (NB CA), 6 N.B.R. (2d) 95; Phelps Holdings Ltd. c. Strata Plan VIS 3430, 2010 BCCA 196, 71 B.L.R. 1; Gibson c. Manchester City Council, [1979] 1 W.L.R. 294; Jedfro Investments (U.S.A.) Ltd. c. Jacyk, 2007 CSC 55, [2007] 3 R.C.S. 679; Parry Sound (district), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157; R. c. D.L.W., 2016 CSC 22, [2016] 1 R.C.S. 402; Vallejo c. Wheeler (1774), 1 Cowp 143, 98 E.R. 1012; Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71, [2014] 3 R.C.S. 494; Davies c. Jones, [2009] EWCA Civ. 1164, [2010] 2 All E.R. 755; Wilkinson & Ors c. Kerdene Ltd., [2013] EWCA Civ. 44, [2013] 2 E.G.L.R. 163; Halsall c. Brizell, [1957] 1 Ch. 169; Tito c. Waddell (No. 2), [1977] 1 Ch. 106; The Owners, Strata Plan BCS 4006 c. Jameson House Ventures Ltd., 2019 BCCA 144, 22 B.C.L.R. (6th) 35; Amberwood Investments Ltd. c. Durham Condominium Corporation No. 123 (2002), 2002 CanLII 44913 (ON CA), 58 O.R. (3d) 481; Black c. Owen, 2017 ONCA 397, 137 O.R. (3d) 334; Elwood c. Goodman, [2013] EWCA Civ. 1103, [2014] Ch. 442.
Citée par le juge Rowe (dissident en partie)
Watkins c. Olafson, 1989 CanLII 36 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 750; Heinhuis c. Blacksheep Charters Ltd. (1987), 1987 CanLII 2491 (BC CA), 19 B.C.L.R. (2d) 239; Hollis c. Dow Corning Corp., 1995 CanLII 55 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 634; Succession Madsen c. Saylor, 2007 CSC 18, [2007] 1 R.C.S. 838; Matchim c. Bgi Atlantic Inc., 2010 NLCA 9, 294 Nfld. & P.E.I.R. 46; Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387; Sharbern Holding Inc. c. Vancouver Airport Centre Ltd., 2011 CSC 23, [2011] 2 R.C.S. 175; Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235; Uber c. Heller, 2020 CSC 16; Canada (Procureur général) c. Hôtels Fairmont Inc., 2016 CSC 56, [2016] 2 R.C.S. 720; Amberwood Investments Limited c. Durham Condominium Corporation No. 123 (2002), 2002 CanLII 44913 (ON CA), 58 O.R. (3d) 481; The Owners, Strata Plan BCS 4006 c. Jameson House Ventures Ltd., 2019 BCCA 144, 22 B.C.L.R. (6th) 35; Robb c. Walker, 2015 BCCA 117, 69 B.C.L.R. (5th) 249; Arbutus Bay Estates Ltd. c. Canada (Attorney General), 2017 BCCA 374, 3 B.C.L.R. (6th) 59; Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633.
Lois et règlements cités
Business Corporations Act, R.S.A. 2000, c. B‑9, art. 15(3).
Business Corporations Act, S.B.C. 2002, c. 57, art. 20.
Business Practices and Consumer Protection Act, S.B.C. 2004, c. 2.
Land Title Act, R.S.B.C. 1996, c. 250, art. 20, 23, 26, 27, 29, 282, 288.
Law and Equity Act, R.S.B.C. 1996, c. 253, art. 59.
Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, c. C‑44, art. 14(2).
Loi sur les sociétés par actions, L.R.O. 1990, c. B.16, art. 21(2).
Real Estate Development Marketing Act, S.B.C. 2004, c. 41, art. 14, 15, 21, 23.
Real Estate Development Marketing Regulation, B.C. Reg. 230/2018, art. 3(2).
Strata Property Act, S.B.C. 1998, c. 43, art. 2, 4, 5, 6(1), 7 à 11, 20(2)(a)(iii), 30, 32, 35(2)(g), 38(a), 291.
Doctrine et autres documents cités
Adamski, Jakub, and Angela Swan. Halsbury’s Laws of Canada — Contracts. Toronto : LexisNexis, 2017 Reissue.
Beatson, Sir Jack, Andrew Burrows and John Cartwright. Anson’s Law of Contract, 30th ed. New York : Oxford University Press, 2016.
Benson, Peter. Justice in Transactions: A Theory of Contract Law. Cambridge, Mass. : Harvard University Press, 2019.
Burke, Edmund. Réflexions sur la révolution de France, trad. P. Andler. Paris, Hachette (1989).
Fridman, G. H. L. The Law of Contract in Canada, 6th ed. Toronto : Carswell, 2011.
McFarlane, Ben, Nicholas Hopkins and Sarah Nield. Land Law. New York : Oxford University Press, 2017.
McCamus, John D. The Law of Contracts, 2nd ed. Toronto : Irwin Law, 2012.
Perell, Paul M. “Covenants as Contracts and as Interests in Land” (2005), 29 Adv. Q. 476.
Rabin, Edward H. Fundamentals of Modern Real Property Law. Mineola, N.Y. : Foundation Press, 1974.
Waddams, S. M. The Law of Contracts, 7th ed. Toronto : Thomson Reuters, 2017.
Ziff, Bruce. Principles of Property Law, 7th ed. Toronto : Thomson Reuters, 2018.
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (les juges Garson, Willcock et Fisher), 2019 BCCA 145, 24 B.C.L.R. (6th) 24, 2 R.P.R. (6th) 1, [2019] 12 W.W.R. 263, [2019] B.C.J. No. 790 (QL), 2019 CarswellBC 1227 (WL Can.), qui a infirmé une décision de la juge Young, 2017 BCSC 71, 73 R.P.R. (5th) 244, [2017] B.C.J. No. 68 (QL), 2017 CarswellBC 93 (WL Can.). Pourvoi rejeté, le juge Rowe est dissident en partie.
Stephen Hamilton, pour l’appelante.
Ken McEwan, c.r., et Emily Kirkpatrick, pour l’intimée.
Wes McMillan, pour l’intervenante C.H.O.A. Condominium Home Owners’ Association of B.C.
Andrew Morrison et Mark V. Lewis, pour l’intervenant Urban Development Institute – Pacific Region.
Version française du jugement du juge en chef Wagner et des juges Abella, Moldaver, Karakatsanis, Côté, Brown, Martin et Kasirer rendu par
La juge Côté —
I. Introduction
[1] La question précise soulevée dans le présent pourvoi porte sur le caractère exécutoire d’une obligation de payer des droits de stationnement prévue dans un instrument enregistré sur le titre d’un bien‑fonds. Pour répondre à cette question, notre Cour doit examiner des questions juridiques plus fondamentales se rapportant à la distinction entre les droits de propriété et les droits contractuels, aux principes généraux de common law qui régissent la formation des contrats, à l’interaction de la common law avec le cadre législatif applicable ainsi qu’à un moyen proposé de contourner la règle de longue date selon laquelle les acquéreurs subséquents d’un bien‑fonds ne sont pas liés par des engagements (covenants) de faire.
[2] Les faits du présent pourvoi mettent en cause plusieurs acteurs. L’appelante est une association condominiale représentant les propriétaires du plan de condominium LMS 3905 (« Association ») établie en vertu de la Strata Property Act, S.B.C. 1998, c. 43 (« SPA »). La propriété condominiale est située sur une parcelle aérienne dans le complexe « Crystal », un grand complexe à usages multiples situé à Burnaby, en Colombie‑Britannique. Ce complexe a été érigé au cours des années 1990 par Crystal Square Development Corporation (« promoteur »), une coentreprise composée des sociétés Tyba Crystal Investments Corp. et Dong Ah Canada Development Corp. L’intimée, Crystal Square Parking Corporation (« CSPC »), possède et exploite un stationnement situé sur une autre parcelle aérienne du complexe Crystal.
[3] Le litige entre l’Association et CSPC porte sur la question de savoir si la première est liée par les obligations de payer des droits de stationnement énoncées dans la convention relative aux parcelles aériennes qui est enregistrée sur le titre du complexe Crystal (« Convention RPA »). La principale difficulté résulte du fait que la Convention RPA a été conclue et enregistrée sur le titre par le promoteur avant que l’Association ne soit constituée. Cette Convention ne peut donc lier l’Association, car elle est antérieure à sa constitution. Cependant, CSPC prétend que la conduite de l’Association après sa constitution démontre un assentiment à une nouvelle convention selon les mêmes termes que la Convention RPA, et qu’il en résulterait un contrat liant l’Association. CSPC soutient en outre que les acquéreurs subséquents d’unités condominiales sont assujettis aux obligations de payer des droits de stationnement en raison du principe étroit en droit anglais des avantages et obligations, de sorte que l’Association, ayant accepté les avantages découlant de la Convention RPA, est donc liée par les obligations de cette convention. L’Association nie toute responsabilité dans un cas comme dans l’autre.
[4] Pour les motifs qui suivent, j’en viens à la conclusion que l’Association a conclu, après sa constitution, un contrat avec CSPC selon les termes de l’art. 7.5 de la Convention RPA. Par conséquent, j’estime qu’il n’est pas nécessaire de se demander si l’Association est liée à ce contrat sur la base du principe étroit des avantages et obligations. Le pourvoi est donc rejeté.
II. Les faits
[5] Le complexe Crystal est composé de sept parcelles aériennes sur lesquelles sont érigés, respectivement, (1) un complexe de vente au détail, (2) une tour de bureaux, (3) une tour résidentielle, (4) un hôtel, (5) un stationnement, (6) un poste de police et (7) un centre culturel.
[6] En mars 1999, le promoteur et la ville de Burnaby ont conclu la Convention RPA, qui prévoyait des servitudes réciproques d’appui, de commodité et d’accès des véhicules, ainsi que des servitudes réciproques permettant d’autres utilisations des diverses parcelles aériennes du complexe Crystal. La Convention RPA a été enregistrée comme servitude auprès d’un bureau d’enregistrement des titres fonciers le 17 mars 1999.
[7] Selon l’article 7.5 de la Convention RPA, le propriétaire du stationnement est tenu de fournir du stationnement et des droits d’accès pour les véhicules des propriétaires des autres parcelles aériennes, contre le versement de frais annuels payables mensuellement. En outre, 76 places de stationnement sont allouées aux propriétaires de la deuxième parcelle aérienne, où se trouve la tour de bureaux. Cet article prévoit également que l’association créée à la suite de la subdivision de toute parcelle aérienne suivant un plan de condominium aura le droit d’accorder toutes les permissions et tous les consentements pouvant être fournis par le ou les propriétaires de la parcelle subdivisée, et qu’elle sera responsable du paiement des frais ainsi que de l’application des droits de stationnement aux propriétaires des unités condominiales. L’alinéa 7.5g) dispose que les frais annuels seront considérablement réduits lorsque le propriétaire du stationnement aura recouvré les coûts en capital, c’est‑à‑dire les coûts des travaux de construction de cette installation, étant donné que 90 pour cent des revenus tirés des frais de stationnement facturés aux usagers publics serviront à couvrir les coûts d’exploitation et les taxes afin de réduire le montant des frais imposés aux propriétaires des autres parcelles aériennes. De plus, l’art. 16.3 prévoit qu’après la subdivision d’une parcelle conformément à un plan de condominium, l’association doit conclure une convention de prise en charge avec les propriétaires des autres parcelles aériennes afin qu’ils assument les obligations prévues dans la Convention RPA.
[8] Le 26 mai 1999, le plan de condominium LMS 3905 a été déposé auprès d’un bureau d’enregistrement des titres fonciers, ce qui a emporté la constitution de l’Association. Ce plan comprend 68 unités condominiales dans la tour de bureaux sur la deuxième parcelle aérienne du complexe Crystal. L’Association n’a jamais conclu avec les propriétaires des autres parcelles aériennes la convention de prise en charge qui était prévue dans la Convention RPA.
[9] Le 28 juin 2002, le promoteur a vendu à CSPC la cinquième parcelle aérienne, où est situé le stationnement. Dans le cadre de cette transaction, le promoteur a cédé la Convention RPA à CSPC, ainsi que [traduction] « toutes les autres conventions existantes [. . .] relatives à la [parcelle aérienne] approuvées par [CSPC] » : d.a., vol. II, p. 106. Le dossier n’indique toutefois pas quelles « conventions existantes », le cas échéant, ont été approuvées par CSPC.
[10] Jusqu’en 2012, les membres de l’Association ont stationné leurs véhicules dans le stationnement et se sont acquittés des droits y afférents au taux prévu dans la Convention RPA.
[11] Cette année‑là, un différend est survenu entre les parties. L’Association a cessé de payer les frais de stationnement et CSPC a réagi en révoquant les privilèges de stationnement des membres de l’Association, ce qui a donné lieu à un recours judiciaire. L’Association a sollicité une déclaration portant que l’art. 7.5 de la Convention RPA était nul ou une ordonnance portant qu’il était inexécutoire, ou, subsidiairement, une ordonnance portant que l’art. 7.5 devait être rectifié pour indiquer que les coûts en capital ont été entièrement recouvrés, ainsi que des dommages‑intérêts ou la restitution des gains obtenus en raison de la violation du contrat. CSPC a déposé une demande reconventionnelle en vue d’obtenir le paiement des droits non payés que, selon lui, l’Association aurait dû lui verser conformément à la Convention RPA.
III. Historique procédural
A. Cour suprême de la Colombie‑Britannique, 2017 BCSC 71, 73 R.P.R. (5th) 244
[12] La juge Young a statué que l’Association n’était pas liée par la Convention RPA. À son avis, la conduite de l’Association n’indiquait pas qu’elle avait, après sa constitution, l’intention de conclure un contrat selon les mêmes termes que la Convention RPA : par. 64. Elle a fait observer que les membres de l’Association stationnaient leurs véhicules dans le stationnement et se sont acquittés des droits y afférents prévus dans la Convention RPA, mais que cette conduite était motivée par leur croyance erronée qu’ils étaient déjà liés par cette convention : par. 76‑77. La juge a déclaré qu’une conduite découlant de la croyance erronée qu’un contrat préconstitutif a force obligatoire ne suffit pas pour établir que l’entité nouvellement créée a conclu un contrat postérieur à sa constitution : par. 77. Ayant conclu à l’absence d’un contrat postérieur à la constitution de l’Association, la juge n’a pas examiné les autres arguments invoqués par celle‑ci en ce qui a trait à l’existence d’une erreur, à la frustration et à l’iniquité, et elle a rejeté la demande reconventionnelle de CSPC.
B. Cour d’appel de la Colombie‑Britannique, 2019 BCCA 145, 24 B.C.L.R. (6th) 24
[13] La Cour d’appel a infirmé la décision de la juge de première instance. Le juge Willcock a statué que l’Association avait conclu, après sa constitution, un contrat selon les mêmes termes que la Convention RPA. Il a estimé que la juge de première instance avait commis une erreur de principe en s’appuyant sur le fait que l’Association n’était pas liée par le contrat préconstitutif et sur le fait qu’elle n’avait ni adopté ni ratifié ce contrat, car de telles circonstances n’étaient pas pertinentes pour déterminer si l’Association avait conclu un contrat par sa conduite postérieure à sa constitution. De plus, le juge Willcock a statué que l’opinion erronée de l’Association selon laquelle elle était liée par le contrat préconstitutif n’était pas pertinente pour déterminer si les parties avaient manifesté objectivement l’intention d’être liées par un contrat postérieur à la constitution de l’Association. La cour a ordonné que la demande de l’Association et la demande reconventionnelle de CSPC soient renvoyées au tribunal de première instance afin qu’il tranche les questions contractuelles qui n’avaient pas été tranchées : l’existence d’une erreur de fait commune, la rectification, l’iniquité ou la frustration et, si la demande principale échoue, l’examen de la demande reconventionnelle de CSPC et l’évaluation des sommes à payer, le cas échéant.
IV. Questions en litige
[14] Devant la Cour, l’Association soutient qu’elle n’est pas tenue de payer les frais de stationnement prévus dans la Convention RPA. Ses arguments soulèvent les questions suivantes :
- L’exécution d’un contrat postérieur à la constitution d’une entité qui touche des intérêts fonciers constitue‑t‑elle une exception à la règle générale selon laquelle les acquéreurs subséquents d’un bien‑fonds ne sont pas liés par des engagements de faire?
- Quelle est la méthode d’analyse appropriée pour déterminer si les parties ont conclu un contrat postérieur à la constitution d’une entité selon les mêmes termes qu’un contrat préconstitutif?
- Une association condominiale peut‑elle conclure un contrat postérieur à sa constitution par sa conduite?
- Les parties ont‑elles manifesté objectivement leur intention d’être liées par un contrat postérieur à la constitution de l’Association selon les termes pertinents de la Convention RPA?
[15] CSPC invite notre Cour à se pencher sur une autre question même si les autres moyens d’appel de l’Association étaient rejetés :
- Existe‑t‑il un principe étroit des avantages et obligations dont l’application échapperait à la règle générale selon laquelle les acquéreurs subséquents d’un bien‑fonds ne sont pas liés par des engagements de faire?
[16] J’examinerai chacune de ces questions ci‑après.
V. Analyse
A. L’exécution d’un contrat postérieur à la constitution d’une entité qui touche des intérêts fonciers constitue‑t‑elle une exception à la règle générale selon laquelle les acquéreurs subséquents d’un bien‑fonds ne sont pas liés par des engagements de faire?
[17] Je commencerai par analyser la jurisprudence sur les circonstances dans lesquelles des engagements peuvent être rattachés au bien‑fonds. Bien qu’elle ait été mémorablement décrite comme un [traduction] « indicible bourbier », cette jurisprudence peut se résumer succinctement pour les besoins de la présente affaire comme établissant une règle générale selon laquelle des engagements de faire ne se rattachent pas au bien‑fonds : E. Rabin, Fundamentals of Modern Real Property Law (1974), p. 489. Je me pencherai ensuite sur la distinction entre les droits de propriété et les droits contractuels, après quoi j’examinerai la suggestion de l’Association selon laquelle l’application des principes régissant les contrats préconstitutifs aux conventions touchant des intérêts fonciers est novatrice, et son argument selon lequel il existe un intérêt public qui justifie de restreindre la liberté qu’ont les parties de conclure des contrats concernant leurs intérêts fonciers.
[18] En common law, l’engagement qui commande à un propriétaire foncier d’exécuter une obligation (engagement de faire), ou qui impose une restriction à l’usage de son bien‑fonds (engagement de ne pas faire), n’est pas opposable aux acquéreurs subséquents de ce bien‑fonds : Rhone c. Stephens, [1994] 2 A.C. 310 (H.L.), p. 316‑317. En equity, un engagement de ne pas faire peut toutefois être opposé aux acquéreurs subséquents qui ont acquis le bien‑fonds en sachant qu’un tel engagement existait : Tulk c. Moxhay (1848), 2 Ph. 774, 41 E.R. 1143 (Ch.), p. 1144‑1145; Austerberry c. Corporation of Oldham (1885), 29 Ch. D. 750 (C.A.), p. 773‑774, le lord juge Cotton; Noble c. Alley, 1950 CanLII 13 (SCC), [1951] R.C.S. 64, p. 69, le juge Rand. Lorsqu’il s’agit d’engagements de faire, la règle générale est qu’ils ne peuvent se rattacher au bien‑fonds : Heritage Capital Corp. c. Équitable, Cie de fiducie, 2016 CSC 19, [2016] 1 R.C.S. 306, par. 25; Parkinson c. Reid, 1966 CanLII 4 (SCC), [1966] R.C.S. 162, p. 167.
[19] L’Association soutient qu’il n’y a aucune différence entre l’application à celle‑ci d’un contrat postérieur à sa constitution et d’un engagement de faire considéré comme rattaché au bien‑fonds : m.a., par. 71. Toutefois, cet argument fait abstraction de l’importante distinction entre le droit des contrats et le droit des biens : Design Services Ltd. c. Canada, 2008 CSC 22, [2008] 1 R.C.S. 737, par. 39; J. Beatson, A. Burrows et J. Cartwright, Anson’s Law of Contract (30e éd. 2016), p. 27‑28. Les propriétaires fonciers peuvent avoir recours à des engagements réels pour créer des droits opposables par un propriétaire à un autre, et ce, même s’il n’existe aucun lien contractuel entre eux : B. Ziff, Principles of Property Law (7e éd. 2018), p. 448. Les intérêts qui en découlent se distinguent des droits contractuels, car un engagement de ne pas faire lie les acquéreurs éventuels en equity, alors que le droit à l’exécution du contrat est un intérêt juridique personnel pour les parties contractantes. Une autre distinction entre les engagements réels et les droits contractuels réside en l’espèce dans le moment où naît le droit. Lorsque les règles d’equity servent à opposer un engagement réel de ne pas faire à un acquéreur subséquent du bien‑fonds informé de l’existence de cet engagement, le droit appliqué est un droit préexistant en equity qui a subsisté après que le prédécesseur en titre eut transféré son bien‑fonds : Rhone, p. 317. Les droits contractuels, eux, naissent au moment de la formation du contrat. Dans le cas d’un contrat postérieur à la constitution en association, ils naissent après la constitution de l’association lorsque les parties manifestent objectivement leur intention d’être liées par une nouvelle entente selon les mêmes termes que le contrat préconstitutif. Par conséquent, les engagements réels et les contrats créent des formes juridiquement distinctes de droits et obligations, et ne devraient pas être confondus.
[20] En outre, la réticence historique des tribunaux de common law à imposer à un acquéreur subséquent un engagement réel de faire ou de ne pas faire reposait sur le principe selon lequel [traduction] « une personne ne peut être liée par un contrat si elle n’y est pas partie » : Rhone, p. 316; voir aussi p. 318. Ainsi, imposer un engagement de faire à un acquéreur subséquent du bien‑fonds « reviendrait à imposer une obligation personnelle à une personne qui ne s’est pas engagée à s’en acquitter » : Rhone, p. 321. Toutefois, imposer un engagement de faire à une partie à un contrat reviendrait à imposer une obligation personnelle à une personne qui s’est, en fait, engagée à s’en acquitter. Il n’existe pas d’impératif militant contre l’application d’un engagement à un successeur en titre lorsque ce dernier a accepté par contrat d’assumer cet engagement (ainsi l’engagement ne survivra que s’il y a une chaîne de contrats entre les successeurs en titre subséquents). Il n’y a donc pas d’équivalence entre l’application d’un droit contractuel à un cocontractant et l’application d’un engagement réel à un acquéreur subséquent.
[21] L’Association affirme également que de conclure qu’une société est devenue partie après sa constitution à un contrat touchant des intérêts fonciers reviendrait à créer un nouveau moyen de détenir des intérêts immobiliers et d’en jouir : m.a., par. 74. Or, il n’y a rien de vraiment nouveau dans le fait, pour une société, de conclure un contrat postérieur à sa constitution qui touche des intérêts fonciers. De façon générale, rien n’interdit l’exécution d’obligations contractuelles relatives à des intérêts fonciers hormis l’art. 59 de la Law and Equity Act, R.S.B.C. 1996, c. 253 (« LEA »), qui n’a pas été invoqué en l’espèce. Les liens contractuels ont toujours servi aux propriétaires fonciers comme un moyen de contourner l’application de la règle générale selon laquelle des engagements de faire ne peuvent se rattacher au bien‑fonds, car [traduction] « s’il existe des liens contractuels, tous les engagements ont force obligatoire » : P. M. Perell, « Covenants as Contracts and as Interests in Land » (2005), 29 Adv. Q. 476, p. 479; voir aussi Ziff, p. 472. Par conséquent, un contrat postérieur à la constitution d’une entité qui touche des intérêts fonciers ne représente pas un [traduction] « nouveau [moyen] de détenir des biens réels et d’en jouir » et n’enfreint donc pas le principe du numerus clausus : Keppell c. Bailey (1834), 2 My. & K. 517, 39 E.R. 1042 (Ch.), p. 1049.
[22] Pour appuyer son argument, l’Association affirme que le besoin de certitude quant à la vérification du titre et des droits y afférents justifie de restreindre la liberté contractuelle des parties dont l’entente donne lieu à un contrat postérieur à la constitution d’une entité qui concerne des intérêts fonciers : m.a., par. 75‑81. Garantir la certitude quant à la vérification d’un titre est, sans aucun doute, un objectif du régime créé par la Land Title Act, R.S.B.C. 1996, c. 250 : voir, p. ex., les art. 20, 23, 26, 27, 29, 282 et 288. Mais par définition, cet objectif ne se rapporte généralement pas aux droits personnels qui ne visent que les parties à un contrat : voir, p. ex., le par. 20(1). L’objectif législatif de garantir la certitude quant à la vérification d’un titre n’empêche donc pas une partie à un contrat postérieur à la constitution d’une entité de se voir opposer le contrat auquel elle a consenti.
[23] Je conviens que les membres d’une association condominiale peuvent changer au fil du temps, et que les acquéreurs subséquents des unités condominiales seront liés par des engagements découlant de conventions auxquelles ils n’étaient pas parties en tant que propriétaires individuels d’unités condominiales. Ainsi, du point de vue des membres de l’association condominiale, l’application d’un contrat postérieur à la constitution en association peut sembler correspondre à une exception à la règle générale selon laquelle des engagements de faire ne peuvent se rattacher au bien‑fonds. Cela n’est pas un défaut du cadre juridique, mais plutôt une caractéristique de la SPA, qui confère aux associations condominiales le pouvoir et la capacité d’une personne physique et qui prévoit expressément que l’association condominiale elle‑même peut conclure des contrats : SPA, par. 2(2), art. 10, 30 et 32, al. 35(2)g) et 38a); Ziff, p. 472. Puisque l’association condominiale a la capacité de conclure des contrats, sa conduite pourrait amener une personne à s’attendre raisonnablement à ce qu’une convention passée avec cette association ait force obligatoire. Les attentes raisonnables des parties constituent un intérêt que les règles contractuelles de la common law visent généralement à protéger : J. D. McCamus, The Law of Contracts (2e éd. 2012), p. 32‑33; S. M. Waddams, The Law of Contract (7e éd. 2017), §§141 et 148. Par conséquent, les intérêts publics invoqués par l’Association ne l’emportent pas sur le « très grand intérêt public lié à l’application des contrats » : Tercon Contractors Ltd. c. Colombie‑Britannique (Transports et Voirie), 2010 CSC 4, [2010] 1 R.C.S. 69, par. 123, le juge Binnie (dissident, mais non sur ce point).
[24] En conclusion, un contrat postérieur à la constitution d’une entité qui est par ailleurs valide et en vigueur n’est pas inexécutoire simplement parce que ses termes touchent des intérêts fonciers.
B. Quelle est la méthode d’analyse appropriée pour déterminer si les parties ont conclu un contrat postérieur à la constitution d’une entité selon les mêmes termes qu’un contrat préconstitutif?
[25] Je commencerai mon analyse de cette question en exposant les principes fondamentaux applicables aux contrats préconstitutifs, qui se résument tout simplement à la proposition selon laquelle une société, même si elle n’est pas liée par un contrat préconstitutif, peut néanmoins conclure après sa création un nouveau contrat selon les mêmes termes que le contrat préconstitutif. Je me pencherai ensuite sur ce que les parties ont qualifié de courants jurisprudentiels opposés quant à la méthode d’analyse appropriée pour déterminer quand une société a conclu un contrat postérieur à sa constitution, et quant au rôle que cette méthode d’analyse réserve aux intentions de ceux qui sont parties au contrat préconstitutif.
[26] Une convention conclue avant la constitution d’une société, même si elle a été censément conclue au nom de la société, ne lie pas celle‑ci après sa création : Kelner c. Baxter (1866), L.R. 2 C.P. 174, p. 184‑185, le juge Willes, p. 186, le juge Byles. En common law, une société ne peut pas ratifier ou adopter un contrat préconstitutif, car une personne ne peut ni ratifier ni adopter un contrat auquel elle n’était pas en état de se soumettre au moment où celui‑ci a été formé : Kelner, p. 183, le juge en chef Erle, p. 184, le juge Willes, p. 185‑186, le juge Byles; In re Empress Engineering Co. (1880), 16 Ch. D. 125 (C.A.), p. 128, le maître des rôles Jessel, p. 130, le lord juge James; In re Northumberland Avenue Hotel Co. (1886), 33 Ch. D. 16 (C.A.), p. 20, le lord juge Cotton; Natal Land and Colonization Co. c. Pauline Colliery and Development Syndicate Ltd., [1904] A.C. 120 (C.P.), p. 126. Une société peut toutefois conclure un contrat postérieur à sa constitution selon les mêmes termes qu’un contrat préconstitutif : Empress Engineering, p. 128, le maître des rôles Jessel; Natal Land, p. 126.
[27] Contrairement aux règles de common law, les lois sur les sociétés au Canada prévoient généralement qu’une société par actions peut adopter un contrat préconstitutif si ses actes ou sa conduite expriment son intention d’être liée : voir, p. ex., Business Corporations Act, S.B.C. 2002, c. 57, par. 20(3) (« BCA »); Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. 1985, c. C‑44, par. 14(2); Business Corporations Act, R.S.A. 2000, c. B‑9, par. 15(3); Loi sur les sociétés par actions, L.R.O. 1990, c. B.16, par. 21(2). Par conséquent, les lois sur les sociétés permettent aux sociétés par actions d’adopter le contrat préconstitutif, alors que la règle de common law exige que celles‑ci concluent un nouvel accord selon les mêmes termes que le contrat préconstitutif. En Colombie‑Britannique, le cadre législatif ne permet pas à une association condominiale d’adopter un contrat préconstitutif, car l’art. 20 de la BCA ne s’applique pas aux associations condominiales : SPA, art. 291. Les associations condominiales doivent plutôt conclure un contrat postérieur à leur constitution selon les mêmes termes que le contrat préconstitutif. La question suivante se pose alors : que faut‑il établir pour qu’un contrat postérieur à la constitution lie une association condominiale selon les règles de common law?
[28] Deux courants jurisprudentiels sur les contrats postérieurs à la constitution s’opposent. Selon une première approche, la conduite des parties et les circonstances doivent être prises en compte pour déterminer si les parties ont manifesté objectivement leur intention de conclure une entente postérieure à la constitution d’une entité selon les mêmes termes que le contrat préconstitutif : Touche c. Metropolitan Railway Warehousing Co. (1871), L.R. 6 Ch. App. 671; Howard c. Patent Ivory Manufacturing Co. (1888), 38 Ch. D. 156. La deuxième approche est plus subjective; elle consiste à se demander si la conduite de la société après sa constitution était motivée par une opinion erronée selon laquelle elle était liée par le contrat préconstitutif. Selon cette deuxième approche, [traduction] « les actes fondés sur cette opinion erronée ne donnent pas lieu à un contrat valide » : Northumberland Avenue Hotel, p. 20, le lord juge Cotton; voir aussi Bagot Pneumatic Tyre Co. c. Clipper Pneumatic Tyre Co., [1901] 1 Ch. D. 196.
[29] La première approche coïncide avec l’adhésion de longue date de la common law à une théorie objective de la formation des contrats. L’énoncé classique de cette théorie provient de l’arrêt Smith c. Hughes (1871), L.R. 6 Q.B. 597, p. 607, où le juge Blackburn a déclaré :
[traduction]
Si, quelle que soit son intention réelle, un individu se conduit d’une manière qui porte une personne raisonnable à croire qu’il a consenti aux termes proposés par l’autre partie et que cette autre partie, s’appuyant sur cette croyance, conclut un contrat avec lui, l’individu devient lié par ledit contrat comme s’il avait eu l’intention de consentir aux termes de l’autre partie.
[30] Cette théorie objective a été clairement exprimée dans la jurisprudence de notre Cour sur la formation des contrats. Par exemple, dans l’arrêt Saint John Tug Boat Co. c. Irving Refining Ltd., 1964 CanLII 88 (SCC), [1964] R.C.S. 614, le juge Ritchie a souscrit à l’énoncé classique de la décision Smith et a statué qu’une analyse objective s’impose pour déterminer si un type de conduite constitue une acceptation d’une offre : p. 622. Il a conclu sur ce fondement qu’un contrat était intervenu après qu’un opérateur d’une raffinerie de pétrole eut donné son assentiment à ce que des services de bateau‑remorqueur continuent de lui être fournis, malgré l’expiration de l’entente expresse qui avait été conclue et, fait crucial, malgré que l’opérateur croyait subjectivement n’avoir pas consenti à payer pour la continuité de ces services : p. 623; voir aussi Scotsburn Co‑operative Services Ltd. c. W.T. Goodwin Ltd., 1985 CanLII 57 (CSC), [1985] 1 R.C.S. 54, p. 63; Chartbrook Ltd. c. Persimmon Homes Ltd., [2009] UKHL 38, [2009] 1 A.C. 1101, par. 39.
[31] La méthode subjective utilisée dans les arrêts Northumberland Avenue Hotel et Bagot Pneumatic Tyre est incongrue, car les attentes raisonnables des parties sont généralement protégées dans le droit des contrats en common law : McCamus, p. 32‑33; Waddams, §§141 et 148. Cette règle générale signifie qu’[traduction] « un consentement mutuel subjectif n’est ni nécessaire ni suffisant pour la formation d’un contrat ayant force obligatoire », et qu’« une personne peut être liée par des obligations contractuelles qu’elle n’avait pas (subjectivement) l’intention d’assumer » : Waddams, §§92 et 146. En common law, le risque qu’une partie se fonde raisonnablement sur l’existence d’une convention est assumé par la partie dont la conduite a fait naître une attente raisonnable qu’un contrat passé entre elles aurait force obligatoire. Or, l’approche subjective utilisée dans les arrêts Northumberland Avenue Hotel et Bagot Pneumatic Tyre fait assumer le risque par la mauvaise partie en exonérant de toute responsabilité la société, bien que celle‑ci ait manifesté objectivement, par sa conduite, son assentiment à être liée par les termes de la convention préconstitutive.
[32] En général, les doctrines de l’erreur, de la déclaration inexacte, du non est factum et — du moins dans une certaine mesure — de l’iniquité, ainsi que les réparations que constituent la rectification et la résiliation, sont utilisées pour corriger les malentendus, les erreurs et les autres irrégularités pouvant survenir durant le processus de formation des contrats. En raison de la regrettable bifurcation de la présente affaire, les doctrines de l’iniquité et de l’erreur, quoique plaidées par l’Association, n’ont pas été abordées devant les juridictions inférieures et ne sont pas soumises à notre Cour. Il ne serait donc pas souhaitable que notre Cour élabore une doctrine relative aux contrats postérieurs à la constitution, particulièrement d’une façon qui est incompatible avec sa jurisprudence générale sur la formation des contrats, pour tenir compte de la possibilité qu’une irrégularité se soit glissée dans le processus de formation du contrat quand d’autres doctrines, qui n’ont pas été invoquées ici, poursuivent le même objectif et s’avèrent mieux adaptées pour répondre à de telles préoccupations. Puisqu’il n’y a aucune raison de principe de soustraire les contrats postérieurs à la constitution aux principes généraux de common law régissant la formation des contrats, l’approche subjective des contrats postérieurs à la constitution ne s’applique pas.
[33] En résumé, une [traduction] « manifestation extériorisée de l’assentiment de chaque partie qui fasse naître chez l’autre une attente raisonnable » est nécessaire pour conclure à l’existence d’un contrat postérieur à la constitution ayant force obligatoire : Waddams, §25. Le test est objectif. Il exige d’examiner comment la conduite de chaque partie serait perçue par une personne raisonnable placée dans la même situation que l’autre partie : P. Benson, Justice in Transactions: A Theory of Contract Law (2019), p. 112‑113. En conséquence, le tribunal doit déterminer si une personne raisonnable placée dans la même situation qu’une partie considérerait la conduite de l’autre partie comme une offre : Grant c. Province of New Brunswick (1973), 1973 CanLII 1765 (NB CA), 6 N.B.R. (2d) 95 (C.S. (Div. app.)), par. 12, et, réciproquement, si une personne raisonnable placée dans la même situation que cette dernière partie considérerait la conduite de la première partie comme une acceptation : Saint‑John Tug Boat, p. 621‑622. Le contrat préconstitutif n’est qu’un aspect des circonstances objectives susceptibles de servir à interpréter la conduite des parties et à partir desquelles les termes d’un contrat postérieur à la constitution peuvent être déduits.
[34] L’Association soutient qu’il ne peut y avoir de contrat postérieur à la constitution en société à moins qu’un mandataire de la société appelée à être constituée ait eu l’intention de contracter en son nom au moment où le contrat préconstitutif a été conclu : m.a., par. 101 et 103. Toutefois, puisque la méthode d’analyse servant à déterminer l’existence d’un contrat postérieur à la constitution s’appuie sur la façon générale d’aborder la formation des contrats en common law, les intentions des parties au contrat préconstitutif ne sont pas décisives pour trancher la question. Il en est ainsi parce que ces parties sont étrangères au contrat postérieur à la constitution. La possibilité qu’une des parties au contrat préconstitutif se soit présentée comme représentant une entité sur le point d’être constituée n’est pas particulièrement pertinente pour établir l’intention objective des parties au contrat postérieur à la constitution. De toute façon, la recherche d’un mandataire avant la constitution d’une société est une démarche quelque peu futile, car on ne peut pas être le mandataire d’un mandant inexistant.
[35] Néanmoins, les intentions objectives des parties au contrat préconstitutif peuvent être pertinentes dans la mesure où ce contrat prévoit des avantages et obligations visant une entité sur le point d’être constituée, puisque cela aidera le tribunal à interpréter la manière dont une personne raisonnable aurait perçu la conduite des parties après la constitution de l’entité. Ainsi, il sera facile d’inférer qu’une offre a été faite et acceptée lorsque [traduction] « l’avantage [. . .] et l’obligation [. . .] sont prévus avant la constitution, et sont ensuite exécutés exactement comme prévu après la constitution » : Phelps Holdings Ltd. c. Strata Plan VIS 3430, 2010 BCCA 196, 71 B.L.R. 1, par. 19.
[36] Le fait que je réaffirme les principes traditionnels du droit des contrats ne diffère pas, comme le laisse entendre mon collègue, du raisonnement adopté par la Cour d’appel en lien avec sa propre jurisprudence, et plus particulièrement concernant l’arrêt Heinhuis c. Blacksheep Charters Ltd. (1987), 1987 CanLII 2491 (BC CA), 19 B.C.L.R. (2d) 239. À mon humble avis, l’arrêt Heinhuis ne constitue pas une déviation du cadre que je réitère en l’espèce. Bien que la juge McLachlin (plus tard juge en chef) n’ait pas jugé nécessaire de procéder à une analyse des éléments traditionnels que sont l’offre, l’acceptation et la contrepartie, elle n’en demeurait pas moins prête à le faire : p. 244‑245. Il n’y a aucune raison de principe de soustraire les contrats postérieurs à la constitution aux principes généraux du droit des contrats, et je ne conclus pas du renvoi de la Cour d’appel à l’arrêt Heinhuis que tel devrait être le cas. La méthode conventionnelle relative à la formation des contrats consiste à interpréter la conduite des parties conformément aux exigences traditionnelles de l’offre et de l’acceptation : Gibson c. Manchester City Council, [1979] 1 W.L.R. 294 (H.L.), p. 297, le lord Diplock; Jedfro Investments (U.S.A.) Ltd. c. Jacyk, 2007 CSC 55, [2007] 3 R.C.S. 679, par. 16.
[37] En conclusion, le test applicable pour établir l’existence d’un contrat postérieur à la constitution ne diffère pas du test applicable en common law pour établir l’existence de toute autre convention. Il s’agit d’un test objectif, et l’offre, l’acceptation, la contrepartie et les termes peuvent être inférés à partir de la conduite des parties et des circonstances entourant la conclusion du contrat.
C. Une association condominiale peut‑elle conclure un contrat postérieur à sa constitution par sa conduite?
[38] Je me penche maintenant sur la question de savoir si la SPA écarte les principes ordinaires de common law régissant la formation des contrats. Dans la négative, j’examinerai alors la question de savoir s’il existe un besoin impérieux de modifier ou d’empêcher l’application de ces principes dans un contexte d’associations condominiales.
[39] La common law fait partie du contexte dans lequel un législateur adopte des lois, et il faut présumer que le législateur n’a pas l’intention de modifier ni d’écarter les principes de common law lorsqu’il adopte des lois : Parry Sound (District), Conseil d’administration des services sociaux c. S.E.E.F.P.O., section locale 324, 2003 CSC 42, [2003] 2 R.C.S. 157, par. 39. Qui plus est, lorsque le législateur utilise un terme comportant un sens juridique défini, on présume qu’il lui a donné ce sens dans la loi en question : R. c. D.L.W., 2016 CSC 22, [2016] 1 R.C.S. 402, par. 20. Dans la SPA, le législateur a conféré aux associations condominiales le pouvoir et la capacité d’une [traduction] « personne physique » : par. 2(2). En common law, une personne physique peut conclure un contrat par une conduite qui démontre objectivement son consentement à être liée par une convention. Par conséquent, on présume que le législateur avait l’intention de conférer aux associations condominiales le pouvoir dont jouit une « personne physique » de conclure un contrat par sa conduite, mais on présume aussi qu’il n’avait pas l’intention de modifier ni d’écarter les règles de common law à cet égard.
[40] Ces présomptions ne peuvent être réfutées que si une intention contraire est exprimée clairement par le législateur : Heritage Capital, par. 30‑31; D.L.W., par. 18‑20. Rien dans la SPA n’indique que le législateur avait clairement l’intention de réfuter ces présomptions. Selon l’Association, le fait que les dispositions de la BCA concernant les contrats antérieurs et postérieurs à la constitution d’une société ne s’appliquent pas aux associations condominiales démontre que le législateur avait l’intention d’exclure les contrats postérieurs à la constitution du champ d’application des principes de common law : SPA, art. 291; BCA, art. 20. Cependant, ce choix législatif ne dit rien au sujet de l’applicabilité des principes de common law à cet égard. Au contraire, la SPA contient plutôt des indices démontrant que le législateur voulait en fait que les associations condominiales puissent conclure des conventions non écrites par leur conduite. Bien que l’al. 35(2)g) prévoie qu’une association condominiale doit tenir un registre où sont consignés, entre autres choses, les [traduction] « contrats écrits » auxquels elle est partie, il s’agit de la seule disposition de la SPA qui renvoie exclusivement aux « contrats écrits ». Il y a pourtant de nombreuses mentions des termes « contrat » et « contrats » employés dans divers contextes à travers l’ensemble de cette loi : voir, p. ex., SPA, art. 10, 30, 32, al. 35(2)g) et 38a). Plus particulièrement, l’art. 38 dispose que les associations condominiales ont la capacité de conclure des contrats conformément à leurs pouvoirs et fonctions en vertu de la SPA et de leurs règlements. Le terme « contrats écrits » n’est pas employé dans cette disposition. Si le législateur souhaitait limiter la capacité des associations condominiales de conclure des contrats en leur permettant uniquement de conclure des conventions écrites, le libellé de la loi aurait facilement pu indiquer cette préférence, de façon expresse ou par déduction nécessaire. Comme le législateur ne l’a pas fait, les présomptions en question ne sont pas réfutées.
[41] Selon l’Association, conclure à l’existence d’un contrat postérieur à la constitution sur le fondement d’une conduite est incompatible avec la façon dont les conseils d’administration de condominiums prennent des décisions, exercent leurs pouvoirs et consignent les décisions prises au nom des associations condominiales : m.a., par. 115. Mais l’inverse est vrai : conclure qu’un contrat est opposable à une association condominiale sur le fondement de sa conduite objective n’est pas incompatible avec le modèle de gouvernance des associations condominiales établi dans la SPA. Ce régime législatif prévoit une forme de règle de gestion interne : le par. 30(1) prévoit que la validité d’un contrat conclu par une association condominiale n’est pas compromise par un vice entachant la nomination ou l’élection du membre ou du représentant du conseil qui conclut le contrat au nom de l’association, ou par une limitation au pouvoir conféré à ce membre ou à ce représentant du conseil d’agir au nom de l’association. Par conséquent, le législateur a prévu qu’un vice dans les processus de gestion interne d’une association condominiale ne devrait pas réduire à néant les attentes raisonnables véritables des tiers qui font affaire avec elle.
[42] L’Association soutient aussi que de conclure à l’existence d’un contrat postérieur à la constitution sur le fondement d’une conduite permet au promoteur de passer des contrats servant ses propres intérêts, à la fois en tant que promoteur et en tant que propriétaire initial de la propriété condominiale : m.a., par. 79. Toutefois, il n’y a aucune raison impérieuse de modifier les règles de common law en matière contractuelle qui s’appliquent aux associations condominiales afin de protéger les acquéreurs d’unités condominiales des pratiques peu scrupuleuses ou des pratiques injustes inattendues de la part de promoteurs, car les lois de la Colombie‑Britannique offrent déjà de nombreuses protections aux acquéreurs d’unités condominiales. L’une d’entre elles exige du promoteur qu’il agisse, tant et aussi longtemps qu’il contrôle l’association condominiale, avec intégrité et bonne foi au mieux des intérêts de l’association, et avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve une personne raisonnablement prudente : SPA, par. 6(1). Dans les cas où il existe un lien de dépendance, le législateur a restreint la capacité de l’association condominiale à contracter avec le promoteur pendant la période suivant le premier transfert de propriété d’une unité condominiale à un acquéreur, mais précédant la première assemblée générale annuelle : SPA, art. 10. De plus, à la première assemblée générale annuelle, le promoteur doit divulguer tous les contrats conclus au nom de l’association ou pour son compte : SPA, sous‑al. 20(2)a)(iii). Le législateur avait donc déjà anticipé ce problème et adopté des dispositions législatives pour y remédier.
[43] En plus des protections prévues dans la SPA, le législateur a adopté des dispositions prévoyant des protections additionnelles dans la Real Estate Development Marketing Act, S.B.C. 2004, c. 41 (« REDMA »). Bien que la REDMA ne s’applique pas à tous les projets immobiliers (voir le règlement intitulé Real Estate Development Marketing Regulation, B.C. Reg 230/2018, par. 3(2)), elle empêche, dans les cas où elle s’applique, un promoteur de vendre à un acquéreur un bien‑fonds faisant partie d’un projet sans lui fournir un exposé des faits pertinents concernant ledit projet qui ne contient aucune déclaration inexacte : REDMA, art. 14 et 15. Si le promoteur manque à cette obligation de divulgation, l’acquéreur pourrait résilier le contrat d’achat et celui‑ci pourrait devenir inopposable à l’acquéreur : REDMA, art. 21 et 23. Les protections prévues dans la Business Practices and Consumer Protection Act, S.B.C. 2004, c. 2, peuvent également s’appliquer à certaines opérations conformément aux critères établis dans cette Loi. De plus, l’art. 59 de la LEA porte sur les opérations frauduleuses concernant des intérêts fonciers. Toutes ces dispositions s’ajoutent à l’ensemble des protections et des moyens de défense qui sont à la disposition de toute partie contractante en common law ou en equity. Par conséquent, il ne semble y avoir aucune raison impérieuse de modifier les règles de common law en matière contractuelle qui s’appliquent aux associations condominiales afin de protéger les acquéreurs d’unités condominiales.
[44] Par contre, il existe des raisons fortement impérieuses pour lesquelles les principes généraux du droit des contrats devraient continuer de s’appliquer aux complexes condominiaux. La vieille maxime de lord Mansfield selon laquelle en droit commercial, [traduction] « la stabilité devrait être le grand objectif » est tout aussi pertinente aujourd’hui qu’elle l’était au dix‑huitième siècle : Vallejo c. Wheeler (1774), 1 Cowp 143, 98 E.R. 1012, p. 1017. Dans le même ordre d’idées, notre Cour a affirmé que les règles de common law en matière contractuelle devraient être élaborées d’une manière qui « reconnaît toute son importance au choix personnel et à la stabilité dans les affaires commerciales » : Bhasin c. Hrynew, 2014 CSC 71, [2014] 3 R.C.S. 494, par. 66. De plus, notre Cour tient compte des « attentes raisonnables des parties commerciales » lorsqu’elle envisage de modifier une règle de common law : Bhasin, par. 32, 34 et 41. Abroger les principes généralement applicables à la formation des contrats dans le cas des associations condominiales compromettrait la stabilité commerciale et minerait les attentes raisonnables des parties commerciales, en faisant fi de la sagesse et de l’expérience contenues dans des siècles de patiente élaboration de précédents et de principes régissant les relations commerciales. Au lieu d’essayer de réinventer le droit des contrats pour tenir compte du caractère novateur de la propriété d’unités condominiales, le mieux que peut faire notre Cour, à mon avis, est de puiser « à la banque générale et au capital constitué des nations et des siècles » en ayant recours aux principes généralement applicables établis dans la jurisprudence : E. Burke, Réflexions sur la révolution de France (1989), p. 110. Ainsi, le besoin de stabilité dans les affaires commerciales et l’importance de protéger les attentes raisonnables des parties commerciales commandent l’application régulière continue des règles de common law dans ce domaine.
[45] En conclusion, rien n’empêchait la Cour d’appel de statuer que l’Association avait conclu, après sa constitution, un contrat selon les termes pertinents de la Convention RPA. Quant à savoir si la preuve étayait l’existence d’un tel contrat, il s’agit d’une autre question sur laquelle la juge de première instance et la Cour d’appel n’étaient pas d’accord. J’examinerai maintenant cette question.
D. Les parties ont‑elles manifesté objectivement leur intention d’être liées par un contrat postérieur à la constitution de l’Association selon les termes pertinents de la Convention RPA?
[46] À deux moments au moins l’Association aurait pu, après sa constitution, conclure un contrat selon les termes de la Convention RPA : (1) avant que le promoteur ne vende le stationnement à CSPC — l’Association aurait alors contracté, après sa constitution, avec le promoteur — et (2) après que CSPC eut acheté le stationnement — de sorte que l’Association, après sa constitution, aurait contracté directement avec CSPC. J’examinerai chacune de ces possibilités ci‑après.
[47] CSPC soutient que l’Association a conclu en 1999, après sa constitution, un contrat ayant force obligatoire avec le promoteur lorsque celui‑ci a déposé le plan de condominium auprès d’un bureau d’enregistrement des titres fonciers, ce qui a emporté la constitution de l’Association. Toutefois, la création de l’Association ne suffisait pas pour former un contrat postérieur à sa constitution. Une telle conclusion ne tiendrait pas compte des personnalités juridiques distinctes du promoteur et de l’Association. Au moment de sa constitution, l’Association n’avait pas manifesté objectivement son assentiment à une convention quelconque. Les intentions et les actes du promoteur ne s’identifient pas aux intentions et aux actes de l’Association. Bien au contraire, l’Association doit manifester, par sa conduite, son assentiment à un nouveau contrat selon les termes pertinents de la Convention RPA.
[48] Notre Cour ne dispose pas d’une base factuelle suffisante pour déterminer si l’Association a conclu après sa constitution un contrat avec le promoteur. Il semble que l’Association ait payé les frais de stationnement prévus à la Convention RPA avant que CSPC n’acquière le stationnement : décision de première instance, par. 36‑38, 67 et 76; décision de la Cour d’appel, par. 17 et 56; m.a., par. 8. Mais il ne ressort pas clairement du libellé de l’acte de cession passé entre le promoteur et CSPC que le contrat postérieur à la constitution de l’Association, à supposer qu’il existe, a été cédé par le promoteur à CSPC. La Cour ne bénéficie tout simplement pas d’une preuve suffisante pour tirer une conclusion sur cette question, puisque la cession d’un contrat était subordonnée à l’approbation de CSPC et qu’il n’y a aucun renseignement dans le dossier sur les contrats approuvés par CSPC. À cet égard, il faut se rappeler qu’un contrat postérieur à la constitution est une nouvelle convention distincte du contrat préconstitutif. Aussi la cession de la Convention RPA ne suffit‑elle pas à établir un lien juridique entre CSPC et l’Association fondé sur un contrat postérieur à la constitution de cette dernière.
[49] Toutefois, je souscris à l’opinion du juge Willcock de la Cour d’appel portant que l’Association a, par sa conduite objective postérieure à sa constitution, manifesté son intention d’être liée par contrat à CSPC, après que cette dernière eut acheté le stationnement du promoteur : par. 60, 61 et 66. En effet, l’offre et l’acceptation d’un contrat passé avec CSPC après la constitution de l’Association s’appuient sur une preuve solide. Après l’acquisition du stationnement, CSPC a manifesté objectivement l’intention d’offrir à l’Association un contrat selon les termes de la Convention RPA en mettant à la disposition des membres de l’Association un nombre de vignettes de stationnement valides égal au nombre de places de stationnement qui leur avaient été attribuées aux termes de l’art. 7.5 de la Convention RPA : décision de première instance, par. 2; décision de la Cour d’appel, par. 51. De plus, l’entretien et l’exploitation du stationnement au fil des ans auraient nécessité des capitaux importants pour CSPC. La Convention RPA prévoit de telles dépenses dans la définition des « coûts d’exploitation », lesquels ont été pris en compte dans le calcul des frais de stationnement exigibles de la part de l’Association. Les membres de l’Association auraient dû savoir que la contrepartie à titre onéreux dont ils bénéficiaient leur était fournie dans l’attente du paiement des frais exigibles selon l’art. 7.5 de la Convention RPA.
[50] Quant à elle, l’Association a manifesté objectivement l’intention d’accepter l’offre de CSPC en payant les frais prévus dans la Convention RPA et ses membres ont exercé les droits y afférents en garant leurs véhicules dans le stationnement après que CSPC en eut acquis la propriété : décision de première instance, par. 67, 76 et 93. Puisque les membres ont soit donné leur assentiment à la contrepartie, soit acquiescé à ce que celle‑ci leur soit fournie, et qu’ils en ont bénéficié, il y a lieu de considérer qu’ils l’ont implicitement demandée : Saint John Tug Boat, p. 622. Ainsi, une personne raisonnable placée dans la même situation que CSPC estimerait que la conduite de l’Association constituait une forme d’assentiment aux termes énoncés à l’art. 7.5 de la Convention RPA.
[51] Dans sa plaidoirie, l’Association a soutenu que la Convention RPA n’était à vrai dire pas un contrat car seul le promoteur y était partie, et que nul ne peut contracter avec lui‑même : transcription, p. 4‑8. L’argument tardif de l’Association selon lequel la Convention RPA n’était pas un contrat valide parce qu’elle comptait une seule partie est sans conséquence pour le présent pourvoi. La juge de première instance et la Cour d’appel ont toutes les deux décrit la Convention RPA comme un contrat entre le promoteur et la Ville de Burnaby : décision de première instance, par. 9; décision de la Cour d’appel, par. 8. Les représentants du promoteur et ceux de la Ville de Burnaby ont signé la Convention RPA : d.a., vol. II, p. 32. L’Association n’a pas démontré l’existence d’une erreur manifeste et dominante, ou d’une erreur de principe, qui justifierait d’infirmer la conclusion mixte de fait et de droit portant que la Convention RPA constituait effectivement un contrat.
[52] Quoi qu’il en soit, un contrat préconstitutif n’est qu’un aspect des circonstances objectives susceptibles de servir à interpréter la conduite des parties après la constitution d’une entité. Autrement dit, au moment de la formation du contrat postérieur à la constitution, chaque partie aurait compris la conduite de l’autre partie en ayant à l’esprit le fait que la Convention RPA renfermait un régime complexe d’avantages et d’obligations interreliés touchant aux parcelles aériennes du complexe Crystal. Donc, même si la Convention RPA ne constituait pas un contrat, elle ne faisait pas moins partie des circonstances entourant la formation du contrat postérieur à la constitution, et une personne raisonnable aurait compris que les parties agissaient d’une manière donnant à croire qu’une offre avait été faite et acceptée selon des termes calqués sur ceux de l’art. 7.5 de la Convention RPA.
[53] En conclusion, la conduite objective de l’Association démontre son intention de conclure une entente ayant force obligatoire selon les termes de l’art. 7.5 de la Convention RPA. La Cour d’appel semble avoir conclu que l’Association était liée par la Convention RPA elle‑même : par. 66. Or, cette conclusion n’est pas exacte, car l’Association est liée par un contrat postérieur à sa constitution dont les termes se fondent sur ceux de la Convention RPA. Exception faite de ce détail technique, je partage l’avis de la Cour d’appel que l’intervention en appel était justifiée, et j’estime que la Cour d’appel a eu raison de conclure que l’Association est devenue partie, après sa constitution, à un contrat avec CSPC.
[54] Mon collègue ne souscrit pas à cette conclusion et considère que je ne devrais pas chercher à déterminer si les parties ont manifesté objectivement leur intention d’être liées par un contrat postérieur à la constitution de l’Association. Il affirme que ce faisant, je réévalue la preuve et tire de nouvelles conclusions de fait : motifs du juge Rowe, par. 75‑76. Avec beaucoup d’égards, ce n’est pas le cas. La juge de première instance a expressément conclu à une conduite indiquant de façon claire et objective que l’Association était devenue, après sa constitution, partie à un contrat avec CSPC : décision de première instance, par. 67. Toutefois, selon elle, cette conduite objective était contrecarrée par les intentions subjectives ainsi que par la conduite ultérieure des représentants de l’Association : décision de première instance, par. 77. Comme l’a conclu la Cour d’appel, la juge de première instance a commis une erreur de droit en se fondant sur ces intentions et cette conduite ultérieure : par. 53. Si l’on fait abstraction de la preuve sur laquelle la juge de première instance s’est fondée à tort, il ne reste que les conclusions de fait qui appuient l’existence d’un contrat postérieur à la constitution de l’Association. En conséquence, notre Cour ne tire aucune nouvelle conclusion de fait en établissant que l’Association et CSPC ont conclu une convention ayant force obligatoire selon les termes de l’art. 7.5 de la Convention RPA.
[55] Ainsi, sous réserve des arguments additionnels de l’Association qui n’ont pas été tranchés et qui devront être renvoyés en vue d’une décision, je partage l’avis de la Cour d’appel selon lequel les obligations de paiement stipulées dans la Convention RPA sont exécutoires contre l’Association. Quant à savoir si ces obligations sont également exécutoires sur le fondement de l’exception relative aux avantages et obligations, il s’agit d’une question différente, que je vais maintenant examiner.
E. Existe‑t‑il un principe étroit des avantages et obligations dont l’application échapperait à la règle générale selon laquelle les acquéreurs subséquents d’un bien‑fonds ne sont pas liés par des engagements de faire?
[56] CSPC demande à notre Cour d’adopter le principe étroit des avantages et obligations issu du droit anglais. Selon elle, ce principe s’applique lorsque des avantages et des obligations sont conférés au cours d’une même opération, qu’il existe un lien significatif entre ces avantages et ces obligations, et que l’acquéreur subséquent peut accepter ou rejeter ces avantages : Davies c. Jones, [2009] EWCA Civ. 1164, [2010] 2 All E.R. 755; Wilkinson & Ors c. Kerdene Ltd., [2013] EWCA Civ. 44, [2013] 2 E.G.L.R. 163; voir aussi Ziff, p. 474. Ce principe étroit des avantages et obligations a été énoncé dans Halsall c. Brizell, [1957] 1 Ch. 169, puis entériné par la Chambre des lords dans l’arrêt Rhone, à la p. 322. Il ne doit pas être confondu avec le principe plus large et général des avantages et obligations énoncé dans Tito c. Waddell (No. 2), [1977] 1 Ch. 106, p. 301, qui a été rejeté par la Chambre des lords : Rhone, p. 322. Il ne doit pas non plus être confondu avec l’octroi conditionnel d’une servitude, aux termes de laquelle le non‑respect d’une condition provoque l’extinction de la servitude : Ziff, p. 476; The Owners, Strata Plan BCS 4006 c. Jameson House Ventures Ltd., 2019 BCCA 144, 22 B.C.L.R. (6th) 35, par. 6; Amberwood Investments Limited c. Durham Condominium Corporation No. 123 (2002), 2002 CanLII 44913 (ON CA), 58 O.R. (3d) 481 (C.A.), par. 85‑86.
[57] La question ultime, celle de savoir si notre Cour doit reconnaître l’existence d’un principe étroit des avantages et obligations, devra attendre une autre occasion. La conclusion selon laquelle l’Association est liée à CSPC par un contrat postérieur à sa constitution selon les termes de l’art. 7.5 de la Convention RPA suffit pour rejeter le pourvoi. Il n’est donc pas nécessaire d’examiner le bien‑fondé de cet autre moyen de lier un acquéreur subséquent. Je tiens néanmoins à formuler ces brèves remarques qui ne valent qu’à titre de simples observations.
[58] Les cours d’appel canadiennes qui se sont penchées sur cette question ont refusé d’adopter le principe étroit des avantages et obligations : Black c. Owen, 2017 ONCA 397, 137 O.R. (3d) 334, par. 50; Jameson House, par. 80; Amberwood Investments Ltd., par. 84. Elles semblent concevoir ce principe comme créant un intérêt rattaché au bien‑fonds. Une certaine jurisprudence appuie toutefois la proposition selon laquelle ce principe du droit anglais ne crée pas un intérêt dans le bien‑fonds : Elwood c. Goodman, [2013] EWCA Civ. 1103, [2014] Ch. 442, par. 35‑36. À cet égard, la doctrine anglaise des avantages et obligations peut se fonder sur une base contractuelle, de façon à imposer une obligation personnelle particulière à l’acquéreur subséquent qui a décidé d’accepter l’obligation afin de jouir de l’avantage : B. McFarlane, N. Hopkins et S. Nield, Land Law (2017), p. 351.
VI. Conclusion
[59] Pour les motifs qui précèdent, le pourvoi est rejeté avec dépens devant toutes les cours. Par conséquent, l’ordonnance de la Cour d’appel renvoyant la demande de l’Association et la demande reconventionnelle de CSPC au tribunal de première instance pour qu’il tranche les questions qui n’ont pas été examinées est maintenue.
Version française des motifs rendus par
Le juge Rowe —
I. Introduction
[60] Je souscris à l’analyse du droit que fait ma collègue en l’espèce, mais en toute déférence, je suis en désaccord avec elle quant au dispositif du pourvoi. Je ne trancherais pas la question de savoir si l’Association condominiale a manifesté une intention objective d’être liée par les conditions de la Convention RPA. Je renverrais plutôt cette question au tribunal de première instance car celui‑ci est mieux placé pour la trancher. Autrement dit, dans le cas qui nous occupe, l’application du droit est tributaire des faits et la Cour ne dispose pas de tous les faits nécessaires pour procéder à une telle application.
II. Les faits
[61] Comme l’a expliqué ma collègue, les sociétés Tyba Crystal Investments Corp. et Dong Ah Canada Development Corp. ont mis sur pied une coentreprise par l’entremise de Crystal Square Development Corporation (« promoteur ») afin de créer un complexe à fonctions multiples connu sous le nom de « Crystal ».
[62] En mars 1999, le promoteur a conclu une convention avec la Ville de Burnaby (« Convention RPA »). La convention visait la cession de droits et d’obligations aux propriétaires des sept « parcelles aériennes » (« PA ») composant le complexe Crystal. Au moment où la Convention RPA a été conclue, le promoteur possédait les sept PA. Cette convention a été enregistrée comme servitude au bureau d’enregistrement des titres fonciers le 17 mars 1999.
[63] Le 26 mai 1999, le promoteur a déposé le plan de condominium LMS 3905 au bureau d’enregistrement des titres fonciers, donnant ainsi naissance à l’appelante (« Association »), une association condominiale pour les membres résidant dans la deuxième PA (« PA 2 »). Elle est composée de 68 unités condominiales dans la tour de bureaux.
[64] Le 28 juin 2002, le promoteur a vendu à Crystal Square Parking Corp. (« CSPC ») la cinquième PA (« PA 5 »), qui est un stationnement. Dans le cadre de cette opération, le promoteur a consenti une cession générale à CSPC lui transférant [traduction] « toutes les autres conventions existantes [. . .] relatives à la propriété approuvées par [CSPC] » (« contrat de cession ») (d.a., vol. II, p. 106). Celui‑ci visait également à transférer à CSPC « le bénéfice de l’ensemble des engagements, déclarations et garanties à l’égard de la [PA 5] », et à lui donner le plein pouvoir d’exiger et de faire exécuter le paiement lié à ces engagements (ibid.). Le promoteur a garanti que « au meilleur de sa connaissance » et « sous réserve de l’obtention de tout consentement nécessaire de la part de tiers », il avait le pouvoir de consentir cette cession (p. 107).
[65] Les conditions de la Convention RPA visaient notamment à établir les droits et obligations liant le propriétaire de la PA 2 et celui de la PA 5. Le propriétaire de la PA 5 est tenu de fournir une servitude permettant l’accès du propriétaire de la PA 2 aux 76 places de stationnement et l’utilisation de celles‑ci, et [traduction] « en contrepartie » de cet accès et de cette utilisation, le propriétaire de la PA 2 est tenu de payer des droits de stationnement annuels au propriétaire de la PA 5 (Convention RPA, al. 7.5(a), (b) et (d)). Bien que le promoteur était le propriétaire de ces deux parcelles et que l’Association n’existait pas encore au moment où la Convention RPA a été enregistrée sur le titre, celle‑ci visait à lier les successeurs en titre du promoteur — c’est‑à‑dire, à ce que les engagements [traduction] « se rattachent au bien‑fonds » (Convention RPA, al. 1.1(h)‑(n), art. 16.3, 17.3 et 18.8). Bien entendu, la règle générale est que les engagements de faire ne peuvent se rattacher au bien‑fonds, même si les conditions qui les régissent semblent indiquer le contraire (motifs de la juge Côté, par. 17).
[66] Néanmoins, l’Association a payé des droits et a bénéficié du stationnement pendant [traduction] « de nombreuses années » (2017 BCSC 71, 73 R.P.R. (5th) 244, par. 93 (« jugement de première instance »)), et au moins certains de ces droits ont été payés à CSPC. De 2010 à 2012, l’Association a contesté certains des droits exigés, et le 4 juillet 2012, CSPC a révoqué les privilèges de stationnement de l’Association.
[67] Ce conflit a fini par mener à la présente instance, dans laquelle l’Association a sollicité un jugement déclaratoire portant qu’elle n’était pas liée par les conditions de la Convention RPA. CSPC a présenté une demande reconventionnelle, sollicitant des dommages‑intérêts équivalant au montant des droits impayés.
[68] L’Association a obtenu gain de cause en première instance à la Cour suprême de la Colombie‑Britannique. La juge Young s’est penchée sur deux théories pour déterminer de quelle façon la Convention RPA pourrait lier l’Association — soit à titre d’engagement de faire se rattachant au bien‑fonds, soit à titre de contrat postérieur à la constitution que l’Association aurait adopté. La juge Young a rejeté les deux théories, concluant que les obligations ne se rattachent pas au bien‑fonds (par. 60), et que l’Association n’avait pas adopté le contrat postérieur à la constitution (par. 77‑79). Elle a donc ordonné que [traduction] « [l]es dispositions sur l’acquittement des droits prévues dans la Convention [RPA] [. . .] ne lient pas [l’Association] » et que les « alinéas 7.5(d), (e), (f), (g), (h) et (i) de la Convention RPA sont inopposables [à l’Association] », et a rejeté la demande reconventionnelle de CSPC et la demande contre le promoteur (d.a., vol. I, p. 31). Étant donné qu’il n’y avait pas d’obligation sur ce fondement, elle ne s’est pas penchée sur les autres arguments avancés par l’Association.
[69] CSPC a interjeté appel devant la Cour d’appel de la Colombie‑Britannique (2019 BCCA 145, 24 B.C.L.R. (6th) 24). Elle faisait valoir deux moyens d’appel : premièrement, que la juge de première instance avait commis une erreur en concluant qu’un engagement de faire ne pouvait jamais se rattacher au bien‑fonds et, deuxièmement, que la juge de première instance avait commis une erreur lorsqu’elle a appliqué le critère relatif à l’adoption d’un contrat préconstitutif.
[70] La Cour d’appel a accueilli le pourvoi pour le deuxième motif, mais non le premier. Elle était d’accord avec CSPC pour dire que la juge de première instance avait commis une erreur en se concentrant sur la conception subjective par l’Association de ses obligations. Selon la Cour d’appel, la juge de première instance aurait plutôt dû examiner les trois exigences devant être respectées pour conclure à l’existence d’un contrat : [traduction] « (1) des conditions essentielles objectivement discernables; (2) une contrepartie; et (3) l’intention manifeste des parties d’être liées par les conditions telles qu’elles sont exprimées » (par. 51). Appliquant ce test, la Cour d’appel a jugé que la troisième de ces exigences avait été satisfaite car l’Association s’était prévalue de toutes les conditions de la Convention RPA (par. 60‑66). Elle a donc annulé l’ordonnance de la juge de première instance, et a ensuite renvoyé au tribunal de première instance les autres « questions contractuelles » soulevées par l’Association, notamment celles portant sur « l’existence d’une erreur de fait commune, la rectification, l’iniquité ou la frustration et, si la demande n’est pas établie, l’examen de la demande reconventionnelle et l’évaluation des sommes à payer, le cas échéant » (d.a., vol. I, p. 52).
[71] L’Association interjette à présent appel devant notre Cour.
III. Les questions juridiques
[72] Comme le décrit ma collègue au par. 14 de ses motifs, l’Association soulève quatre questions en l’espèce : premièrement, un contrat préconstitutif touchant un bien‑fonds peut‑il lier un propriétaire foncier après la constitution d’une entité? Deuxièmement, quelle est la méthode d’analyse qu’il convient d’utiliser pour établir si les parties ont conclu un contrat postérieur à la constitution d’une entité? Troisièmement, une association condominiale peut‑elle conclure un contrat postérieur à sa constitution par sa conduite? Et, quatrièmement, l’Association a‑t‑elle manifesté son intention d’être liée par les conditions de la Convention RPA? CSPC soulève en outre une autre question à l’égard de laquelle la Cour d’appel ne lui a pas donné raison (décision de la Cour d’appel, par. 31), à savoir s’il existe une exception à la règle générale portant que les engagements de faire ne peuvent se rattacher au bien‑fonds et, dans l’affirmative, si cette exception s’applique en l’espèce.
[73] À l’instar de ma collègue, je suis d’avis que l’interdiction générale visant les engagements de faire qui se rattachent au bien‑fonds n’a pas pour effet en soi d’invalider un contrat postérieur à la constitution par ailleurs valide qui touche un bien‑fonds (motifs de la juge Côté, par. 17‑24) et qu’une association condominiale peut conclure un contrat postérieur à sa constitution par sa conduite (par. 38‑45). Je souscris aussi à l’opinion de ma collègue en ce qui a trait à la méthode d’analyse qu’il convient d’adopter pour examiner la formation d’un contrat postérieur à la constitution d’une association (par. 32‑35).
[74] De même, je suis entièrement d’accord avec ma collègue en ce qu’elle a fait preuve de retenue en s’abstenant de modifier la common law pour adopter ce qu’elle appelle le principe étroit des avantages et obligations (par. 56‑58). Notre Cour tient dûment compte de plusieurs facteurs avant d’apporter un changement progressif à la common law quand il n’est pas nécessaire de le faire pour trancher l’affaire qui l’occupe. Elle se demande si la question a été dûment soulevée compte tenu des faits, si la question a été pleinement débattue devant elle ou devant les juridictions inférieures, si elle comprend bien la question soulevée, et s’il y a un besoin pressant d’établir des lignes directrices. Comme l’a expliqué la Cour dans l’arrêt Watkins c. Olafson, 1989 CanLII 36 (CSC), [1989] 2 R.C.S. 750, la Cour « n’est peut‑être pas l’organisme le mieux placé pour déterminer les lacunes du droit actuel et encore moins les problèmes que pourraient susciter les modifications qu’elle pourrait apporter » (p. 760). Il appartient au législateur, et non aux tribunaux, d’assumer la responsabilité principale pour la réforme du droit au sein de notre appareil gouvernemental (p. 760‑761). En l’espèce, ces facteurs militent contre l’apport d’une telle modification à la common law, et il convient ainsi que la Cour fasse montre de prudence et attende d’être saisie d’une affaire qui s’y prête mieux avant d’envisager un tel changement.
IV. Application
[75] Soit dit en tout respect, je ne suis pas du même avis que ma collègue quant à l’application du droit aux faits. Elle estime « que l’Association a, par sa conduite objective postérieure à sa constitution, manifesté son intention d’être liée par contrat à CSPC, après que cette dernière eut acheté le stationnement du promoteur » (par. 49). Je ne peux conclure en ce sens. Je renverrais plutôt au tribunal de première instance cette question de fait, avec les autres questions que la Cour d’appel a déjà renvoyées.
[76] La conclusion de fait que tire ma collègue diffère de celle que tire la juge de première instance. De plus, avec égards pour l’opinion contraire exprimée par ma collègue, je suis d’avis que la Cour d’appel n’a pas non plus tiré cette conclusion. Suivant l’arrêt Heinhuis c. Blacksheep Charters Ltd. (1987), 1987 CanLII 2491 (BC CA), 19 B.C.L.R. (2d) 239, la Cour d’appel a considéré le fait d’avoir bénéficié de la convention comme une manifestation en soi de l’intention de la partie d’être liée par les conditions telles qu’elles sont exprimées. Cependant, ma collègue paraît formuler les choses un peu différemment que la Cour d’appel dans l’arrêt Heinhuis, en ce qu’elle favorise une évaluation plus traditionnelle de l’offre et de l’acceptation (par. 36). Bien qu’elle semble être subtile, cette différence est à mon avis significative. En reformulant le test juridique, l’application du droit aux faits donne nécessairement lieu à une question mixte de fait et de droit qui est différente de celle qui a été tranchée par la Cour d’appel.
[77] Les cours d’appel peuvent tirer des conclusions de fait autres que celles tirées par les juridictions inférieures uniquement s’il est dans l’intérêt de la justice de le faire et si cela ne soulève pas d’obstacle en pratique (Hollis c. Dow Corning Corp., 1995 CanLII 55 (CSC), [1995] 4 R.C.S. 634, par. 33; Succession Madsen c. Saylor, 2007 CSC 18, [2007] 1 R.C.S. 838, par. 23‑24; Matchim c. Bgi Atlantic Inc., 2010 NLCA 9, 294 Nfld. & P.E.I.R. 46, par. 94‑99). Cela suppose de soupeser deux facteurs : d’une part, l’économie possible de coûts et de temps pour les parties lorsque la cour d’appel tranche de telles questions de fait; et, d’autre part, le préjudice qui pourrait découler du fait que la cour d’appel tire ces conclusions en l’absence de preuve adéquate (Masterpiece Inc. c. Alavida Lifestyles Inc., 2011 CSC 27, [2011] 2 R.C.S. 387, par. 103; Sharbern Holding Inc. c. Vancouver Airport Centre Ltd., 2011 CSC 23, [2011] 2 R.C.S. 175, par. 94, 172 et 174). En l’espèce, le fait que la Cour tire des conclusions de fait irait à l’encontre de ces deux facteurs, qui militent plutôt en faveur de retenue en appel.
[78] En premier lieu, je me questionne à savoir si le fait que la Cour tire des conclusions de fait comme celles que tirerait ma collègue pourrait entraîner un gain en efficacité pour ce qui est de l’utilisation des ressources judiciaires ou des procureurs. La Cour ne peut disposer de l’action de façon définitive, car même si elle rejette l’appel, l’affaire doit être renvoyée au tribunal de première instance pour qu’il tranche les questions de l’existence d’une erreur de fait commune, de la rectification, de l’iniquité ou de la frustration; et, si la demande n’est pas établie, qu’il examine la demande reconventionnelle et évalue les dommages‑intérêts. Qui plus est, lors de ce procès, il se pourrait bien que la juge doive examiner en détail les circonstances entourant la formation du contrat.
[79] En deuxième lieu, il est possible qu’un préjudice découle du fait que la Cour tire les conclusions de fait proposées. Contrairement aux différentes instances dans lesquelles la Cour a tiré ses propres conclusions de fait (p. ex., Masterpiece, par. 103‑112; Sharbern Holding, par. 175; Succession Madsen, par. 24‑31), le dossier soumis à la Cour en l’espèce est incomplet : en plus des conclusions de fait tirées par la juge de première instance et de celles de la Cour d’appel, la Cour n’a entre ses mains que les plaidoiries, la Convention RPA, le contrat de cession et le transfert du titre du promoteur à CSPC. Aucune transcription n’a été fournie en appel, malgré les nombreux témoignages de vive voix entendus par la juge de première instance (jugement de première instance, par. 18‑34). En l’espèce, des éléments de preuve auxquels la Cour n’a pas accès pourraient vraisemblablement mener la juge de première instance à une conclusion différente quant à la question de savoir si l’Association a manifesté objectivement l’intention d’être liée par la Convention et, dans l’affirmative, à quel moment elle l’aurait fait. De surcroît, comme la Cour l’a expliqué dans l’arrêt Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, le « juge de première instance jouit, par rapport aux juges d’appel, de nombreux avantages qui influent sur toutes les conclusions de fait » (par. 25 (souligné dans l’original)). La juge de première instance est en mesure d’évaluer la crédibilité des témoins, a une expertise relative en matière d’appréciation et d’évaluation de la preuve et possède une plus grande familiarité avec toute la trame factuelle de l’affaire (ibid.).
[80] Dans les sections suivantes, je vais d’abord réitérer le cadre juridique, pour ensuite présenter les autres inférences que pourrait tirer la juge de première instance si la Cour lui renvoyait ces questions de fait au lieu de les trancher.
A. Le cadre juridique
[81] Comme l’a expliqué ma collègue, il n’y a aucune raison logique de ne pas appliquer les principes généraux du droit des contrats aux contrats postérieurs à la constitution (par. 32). Une « manifestation extériorisée de l’assentiment de chaque partie qui fasse naître chez l’autre une attente raisonnable » est nécessaire (par. 33). Formulé en termes d’offre et d’acceptation, le test vise à savoir si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que le destinataire de l’offre interpréterait la conduite de l’autre partie comme une offre, et si une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l’offrant interpréterait la conduite de l’autre partie comme une acceptation. L’existence d’un contrat préconstitutif fait partie des circonstances dans lesquelles la conduite des parties est interprétée de façon objective (par. 33). Ma collègue a articulé l’état du droit à cet égard de façon juste.
[82] Une conduite conforme au contrat peut être une preuve convaincante qu’une offre a été acceptée. Une personne raisonnable se trouvant dans la même situation que l’offrant aurait tendance à comprendre que, par sa conduite, le destinataire de l’offre l’a acceptée.
[83] Une telle conduite ne constitue pas, toutefois, une preuve déterminante de l’acceptation de l’offre. Dans certaines circonstances, une autre inférence pourrait fournir une explication objectivement meilleure de la conduite que ne le ferait l’acceptation de l’offre. L’exemple suivant illustre parfaitement ce point : si l’offrant déclare que le silence constituera une acceptation, souvent, ce n’est pas l’acceptation qui explique le mieux le silence du destinataire de l’offre (voir J. Adamski et A. Swan, « Halsbury’s Laws of Canada — Contracts » (réédition 2017), HCO‑19 et HCO‑20; S. M. Waddams, The Law of Contracts (7e éd. 2017), § 93; G. H. L. Fridman, The Law of Contract in Canada (6e éd. 2011), p. 54‑55).
[84] Dans l’affaire qui nous occupe, il est plausible que le tribunal de première instance, en s’appuyant sur un dossier plus complet, ne serait pas d’avis que l’Association, par sa conduite, a manifesté objectivement son intention d’accepter le contrat. Selon moi, il y a trois inférences opposées que le tribunal de première instance pourrait préférer, comme je le décris ci‑après. Par conséquent, je renverrais ces questions de fait au tribunal de première instance.
B. Première inférence possible : l’Association exécutait une obligation préexistante
[85] La première inférence que le tribunal de première instance pourrait tirer est la suivante : en payant CSPC, l’Association exécutait une obligation préexistante plutôt qu’elle ne consentait à une nouvelle obligation. Il n’y a aucun élément de preuve sur ce point (motifs de la juge Côté, par. 48), ce qui ne constitue toutefois pas une preuve de l’absence d’un tel contrat préexistant. Cela m’amènerait plutôt à renvoyer la question au tribunal de première instance, qui serait peut‑être saisi d’éléments de preuve permettant de conclure que l’Association était liée par une obligation préexistante.
[86] Plus précisément, les éléments de preuve présentés en première instance pourraient démontrer que l’Association a payé les droits de stationnement au promoteur, concluant ainsi un contrat avec ce dernier. Comme le fait remarquer ma collègue, sur la foi du dossier dont nous sommes saisis, cela demeure possible (par. 48). La preuve dont le tribunal de première instance a été saisi pourrait aussi démontrer que l’intérêt du promoteur a été cédé à CSPC aux termes de ce contrat avec l’Association. Comme l’indique ma collègue, cela n’est pas clair non plus sur la foi du dossier dont nous sommes saisis (ibid.).
[87] Si l’Association a conclu un contrat avec le promoteur, le paiement versé par l’Association à CSPC pourrait donc s’expliquer entièrement par la cession de l’intérêt du promoteur. Dans de telles circonstances, il ne serait pas objectivement raisonnable de la part de CSPC d’estimer que la conduite de l’Association constitue une acceptation d’un nouveau contrat avec CSPC; il serait plutôt objectivement raisonnable d’inférer que l’Association, par sa conduite, exécutait une obligation contractuelle existante, dont le promoteur a cédé à CSPC le droit d’imposer l’exécution.
[88] En tout respect, il s’agit là à mon sens d’une incohérence dans les motifs de ma collègue. Après avoir indiqué (à bon droit) que la Cour ne peut pas trancher la question de savoir s’il y avait une obligation préexistante en raison du caractère ténu du dossier factuel, ma collègue a ensuite jugé qu’un contrat avait été conclu avec CSPC. En tirant cette conclusion, ma collègue exclut la possibilité de conclure que le contrat a été fait en premier avec le promoteur et qu’il a ensuite été cédé à CSPC.
[89] Il ne s’agit pas là d’une question purement théorique : le moment de la formation du contrat est important pour trancher les questions qui sont renvoyées au tribunal de première instance. En énonçant à quel moment l’Association a manifesté son intention d’être liée et à qui elle voulait l’être, ma collègue pourrait préjuger de certaines questions qu’elle devrait renvoyer au tribunal de première instance.
[90] Par exemple, comme l’a récemment affirmé la Cour dans l’arrêt Uber Technologies Inc. c. Heller, 2020 CSC 16, un des deux volets de l’analyse de l’iniquité est l’inégalité du pouvoir de négociation (par. 62). Ce volet est axé sur la question de savoir si une partie peut adéquatement protéger ses intérêts durant le processus de formation d’un contrat (par. 66). Il peut exister des différences entre les circonstances de la formation d’un contrat entre l’Association et le promoteur, et celles de la formation d’un contrat entre l’Association et CSPC, différences qui sont importantes dans le cadre de l’analyse de l’iniquité.
[91] De la même façon, l’analyse de la rectification dépend du moment où le contrat est conclu. L’Association a sollicité la rectification à titre de réparation subsidiaire à la déclaration que la Convention RPA lui était inopposable. En particulier, elle cherchait à rectifier une condition de la Convention RPA qui prévoyait la somme que le propriétaire de la PA 2 devait verser au propriétaire de la PA 5 (d.a., vol. II, p. 9 et 15). Comme l’a expliqué la Cour dans l’arrêt Canada (Procureur général) c. Hôtels Fairmont Inc., 2016 CSC 56, [2016] 2 R.C.S. 720, il est possible de recourir à la rectification lorsqu’un instrument « consigne incorrectement l’entente conclue par une partie au sujet de ce qui devait être fait » (par. 3). Si l’on présume que l’Association avait à l’origine conclu un contrat avec le promoteur, il s’ensuit que l’analyse de la rectification pourrait être différente si l’Association a adopté le contrat peu de temps après avoir été créée, lorsque le promoteur avait entièrement le contrôle de l’Association (voir Strata Property Act, S.B.C. 1998 c. 43, art. 2, 4, 5 et 7 à 11), et non pas après que le promoteur eût vendu l’Association à des détenteurs individuels d’unités condominiales. L’analyse de rectification serait axée sur la question de savoir si la Convention RPA reflétait fidèlement l’accord entre l’Association et le promoteur; c’est pourquoi il importe de savoir qui contrôlait l’Association au moment de la formation du contrat. En revanche, si l’Association a conclu le contrat directement avec CSPC, l’analyse de la rectification devrait être axée sur la question de savoir s’il est possible d’affirmer que les parties ont conclu quelque accord que ce soit distinct des conditions de la Convention RPA.
[92] Vu que l’équité et la rectification sont deux des questions qui sont renvoyées au tribunal de première instance, et que ces doctrines dépendent toutes deux des circonstances entourant le moment où le contrat a été formé, il ne convient pas d’éluder le moment où l’Association a conclu un contrat pour la première fois, et avec qui celui‑ci a été conclu.
C. Deuxième inférence possible : l’Association s’acquittait de ce qu’elle considérait être une obligation préexistante
[93] La deuxième inférence possible est que l’Association s’acquittait de ce qu’elle jugeait (erronément) être une obligation préexistante. Si la preuve révélait que CSPC avait des raisons de savoir que l’Association croyait qu’elle s’acquittait d’une obligation préexistante, on pourrait légitimement se demander s’il était déraisonnable que CSPC considère le paiement de l’Association comme une indication qu’elle acceptait une nouvelle obligation.
[94] La juge de première instance a conclu que l’Association croyait qu’elle était déjà liée par la Convention RPA à titre d’engagement de faire se rattachant au bien‑fonds (par. 76‑77). Même si elle est erronée en droit, cette méprise de la part de l’Association est compréhensible étant donné les conditions de la Convention RPA qui visent à lier les successeurs en titre.
[95] Comme l’a expliqué ma collègue, la juge de première instance a commis une erreur en tenant compte seulement de la compréhension subjective de l’Association, selon laquelle elle était déjà liée par la Convention. Bien qu’il soit intuitivement attrayant de penser qu’on ne peut amener quelqu’un à conclure un contrat par la ruse, il ne s’agit pas là du critère juridique. La juge de première instance aurait dû en outre se demander si la partie adverse avait des raisons de savoir que l’Association se méprenait. On ne peut amener une partie à conclure un contrat « par la ruse » ou en l’induisant en erreur si l’autre partie a des raisons de savoir qu’il s’agit d’une ruse ou d’un malentendu. Dans de telles circonstances, il ne serait pas objectivement raisonnable pour l’autre partie de considérer que la conduite correspondant à ce malentendu représente une acceptation.
[96] Appliquant ce principe en l’espèce, la question qui se pose est la suivante : CSPC avait‑elle des raisons de croire que la conduite de l’Association pouvait aussi s’expliquer par le fait qu’elle s’était méprise? Il n’y a aucun élément de preuve dans le dossier d’appel portant sur des communications qui auraient été échangées entre CSPC et l’Association après la signature du contrat de cession. Toutefois, CSPC était consciente des conditions de la Convention RPA, notamment des conditions qui visaient à faire en sorte que celle‑ci se rattache au bien‑fonds.
[97] Selon les circonstances entourant le moment de la formation du contrat et la teneur des communications entre les parties, le tribunal de première instance pourrait conclure que l’acceptation d’un nouveau contrat avec CSPC n’est pas l’explication la plus raisonnable justifiant le comportement observable et objectif de l’Association.
D. Troisième inférence possible : l’Association exerçait une option en fonction d’une servitude assortie de conditions
[98] Une troisième inférence que pourrait tirer le tribunal de première instance est que la Convention RPA créait une servitude assortie de conditions, et que le paiement effectué par l’Association représentait l’exercice d’une option en vertu de celle‑ci.
[99] Par « servitude assortie de conditions », je fais référence à une servitude dont le fonds dominant ne peut bénéficier que s’il exécute une action positive. La juge Charron a fait allusion à cette possibilité dans l’arrêt Amberwood Investments Limited c. Durham Condominium Corporation No. 123 (2002), 2002 CanLII 44913 (ON CA), 58 O.R. (3d) 481 (C.A.), lorsqu’elle a expliqué que [traduction] « si l’octroi d’un avantage ou d’une servitude est présenté comme étant conditionnel à l’exécution continue d’une obligation positive, cette dernière pourrait bien être exécutoire, non pas parce qu’elle se rattacherait au bien‑fonds, mais bien parce que la condition aurait pour effet de limiter la portée de l’octroi en soi » (par. 86). Si l’action positive n’est pas exécutée, le seul recours dont dispose le fonds servant est de refuser d’octroyer le bénéfice de la servitude (The Owners, Strata Plan BCS 4006 c. Jameson House Ventures Ltd., 2019 BCCA 144, 22 B.C.L.R. (6th) 35, par. 86, 87 et 95, citant B. Ziff, « Restrictive Covenants: The Basic Ingredients », dans The Law Society of Upper Canada, dir., Special Lectures 2002 Real Property Law: Conquering the Complexities (2003), p. 320‑323).
[100] Cela peut être mis en contraste avec la règle anglaise connue sous le nom d’[traduction] « exception relative à l’octroi assorti de conditions », que CSPC nous a exhortés à adopter (m.i., par. 82‑135). Selon cette règle, le fonds servant peut chercher à obtenir, à titre de réparation, l’exécution de l’action positive (ou des dommages‑intérêts en cas d’inexécution), plutôt que de simplement refuser d’octroyer le bénéfice de la servitude.
[101] Il ne conviendrait pas, à ce moment‑ci, de trancher la question de savoir si la Convention RPA peut être considérée comme créant une servitude assortie de conditions. La question n’a pas été soulevée devant nous, et l’interprétation d’une servitude est une question mixte de fait et de droit qui devrait être examinée à la lumière du fondement factuel dans son ensemble (Robb c. Walker, 2015 BCCA 117, 69 B.C.L.R. (5th) 249, par. 30‑31; Arbutus Bay Estates Ltd. c. Canada (Attorney General), 2017 BCCA 374, 3 B.C.L.R. (6th) 59, par. 27‑29; voir aussi Sattva Capital Corp. c. Creston Moly Corp., 2014 CSC 53, [2014] 2 R.C.S. 633, par. 50).
[102] Je ne veux pas écarter la possibilité que le tribunal de première instance conclue qu’il existe une servitude assortie de conditions, aux termes des al. 3al) et am) de la partie I de la Convention RPA (prévoyant le transfert d’une servitude du propriétaire de la PA 5 au propriétaire de la PA 2), et des al. 7.5a) et b) (prévoyant que cette servitude est limitée par des [traduction] « conditions et restrictions »), de l’al. 7.5f) (prévoyant la suspension de la servitude en cas de non‑paiement), de l’art. 7.8 (prévoyant à qui sont attribués les avantages et obligations qui découlent des servitudes) de la partie II de la Convention RPA. Si la juge concluait à l’existence d’une telle servitude assortie de conditions, il s’ensuivrait donc que l’Association serait libre de choisir soit de payer pour avoir le droit de stationner, soit de ne pas utiliser le stationnement.
[103] Si le tribunal de première instance acceptait cette interprétation, il pourrait alors conclure qu’il faut objectivement voir le versement des droits par l’Association à CSPC comme l’exercice par celle‑ci d’une option en vertu de la servitude assortie de conditions, plutôt que comme son acceptation d’un nouveau contrat avec CSPC.
[104] Une telle conclusion ne saurait bien sûr écarter la possibilité que l’Association ait également formé un engagement avec CSPC par une autre conduite. L’adoption, par l’Association, d’une conduite qui correspond à la formation d’un engagement avec CSPC et qui n’est pas compatible avec le fait que l’Association invoque un pouvoir au titre de la servitude assortie de conditions serait convaincante.
V. Conclusion
[105] Dans les circonstances, il serait mieux que la Cour s’abstienne de trancher la question de savoir si l’Association a manifesté objectivement son assentiment à CSPC. À mon sens, la meilleure façon de procéder consiste plutôt à simplement exposer les principes de droit que le tribunal de première instance appliquera aux faits. Aucune raison impérieuse ne justifie que la Cour tranche les questions de fait. Au contraire, la Cour a de bonnes raisons de faire preuve de retenue en renvoyant de telles questions au tribunal de première instance.
[106] Par conséquent, je dois, en toute déférence, exprimer ma dissidence partielle à l’égard de l’ordonnance accordée.
Pourvoi rejeté avec dépens devant toutes les cours, le juge Rowe est dissident en partie.
Procureurs de l’appelante : Hamilton & Co., New Westminster.
Procureurs de l’intimée : McEwan Cooper Dennis, Vancouver.
Procureurs de l’intervenante C.H.O.A. Condominium Home Owners’ Association of B.C. : Allen/McMillan Litigation Counsel, Vancouver.
Procureurs de l’intervenant Urban Development Institute – Pacific Region : Shields Harney, Vancouver.