COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé),
Date : 20120203
Dossier : 33290, 33320
Entre :
Merck Frosst Canada Ltée
Appelante
et
Ministre de la Santé
Intimé
- et -
BIOTECanada
Intervenante
Traduction française officielle
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell
Motifs de jugement :
(par. 1 à 242)
Motifs dissidents :
(par. 243 à 265)
Le juge Cromwell (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, LeBel, Fish et Charron)
La juge Deschamps (avec l’accord des juges Abella et Rothstein)
Note : Ce document fera l’objet de retouches de forme avant la parution de sa version définitive dans le Recueil des arrêts de la Cour suprême du Canada.
merck frosst canada ltée c. canada (santé)
Merck Frosst Canada Ltée Appelante
c.
Ministre de la Santé Intimé
et
BIOTECanada Intervenante
Répertorié : Merck Frosst Canada Ltée c. Canada (Santé)
Nos du greffe : 33290, 33320.
2010 : 12 novembre; 2012 : 3 février.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron, Rothstein et Cromwell.
en appel de la cour d’appel fédérale
POURVOIS contre les arrêts de la Cour d’appel fédérale (les juges Desjardins, Noël et Pelletier), 2009 CAF 166, 400 N.R. 1, [2009] A.C.F. no 627 (QL), 2009 CarswellNat 1532, qui ont infirmé les décisions du juge Beaudry, 2006 CF 1200, 301 F.T.R. 241, 59 C.P.R. (4th) 312, [2006] A.C.F. no 1504 (QL), 2006 CarswellNat 3191, et 2006 FC 1201, [2006] F.C.J. No. 1505 (QL), 2006 CarswellNat 3316. Pourvois rejetés, les juges Deschamps, Abella et Rothstein sont dissidents.
Catherine Beagan Flood et Patrick Kergin, pour l’appelante.
Bernard Letarte et René LeBlanc, pour l’intimé.
Anthony G. Creber et John Norman, pour l’intervenante.
Version française du jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Binnie, LeBel, Fish, Charron et Cromwell rendu par
Le juge Cromwell —
I. Aperçu
[1] Les droits généraux en matière d’accès aux documents de l’administration fédérale servent des fins importantes d’ordre public. Ils contribuent à assurer la reddition de comptes et en bout de ligne renforcent, souhaitons‑le, la démocratie. Comme l’a si bien dit Louis Brandeis, [traduction] « [o]n dit que la lumière du jour est le meilleur des désinfectants » (« What Publicity Can Do », Harper’s Weekly, 20 décembre 1913, p. 10).
[2] Par contre, l’accès aux documents de l’administration fédérale met aussi en jeu d’autres intérêts publics et privés. Par exemple, l’administration recueille auprès de tiers, à des fins réglementaires, des renseignements qui peuvent comprendre des secrets industriels et d’autres renseignements commerciaux de nature confidentielle. Pareils renseignements peuvent avoir une certaine valeur pour les concurrents du tiers qui les a fournis et leur divulgation risque parfois de causer un préjudice financier ou autre à ce dernier. Leur divulgation systématique pourrait même en venir à décourager la recherche et l’innovation. La volonté obstinée de communiquer de tels documents risque par conséquent de faire abstraction de ces intérêts et de causer indirectement bien des dommages. Il doit donc y avoir un équilibre entre l’accès à l’information et la protection de ces autres intérêts dans le cas de certains types de renseignements de tiers.
[3] Les présents pourvois, qui illustrent bien la nécessité d’atteindre cet équilibre, découlent de demandes visant à obtenir des renseignements qu’un fabricant avait fournis à l’administration fédérale dans le cadre du processus d’approbation des drogues nouvelles. Pour obtenir l’autorisation de mettre en marché des drogues nouvelles, les sociétés pharmaceutiques innovatrices, telle l’appelante, Merck Frosst Canada Ltée (« Merck »), doivent fournir une grande quantité de renseignements à l’autorité de réglementation du gouvernement, l’intimé, Santé Canada, y compris beaucoup de documents qu’elles ne souhaitent pas, avec raison, voir aboutir entre les mains de leurs concurrents. Or, les concurrents, comme toute autre personne au Canada, ont droit à la divulgation de renseignements de l’administration fédérale en vertu de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1 (la « Loi »).
[4] La Loi établit le juste équilibre entre des objectifs parfois contradictoires, à savoir encourager la communication de l’information tout en protégeant les intérêts des tiers. Bien que la Loi oblige les institutions fédérales à divulguer une grande partie de leurs renseignements, elle soustrait à la divulgation certains types de renseignements provenant de tiers, tels les secrets industriels et les renseignements dont la divulgation pourrait causer un préjudice économique à un tiers. Elle accorde aussi aux tiers des garanties procédurales. Les présents pourvois portent sur la façon dont l’équilibre établi par la législation entre la divulgation de renseignements et la protection des tiers doit se refléter dans l’interprétation et l’application de celle‑ci.
[5] Santé Canada a reçu des demandes d’accès à l’information concernant certaines présentations de drogue nouvelle faites par Merck. Une série de différends sont survenus par la suite entre Merck, un tiers en ce qui concerne les demandes, et le ministre de la Santé sur la question de savoir quels renseignements étaient assujettis à l’obligation de divulgation et quels renseignements y étaient soustraits. Il s’en est ensuivi une avalanche de paperasses et de procédures judiciaires. Pas moins de cinq procédures devant les cours fédérales, à l’origine d’un dossier de quelque 67 volumes de documents, ont amené les parties devant notre Cour. Le litige porte sur l’interprétation et l’application de plusieurs dispositions de la Loi qui régissent la divulgation ou la non‑divulgation, selon le cas, de renseignements commerciaux confidentiels de tiers.
[6] Merck soutient que l’équilibre atteint par la Loi favorise indûment la divulgation, et ce tant dans la façon dont Santé Canada a appliqué la Loi que dans l’interprétation que lui a donnée la Cour d’appel fédérale. Merck se plaint de trois choses. Premièrement, elle dit que Santé Canada ne lui a pas donné de préavis ni de possibilité de formuler des objections avant de divulguer une partie des renseignements de nature confidentielle qu’elle lui avait fournis. Cette plainte soulève des questions au sujet du seuil à atteindre pour que prenne naissance l’obligation légale du responsable de l’institution d’aviser les tiers avant de divulguer des renseignements fournis par ces derniers. Deuxièmement, selon Merck, Santé Canada n’a pas examiné convenablement les renseignements avant de prendre sa décision initiale qu’ils pouvaient être divulgués. Merck prétend qu’en procédant ainsi Santé Canada s’est trouvé à lui transférer ses obligations légales, ce qui l’a contrainte à consacrer énormément de ressources humaines et financières pour traiter les demandes d’accès à l’information. Bref, le processus lui‑même lui aurait causé un préjudice commercial indu. Cet argument appelle une analyse de la nature des obligations légales de l’institution fédérale et du rôle qui incombe au tiers qui soutient que les renseignements en cause sont visés par une exception. Troisièmement, Merck prétend que Santé Canada et la Cour d’appel fédérale l’ont obligée à s’acquitter d’un fardeau de preuve trop lourd à cet égard. Cette prétention appelle un examen du fardeau et de la norme de preuve qui incombent au tiers qui invoque des exceptions pour s’opposer à la divulgation de certains renseignements.
[7] Outre ces arguments principaux, Merck fait valoir que la Cour d’appel fédérale a appliqué la mauvaise norme de contrôle en appel et qu’elle s’est trompée en appliquant les dispositions en matière de divulgation des renseignements qui peuvent être prélevés, sans poser de problèmes sérieux, des documents soustraits à la communication.
[8] Bien que je sois d’avis de rejeter les pourvois de Merck, j’estime néanmoins que ses plaintes sont en partie fondées. Je profiterai de l’occasion que m’offre la présente affaire pour exposer mon avis sur les circonstances dans lesquelles il faut donner un préavis au tiers intéressé, sur le rôle qui incombe à l’institution fédérale dans l’application des exceptions relatives aux tiers ainsi que sur les normes et les fardeaux de preuve qui s’appliquent à ces exceptions. Je discuterai également de la norme de contrôle en appel et de la façon dont il convient d’appliquer les dispositions en matière de prélèvement de renseignements. Enfin, je traiterai des décisions qui ont été prises relativement aux nombreuses pages de renseignements toujours en litige. Le plus grand défi que posent les pourvois consiste à déterminer comment il faut interpréter et appliquer la Loi de manière à établir l’équilibre recherché par le législateur entre les droits généraux en matière d’accès à l’information et la protection des renseignements de tiers.
[9] Il faut bien connaître le contexte dans lequel s’inscrit la présente affaire pour comprendre les questions précises dont la Cour est saisie. C’est pourquoi je le décrirai en détail dans la prochaine partie.
II. Les faits, l’historique procédural et les questions en litige
[10] Le litige découle de deux demandes d’accès à l’information visant des renseignements que Merck a fournis à Santé Canada en vue d’obtenir l’autorisation de mettre en marché deux produits.
[11] Merck a sollicité l’autorisation de mettre en marché le Singulair®, un médicament contre l’asthme, en déposant une présentation de drogue nouvelle (« PDN ») au début de 1997. Pour obtenir l’approbation de Santé Canada, Merck devait divulguer tout ce qu’elle savait à propos de la drogue ainsi que tous les renseignements dont elle disposait au sujet de celle‑ci. Elle a obtenu cette approbation près d’un an et demi plus tard. La drogue a donc été mise en marché et vendue au Canada. En 1999, Merck a demandé l’approbation d’une dose de 4 mg de Singulair® qui permettrait d’en étendre la posologie autorisée aux patients âgés d’au moins deux ans, mais de pas plus de cinq ans. Pour ce faire, elle a dû déposer une présentation supplémentaire de drogue nouvelle (« PSDN »). On dépose une PSDN pour demander l’autorisation de mettre en marché une drogue déjà approuvée à l’égard de laquelle certaines modifications ont été apportées, par exemple pour proposer une nouvelle posologie, comme c’est le cas en l’espèce. Ce processus d’approbation obligeait Merck à fournir une grande quantité de renseignements, comme dans le cas d’une PDN. La nouvelle posologie a été approuvée, et la drogue mise en marché sous cette forme.
[12] Santé Canada a éventuellement reçu des demandes d’accès à l’information visant à la fois la PDN et la PSDN de Merck. Pour ce qui est de la PDN, le demandeur souhaitait obtenir l’avis de conformité, le sommaire général, les notes des examinateurs de Santé Canada et la correspondance entre Santé Canada et Merck. Pour ce qui est de la PSDN, le demandeur souhaitait obtenir tous les documents pouvant être communiqués.
[13] Comme nous le verrons plus loin, ces demandes d’accès à l’information ont mené à de longs échanges entre Merck et Santé Canada sur la façon dont Santé Canada traitait ces dernières et sur la question de savoir quels documents pouvaient être communiqués au demandeur et quels documents ne pouvaient pas l’être, ce qui a donné lieu en bout de ligne à de longues procédures judiciaires.
[14] Les présents pourvois portent sur deux régimes législatifs et réglementaires plutôt complexes : l’un d’eux vise l’approbation des drogues nouvelles et l’autre, l’accès à l’information. Je décrirai brièvement ces régimes, puis j’expliquerai de façon succincte comment Santé Canada a traité les demandes d’accès à l’information. Enfin, je ferai un court résumé des procédures devant les cours fédérales auxquelles ces demandes ont donné lieu et qui sont à l’origine des présents pourvois, avant d’énoncer les questions précises que notre Cour est appelée à trancher.
A. Le processus d’approbation des drogues nouvelles
[15] Pour demander l’autorisation de mettre en marché une drogue nouvelle au Canada, Merck devait déposer une PDN conformément à l’art. C.08.002 du Règlement sur les aliments et drogues, C.R.C., ch. 870. Cette présentation constituait une divulgation complète de tous les renseignements dont disposait Merck au sujet de la drogue. Merck devait notamment fournir une liste des ingrédients, les détails des procédés de fabrication, les détails des analyses à faire pour contrôler l’activité, la pureté, la stabilité et l’innocuité de la drogue, ainsi que des compte rendus détaillés des analyses qui avaient été faites pour établir l’innocuité de celle‑ci. Certains de ces renseignements sont rendus publics une fois la drogue approuvée. Merck devait aussi remettre une déclaration de toutes les recommandations qui devaient être faites dans la réclame pour la drogue nouvelle au sujet de la voie d’administration recommandée, de la posologie proposée, des propriétés attribuées à la drogue ainsi que des contre‑indications et des effets secondaires de celle‑ci.
[16] Selon les lignes directrices assez détaillées que Santé Canada a publiées au sujet de la préparation des présentations de drogue nouvelle, ces dernières doivent se composer de cinq parties principales :
Partie 1 — Volume principal;
Partie 2 — Chimie et fabrication, partie qui contient des renseignements détaillés sur la substance pharmaceutique;
Partie 3 — Sommaire général, partie qui décrit les travaux de recherche relatifs à la pharmacologie, la toxicologie et la microbiologie, les articles de recherche, publiés ou non, les études cliniques et la recherche qui a été faite relativement à la drogue ainsi que l’élaboration de celle‑ci. Le sommaire général est le cœur de la PDN et il contient de courtes descriptions factuelles de la méthodologie, des résultats, des conclusions et des évaluations des études cliniques pertinentes qui ont été faites auprès d’animaux et d’êtres humains;
Partie 4 — Rapports de section, partie qui expose en détail les études cliniques et les travaux de recherche qui ont été faits;
Partie 5 — Données brutes tirées des études cliniques et des travaux de recherche qui ont été faits.
(Directives du Programme des produits thérapeutiques — Préparation d’une présentation de drogue nouvelle à usage humain (1991))
[17] Ces renseignements doivent être communiqués à Santé Canada pour qu’il en fasse l’analyse et l’étude, d’où résulte ce qu’on appelle dans le dossier les « notes des examinateurs ». Il va de soi qu’au cours de l’analyse les examinateurs commentent les renseignements fournis, posent fréquemment des questions au fabricant et lui demandent des compléments d’information. Ces demandes, auxquelles s’ajoutent les autres communications entre Santé Canada et le fabricant, constituent ce qu’on appelle dans le dossier la correspondance. Le litige que doit trancher notre Cour porte sur l’information contenue dans trois types de documents : le sommaire général, les notes des examinateurs et la correspondance.
[18] Après avoir étudié tous ces renseignements, Santé Canada approuve une monographie de produit accessible au public. Il s’agit d’un document scientifique qui contient les renseignements permettant d’utiliser la drogue de manière sûre et efficace. La monographie de produit repose sur des données résumées dans le sommaire général et elle est rédigée et modifiée à mesure que Santé Canada et le fabricant discutent du produit et échangent des renseignements. Il se peut que la version définitive de la monographie de produit ne contienne pas tous les renseignements échangés entre les parties. Elle constitue plutôt le résultat des discussions qui ont eu lieu entre les parties et du compromis auquel elles sont parvenues. Elle fait partie de l’avis de conformité délivré par Santé Canada.
[19] La PSDN fait l’objet d’un processus similaire.
B. Législation et processus en matière d’accès à l’information
[20] Il est utile à ce stade‑ci d’examiner brièvement les dispositions législatives qui régissaient la réponse de Santé Canada aux demandes d’accès à l’information visant la PDN et la PSDN de Merck. Les dispositions de la Loi les plus pertinentes sont reproduites en annexe.
[21] La Loi a pour objet d’élargir l’accès aux documents de l’administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication. Elle repose sur trois principes directeurs : premièrement, le public a droit à la communication des documents de l’administration fédérale; deuxièmement, les exceptions indispensables à ce droit doivent être précises et limitées; troisièmement, les décisions quant à la communication sont susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif (par. 2(1)).
[22] Dans l’arrêt Dagg c. Canada (Ministre des Finances), [1997] 2 R.C.S. 403, au par. 61, le juge LaForest (dissident, mais non sur ce point) a souligné que la Loi a pour objet général de favoriser la démocratie et qu’elle réalise cet objet de deux façons : en aidant à garantir, d’une part, que les citoyens possèdent l’information nécessaire pour participer utilement au processus démocratique, et, d’autre part, que les politiciens et bureaucrates soient véritablement tenus de rendre des comptes à la population. La Cour a répété tout récemment cet objet dans Ontario (Sûreté et Sécurité publique) c. Criminal Lawyers’ Association, 2010 CSC 23, [2010] 1 R.C.S. 815, où il était question de la loi ontarienne en matière d’accès à l’information. La Cour a relevé au par. 1 que la législation sur l’accès à l’information « peut accroître la transparence du gouvernement, aider le public à se former une opinion éclairée et favoriser une société ouverte et démocratique ». Cette législation vise donc à appuyer l’un des fondements de notre société, à savoir la démocratie. Il faut donner à la législation une interprétation large et téléologique, et tenir dûment compte du par. 4(1), selon lequel on doit appliquer la Loi nonobstant toute autre loi fédérale : Société canadienne des postes c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1995] 2 C.F. 110, à la p. 128; Canada (Commissaire à la protection de la vie privée) c. Canada (Conseil des relations du travail), [1996] 3 C.F. 609, au par. 49, conf. par 2000 CanLII 15487.
[23] Néanmoins, dans les cas où les renseignements en cause sont ceux d’un tiers et constituent des renseignements commerciaux et connexes de nature confidentielle, il faut concilier, d’une part, l’objectif important de la divulgation large et, d’autre part, les intérêts privés légitimes des tiers ainsi que l’intérêt du public à la promotion de l’innovation et du développement. La Loi atteint cet équilibre entre les impératifs de la transparence et de la confidentialité en matière commerciale essentiellement de deux façons. Premièrement, elle assure la protection substantielle de l’information en précisant que certains types de renseignements de tiers sont soustraits à la divulgation. Deuxièmement, elle accorde une protection procédurale aux tiers. En effet, le tiers dont les renseignements font l’objet d’une demande peut, avant leur divulgation, tenter de convaincre l’institution que des exceptions s’appliquent dans son cas et solliciter le contrôle judiciaire de la décision de l’institution de divulguer les renseignements qui, selon lui, sont soustraits à la divulgation. Les présents pourvois soulèvent des questions importantes quant à l’interprétation des protections substantielles et la façon dont il convient d’appliquer les protections procédurales.
[24] Je donnerai maintenant un bref aperçu des dispositions de la Loi les plus directement pertinentes. L’article 4 (dont la portée a été étendue par le Décret d’extension no 1 (Loi sur l’accès à l’information), DORS/89‑207) prévoit que les personnes physiques et les personnes morales qui sont présentes au Canada ont droit, sur demande, « à l’accès aux documents [définis comme s’entendant d’éléments d’information, quel qu’en soit le support] relevant d’une institution fédérale » (par. 4(1)). Ce droit est accordé « [s]ous réserve des autres dispositions de la présente loi » et, dans le contexte qui nous occupe, la limite importante qui y est apportée se trouve à l’art. 20, qui prévoit les exceptions applicables aux renseignements de tiers. (Le « tiers » est défini comme une personne, un groupement ou une organisation autres que l’auteur de la demande ou qu’une institution fédérale (art. 3)). Selon le paragraphe 20(1), l’institution fédérale est tenue de refuser la divulgation de certains types de renseignements de tiers. Le passage de ce paragraphe qui intéresse les présents pourvois était ainsi rédigé à l’époque pertinente :
20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :
a) des secrets industriels de tiers;
b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;
c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité; . . .
[25] L’obligation de s’abstenir de divulguer ces types de renseignements de tiers doit être interprétée de pair avec l’art. 25 de la Loi, que l’on pourrait appeler la disposition en matière de prélèvement de renseignements. Cet article oblige l’institution à communiquer les parties d’un document dépourvues des renseignements dont elle peut refuser la divulgation, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux. En voici le libellé :
25. Le responsable d’une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements dans le document demandé, s’autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d’en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.
[26] Ainsi, nous constatons que le droit général en matière d’accès à l’information est assujetti à l’obligation des institutions fédérales de s’abstenir de divulguer ces types de renseignements de tiers, y compris les renseignements qui seraient normalement divulgués mais qui ne peuvent être dissociés des renseignements soustraits à la divulgation sans que cela ne pose de problèmes sérieux. Il s’agit là de ce que j’ai appelé les protections substantielles.
[27] Je passe maintenant à l’examen des protections procédurales dont bénéficient les tiers. Rappelons que la Loi établit un processus d’avis et de contrôle judiciaire. Ce processus permet au tiers de formuler des objections qui devront être examinées avant que les renseignements en cause ne soient divulgués. Le paragraphe 27(1) de la Loi énumère les circonstances dans lesquelles l’institution fédérale doit faire des efforts raisonnables pour donner au tiers un avis de son intention de divulguer ses renseignements. Ce paragraphe était ainsi libellé à l’époque où les demandes ont été faites :
27. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale qui a l’intention de donner communication totale ou partielle d’un document est tenu de donner au tiers intéressé, dans les trente jours suivant la réception de la demande, avis écrit de celle‑ci ainsi que de son intention, si le document contient ou s’il est, selon lui, susceptible de contenir :
a) soit des secrets industriels d’un tiers,
b) soit des renseignements visés à l’alinéa 20(1)b) qui ont été fournis par le tiers;
c) soit des renseignements dont la communication risquerait, selon lui, d’entraîner pour le tiers les conséquences visées aux alinéas 20(1)c) ou d).
La présente disposition ne vaut que s’il est possible de rejoindre le tiers sans problèmes sérieux.
[28] Après avoir donné un tel avis au tiers, le responsable de l’institution est tenu, selon l’art. 28 de la Loi, de lui donner la possibilité de présenter des observations, et de décider par la suite s’il communiquera le document, et, dans l’affirmative, si la communication sera totale ou partielle. Encore une fois, le tiers est avisé par écrit de la décision; il dispose alors d’un délai de 20 jours pour en solliciter le contrôle à la Cour fédérale, comme le prévoit l’art. 44. Voici le libellé de l’art. 28 et du par. 44(1) :
28. (1) Dans les cas où il a donné avis au tiers conformément au paragraphe 27(1), le responsable d’une institution fédérale est tenu :
a) de donner au tiers la possibilité de lui présenter, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis, des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document;
b) de prendre dans les trente jours suivant la transmission de l’avis, pourvu qu’il ait donné au tiers la possibilité de présenter des observations conformément à l’alinéa a), une décision quant à la communication totale ou partielle du document et de donner avis de sa décision au tiers.
(2) Les observations prévues à l’alinéa (1)a) se font par écrit, sauf autorisation du responsable de l’institution fédérale quant à une présentation orale.
(3) L’avis d’une décision de donner communication totale ou partielle d’un document conformément à l’alinéa (1)b) doit contenir les éléments suivants :
a) la mention du droit du tiers d’exercer un recours en révision en vertu de l’article 44, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis;
b) la mention qu’à défaut de l’exercice du recours en révision dans ce délai, la personne qui a fait la demande recevra communication totale ou partielle du document.
(4) Dans les cas où il décide, en vertu de l’alinéa (1)b), de donner communication totale ou partielle du document à la personne qui en a fait la demande, le responsable de l’institution fédérale donne suite à sa décision dès l’expiration des vingt jours suivant la transmission de l’avis prévu à cet alinéa, sauf si un recours en révision a été exercé en vertu de l’article 44.
44. (1) Le tiers que le responsable d’une institution fédérale est tenu, en vertu de l’alinéa 28(1)b) ou du paragraphe 29(1), d’aviser de la communication totale ou partielle d’un document peut, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis, exercer un recours en révision devant la Cour.
C. Les procédures
1) La réponse de Santé Canada aux demandes d’accès à l’information
[29] Santé Canada a identifié quelques 550 pages répondant à la demande d’accès à l’information relative à la PDN. Après avoir examiné les pages en question, Santé Canada a conclu qu’environ 30 d’entre elles contenaient des renseignements de nature confidentielle qui ne pouvaient être divulgués, en application du par. 20(1) de la Loi, et a donc expurgé ces pages en partie. Santé Canada a aussi conclu que 15 pages ne contenaient aucun renseignement confidentiel, sauf quelques renseignements figurant dans une page qui avait été expurgée, et a communiqué celles‑ci au demandeur sans donner de préavis à Merck et sans la consulter au préalable.
[30] Santé Canada a ensuite avisé Merck de la demande d’accès à l’information et de son intention de communiquer au demandeur une partie du dossier de la PDN. Santé Canada a remis à Merck une copie des quelques 500 pages qui, selon lui, devaient être communiquées au demandeur mais qui ne l’avaient pas encore été, dont certaines étaient expurgées en partie. Dans une lettre datée du 16 août 2000, Santé Canada a précisé que certaines de ces pages avaient déjà été expurgées conformément au par. 20(1) de la Loi et que d’autres parties pourraient également être visées par le par. 20(1), mais qu’il n’était pas en mesure de l’établir pour l’instant. Santé Canada a invité Merck, en application de l’art. 27 de la Loi, à lui présenter des observations sur les renseignements qu’il entendait divulguer. Plus particulièrement, Santé Canada a demandé à Merck de lui indiquer les parties du reste du dossier qu’elle considérait comme confidentielles, le cas échéant, et donc visées par le par. 20(1), et de lui expliquer pourquoi il en était ainsi selon elle. Merck a donné sa réponse le 25 septembre 2000. Selon elle, exception faite de la monographie de produit et de certaines études qui avaient été publiées, tous les renseignements visés par la demande d’accès à l’information, y compris les pages déjà communiquées au demandeur, étaient soustraits à la divulgation en application du par. 20(1) de la Loi.
[31] Santé Canada a examiné la réponse de Merck et retranché des renseignements additionnels d’environ 300 pages. La plupart de ces pages ont été expurgées en partie, alors que d’autres ont été entièrement exclues. À la suite de ces expurgations supplémentaires, il restait environ 490 pages en litige. Le 2 janvier 2001, Santé Canada a envoyé à Merck un second avis l’informant des expurgations supplémentaires, auquel il a joint les 490 pages restantes afin que Merck puisse les examiner. Santé Canada a avisé Merck que si elle n’était toujours pas satisfaite des expurgations elle pouvait présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale en vertu de l’art. 44 de la Loi, ce qu’elle a fait le 19 janvier 2001.
[32] Santé Canada a identifié plus de 300 pages de renseignements répondant à la demande d’accès à l’information relative à la PSDN, concluant qu’environ 60 de ces pages contenaient des renseignements de nature confidentielle qui ne pouvaient être divulgués en application du par. 20(1) de la Loi. Ces pages ont été expurgées en partie; quelques‑unes ont même été retirées. De plus, Santé Canada a conclu que huit pages ne contenaient aucun renseignement confidentiel et pouvaient donc être communiquées directement au demandeur. Santé Canada a communiqué ces pages au demandeur sans donner de préavis à Merck.
[33] Santé Canada a avisé Merck de la demande d’accès à l’information, lui a remis une copie d’environ 300 pages et l’a invitée à lui présenter des observations sur leur communication. Comme elle l’avait fait à l’égard de la PDN, Merck a affirmé qu’aucune des pages ne pouvait être communiquée, sauf dans le cas de la monographie de produit et des études publiées. Santé Canada lui a répondu qu’elle acceptait d’expurger davantage, du moins en partie, environ 45 pages, mais qu’elle rejetait ses autres objections. En réponse, Merck a fourni une analyse fondée sur une étude réalisée par des experts‑conseils indépendants, selon laquelle tous les renseignements qui n’avaient pas encore été rendus publics et que Santé Canada n’avaient pas retranchés étaient soustraits à la divulgation. Plus précisément, les experts‑conseils ont identifié les renseignements que Merck avait demandé à Santé Canada de retrancher des pages en question (c.‑à‑d. tout sauf la monographie de produit ainsi qu’une étude publiée — qui, de toute façon, étaient déjà accessibles au public) et que la Food and Drug Administration des États‑Unis (la « F.D.A. ») n’avait pas encore rendus publics par le biais de son site Web. Merck maintenait qu’aucun de ces renseignements non publiés ne pouvait être divulgué. Elle a toutefois consenti à la communication partielle d’un certain nombre de pages.
[34] Dans son deuxième et dernier avis à Merck, Santé Canada a accepté de retrancher des détails supplémentaires d’environ dix autres pages, mais a rejeté ses autres objections. Santé Canada a informé Merck de son droit de présenter une demande de contrôle judiciaire à la Cour fédérale en vertu de l’art. 44 de la Loi, ce qu’elle a fait dans le dossier de la PSDN le 8 janvier 2002.
[35] Merck a toujours maintenu que Santé Canada n’a pas examiné les documents de façon assez approfondie avant de lui donner les préavis, tandis que Santé Canada fait valoir que les observations de Merck ne traitaient pas de façon suffisamment précise des exceptions qu’elle invoquait.
(2) Procédures devant les cours fédérales
[36] Le juge Harrington de la Cour fédérale a procédé au premier contrôle judiciaire concernant la PDN, mais la Cour d’appel fédérale a annulé sa décision et ordonné une nouvelle audition. La Cour fédérale a procédé en même temps à la nouvelle audition de ce contrôle judiciaire et à l’audition du contrôle judiciaire concernant la PSDN. Les deux décisions qu’elle a rendues à ces égards ont été portées en appel devant la Cour d’appel fédérale. Ainsi, cinq décisions sont à l’origine des pourvois dont la Cour est saisie, et je vais les résumer brièvement.
a) Première décision de la Cour fédérale, 2004 CF 959, [2005] 1 R.C.F. 587
[37] La première décision ne porte que sur la demande de contrôle judiciaire présentée par Merck relativement à la divulgation de renseignements contenus dans la PDN. Le juge Harrington a accueilli la demande en partie. Selon lui, Santé Canada ne pouvait communiquer aucune partie du dossier de la PDN sans donner de préavis à Merck. De plus, il a estimé que, mis à part le document appelé l’avis de conformité, qui est rendu public une fois la drogue approuvée, même si certains des renseignements contenus dans le dossier étaient accessibles au public, ils ne l’étaient pas « comme tel[s] » et, par conséquent, ils demeuraient confidentiels et devaient être soustraits à la divulgation (par. 53 et 58). En outre, il a jugé que l’affaire n’en était pas une où le prélèvement des renseignements confidentiels ne posait pas de problèmes sérieux. Il a donc ordonné qu’aucune partie du dossier, outre l’avis de conformité, ne pouvait être communiquée, car, selon lui, le dossier était visé par l’exception prévue à l’al. 20(1)b) de la Loi. Les motifs qu’il a exposés ne comprenaient aucune analyse des al. 20(1)a) et c) de la Loi.
b) Premier appel : 2005 CAF 215, [2006] 1 R.C.F. 379
[38] Le ministre de la Santé s’est pourvu en appel contre la décision du juge Harrington, que la Cour d’appel fédérale a infirmée dans un jugement unanime. Selon la juge Desjardins, le juge Harrington a commis une erreur de droit en interprétant l’al. 20(1)b). La Cour d’appel fédérale a décidé que les intérêts de la justice seraient mieux servis si elle renvoyait l’affaire à la Cour fédérale, au lieu de faire sa propre analyse des documents visés.
c) Nouvelle audition du contrôle judiciaire concernant la PDN et audition du contrôle judiciaire concernant la PSDN, 2006 CF 1201 (CanLII) et 2006 CF 1200 (CanLII)
[39] Le juge siégeant en révision, le juge Beaudry, a procédé à la fois à la nouvelle audition relative à la PDN et à l’audition de la demande concernant la PSDN. Merck sollicitait deux redressements, à savoir une ordonnance déclaratoire sur la légalité de la procédure suivie par Santé Canada pour traiter la demande d’accès à l’information et une ordonnance interdisant la communication des documents relatifs à la PDN et à la PSDN.
[40] En ce qui concerne tout d’abord la légalité du processus, Merck a réprouvé le fait que le dossier ait été partiellement communiqué sans qu’elle n’ait reçu de préavis, et elle a reproché à Santé Canada de lui avoir imposé le fardeau de démontrer pourquoi la communication devait être refusée sans même que Santé Canada n’ait effectué lui‑même un véritable examen approfondi. Santé Canada a soutenu que Merck ne pouvait solliciter d’ordonnance déclaratoire concernant sa décision de divulguer des renseignements sans lui donner de préavis parce que la cour n’avait pas été dûment saisie de cette décision. Ne partageant pas cet avis, le juge siégeant en révision a conclu que la cour devait se pencher sur l’affaire non seulement parce que les questions en cause étaient graves, mais aussi parce que cela permettrait d’éviter la multiplication des décisions relatives à la même demande d’accès à l’information. Il a également dit qu’il n’était pas réaliste de dissocier le processus suivi par Santé Canada du fond de la décision définitive. Selon lui, la communication partielle du dossier sans préavis au tiers était contraire à l’esprit et à l’économie du par. 20(1) de la Loi. Étant donné le préjudice irréparable que le processus pouvait causer à des tiers, la communication sans préavis n’aurait pas dû avoir lieu. Le juge est parvenu à cette conclusion et a déclaré que Merck avait droit aux ordonnances déclaratoires dans les deux cas.
[41] Le juge siégeant en révision s’est ensuite penché sur la communication des documents. À l’époque où il a instruit les affaires mettant en cause la PDN et la PSDN, Santé Canada avait déjà consenti à faire d’autres expurgations par le biais d’affidavits, réduisant ainsi le nombre de pages en litige à environ 235 dans le cas de la demande relative à la PDN et à 135 en ce qui concerne la demande visant la PSDN. Pour ce qui est de la PDN, le juge a conclu que plus de 170 pages étaient soustraites à la communication selon le par. 20(1) tandis qu’environ 65 pages pouvaient être communiquées au demandeur. Pour ce qui est de la PSDN, il a conclu que presque 60 pages étaient soustraites à la communication selon le par. 20(1) et que les autres pages pouvaient être communiquées au demandeur.
[42] En ce qui concerne les documents afférents à la PDN, le juge siégeant en révision a conclu que les trois alinéas du par. 20(1) étaient en jeu. Selon lui, certains des documents étaient soustraits à la communication parce qu’ils contenaient des secrets industriels (al. 20(1)a)), des renseignements de nature confidentielle (al. 20(1)b)) ou des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers à Merck ou de nuire à sa compétitivité (al. 20(1)c)). Le juge était d’avis que, dans les cas où les renseignements contenus dans le document étaient plus détaillés que ceux qui faisaient partie du domaine public, il était possible de s’opposer à leur divulgation sur le fondement de l’al. 20(1)c). Il a conclu que, dans plusieurs cas, Santé Canada avait mal appliqué la disposition en matière de prélèvement de renseignements qui figure à l’art. 25. À son avis, les renseignements qui n’étaient pas soustraits à la divulgation ne pouvaient être dissociés de ceux qui l’étaient sans que cela ne pose de problèmes sérieux.
[43] Enfin, dans le dossier de la PSDN, le juge siégeant en révision a conclu que certains renseignements devaient être soustraits à la divulgation en application des al. 20(1)b) et c), mais il n’a pas relevé de secrets industriels dans les documents en question.
d) Deuxième et troisième appels et appels incidents, 2009 CAF 166, 400 N.R. 1
[44] Santé Canada a porté en appel le jugement sur la demande relative à la PDN et celui sur la PSDN, et Merck a formé un appel incident dans l’un et l’autre cas. La Cour d’appel fédérale a entendu en même temps les deux appels ainsi que les deux appels incidents, qu’elle a tous tranchés dans un seul jugement. S’exprimant au nom de la cour à l’unanimité, la juge Desjardins a conclu que le juge siégeant en révision avait commis plusieurs erreurs de droit. La Cour d’appel fédérale a accueilli les appels et rejeté les appels incidents, jugeant que les pages toujours en litige tant dans le cas de la PDN que dans celui de la PSDN devaient toutes être communiquées.
[45] Pour ce qui est de l’obligation de donner un préavis, la Cour d’appel fédérale a conclu qu’elle ne prenait naissance que si le document en cause contenait des renseignements visés au par. 20(1) de la Loi ou le responsable de l’institution avait des raisons de croire qu’il était susceptible d’en contenir. Contrairement au juge siégeant en révision, la Cour d’appel fédérale a conclu que la communication de documents sans préavis au tiers ne contrevenait ni au texte, ni à l’esprit de la Loi.
[46] Quant à l’exception prévue à l’al. 20(1)a) pour les secrets industriels, la Cour d’appel fédérale a estimé que le terme « secrets industriels » devait recevoir une interprétation restrictive et qu’il convenait d’appliquer un critère exigeant pour trancher la question de savoir si les renseignements constituaient pareils secrets. Selon la Cour d’appel fédérale, le juge siégeant en révision n’a présenté aucune analyse pour étayer sa décision d’exclure certaines pages sur le fondement de cette exception.
[47] En ce qui concerne les exceptions prévues aux alinéas 20(1)b) et c) pour les renseignements de nature confidentielle, la Cour d’appel fédérale a conclu que leur application dépendait de l’existence d’une preuve directe et objective de la nature confidentielle des renseignements. Selon la Cour d’appel fédérale, Merck n’avait pas produit une preuve suffisante pour s’acquitter du « lourd » fardeau qui lui incombait à cet égard (par. 62). C’est donc à tort que le juge siégeant en révision a refusé d’ordonner la divulgation des renseignements visés, en application de l’al. 20(1)b). La Cour d’appel fédérale a également conclu que les éléments de preuve présentés par Merck à l’égard de l’al. 20(1)c) « demeur[aient] vagues, spéculatifs et silencieux sur précisément comment et pourquoi la divulgation des renseignements demandés entraînerait de façon probable le préjudice allégué par Merck Frosst » (par. 93; voir aussi par. 99). La Cour d’appel fédérale a donc conclu que le juge s’était trompé tant sur les faits que sur le droit en refusant d’ordonner la divulgation des renseignements au titre de l’exception prévue à l’al. 20(1)c).
[48] Enfin, la Cour d’appel fédérale a conclu que le juge siégeant en révision avait manqué à son obligation de veiller à ce que l’art. 25 de la Loi soit respecté et d’expliquer pourquoi il n’était pas raisonnable de penser que certains renseignements pouvaient être prélevés des documents en cause. La cour a également conclu que le juge siégeant en révision avait commis une erreur de droit en substituant son propre pouvoir discrétionnaire à celui exercé par le responsable de l’institution en l’espèce alors que rien ne prouvait que ce dernier avait fait une mauvaise appréciation du dossier.
D. Questions en litige
[49] J’examinerai d’abord les questions de principe générales avant de passer aux questions se rapportant aux exceptions invoquées en l’espèce.
[50] Voici les questions générales :
(i) Quelle norme de contrôle faut‑il appliquer en appel, et la Cour d’appel fédérale s’est‑elle trompée à cet égard?
(ii) Quel est le seuil à atteindre pour que prenne naissance l’obligation du responsable de l’institution d’aviser un tiers de la demande d’accès à l’information et quel examen du dossier doit‑il faire pour décider s’il doit ou non donner cet avis?
(iii) Quels sont le fardeau et la norme de preuve applicables dans le cas d’un tiers qui invoque une exception prévue au par. 20(1)?
[51] Après avoir examiné ces questions, je me pencherai sur les principes propres aux exceptions prévues aux al. 20(1)a), b) et c) et à la disposition en matière de prélèvement de renseignements qui figure à l’art. 25.
III. Analyse
A. Questions en litige générales
(1) Quelle norme de contrôle faut‑il appliquer en appel, et la Cour d’appel fédérale s’est‑elle trompée à cet égard?
[52] Merck soutient que la Cour d’appel fédérale a appliqué la mauvaise norme de contrôle dans ces affaires. Selon elle, la Cour d’appel fédérale a fondé son intervention sur sa propre appréciation de la preuve et en l’absence d’une quelconque erreur du juge siégeant en révision susceptible d’entraîner l’annulation de sa décision. L’intimé, Santé Canada, reconnaît que la Cour d’appel fédérale devait appliquer les normes ordinaires de révision en appel, mais il conteste la position de Merck qu’elle ne l’a pas fait.
[53] Aucune décision discrétionnaire du responsable de l’institution n’est en cause dans la présente affaire. Selon l’art. 51 de la Loi, le juge siégeant en révision doit décider si « le responsable [de l’]institution fédérale est tenu de refuser la communication [. . .] d’un document » et, dans l’affirmative, il doit ordonner à ce dernier de ne pas le communiquer. Il s’ensuit que dans les cas où un tiers, tel Merck en l’espèce, demande à la Cour fédérale, en vertu de l’art. 44 de la Loi, de « contrôler » la décision du responsable de l’institution de communiquer tout ou partie d’un document, le juge de la Cour fédérale doit déterminer si ce dernier a correctement appliqué les exceptions aux documents visés : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commissaire de la Gendarmerie royale du Canada), 2003 CSC 8, [2003] 1 R.C.S. 66, au par. 19; Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défence nationale), 2011 CSC 25, [2011] 2 R.C.S. 306, au par. 22. Ce processus a parfois été qualifié d’examen de novo de la question de savoir si le document en cause est soustrait à la communication : voir, p.ex., Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453 (QL), par. 29-30; Merck Frosst Canada & Co. c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CF 1422 (CanLII), au par. 3; Dagg, au par. 107. Le terme « de novo » n’est peut‑être pas, à proprement parler, celui qu’il convient d’utiliser; toutefois, il n’y a aucun désaccord dans ces affaires quant au rôle du juge siégeant en révision dans un tel contexte : il doit décider si les exceptions ont été correctement appliquées relativement aux documents en cause. Les articles 44, 46 et 51 sont les dispositions législatives les plus pertinentes qui s’appliquent au présent contrôle.
[54] La décision du juge qui, en application de la Loi, procède à un examen, qui aura souvent un volet factuel important, peut faire l’objet d’une révision en appel conformément aux principes exposés dans Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, et Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Ministre de la Défence nationale), au par. 23.
[55] La Cour d’appel fédérale a expliqué correctement la norme de contrôle (par. 25). A‑t‑elle fait erreur en appliquant cette norme? Je ne le pense pas. Comme je l’expliquerai plus en détail dans mon analyse de chaque disposition prévoyant une exception, le juge siégeant en révision n’a pas tiré de conclusions de fait, et il a omis soit d’énoncer les principes juridiques applicables, soit d’expliquer comment les principes juridiques s’appliquaient aux faits de l’espèce; dans certains cas, il n’a fait ni l’un ni l’autre. En gros, il a omis d’exposer les conclusions juridiques et factuelles qui l’ont amené à ses conclusions. Ses conclusions ne résistent pas à un examen des documents et de la preuve. La Cour d’appel fédérale pouvait donc intervenir et faire sa propre appréciation de la question de savoir si le juge siégeant en révision avait correctement appliqué les exceptions aux documents en cause. Elle aurait pu renvoyer l’affaire à la Cour fédérale pour qu’un autre juge de première instance l’examine à son tour. Cependant, compte tenu du fait que cela avait déjà été fait une fois dans le dossier se rapportant à la PDN, j’estime que la Cour d’appel fédérale a eu raison de faire sa propre appréciation du dossier.
[56] La Cour d’appel fédérale n’a pas simplement conclu que le juge siégeant en révision avait commis une erreur en omettant d’expliquer en détail chacune de ses conclusions ou d’exposer son raisonnement de manière plus explicite. Elle est intervenue parce que le juge siégeant en révision, devant des preuves contradictoires, n’a pas tiré de conclusions de fait, et, de façon générale, n’a fourni aucune explication sur les principes juridiques applicables ou sur la question de savoir comment ou pourquoi ces derniers s’appliquaient aux documents en cause. La Cour d’appel fédérale n’a pas commis d’erreur en agissant ainsi.
(2) Quel est le seuil à atteindre pour que prenne naissance l’obligation du responsable de l’institution d’aviser un tiers de la demande d’accès et quel examen du dossier doit‑il faire pour décider s’il doit donner cet avis?
[57] J’ai déjà analysé brièvement les dispositions en matière de préavis. Avant de divulguer certains types de renseignements d’un tiers, le responsable de l’institution doit faire tous les efforts raisonnables pour aviser par écrit le tiers de la demande qui lui a été présentée, sauf si ce dernier a renoncé à l’avis. À moins que le tiers ne consente à la divulgation, le responsable doit également lui donner la possibilité de présenter des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document : par. 27(1) et (2) et art. 28.
[58] Les présents pourvois se rapportent, à proprement parler, aux demandes de contrôle judiciaire visant les décisions du responsable de l’institution en l’espèce de divulguer des renseignements en réponse à deux demandes d’accès à l’information. L’accent est donc mis sur les décisions de divulguer des renseignements. Les parties ont cependant argumenté abondamment sur la façon dont il convient d’appliquer les dispositions en matière de préavis qui figurent aux art. 27 et 28 de la Loi. Étant donné l’importance de ces questions et le fait que les deux parties ont argumenté abondamment sur ces dispositions, je les examinerai.
[59] Ce régime de notification soulève deux questions principales. La première est de savoir quel est le seuil à atteindre pour que prenne naissance l’obligation du responsable de l’institution de donner un préavis au tiers, et la deuxième porte sur la nature de l’obligation du responsable d’examiner le document avant de décider s’il doit ou non donner ce préavis.
a) Le seuil à atteindre pour que prenne naissance l’obligation de donner l’avis prévu au paragraphe 27(1)
[60] Comme je l’ai déjà souligné, le par. 27(1) de la Loi précise dans quelles circonstances le responsable de l’institution doit faire des efforts raisonnables pour donner l’avis au tiers. (Je me contenterai de faire référence à l’obligation de donner l’avis.) Par souci de commodité, j’ai reproduit ci‑après la disposition telle qu’elle était libellée à l’époque des demandes :
27. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale qui a l’intention de donner communication totale ou partielle d’un document est tenu de donner au tiers intéressé, dans les trente jours suivant la réception de la demande, avis écrit de celle‑ci ainsi que de son intention, si le document contient ou s’il est, selon lui, susceptible de contenir :
a) soit des secrets industriels d’un tiers;
b) soit des renseignements visés à l’alinéa 20(1)b) qui ont été fournis par le tiers;
c) soit des renseignements dont la communication risquerait, selon lui, d’entraîner pour le tiers les conséquences visées aux alinéas 20(1)c) ou d).
La présente disposition ne vaut que s’il est possible de rejoindre le tiers sans problèmes sérieux.
[61] En l’espèce, le responsable de Santé Canada a communiqué certains documents sans donner de préavis à Merck. Or, Merck soutient qu’elle aurait dû recevoir un tel préavis avant la communication de quelque document que ce soit. En Cour fédérale, le juge siégeant en révision (après avoir tranché un certain nombre d’arguments procéduraux dont nous ne sommes pas saisis) a conclu que cette communication sans préavis contrevenait à l’esprit de la Loi. Selon lui, la communication des documents sans préavis n’aurait pas dû avoir lieu, car une telle façon de faire pouvait causer un préjudice irréparable au tiers (2006 CF 1201), au par. 64). La Cour d’appel fédérale n’était pas de cet avis, estimant que le par. 27(1) n’oblige le responsable à donner l’avis que si le document visé contient ou est susceptible de contenir des renseignements dont la divulgation est interdite par le par. 20(1). Toujours selon la Cour d’appel fédérale, tant l’objet de la Loi énoncé à l’art. 2 que l’analyse contextuelle et grammaticale des termes utilisés au par. 27(1) appuient cette conclusion.
[62] Merck soutient devant notre Cour que la décision de la Cour d’appel fédérale a eu pour effet de limiter indûment la portée des exceptions prévues au par. 20(1) en restreignant le droit procédural que l’art. 27 accorde aux tiers. Selon elle, le critère en matière de préavis et celui régissant l’application de l’exception doivent différer. L’équité procédurale au sein de ce régime législatif n’est possible que si le par. 27(1) établit un seuil peu élevé en ce qui concerne le préavis aux parties intéressées. Merck maintient donc que certains types de documents, de par leur nature, donnent automatiquement droit au préavis. À son avis, compte tenu de la nature confidentielle et de la valeur concurrentielle des renseignements qu’ils contiennent, les documents afférents à la PDN et à la PSDN relèvent d’une catégorie de documents donnant droit au préavis.
[63] À mon avis, il ressort du texte de la Loi et des considérations décrites par le juge siégeant en révision et par Merck dans ses observations que le seuil à atteindre pour que prenne naissance l’obligation de donner l’avis est assez peu élevé. Je ne retiens cependant pas l’argument de Merck qu’il existe un quelconque droit « automatique » au préavis dans le cas de certains types de documents. Ni le libellé des dispositions en cause ni leur objet, pas plus que les décisions des tribunaux qui les ont interprétées, ne donnent à penser qu’un tel droit existe.
[64] Selon la méthode moderne d’interprétation des lois, il faut lire les termes d’une disposition dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec le régime prévu par la loi, l’objet de la loi et l’intention du législateur : Rizzo & Rizzo Shoes Ltd. (Re), [1998] 1 R.C.S. 27, au par. 21. Or, il ressort clairement du sens ordinaire et grammatical des termes utilisés au par. 27(1) qu’il ne faut donner l’avis que si certaines conditions sont réunies dans les circonstances particulières en cause. Ce paragraphe ne mentionne pas de catégories particulières de documents; il fait plutôt référence à des types particuliers de renseignements contenus ou susceptibles d’être contenus dans des documents qui par ailleurs peuvent être communiqués. Il énonce également des conditions préalables bien précises à l’application de l’obligation de donner l’avis. Comme la Section de première instance de la Cour fédérale l’a dit dans des termes auxquels a souscrit la Cour d’appel fédérale, « [l]a condition essentielle préalable à l’émission de l’avis est que l’intimé a lieu de croire que la communication du document pourrait aller à l’encontre de son obligation de ne pas en donner communication, imposée par l’article 20 » : Twinn c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1987] 3 C.F. 368 (1re inst.), à la p. 373; conf. par [1987] A.C.F. no 834 (QL) (C.A.F.). Les propos tenus par le juge MacKay dans Air Atonabee, au par. 12, vont dans le même sens : « la Loi n’oblige pas à aviser le tiers avant de communiquer des renseignements qui le concernent, sauf dans les cas prévus au [par. 2[7](1)] ».
[65] Bien que notre Cour n’ait pas tranché cette question précise, l’approche adoptée dans Twinn et Air Atonabee est compatible avec les commentaires faits à la fois par les juges majoritaires et les juges dissidents dans Cie H.J. Heinz du Canada Ltée c. Canada (Procureur général), 2006 CSC 13, [2006] 1 R.C.S. 441, aux par. 41 et 66.
[66] L’argument de Merck que le tiers intéressé a toujours droit au préavis en ce qui concerne certaines catégories particulières de documents n’est donc pas étayé par le sens ordinaire et grammatical des termes utilisés au par. 27(1).
[67] La position de Merck n’est pas non plus compatible avec l’un des principes directeurs de la Loi, à savoir que les exceptions au droit d’accès sont limitées et précises (par. 2(1)). La création de catégories de documents, comme le propose Merck, qui amèneraient à présumer que l’obligation de donner l’avis s’applique et que les documents en cause sont soustraits à la communication irait à l’encontre de ce principe.
[68] Enfin, la démarche proposée par Merck n’est pas compatible avec le régime prévu par la Loi. Elle prévoit de donner effet aux restrictions des droits à la communication énoncées dans d’autres lois. Selon l’art. 24, il faut refuser la communication si celle‑ci est restreinte par une disposition figurant à l’annexe II de la Loi. Comme le souligne l’intimé, Santé Canada, le législateur a décidé de ne pas établir un tel régime pour les renseignements comme ceux qui sont en cause dans la présente affaire; aucune des dispositions énumérées à l’annexe II ne restreint la divulgation de renseignements fournis au ministre dans le cadre d’une demande d’approbation d’un nouveau médicament. Rien dans la Loi n’indique qu’il faille analyser les documents en cause dans la présente affaire — ceux relatifs à la PDN et à la PSDN — sur la base de leur appartenance à une catégorie.
[69] Je rejette donc la prétention de Merck que la communication proposée de l’une ou l’autre partie d’une PDN ou d’une PSDN déclenche automatiquement l’obligation de donner l’avis. Je passe maintenant aux circonstances qui donnent effectivement naissance à cette obligation.
[70] Sous réserve des autres dispositions de la Loi, il incombe au responsable de l’institution une obligation générale de donner accès au document demandé (par. 4(1)). Il s’agit là de l’obligation dont Santé Canada dit s’être acquitté en communiquant certains documents sans avoir avisé Merck de son intention de le faire. Il existe aussi une obligation de ne pas divulguer de renseignements visés par l’une ou l’autre des exceptions prévues au par. 20(1). Les dispositions en matière de préavis portent sur la façon dont le responsable de l’institution doit remplir cette obligation.
[71] Lorsque le responsable de l’institution examine une demande de divulgation de renseignements de tiers présentée conformément à la Loi, quatre options principales s’offrent à lui (si l’on exclut l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu au par. 20(6)), dont deux qui font intervenir les dispositions en matière de préavis. Il peut : (i) divulguer les renseignements en cause sans donner l’avis au tiers; (ii) refuser de les divulguer sans lui donner l’avis; (iii) former le projet de divulguer des renseignements prélevés après lui avoir donné l’avis; ou (iv) lui donner l’avis parce qu’il y a des raisons de croire que le document demandé est susceptible de contenir des renseignements soustraits à la divulgation. J’étudierai brièvement chacune de ces options.
[72] Passons d’abord à la divulgation sans donner l’avis au tiers. Les considérations d’ordre pratique pertinentes ainsi que le libellé du par. 27(1), qui prévoit l’avis, donnent à penser qu’il convient d’appliquer un critère exigeant en matière de communication de documents sans préavis. Pareille communication n’est justifiée que dans les cas manifestes, c’est‑à‑dire si le responsable de l’institution, après avoir analysé toute la preuve pertinente dont il dispose, estime qu’il n’y a aucune raison de croire que le document est susceptible de contenir des renseignements visés au par. 20(1). Le responsable de l’institution ne peut revenir sur une décision inopportune de communiquer des documents, car la communication de documents sans préavis et le préjudice qu’elle pourrait causer sont irréversibles. Donner l’avis au tiers dans tous les cas sauf ceux qui ne présentent aucune ambiguïté permet de réduire le risque qu’une communication inappropriée cause un préjudice irrémédiable à ce dernier. En outre, il se peut que le responsable de l’institution n’ait pas suffisamment d’information pour décider correctement si les renseignements en cause sont soustraits à la divulgation; il a parfois besoin des observations du tiers pour prendre une décision éclairée. Par conséquent, le responsable de l’institution fera preuve de prudence et se conformera à la Loi en ne communiquant sans préavis que les documents qui ne sont manifestement pas visés par les exceptions.
[73] Passons à la deuxième option, à savoir le refus de divulguer les renseignements en cause sans donner l’avis au tiers. Il importe de reconnaître que le responsable de l’institution est tenu à la fois de divulguer les renseignements qui ne sont pas visés par une exception et de refuser la divulgation des renseignements qui, au contraire, le sont. Si le responsable ne doit pas refuser de divulguer de renseignements sans avoir dûment étudié la question, il lui incombe aussi de convenablement examiner la question de savoir s’il doit manifestement rejeter la demande d’accès à l’information. Le juge MacKay a bien formulé cette idée dans SNC‑Lavalin Inc. c. Canada (Ministre des Travaux publics), [1994] A.C.R. no 1059 (QL) (1re inst.), où il a souligné, au par. 47, que le responsable de l’institution ne s’acquitte pas de l’obligation qui lui incombe aux termes de l’art. 20 de refuser de divulguer les renseignements visés à cet article s’il se contente de relever la possibilité que ceux‑ci tombent sous le coup de cette obligation, laissant au tiers l’entière responsabilité d’établir à sa satisfaction que les renseignements ne doivent pas être divulgués.
[74] Le responsable de l’institution doit avoir une quelconque raison de croire qu’il ne peut refuser de communiquer les documents en cause sans avoir donné l’avis au tiers s’il en décide ainsi. Il doit donc examiner le dossier eu égard aux circonstances connues de lui afin d’être en mesure de dégager de cet examen initial un fondement rationnel lui permettant de conclure que les exceptions à la communication peuvent ne pas s’appliquer. Pour dire les choses simplement, le responsable de l’institution doit prendre autant au sérieux son obligation de ne pas divulguer les renseignements de tiers soustraits à la communication que l’obligation que la Loi lui impose de divulguer les renseignements qui peuvent l’être.
[75] Cela nous amène aux deux situations pertinentes en l’espèce dans lesquelles le responsable de l’institution doit donner l’avis au tiers en application du par. 27(1) : il y a d’abord le cas où il a des raisons de croire que le document est susceptible de contenir des renseignements visés au par. 20(1), et, ensuite, le cas où il doit donner l’avis au tiers s’il compte divulguer des renseignements prélevés conformément à l’art. 25. Dans l’une et l’autre de ces situations, le responsable « a l’intention de donner communication [. . .] d’un document », expression qu’il convient d’examiner attentivement. (Je laisse de côté la situation où le responsable compte se prévaloir de la dérogation prévue au par. 20(6) en matière d’intérêt public.)
[76] Considérons d’abord la situation où le responsable de l’institution « a l’intention de donner communication . . . d’un document [qui] est, selon lui, susceptible de contenir » des renseignements de tiers soustraits à la divulgation. On peut se demander comment le responsable pourrait avoir « l’intention de donner communication » de quelque chose s’il a des raisons de croire que cette chose est soustraite à la communication. La réponse, selon moi, réside dans le fait qu’il convient d’interpréter ces mots eu égard au régime prévu par la Loi. Il n’est pas nécessaire que le responsable ait effectivement l’intention de donner communication de la chose, en ce sens qu’il ait déjà décidé qu’il la communiquerait à moins que le tiers ne le convainque de revenir sur sa décision. Pour l’application du par. 27(1), le responsable « a l’intention de donner communication » d’un document susceptible de contenir des renseignements soustraits à la divulgation s’il estime ne pas pouvoir en refuser la communication ou procéder à celle‑ci sans donner de préavis à l’intéressé conformément aux principes que je viens d’exposer.
[77] Comme je l’ai déjà mentionné, pour divulguer des renseignements d’un tiers sans lui donner de préavis, le responsable de l’institution ne doit avoir aucune raison de croire qu’ils peuvent tomber sous le coup de l’une ou l’autre des exceptions prévues au par. 20(1). Inversement, pour refuser de les divulguer sans préavis, le responsable ne doit avoir aucune raison de croire que le document peut être communiqué à la personne qui en fait la demande. Si les renseignements en cause n’appartiennent pas à l’une ou l’autre de ces catégories bien définies, le responsable doit donner l’avis à l’intéressé. J’estime donc que les mots « a l’intention de donner communication » font référence à des situations autres que celles où le responsable conclut que ni la communication ni le refus de celle‑ci sans préavis ne sont des solutions acceptables. Autrement dit, le responsable « a l’intention de donner communication » d’un document qui « est, selon lui, susceptible de contenir » des renseignements soustraits à la divulgation, sauf s’il conclut a) qu’il n’y a aucune raison de croire que le document peut contenir pareils renseignements (dans ce cas, la communication sans préavis s’impose), ou b) qu’il n’a aucune raison de croire que la Loi impose la communication du document (dans ce cas, le refus de communication sans préavis s’impose). En toute déférence, je suis en désaccord avec la Cour d’appel fédérale dans la mesure où elle affirme, au par. 34 de ses motifs, que le responsable doit s’être fait une opinion à ce sujet au lieu de simplement n’avoir aucune « raison de croire ».
[78] L’approche que je propose établit un seuil très peu élevé en matière de préavis. Non seulement cela est‑il compatible avec le texte de la Loi, mais encore, une telle approche reflète bien l’équilibre atteint par la Loi entre la communication de documents et la protection des tiers.
[79] Vu la nature des exceptions en cause — qui visent les secrets industriels, les renseignements financiers ainsi que d’autre types de renseignements de nature confidentielle — , le tiers dont les renseignements sont visés par une demande d’accès à l’information est, de façon générale, mieux placé que le responsable de l’institution pour relever les renseignements qui tombent sous le coup de l’une ou l’autre des exceptions prévues au par. 20(1). En effet, il connaît et comprend bien l’industrie dont il fait partie et il a une connaissance approfondie des renseignements en cause, de la façon dont ils ont été traités et du préjudice que pourrait causer leur divulgation. Comme l’a dit la juge Deschamps dans Cie H.J. Heinz, au nom des juges majoritaires :
L’avis unique qui est donné aux tiers est lié à la nature particulière de l’exception. [L]’institution fédérale n’a pas une connaissance précise des opérations commerciales ou scientifiques d’un tiers. [E]n ce qui concerne les renseignements commerciaux confidentiels, l’institution fédérale a besoin de l’aide du tiers pour savoir si celui‑ci considère que les renseignements sont confidentiels ou pour connaître le traitement que le tiers leur a réservé. Les méthodes de gestion de l’information utilisées par le tiers peuvent être un moyen important de déterminer si les renseignements correspondent véritablement à la définition de ce qui est « confidentiel ». Il n’est pas possible de décider si les renseignements sont confidentiels sans les observations du tiers. [Références omises; par. 51.]
[80] De plus, l’application d’un critère peu exigeant en matière de préavis aux tiers garantit l’équité procédurale et réduit le risque que des renseignements ne pouvant être divulgués le soient par erreur. En outre, puisque le préavis ouvre la voie au contrôle judiciaire de la décision de divulguer les renseignements en cause, l’application d’un tel critère concorde aussi avec l’un des principes directeurs de la Loi, à savoir que les décisions en matière de communication des documents de l’administration fédérale sont susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif, tout en étant compatible avec le principe du droit du public à la communication de tels documents, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées (par. 2(1)).
[81] L’approche en matière de préavis que je viens de décrire donne un sens à l’obligation légale qui incombe au responsable de l’institution de donner un avis au tiers intéressé lorsqu’il « a l’intention de donner communication . . . d’un document . . . s’il est, selon lui, susceptible de contenir » des renseignements du tiers soustraits à la divulgation. Mais qu’en est‑il du passage de la disposition obligeant le responsable à donner avis au tiers intéressé de son « intention de donner communication . . . d’un document . . . si le document contient » pareils renseignements? Il est permis de se demander comment le responsable peut avoir l’intention de communiquer un document qui tombe sous le coup de l’une ou l’autre des exceptions prévues à l’art. 20 et qu’il est tenu, pour cette raison, de ne pas communiquer. De toute évidence, le responsable ne saurait avoir l’intention de faire ce que la Loi interdit. À mon avis, il y a deux réponses à cette question. La première se trouve au par. 20(6), qui autorise la divulgation, pour des raisons d’intérêt public, de certains renseignements par ailleurs soustraits à celle-ci. Ce principe dit de la dérogation en matière d’intérêt public n’est pas pertinent en l’espèce.
[82] La deuxième réponse se trouve dans la disposition en matière de prélèvement de renseignements qui figure à l’art. 25 de la Loi. Comme je l’ai déjà dit, l’art. 25 oblige le responsable de l’institution qui refuse la communication d’un document qui contient des renseignements soustraits à la divulgation à en communiquer les parties dépourvues de tels renseignements à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux. Le responsable qui compte suivre l’art. 25 a donc « l’intention de donner communication totale ou partielle d’un document [qui] contient » des renseignements soustraits à la divulgation. Il s’ensuit, selon moi, que le préavis est requis dans les cas où le responsable a l’intention de communiquer un document qui contient des renseignements de tiers; dans un tel cas, le responsable doit prélever du document les renseignements qui ne sont pas protégés et ne divulguer que ces renseignements, comme l’exige l’art. 25.
[83] Dans la présente affaire, un document que le responsable de l’institution a communiqué au demandeur sans donner de préavis à Merck contenait des renseignements prélevés en application de l’art. 25. À mon humble avis, une telle façon de procéder n’était pas conforme aux exigences de la Loi.
[84] En somme, voici ce que je conclus au sujet du par. 27(1) :
(i) En ce qui concerne les renseignements de tiers, il incombe au responsable de l’institution une obligation de divulgation de même qu’une obligation de non‑divulgation d’égale importance, et il doit prendre l’une tout aussi au sérieux que l’autre.
(ii) Le responsable de l’institution :
‑ ne doit divulguer des renseignements de tiers sans préavis que s’ils peuvent manifestement être divulgués, c’est‑à‑dire que s’il n’y a aucune raison de croire qu’ils sont soustraits à la divulgation;
‑ doit refuser de divulguer de tels renseignements sans préavis s’ils sont manifestement soustraits à la divulgation, c’est‑à‑dire s’il n’existe aucune raison de croire qu’ils peuvent être divulgués.
(iii) Le responsable de l’institution doit donner un préavis dans les cas suivants :
‑ il ne sait pas avec certitude si les renseignements sont soustraits à la divulgation; autrement dit, s’il ne se trouve pas dans la situation décrite au point (ii);
‑ il a l’intention de divulguer, pour des raisons d’intérêt public en vertu du par. 20(6), des renseignements soustraits à la divulgation;
‑ il a l’intention de divulguer des renseignements prélevés en application de l’art. 25.
b) La nature de l’examen que doit faire le responsable d’une institution fédérale
[85] Ayant établi les critères en matière de préavis et de communication sans préavis, je me pencherai maintenant sur la nature de l’examen que doit faire le responsable de l’institution pour décider s’il a été satisfait à ceux-ci. Selon Merck, le responsable est tenu, avant de former l’intention de communiquer le document et de faire parvenir au tiers intéressé un avis à cet effet (mémoire de Merck, par. 40), de faire une analyse [TRADUCTION] « véritable et approfondie » de la question de savoir si l’une ou l’autre des exceptions prévues au par. 20(1) s’applique. Merck soutient qu’en formant cette intention sans d’abord procéder à une telle analyse le responsable imposerait au tiers le fardeau d’établir, pour chaque page et chaque ligne, que les renseignements qui s’y trouvent sont visés par l’une ou l’autre de ces exceptions. Toujours selon Merck, si le responsable sait déjà que le document en cause contient des renseignements de nature confidentielle qui ont de la valeur pour les concurrents du tiers intéressé, comme c’est le cas pour ce qui est d’un document concernant une PDN ou une PSDN, il agira de façon déraisonnable s’il forme l’intention de communiquer l’une ou l’autre partie du document sans donner d’avis à ce dernier.
[86] Le juge siégeant en révision et la Cour d’appel fédérale se sont dits en désaccord avec Merck sur ce point. Ils ont conclu que la Loi n’obligeait pas le responsable de l’institution à faire un examen véritable et approfondi du document avant de former l’intention d’en donner communication totale ou partielle : voir les motifs du juge Beaudry, au par. 91 (2006 CF 1200); motifs de la Cour d’appel fédérale, aux par. 112‑114.
[87] Il faut concilier d’importantes considérations de politique et d’ordre pratique pour déterminer le type d’examen que le responsable de l’institution doit faire pour décider s’il doit donner l’avis au tiers. Premièrement, il convient de divulguer les renseignements visés dans chaque cas où la Loi l’exige. Deuxièmement, les renseignements commerciaux confidentiels du tiers doivent bénéficier de la protection prévue par la Loi. Troisièmement, il incombe au responsable de prendre la décision de divulguer ou non les renseignements visés et de respecter les droits du tiers en évitant de simplement lui transférer la responsabilité de prendre cette décision. Certes, le responsable aura souvent besoin de l’aide du tiers pour décider de la façon dont il convient d’appliquer la Loi, mais, en bout de ligne, c’est à lui qu’il incombe de décider de divulguer ou non les renseignements visés. Le responsable ne s’acquittera pas de cette obligation en se contentant de donner l’avis au tiers dès qu’il soupçonne que les renseignements visés sont susceptibles d’être soustraits à la divulgation et en le laissant faire tout le travail. Il ne peut se contenter d’imposer au tiers tout le fardeau d’examiner le dossier. Enfin, il faut prendre en compte les contraintes d’ordre pratique auxquelles le responsable est soumis. Il se peut que le responsable ne connaisse pas très bien le sujet sur lequel portent les renseignements visés et qu’en conséquence il lui soit difficile de les apprécier. Par ailleurs, le responsable doit respecter les délais que la Loi lui impose, l’un de ses devoirs étant de permettre au demandeur de consulter les documents visés en temps opportun.
[88] Selon moi, le responsable de l’institution doit suffisamment examiner les documents visés par la demande d’accès à l’information pour être en mesure de décider si le seuil en matière de préavis a été atteint comme je l’ai décrit plus haut. La politique de l’administration fédérale en matière d’accès à l’information, qui figurait au chapitre 1‑1 du Manuel du Conseil du Trésor à l’époque pertinente, précisait que l’institution devait examiner chacun des documents afin de déterminer quelles parties devaient, le cas échéant, faire l’objet d’une exclusion ou d’une exception. Selon moi, cela décrit correctement la nature de l’examen à faire avant de décider s’il convient ou non de donner l’avis au tiers. Le responsable doit véritablement se demander si l’une ou l’autre des exceptions s’applique, et ce dans les limites que j’ai décrites. À mon avis, le même principe s’applique au prélèvement de renseignements en application de l’art. 25. J’examinerai cette question plus en détail dans la partie de mes motifs qui traite de cet article. J’estime toutefois que l’application de l’art. 25 fait partie intégrante de l’examen initial que doit faire le responsable, sous réserve, évidemment, des limites que j’ai mentionnées.
[89] Une fois l’avis donné, le tiers peut formuler ses observations. À ce stade du processus, je ne suis pas convaincu qu’il soit utile de discuter de la question de savoir si le tiers doit se décharger d’un fardeau. Selon les documents déposés pour le compte de l’intimé, il incombe au tiers de le convaincre que les exceptions s’appliquent. En effet, dans un document intitulé Lignes directrices opérationnelles concernant la Loi sur l’accès à l’information et l’information portant sur des tiers, Santé Canada décrit les observations que le tiers doit lui soumettre une fois l’avis donné conformément au par. 27(1). Santé Canada fait référence à la jurisprudence de la Cour fédérale, qui mentionne qu’il incombe au tiers le fardeau d’établir que les renseignements sont visés par une exception (p. 3 des lignes directrices). Il a tort de le faire. Il ne fait aucun doute qu’à partir du moment où le responsable de l’institution a fait part de sa décision de divulguer les renseignements visés il appartient au tiers de démontrer, dans le cadre d’un recours en révision judiciaire exercé en vertu de l’art. 44, pourquoi cette décision était erronée : voir, par ex., Maislin Industries Limited c. Ministre de l’Industrie et du Commerce, [1984] 1 C.F. 939, aux pp. 942-943, Canada Packers c. Canada (Ministre de l’Agriculture), [1989] 1 C.F. 47, à la p. 65, Rubin c. Canada (Société canadienne d’hypothèques et de logement), [1989] 1 C.F. 265, à la p. 276, Air Atonabee, au par. 25. Toutefois, c’est d’abord au responsable de l’institution qu’il revient de décider si la Loi impose ou, au contraire, interdit la divulgation des renseignements.
[90] Du point de vue du tiers, il est bien sûr prudent et conforme au bon sens d’aider le plus possible le responsable de l’institution à déterminer précisément pourquoi la divulgation des renseignements en cause n’est pas autorisée. Néanmoins, le responsable doit véritablement tenter, compte tenu de l’information dont il dispose et des contraintes d’ordre pratique, de s’acquitter de l’obligation que la Loi lui impose de décider, sur la base des exigences de celle‑ci, s’il doit ou non divulguer les renseignements. Pour que le système fonctionne, il est nécessaire d’adopter une approche axée sur la coopération. Le responsable ne peut se contenter d’imposer au tiers le fardeau qui lui incombe d’examiner le dossier et, dans le même ordre d’idée, le tiers doit prêter raisonnablement assistance au responsable afin de l’aider à s’acquitter des obligations que la Loi lui impose.
[91] À ce stade des procédures, il ne sert à rien de retracer les échanges qui ont eu lieu entre les parties pour décider si les dispositions en matière de préavis et le degré convenable d’examen ont été correctement appliqués du début à la fin. J’ai déjà mentionné que l’avis doit être donné si le dossier est visé par l’art. 25 et j’ai décrit le seuil à atteindre en matière de préavis ainsi que les obligations du responsable de l’institution d’examiner le dossier. Toutefois, il peut être utile de mentionner que, selon moi, Merck et Santé Canada ont parfois adopté des positions plutôt extrêmes qui ne s’accordaient pas avec l’objet, la lettre ou l’esprit de la Loi. Il ressort du dossier que le responsable de l’institution en l’espèce a mis l’accent sur l’obligation de divulguer des renseignements plutôt que sur l’obligation toute aussi importante de ne pas en divulguer, et que Merck ne lui a pas prêté toute l’assistance voulue, ses observations à l’égard des diverses objections qu’elle a formulées manquant de clarté et de précision. Il faut espérer que les éclaircissements que j’ai exposés susciteront l’adoption d’approches davantage constructives et axées sur la coopération relativement à ces questions.
(3) Le fardeau de la preuve et la norme de preuve applicables en contrôle judiciaire
a) Le fardeau de la preuve
[92] La question de savoir à qui incombe le fardeau de la preuve ne suscite aucune controverse. C’est au tiers qui demande le contrôle judiciaire (en vertu de l’art. 44 de la Loi) de la décision du responsable de l’institution de communiquer tout document ayant fait l’objet de l’avis prévu à l’art. 27 qu’il incombe de démontrer pourquoi le document ne doit pas être communiqué. Il y a longtemps que ce principe a été établi dans la jurisprudence relative à l’interprétation de la Loi : voir, par ex., Maislin Industries.
b) La norme de preuve
[93] La question de savoir quelle norme de preuve il convient d’appliquer est moins claire. Merck prétend que la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en appliquant une norme de preuve plus exigeante que celle de la prépondérance des probabilités. Par exemple, au par. 62 (2009 CAF 166), la juge Desjardins mentionne, dans le contexte de son analyse de l’al. 20(1)b), qu’il incombe à la partie qui s’oppose à la divulgation un fardeau « lourd ». Dans le même ordre d’idée, elle parle, au par. 54, d’un « seuil [qui] est élevé » relativement à l’al. 20(1)a).
[94] Cette notion de « fardeau lourd » figure souvent dans la jurisprudence relative aux exceptions : voir, p. ex., AstraZeneca Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2005 CF 189 (CanLII) (voir les motifs supplémentaires dans 2005 CF 648 (CanLII)), au par. 52, conf. par 2006 CAF 241 (CanLII), et Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Premier ministre), [1993] 1 C.F. 427 (1re inst.) (« Canada c. Canada »), à la p. 441. Toutefois, il est important de faire la distinction entre la norme de preuve et la facilité avec laquelle cette norme peut être satisfaite dans un cas donné. Il est maintenant bien établi en droit qu’il n’existe, en common law, qu’une seule norme de preuve en matière civile, soit celle de la prépondérance des probabilités : F.H. c. McDougall, 2008 CSC 53, [2008] 3 R.C.S. 41, au par. 40. Rien dans la Loi ne donne à penser que nous devrions nous écarter de cette norme. Toutefois, comme il a été souligné dans McDougall, « [l]e contexte constitue [. . .] un élément important et le juge ne doit pas faire abstraction, lorsque les circonstances s’y prêtent, de la probabilité ou de l’improbabilité intrinsèque des faits allégués non plus que de la gravité des allégations ou de leurs conséquences » (par. 40). La preuve d’un risque de préjudice futur, par exemple, n’est souvent pas facile à faire. Le juge Rothstein (alors juge de la Cour fédérale) a bien expliqué ce point dans Canada c. Canada, où il a souligné que la partie qui tente de prouver qu’il existe un risque de préjudice futur doit s’acquitter d’une « lourde charge » et que cette obligation exige une preuve selon la prépondérance des probabilités (p. 476). Par conséquent, je conclus que le tiers doit établir, selon la prépondérance des probabilités, que l’exception prévue par la loi s’applique. Cependant, la preuve qui sera nécessaire pour satisfaire à cette norme dépendra de la nature de la thèse que le tiers cherche à faire valoir et du contexte particulier de l’affaire.
[95] En ce qui concerne les motifs exposés par la Cour d’appel fédérale dans la présente affaire, je suis d’avis que celle‑ci a appliqué une norme plus exigeante que la norme civile de la prépondérance des probabilités relativement aux exceptions prévues aux al. 20(1)a) et b). Comme il a été souligné, la cour a parlé d’un « seuil [qui] est élevé » relativement à l’al. 20(1)a) (par. 54) et appliqué un fardeau « lourd » relativement à l’al. 20(1)b) (par. 62). Bien que la divulgation soit la règle générale et non pas l’exception et qu’en cas de doute il faille la permettre, la norme de preuve qu’il convient d’appliquer est toujours la norme de preuve en matière civile, à savoir la prépondérance des probabilités.
B. Les exceptions prévues aux alinéas 20(1)a), b) et c)
(1) Aperçu des exceptions
[96] La Loi comprend un certain nombre d’exceptions à la règle générale de divulgation. Les exceptions qui sont pertinentes aux présents pourvois sont celles prévues au par. 20(1) à l’égard des renseignements commerciaux confidentiels de tiers. Les pourvois soulèvent un certain nombre de questions concernant l’interprétation de ces exceptions. Toutefois, avant d’aborder ces questions, il serait utile de placer les exceptions du par. 20(1) dans le contexte des autres exceptions prévues par la Loi.
[97] La Loi prévoit toute une série d’exceptions, de l’art. 13 à l’art. 24, qui peuvent être classées selon qu’il s’agit d’exceptions catégorielles ou d’exceptions visant à éviter un préjudice, et selon qu’elles sont obligatoires ou discrétionnaires. L’exception catégorielle est celle qui s’applique à tous les documents appartenant à la même catégorie. Par contraste, l’exception visant à éviter un préjudice ne s’applique que s’il y a préjudice ou risque de préjudice. Certaines exceptions sont obligatoires : s’il est établi que le document en cause est visé par l’exception, le responsable de l’institution n’aura pas le pouvoir discrétionnaire de décider de le communiquer; il devra refuser de le faire, sous réserve seulement de l’application de l’une ou l’autre des dispositions dérogatoires, tel le par. 20(6). Quoi qu’il en soit, nous n’avons pas à nous préoccuper de cette question. D’autres exceptions sont discrétionnaires : si l’on conclut au départ que le dossier est visé par l’exception prévue par la loi, le responsable aura le pouvoir discrétionnaire de décider s’il communiquera ou non le document en cause.
[98] Pour ce qui est des exceptions en matière de renseignements commerciaux confidentiels de tiers prévues au par. 20(1), il est clair que toutes ces exceptions touchant des tiers sont obligatoires : si le document en cause est visé par l’exception, le responsable de l’institution doit refuser de le communiquer (abstraction faite de la dérogation en matière d’intérêt public prévue au par. 20(6)) :
20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant . . .
[99] Les exceptions en matière de secrets industriels (al. 20(1)a)) et de renseignements de nature confidentielle (al. 20(1)b)) sont catégorielles : si les renseignements contenus dans le document en cause sont visés par la disposition législative, l’exception s’applique et le responsable de l’institution doit refuser de les divulguer. Enfin, l’exception prévue à l’al. 20(1)c) en est une qui vise à éviter un préjudice et elle ne s’applique que si la divulgation des renseignements risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou des profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité.
(2) L’alinéa 20(1)a) : l’exception en matière de secrets industriels
a) Introduction
[100] L’alinéa 20(1)a) de la Loi prévoit une exception qui s’applique aux « documents contenant [. . .] des secrets industriels de tiers ». À cet égard, il faut d’abord se demander comment définir les « secrets industriels » et, ensuite, si la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en appliquant cet alinéa.
[101] En ce qui concerne la PDN, le juge siégeant en révision a conclu que certaines parties du dossier contenaient des secrets industriels et qu’elles devaient être soustraites à la communication. Toutefois, il n’a ni défini les « secrets industriels », ni exposé le raisonnement qui avait mené à cette conclusion. Pour ce qui est du dossier de la PSDN, il n’a pas conclu que l’un ou l’autre des documents en cause était visé par cette exception.
[102] La Cour d’appel fédérale a mis en doute la conclusion du juge siégeant en révision concernant le critère juridique applicable aux secrets industriels et le type de preuve nécessaire pour conclure qu’un document donné est visé par l’exception. Elle a souligné que le juge siégeant en révision n’avait ni mentionné le critère juridique applicable, ni expliqué comment celui‑ci s’appliquait aux documents qui, selon lui, étaient visés par l’exception. La Cour d’appel fédérale a conclu que le critère applicable était celui que le juge Strayer (plus tard juge de la Cour d’appel fédérale) a décrit dans les motifs qu’il a exposés dans Société Gamma Inc. c. Canada (Secrétariat d’État), [1994] A.C.F. no 589 (QL) (1re inst.), au par. 7, et que le juge Phelan a expliqués en détail dans AstraZeneca, aux par. 62-65. La Cour d’appel fédérale a également conclu que la preuve nécessaire pour invoquer cette exception devait atteindre un « seuil [qui] est élevé » et que « celui qui l’invoque doit fournir une preuve spécifique, objective et précise qu’un renseignement constitue un secret industriel » (par. 54). Après avoir conclu que ses déclarations à l’égard des secrets industriels étaient très générales et entremêlées à ses demandes fondées sur l’al. 20(1)b), la Cour d’appel fédérale a conclu que Merck ne s’était pas acquittée du fardeau qui lui incombait de fournir une preuve objective et spécifique établissant que l’un ou l’autre des documents en cause contenait des renseignements qui constituaient des secrets industriels.
b) La définition de « secrets industriels »
[103] Je suis d’accord avec la Cour d’appel fédérale que l’approche décrite par le juge Phelan dans AstraZeneca en matière de secrets industriels est juste, mais je ne crois pas utile de la qualifier de définition restrictive ou d’approche fixant un seuil élevé, et voici pourquoi.
[104] Selon l’approche moderne en matière d’interprétation des lois, l’interprétation du terme « secrets industriels » doit tenir compte du libellé de la loi, de son objectif et du régime qu’elle prévoit (Rizzo, au par. 21). Tout d’abord, en ce qui concerne le libellé, la Loi ne définit pas en quoi consistent les « secrets industriels ». Compte tenu de ce fait, et comme il s’agit d’un terme juridique familier dont le sens est purement technique, je conclus que le législateur voulait que la définition juridique technique de ce terme s’applique : voir Ruth Sullivan, Sullivan on the Construction of Statutes (5e éd. 2008), aux pp. 57-58. Toutefois, même s’il a un sens technique propre au domaine juridique, le terme « secrets industriels » ne fait l’objet d’aucune définition exhaustive : Roger T. Hughes, Dino P. Clarizio et Neil Armstrong, Hughes and Woodley on Patents (2e éd. (feuilles mobiles)), à § 102; Roger T. Hughes et Dino P. Clarizio, Halsbury’s Laws of Canada — Patents, Trade Secrets and Industrial Designs (2007), « Trade Secret », au par. HPT‑180.
[105] J’examinerai maintenant le contexte juridique général du terme au sens du droit civil et de la common law. En droit civil québécois, deux expressions sont utilisées pour transmettre l’idée de secret industriel : « secret industriel » et « secret commercial ». Bien qu’il s’agisse de termes techniques propres au domaine juridique, comme c’est le cas en common law, ils ne sont pas l’objet de définitions exhaustives. En fait, Raymond Doray et François Charrette affirment dans l’ouvrage intitulé Accès à l’information : Loi annotée, jurisprudence, analyse et commentaires (feuilles mobiles), à la p. II/22‑4, que le « secret industriel » est une notion de common law. Je souligne toutefois que le terme « secrets industriels », qui est utilisé dans la Loi, donne à penser que les renseignements en cause doivent se rapporter à un aspect technique susceptible d’application commerciale ou industrielle : voir Serge Parisien, Les secrets commerciaux et la loi sur l’accès à l’information du Québec (1993), aux pp. 22‑25 quant au sens du terme « secret industriel » dans la loi québécoise correspondante. En common law, il est clair que les secrets industriels sont une sous‑catégorie de renseignements commerciaux de nature confidentielle, mais, sauf dans le contexte du droit du travail, on a eu tendance à ne pas faire de distinction nette entre les secrets industriels et la catégorie plus large des renseignements commerciaux de nature confidentielle : voir, p.ex., R. c. Stewart, [1988] 1 R.C.S. 963, aux pp. 974‑975; David Vaver, « Civil Liability for Taking or Using Trade Secrets in Canada » (1981), 5 Can. Bus. L. J. 253, à la p. 258.
[106] En ce qui concerne le régime prévu par la Loi, cette distinction entre les secrets industriels et les renseignements commerciaux de nature confidentielle se reflète aux al. 20(1)a) et b). La première disposition prévoit une exception en matière de secrets industriels, alors que la seconde prévoit des exceptions distinctes pour ce qui est des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques qui sont de nature confidentielle. Cela donne à penser que le législateur a voulu que la notion de « secrets industriels » dont il est question à l’al. 20(1)a) soit plus étroite que la catégorie plus générale des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle mentionnés à l’al. 20(1)b). Cette hypothèse est étayée par le fait que l’exception relative aux secrets industriels n’est pas visée par la dérogation en matière d’intérêt public prévue au par. 20(6), contrairement à celle qui se rapporte aux renseignements de nature confidentielle prévue à l’al. 20(1)b). Cette approche est également compatible avec le principe que les exceptions au droit d’accès aux documents de l’administration fédérale doivent être précises et limitées (par. 2(1)). Ainsi, l’objet de la Loi, qui vise à accorder des droits d’accès étendus, est protégé.
[107] J’examinerai maintenant quelques‑unes des décisions de principe en la matière. On invoque souvent la décision rendue par le juge Chevrier dans R. I. Crain Ltd. c. Ashton, [1949] O.R. 303 (H.C.J.), conf. [1950] O.R. 62 (C.A.). Dans le contexte d’une action intentée par un employeur contre un ancien employé afin d’empêcher la divulgation de ses secrets industriels, plusieurs des caractéristiques du secret industriel ont été décrites. Il peut s’agir d’un plan ou procédé, d’un outil, d’un mécanisme ou d’un composé, qui n’est connu que de son propriétaire et de ses employés à qui il est nécessaire de le confier, et qui s’entend habituellement d’une formule secrète ou d’un procédé non brevetés qui ne sont connus que de certaines personnes qui l’utilisent dans la composition d’un quelconque article de commerce ayant une valeur commerciale (pp. 308‑309).
[108] Je crois utile de faire aussi mention de deux autres décisions influentes concernant la définition du secret industriel. Dans Société Gamma, le juge Strayer a examiné la prétention de la requérante selon laquelle les appels d’offre qu’elle avait faits en vue d’obtenir un contrat de services de traduction constituaient un secret industriel et étaient donc soustraits à la communication. Il a souligné qu’il n’était pas nécessaire d’établir l’existence d’un préjudice afin de bénéficier de l’exception en matière de secret industriel ou de celle relative aux renseignements commerciaux de nature confidentielle, et qu’il devait y avoir une certaine différence entre le secret industriel et le simple renseignement « confidentiel » fourni à une institution fédérale. Il a ensuite défini comme suit le « secret industriel », aux pp. 62-63 :
Pour ma part, j’estime qu’un secret industriel doit être un renseignement, probablement de caractère technique* que l’on garde très jalousement et qui est pour celui qui le possède tellement précieux que sa seule divulgation ferait naître en faveur de ce possesseur une présomption de préjudice. [pp. 62‑63]
* La version française, qui donne « secrets industriels » comme équivalent de l’expression anglaise « trade secret », vient renforcer cette impression.
[109] Je mentionne également la décision influente que le juge Phelan a rendue dans AstraZeneca. Il s’agissait de l’examen d’une décision de communiquer des documents liés à une PDN. Le juge Phelan a conclu que l’intention du législateur était de protéger les secrets industriels véritables selon la définition du terme en common law. Il a fait référence à la définition de ce terme dans Société Gamma, mais a souligné que la question n’était pas tant de savoir s’il convenait d’interpréter cette définition de façon large ou restrictive, mais plutôt si les renseignements en cause étaient visés par la définition juridique du « secret industriel » (par. 62‑63). Il a fait mention, apparemment avec approbation, d’un document de Santé Canada intitulé Lignes directrices opérationnelles concernant la Loi sur l’accès à l’information et l’information portant sur des tiers, qui prévoit quatre critères à satisfaire pour que le renseignement visé constitue un secret industriel (par. 64). Ces éléments sont les mêmes que ceux qui figurent dans les lignes directrices dont nous sommes saisis, qui sont ainsi libellés :
‑ l’information doit être secrète dans un sens absolu ou relatif (c’est‑à‑dire qu’elle est connue seulement d’une ou de quelques personnes);
‑ le détenteur de l’information doit démontrer qu’il a agi avec l’intention de traiter l’information comme si elle était secrète;
‑ l’information doit avoir une application pratique dans le secteur industriel ou commercial;
‑ le détenteur doit avoir un intérêt (par exemple, un intérêt économique) digne d’être protégé par la loi.
[110] Le juge Phelan a conclu ce qui suit, au par. 65 :
Le genre de renseignements qui est susceptible de tomber dans cette catégorie inclut la composition chimique d’un produit et les procédés de fabrication utilisés. Toutefois, ce ne sont pas tous les procédés ou tous les essais qui se rangeraient dans cette catégorie, surtout lorsque, dans une industrie particulière, le procédé ou l’essai en question est répandu.
[111] Santé Canada prétend qu’il s’agit là de la définition correcte du secret industriel. Je souscris à cette opinion. Je souligne en particulier les propos du juge Phelan selon lesquels la question n’est pas de savoir si le terme doit être défini de façon « large » ou « étroite » (par. 63), mais plutôt si le terme devrait recevoir son sens juridique traditionnel.
[112] Les motifs du juge Phelan, ainsi que la partie des lignes directrices qu’il adopte, traduisent convenablement ce sens juridique traditionnel. Pour les fins de l’art. 20 de la Loi, le secret industriel doit s’entendre d’un plan ou procédé, d’un outil, d’un mécanisme ou d’un composé qui possède chacune des quatre caractéristiques énoncées dans les lignes directrices et dont je viens de faire mention. Cette approche est conforme à la définition du secret industriel en common law et elle tient compte du fait que le législateur a manifestement voulu que le secret industriel soit distinct de la catégorie plus large des renseignements commerciaux de nature confidentielle, lesquels font expressément l’objet d’une protection légale qui leur est propre. Cette approche est également conforme à l’utilisation du terme « secrets industriels » dans la Loi, comme je l’ai déjà mentionné.
[113] Merck affirme que le par. 19(4) de la Loi sur la protection de l’information, L.R.C. (1985), ch. O‑5, et la façon dont les secrets commerciaux sont définis dans l’Accord de libre‑échange nord‑américain (ALÉNA) doivent avoir une incidence sur l’interprétation du terme « secrets industriels » dans la Loi. Toutefois, Merck ne va pas jusqu’à en proposer une définition particulière, se contentant de faire valoir qu’il convient de définir ce terme d’une manière compatible avec les autres lois fédérales et les obligations du Canada issues de traités internationaux.
[114] En ce qui concerne le premier point, Merck prétend qu’il convient de donner à la notion de « secrets industriels » dans la Loi une interprétation compatible avec la définition de « secret industriel » qui se trouve au par. 19(4) de la Loi sur la protection de l’information :
19. . . .
(4) Pour l’application du présent article, « secret industriel » s’entend des renseignements — notamment formule, modèle, compilation, programme, méthode, technique, procédé ou position ou stratégie de négociation, ou renseignements contenus dans un produit, un appareil ou un mécanisme ou incorporés à ceux‑ci — qui, à la fois :
a) sont ou peuvent être utilisés dans une industrie ou un commerce;
b) ne sont pas généralement connus dans cette industrie ou ce commerce;
c) ont une valeur économique du fait qu’ils ne sont pas généralement connus;
d) font l’objet de mesures raisonnables dans les circonstances pour en protéger le caractère confidentiel.
[115] Merck soutient également qu’il convient de donner à la notion de « secrets industriels » dans la Loi une interprétation compatible avec l’ALÉNA, qui prévoit ce qui suit à son article 1711 :
1. Chacune des Parties assurera à toute personne les moyens juridiques d’empêcher que des secrets commerciaux ne soient divulgués à des tiers, acquis ou utilisés par eux, sans le consentement de la personne licitement en possession de ces renseignements et d’une manière contraire aux pratiques commerciales honnêtes, dans la mesure où :
a) les renseignements sont secrets, en ce sens que, dans leur globalité ou dans la configuration et l’assemblage exacts de leurs éléments, ils ne sont pas généralement connus de personnes appartenant aux milieux qui s’occupent normalement du genre de renseignements en question ou ne leur sont pas aisément accessibles;
b) les renseignements ont une valeur commerciale, réelle ou potentielle, du fait qu’ils sont secrets; et
c) la personne licitement en possession de ces renseignements a pris des dispositions raisonnables, compte tenu des circonstances, en vue de les garder secrets.
(Accord de libre‑échange nord‑américain, R.T. Can. 1994 no 2)
[116] Ces arguments ne me convainquent pas. En effet, je ne crois pas qu’il y ait une grande différence entre la définition énoncée dans AstraZeneca et celle qui figure dans la Loi sur la protection de l’information. En outre, nous ne pouvons pas introduire tout bonnement dans la Loi — qui ne contient aucune définition du terme « secrets industriels » — des définitions élaborées dans d’autres contextes. La Loi sur les secrets officiels a été modifiée dans la foulée des attentats du 11 septembre 2001 par la Loi antiterroriste, L.C. 2001, ch. 41, qui en a remplacé le titre par Loi sur la protection de l’information (par. 25). C’est à cette occasion que la définition de « secret industriel », qui se trouve au par. 19(4) de cette loi, y a été ajoutée. Les objets que visent la Loi, d’une part, et la Loi sur la protection de l’information, d’autre part, diffèrent grandement. Le maintien de la sécurité nationale n’est certes pas incompatible avec le fait d’assurer la responsabilité de l’administration publique et la protection de la démocratie, mais il semble clair que l’accès à l’information peut parfois être limité dans les cas où la sécurité nationale entre en jeu : voir les art. 15 et 16 de la Loi. Par conséquent, il ne conviendrait pas d’introduire dans le contexte de l’accès à l’information la définition de « secret industriel » qui figure dans la Loi sur la protection de l’information sous la rubrique qui traite de l’espionnage économique.
[117] Quant à l’argument de l’appelante fondé sur l’article 1711 de l’ALÉNA, j’estime qu’il n’étaye pas la conclusion que cette dernière cherche à faire valoir. Mais avant de discuter de l’importance de la définition figurant dans l’ALÉNA, j’aimerais souligner que l’art. 39 de l’Accord sur les aspects des droits de propriété intellectuelle qui touchent au commerce, 1869 R.T.N.U. 332 (« ADPIC ») pourrait aussi être pertinent. Cet article exige la protection des « renseignements » secrets ayant une valeur commerciale. J’accepte évidemment que, dans la mesure du possible, les lois internes devraient être interprétées de façon à être compatibles avec les obligations internationales du Canada : voir R. c. Hape, 2007 CSC 26, [2007] 2 R.C.S. 292, au par. 53; voir, également, par ex., Zingre c. La Reine, [1981] 2 R.C.S. 392, aux pp. 409‑410; Succession Ordon c. Grail, [1998] 3 R.C.S. 437, au par. 137; Baker c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1999] 2 R.C.S. 817, au par. 70; et Schreiber c. Canada (Procureur général), 2002 CSC 62, [2002] 3 R.C.S. 269, au par. 50. Toutefois, le Canada ne doit pas nécessairement reprendre dans sa loi sur l’accès à l’information la définition des secrets industriels qui figure dans les traités afin de remplir ses obligations issues de traités. En effet, il existe d’autres moyens de remplir ces obligations. Comme le souligne l’intimé, le Canada a choisi de s’acquitter de ses obligations dans le contexte pharmaceutique en mettant l’accent sur la protection des parties contre l’utilisation commerciale de leurs secrets industriels par des tiers. Les modifications apportées au Règlement sur les aliments et drogues en 1995 et 2006 reflètent cette approche : Règlement sur les aliments et drogues — Modification, DORS/95‑411 et Règlement modifiant le Règlement sur les aliments et drogues (protection des données), DORS/2006‑241. Il n’y a pas lieu de décider en l’espèce si cela est conforme ou non aux obligations du Canada issues de traités. Toutefois, cette façon de procéder mine l’argument de Merck que le législateur voulait que la notion de « secrets industriels » à l’al. 20(1)a) soit le reflet fidèle de ce que contient l’ALÉNA.
[118] Dans le même ordre d’idée, la protection d’une catégorie plus large de renseignements commerciaux de nature confidentielle que confère l’al. 20(1)b) et celle des renseignements personnels que prévoit l’art. 19 affaiblissent davantage l’argument de Merck relativement à l’al. 20(1)a). Ces dispositions portent sur les renseignements susceptibles d’être visés par l’article 1711 de l’ALÉNA et l’article 39 de l’ADPIC, dont la portée, fait-on valoir, est plus étendue. Cela donne à penser que le législateur a voulu s’acquitter de ses obligations internationales par le biais de moyens qui dépassent la protection des « secrets industriels » que confère l’al. 20(1)a). À mon avis, il ne ressort nullement de l’examen de l’ALÉNA et de l’ADPIC que le législateur a voulu créer une définition des « secrets industriels » dont la portée serait plus large que celle de la définition à laquelle je viens de souscrire.
[119] La Cour d’appel fédérale, bien qu’elle ait invoqué AstraZeneca et les lignes directrices à l’appui de son raisonnement, a insisté que les « secrets industriels » devaient être interprétés de façon restrictive et que le seuil qui se dégage de la jurisprudence pour invoquer cette exception est élevé. Ces commentaires, à mon humble avis, ne reflètent pas la façon dont il convient d’aborder cette exception. La question à trancher est simplement de savoir si la partie invoquant l’exception a établi selon la prépondérance des probabilités que le dossier était visé par la définition que j’ai décrite.
c) Application
[120] Je souscris à la définition des « secrets industriels » énoncée par la Cour d’appel fédérale, mais, à mon humble avis, celle-ci a imposé un fardeau indûment lourd à Merck en lui demandant d’établir que la définition s’appliquait comme je viens tout juste de le décrire. En imposant un tel fardeau à Merck, la Cour d’appel fédérale a commis une erreur de droit. Toutefois, selon moi, cette erreur ne l’a pas amenée à tirer la mauvaise conclusion sur la façon dont il convient d’appliquer l’al. 20(1)a) en l’espèce. À mon humble avis, elle n’a pas commis d’erreur en concluant que la preuve de Merck ne permettait tout simplement pas d’établir que les documents qui, selon le juge siégeant en révision, étaient visés par l’exception, contenaient des secrets industriels ou révélaient des secrets industriels.
[121] Devant la Cour, les parties ont déposé un dossier conjoint sur les pages en litige indiquant que Merck invoque l’exception prévue à l’al. 20(1)a) relativement à plus de 150 pages de la PDN et à 9 pages de la PSDN, Santé Canada contestant l’application de l’exception dans chacun de ces cas. Toutefois, l’argumentation de Merck devant la Cour porte exclusivement sur 37 pages de la PDN, qui, selon le juge siégeant en révision, étaient soustraites à la communication parce qu’elles contenaient des secrets industriels : voir les motifs du juge Beaudry, au par. 105 (2006 CF 1201). Selon le dossier conjoint, sept de ces pages ne sont plus en litige. Merck prétend que les documents en litige contiennent des détails sur le procédé de fabrication de la drogue et que les renseignements de cette nature constituent invariablement des secrets industriels. Santé Canada prétend que les parties de ces documents révélant des secrets industriels en ont été retranchées.
[122] Santé Canada ne conteste pas véritablement l’affirmation selon laquelle les renseignements confidentiels sur le procédé de fabrication de la drogue peuvent constituer des secrets industriels pour les fins de l’al. 20(1)a), dans la mesure où il est établi qu’ils satisfont aux autres éléments de la définition que j’ai décrite. La difficulté, à cet égard, ne porte ni sur la définition de « secrets industriels », ni sur la question de savoir dans quelle mesure le seuil à atteindre doit être élevé, mais plutôt sur l’absence de lien entre la preuve de Merck et les documents sous leur forme expurgée actuelle. En effet, la preuve n’explique pas en quoi les renseignements contenus dans ces documents constituent des secrets industriels qui, à ce titre, sont visés par l’exception.
[123] Il suffit d’un seul exemple pour démontrer en quoi la position de Merck et la décision du juge siégeant en révision sont problématiques. Dans son mémoire, Merck a repris un extrait de l’affidavit de Robert Sarrazin (daté du 1er juin 2001) qui explique les objections de Merck à la communication des pages 469 et 470 des documents en litige en ce qui concerne le dossier de la PDN : voir les motifs de la Cour d’appel fédérale, au par. 49. Merck avance qu’il s’agit là d’un [TRADUCTION] « exemple de preuve à l’appui » qui, selon elle, établit qu’« elle s’est acquittée de la charge de la preuve qui lui incombe selon l’al. 20(1)a) de la Loi » (mémoire, au par. 155 ; voir également les motifs de la Cour d’appel fédérale, au par. 49). Le juge siégeant en révision a conclu que ces deux pages étaient soustraites à la communication, en disant simplement qu’elles contenaient des renseignements qui constituaient des secrets industriels : voir les motifs du juge Beaudry, au par. 105 (2006 CF 1201). Bien qu’elle ait invoqué cette preuve dans son mémoire, Merck a déclaré, après l’audience devant notre Cour, qu’elle ne s’opposait plus à la communication de la page 470. Cependant, la preuve se rapportant à ces deux pages fait ressortir les lacunes de la décision du juge siégeant en révision.
[124] Dans son affidavit, M. Sarrazin s’opposait à la communication des pages 469 et 470 au motif qu’elles contenaient certains renseignements qui, à ses dires, constituaient des secrets industriels. Mais les versions de ces pages que Santé Canada entendait communiquer et dont le juge siégeant en révision disposait ont toutes les deux été grandement expurgées, le tableau de la page 470 ayant même été éliminé au complet : voir les motifs de la Cour d’appel fédérale, aux par. 49 et 51. Par conséquent, selon la preuve de Merck dont disposait le juge siégeant en révision, ces pages contenaient des secrets industriels, alors qu’il ressort de la preuve de Santé Canada que le ministère avait accepté de retirer tout le contenu de cette nature, ayant même éliminé le contenu du tableau de la page 470 plus de quatre ans avant l’audition devant le juge. Compte tenu du dossier, la conclusion du juge que des pages qui ne contenaient presque plus rien constituaient des secrets industriels est une erreur manifeste et dominante.
[125] Comme il a été souligné dans Housen, l’omission d’un juge de première instance d’examiner en profondeur un facteur pertinent, voire d’aborder la question, ne constitue pas à elle seule un fondement suffisant pour permettre à une cour d’appel d’apprécier la preuve à son tour (par. 39). Cependant, l’omission du juge de traiter de questions pertinentes peut constituer une erreur matérielle justifiant l’intervention de la cour d’appel si elle donne lieu à la conviction rationnelle que le juge de première instance doit avoir oublié, négligé d’examiner ou mal interprété la preuve de telle manière que sa conclusion en a été affectée (Housen, au par. 39, citant van de Perre c. Edwards, 2001 CSC 60, [2001] 2 R.C.S. 1014, au par. 15). En l’espèce, le juge siégeant en révision a conclu qu’une page à peu près vidée de son contenu constituait un secret industriel. Il a tiré cette conclusion sans faire référence au critère juridique applicable ou à la preuve pertinente. J’estime en toute déférence que cela constituait une erreur matérielle au sens de Housen qui justifiait l’intervention de la Cour d’appel fédérale. Certes, la Cour d’appel fédérale aurait pu décider de renvoyer l’affaire à un juge de première instance pour qu’il l’examine à son tour, mais le fait que le dossier avait déjà fait l’objet de deux processus de révision en Cour fédérale étaye sa décision d’examiner elle‑même le dossier et d’appliquer l’exception invoquée.
[126] Je suis d’accord avec ma collègue la juge Deschamps que le juge siégeant en révision ne doit pas être tenu de justifier sa décision en faisant référence à chaque mot, chaque ligne, voire chaque page en litige, et qu’il peut traiter de l’affaire selon l’approche catégorielle s’il y a lieu. Cependant, l’omission d’un juge de fournir une explication en faisant référence à chaque mot diffère grandement de l’absence de toute explication de la part du juge, comme c’est le cas en l’espèce, dans des circonstances qui donnent lieu à la conviction rationnelle que le juge de première instance doit avoir oublié, négligé d’examiner ou mal interprété la preuve de telle manière que sa conclusion en a été affectée. La cour d’appel qui fait son propre examen du dossier dans ces circonstances fait preuve d’un niveau de déférence qui respecte tout à fait les limites décrites dans Housen.
[127] Je suis donc d’avis de confirmer la décision par laquelle la Cour d’appel fédérale a annulé la décision du juge siégeant en révision que ces documents étaient visés par l’exception.
(3) L’exception prévue à l’alinéa 20(1)b)
a) Introduction
[128] L’alinéa 20(1)b) prévoit une exception qui s’applique aux renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle qui sont fournis par un tiers :
20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :
. . .
b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers; . . .
[129] Le juge siégeant en révision a donné raison à Merck pour ce qui est des exceptions qu’elle a invoquées relativement à six documents ou parties de documents contenus dans le dossier de la PDN et 49 documents figurant dans celui de la PSDN, dont 44 sont toujours en litige. Le juge siégeant en révision a souligné, relativement à l’un et l’autre dossier, que les renseignements qui font partie du domaine public, même s’ils sont présentés différemment, ne sont plus confidentiels, et il a ajouté simplement, sans faire référence à la preuve et sans fournir d’autres explications, que certaines pages étaient visées par l’exception prévue à l’al. 20(1)b) parce qu’elles contenaient des renseignements confidentiels que Merck avait considérés comme tels et qui ne faisaient pas partie du domaine public : voir les motifs du juge Beaudry, aux par. 95 et 106 (2006 CF 1201); et aux par. 103 et 113 (2006 CF 1200).
[130] La Cour d’appel fédérale a annulé ces conclusions. Pour ce qui est du dossier se rapportant à la PDN, elle a conclu que la preuve de Merck ne tenait pas compte de la version expurgée la plus récente des documents en question et que Merck n’avait présenté aucune preuve directe et objective établissant qu’ils étaient visés par l’exception prévue à l’al. 20(1)b) (par. 67‑77). En ce qui concerne le dossier de la PSDN, la Cour d’appel fédérale a pareillement conclu que Merck n’avait présenté aucune preuve démontrant que les documents en cause étaient confidentiels ou traités comme tels. Or, si la Cour d’appel fédérale a eu raison de conclure à l’absence de toute preuve étayant la conclusion du juge siégeant en révision, c’est à bon droit qu’elle est intervenue (Housen, au par. 1).
[131] Merck nous demande de conclure que l’ensemble des documents toujours en litige à l’égard desquels elle invoque l’exception prévue à l’al. 20(1)b) ne doivent pas être communiqués. Ainsi, elle cherche à obtenir non seulement que les pages à l’égard desquelles le juge siégeant en révision a accepté ses objections soient soustraites à la communication, mais également que la Cour fasse droit à toutes les autres exceptions qu’elle a invoquées en se fondant sur l’al. 20(1)b) et qui sont énumérées dans le dossier conjoint sur les pages en litige.
[132] Merck conteste la conclusion de la Cour d’appel fédérale selon laquelle aucune preuve n’établissait que les documents en litige étaient visés par l’exception. J’examinerai les observations qu’elle a présentées à cet égard à la fin de la présente partie. Trois autres questions se posent relativement à l’al. 20(1)b). Deux d’entre elles portent sur la question de savoir si les documents en cause sont des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle, et la troisième, sur celle de savoir ce qui constitue des renseignements « fournis à une institution fédérale par un tiers ». Il est utile d’expliquer dans quel contexte ces questions se posent avant de les étudier en détail.
[133] Pour être visés par l’exception, les renseignements doivent être (i) financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, (ii) de nature confidentielle et traités comme tels de façon constante par le tiers, et (iii) fournis à une institution fédérale par un tiers. Les parties acceptent que les facteurs énumérés par le juge MacKay dans Air Atonabee sont à prendre en considération pour décider si les renseignements visés sont de nature confidentielle au sens de l’al. 20(1)b).
[134] Le premier de ces facteurs porte sur la question de savoir si les renseignements contenus dans le document visé ont déjà été rendus publics (Air Atonabee, au par. 41). En particulier, il s’agit de savoir si la communication à un concurrent du tiers, par une institution fédérale, d’une compilation d’articles scientifiques accessibles au public figurant dans une PDN ou une PSDN équivaut à une divulgation de plus de renseignements que ceux qui font déjà partie du domaine public. Merck soutient que les documents contiennent deux types de « renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » de nature confidentielle.
[135] Le premier type de renseignements confidentiels est le contenu substantif du dossier, c’est‑à‑dire les renseignements directement transmis par son contenu. C’est le cas par exemple d’un document qui fait référence aux conclusions tirées dans le cadre d’une étude de nature confidentielle. Dans un tel cas, c’est le contenu substantif de l’étude elle‑même qui constitue les renseignements confidentiels. Cet aspect de l’objection de Merck était l’élément central du raisonnement de la Cour d’appel fédérale. Je reviendrai sur cette question; pour l’instant, il est utile de souligner que la réponse à la question de savoir si l’objection de Merck est fondée dépend surtout de la preuve concernant celle de savoir si Santé Canada avait retranché ce genre de renseignements confidentiels en expurgeant les documents.
[136] La prétention de Merck qu’il existe un deuxième type de renseignements confidentiels dépend d’un argument plus subtil. Selon cet argument, indépendamment de la question de savoir si le contenu substantif du dossier est de nature confidentielle, la façon dont les renseignements sont présentés et le fait que Merck ait mentionné une étude particulière ou qu’elle se soit fondée sur celle‑ci d’une quelconque façon constituent tous les deux des renseignements scientifiques ou techniques de nature confidentielle au sens de l’al. 20(1)b). J’examinerai ces éléments à tour de rôle.
b) Mise en forme et structure de la présentation
[137] La Cour d’appel fédérale a souligné que nul n’a contesté devant elle la nature scientifique ou technique des renseignements (par. 64). Notre Cour pourrait dire la même chose au sujet des observations qui lui ont été présentées relativement au contenu substantif d’une grande partie des renseignements. Toutefois, les parties ne s’entendent pas sur la question de savoir si la mise en forme et la structure de la présentation de Merck sont des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle pour les fins de l’exception prévue à l’al. 20(1)b). Merck prétend qu’elles le sont. Selon elle, la divulgation de ces renseignements permet à des concurrents de se servir de ses méthodes de présentation d’une PDN ou d’une PSDN, et ce, sans avoir à y consacrer le temps et les ressources qu’elle a investis sur les plans de la recherche et du développement.
[138] Dans l’appréciation de cet argument, j’accepte d’entrée de jeu trois affirmations qui sont bien établies dans la jurisprudence de la Cour fédérale.
[139] D’abord, il convient de donner aux termes « financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques » leur sens lexicographique ordinaire. Le juge MacKay a affirmé ce qui suit dans Air Atonabee, au par. 35 :
. . . il me semble que le dictionnaire est le meilleur guide et qu’il suffit, pour l’application du paragraphe 20(1)b), que les renseignements concernent des questions financières, commerciales, scientifiques ou techniques, au sens courant de ces termes.
[140] Ensuite, il ressort aussi de la jurisprudence que pour constituer des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques, les renseignements en cause n’ont pas à avoir une valeur inhérente, comme cela peut être le cas s’agissant d’une liste de clients par exemple : la valeur des renseignements « dépend en dernière analyse de l’utilisation qu’on peut en faire et leur valeur marchande dépendra du marché de ceux qui les veulent et à quelle fin, et cette valeur peut grandement fluctuer avec le temps » (Air Atonabee, au par. 35).
[141] Enfin, je suis d’accord que les détails administratifs comme la numérotation des pages et des volumes, les dates et les passages des documents où se trouvent les renseignements ne sont pas des renseignements de nature scientifique, technique, financière ou commerciale (AstraZeneca, au par. 73).
[142] En général, il en va de même de la mise en forme et de la structure des présentations, tels la décision de se servir d’un graphique ou d’un tableau pour présenter les renseignements ou la structure et l’ordonnancement précis des parties d’un document dont le contenu général doit être conforme à des lignes directrices accessibles au public, comme c’est le cas en l’espèce : voir, par ex., Société Gamma, aux pp. 63‑64. Bien sûr, il convient d’examiner la question de savoir si l’exception s’applique ou non en tenant compte de la nature des renseignements et de la preuve au dossier.
c) Énumération d’études accessibles au public
[143] Merck affirme en outre que la divulgation d’une compilation d’articles scientifiques accessibles au public contenue dans une PDN ou une PSDN équivaut à divulguer davantage de renseignements que ceux qui font déjà partie du domaine public; le fait qu’une société pharmaceutique innovatrice se soit fondée sur des études particulières pour étayer sa demande d’approbation d’une drogue donnée est un renseignement précieux sur le plan de la concurrence qui n’est autrement pas accessible au public. Merck invoque Janssen‑Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 252, [2007] A.C.F. no 927 (QL), conf. 2005 CF 1633 (CanLII), pour faire valoir que sa décision de se fonder sur des études particulières est un renseignement confidentiel que la publication de ces dernières ne divulgue pas.
[144] Merck soutient que la jurisprudence de la Cour fédérale sur cette question est contradictoire. Elle souligne que la Cour d’appel fédérale a conclu, dans la première décision qu’elle a rendue dans le cadre de ces affaires (2005 CAF 215, décision dont la Cour n’est pas appelée à tenir compte dans le cadre des présents pourvois), que l’al. 20(1)b) ne s’appliquait pas aux renvois, dans la PDN ou la PSDN, à des articles de recherche ou d’autres documents accessibles au public, alors que dans Janssen‑Ortho, elle a jugé que l’évaluation que la société avait faite des études sur lesquelles elle s’était fondée dans sa présentation était confidentielle.
[145] Je ne peux accepter qu’une partie des observations formulées par Merck.
[146] J’ai déjà dit que les renseignements ne sont pas confidentiels s’ils font partie du domaine public, notamment s’ils sont accessibles au public par le biais d’une autre source. Comme le juge MacKay l’a affirmé dans Air Atonabee, au par. 41, les renseignements sont confidentiels s’ils ne peuvent être obtenus de sources autrement accessibles au public ou si le simple membre du public agissant de son propre chef ne peut les obtenir par suite de ses propres observations ou études. Il s’ensuit que les renseignements qui ont été publiés ne sont pas confidentiels. En outre, l’information qui ne fait que révéler l’existence de renseignements accessibles au public n’est généralement pas confidentielle, car le simple membre du public peut prendre connaissance du fait que les renseignements existent en faisant ses propres recherches. Dans la mesure où Merck prétend que ses compilations de telles études sont confidentielles pour les fins de l’al. 20(1)b) parce qu’elles pourraient aider un concurrent à apprendre l’existence de celles‑ci, je suis en désaccord avec cette opinion.
[147] Toutefois, le principal argument de Merck est que même si le contenu des études publiées peut ne pas constituer des renseignements de nature confidentielle pour les fins de l’al. 20(1)b), le fait qu’elle se soit fondée sur certaines études publiées n’est pas un renseignement accessible au public; il s’agit d’un renseignement confidentiel. Merck fait référence aux propos de la juge Simpson dans Janssen‑Ortho, au par. 39 (2005 CF 1633) : bien qu’une description des renseignements figurant dans les études publiées serait normalement divulguée, le fait que la partie qui s’oppose à la divulgation considère que les conclusions qui y sont tirées sont justes et fiables n’a pas été rendu public et, partant, il pourrait faire partie des renseignements confidentiels. La Cour d’appel fédérale a confirmé cette conclusion. S’exprimant au nom de la cour, le juge Sexton a souligné que les opinions de la partie demanderesse concernant les documents publics étaient confidentielles, n’étant pas elles‑mêmes à la disposition du public, et que le fait que cette partie ait pu se fonder sur certains renseignements publics n’était pas connu du public (par. 6).
[148] Je n’accepte pas l’observation de Merck selon laquelle la décision Janssen‑Ortho est, en principe, incompatible avec d’autres décisions rendues par les cours fédérales dans ce domaine. Le fait est qu’en général le contenu d’études publiées ne sera pas confidentiel vu qu’il figure dans une autre source qui se trouve dans le domaine public. Selon moi, il ressort des motifs exposés par la juge Simpson dans Janssen-Ortho qu’elle considère cela comme une proposition générale, car elle conclut qu’une description des conclusions tirées dans des études publiées serait normalement divulguée. Toutefois, il peut ressortir de la preuve que l’évaluation de ces études par le tiers ou le fait qu’il s’y soit fondé sont visés par la définition de renseignements confidentiels. Ce qui a exclu la décision Janssen-Ortho de la proposition générale, c’était que le dossier révélait également que la partie demanderesse estimait que les conclusions étaient justes et fiables, et que cela constituait un renseignement qui n’avait pas été rendu public. La juge Simpson a conclu que les renseignements en cause, dans la mesure où ils comprenaient « les avis d’expert, les opinions, les conclusions et les renseignements concernant les études que la demanderesse a jugé fiables », étaient des renseignements commerciaux de nature confidentielle (par. 40).
[149] Selon moi, par conséquent, le simple renvoi à une étude accessible au public ou une description de son contenu dans une présentation n’est pas, de façon générale, un renseignement confidentiel; un tel renvoi ne fait que souligner l’existence de l’étude et une description de son contenu n’est qu’un résumé de renseignements accessibles au public. En général, le simple membre du public peut prendre connaissance de l’existence de l’étude et de son contenu, bien qu’il doive y consacrer davantage d’efforts en faisant ses propres recherches. Toutefois, la preuve au dossier aura une grande incidence à cet égard.
[150] J’insiste sur ce dernier point. Une fois les principes juridiques pertinents établis, la question de savoir si tel ou tel dossier est confidentiel ou non constitue principalement une question de fait. Il faut donc se garder de trop généraliser les conclusions tirées dans des affaires données en omettant de tenir compte de la preuve soumise à la cour dans le cadre de celles‑ci. Il se peut, par exemple, que la pertinence d’une étude particulière quant à une demande donnée puisse dans certains cas s’avérer confidentielle. De la même façon, comme dans Janssen-Ortho, des déclarations explicites ou implicites au sujet de l’évaluation que le demandeur a faite de la fiabilité d’une étude répondront généralement à la définition du renseignement confidentiel. Bien entendu, dans les cas où l’existence des études ou leur contenu sont des renseignements de nature confidentielle pour les fins de l’al. 20(1)b), les renvois à ces études seront eux aussi, de façon générale, confidentiels pour les fins de l’exception. De la même façon, si le fait que le demandeur a évalué l’étude ou s’est fondé sur celle‑ci est un renseignement accessible au public, alors il ne s’agit pas d’un renseignement confidentiel. Le point essentiel est que ces principes ne s’appliquent pas automatiquement; ils doivent être pris en compte en fonction de la preuve au dossier.
[151] Il me semble que le conflit qui oppose les parties sur ce point porte davantage sur une question de fait que sur une question de principe juridique. Les auteurs des affidavits favorables à Merck ont reconnu que les nombreux articles portant sur l’asthme et son traitement font partie du domaine public. Cependant, ce que Merck fait valoir, c’est que le fait que les renseignements figurant dans une publication donnée ont été utilisés dans le cadre d’une PDN au Canada, en l’occurrence la sienne, n’est pas de notoriété publique. Cela dit, les auteurs de ces affidavits n’aident pas la Cour à déterminer si les renseignements que le responsable de l’institution en l’espèce envisage de divulguer contiennent l’appréciation ou l’évaluation que Merck a faites des études en question. En particulier, Santé Canada nie avoir l’intention de divulguer les opinions ou les évaluations non publiées des experts de Merck au sujet de quelque étude que ce soit. En outre, Santé Canada soutient que le fait que Merck se soit fondée sur les études telles que mentionnées constitue un renseignement public provenant de la monographie de produit et des documents publiés par la F.D.A.
d) « fournis à une institution fédérale par un tiers »
[152] Selon l’une des exigences à satisfaire pour que s’applique l’exception prévue à l’al. 20(1)b), il faut que les renseignements visés aient été fournis par le tiers à l’institution fédérale. Il reste à savoir si cette exigence a été satisfaite dans le cas de certains documents figurant au dossier. Les documents en litige sont des notes d’examinateurs rédigés par des scientifiques que Santé Canada a chargés d’évaluer la drogue ainsi que des échanges entre Merck et Santé Canada. Ces documents contiennent certes des renseignements fournis par Merck, mais ils contiennent aussi d’autres renseignements, comme l’analyse et les observations des examinateurs, leurs conclusions et recommandations, ainsi que des renseignements tirés de publications scientifiques. Santé Canada affirme que l’approche énoncée dans Canada Packers l’oblige à produire les notes de ces examinateurs après avoir retranché les documents fournis par Merck.
[153] Les parties ne s’entendent pas sur ce qui constitue des renseignements fournis à une institution fédérale par un tiers. Santé Canada allègue que même si les documents rédigés par les scientifiques qu’il a chargés d’évaluer le médicament proposé contiennent certains renseignements qui lui ont été fournis par Merck, ce n’est pas le cas de tous les renseignements contenus dans ce genre de dossier. Ils contiennent également, par exemple, les observations, analyses, conclusions et recommandations des examinateurs ainsi que des renseignements provenant de publications scientifiques et des réponses aux interrogations que l’ensemble des documents ont suscitées chez les examinateurs. Or, Merck n’a pas fourni de renseignements de ce type. Santé Canada fait également valoir qu’une grande partie des échanges qu’il a eus avec Merck ne constituent pas non plus des renseignements fournis par un tiers.
[154] Quels sont donc les principes juridiques applicables?
[155] Le premier principe est que le tiers qui invoque l’exception prévue à l’al. 20(1)b) doit établir qu’il a fourni les renseignements à une institution fédérale.
[156] Le deuxième principe est que les renseignements que des fonctionnaires recueillent eux‑mêmes, dans le cadre d’une inspection par exemple, ne seront pas considérés comme ayant été fournis par le tiers. Voici ce que le juge MacKay a affirmé dans Air Atonabee :
À mon avis, lorsque le document est constitué de commentaires ou d’observations faites par des inspecteurs publics sur le fondement de leur examen des documents conservés par le tiers au moins en partie à des fins d’inspection, le principe posé dans l’arrêt Canada Packers Inc., précité, s’applique et les renseignements ne doivent pas être considérés comme ayant été fournis par le tiers. [par. 47]
Voir également Canada Packers, aux pp. 54‑55; Viandes du Breton Inc. c. Canada (Agence canadienne d’inspection des aliments), 2006 CF 335 (CanLII), aux par. 44‑49.
[157] Le troisième principe veut que la question de savoir si les renseignements ont été fournis par un tiers est souvent principalement une question de fait. Par exemple, il arrive que les fonctionnaires qui ont des échanges avec un tiers au sujet de certains renseignements connaissent déjà ceux‑ci en raison des observations qu’ils ont faites ou des sources qu’ils ont consultées. Mais il est également possible qu’ils connaissent les renseignements parce qu’ils leur ont été transmis au préalable par le tiers. Le simple fait que le document en litige provient d’un fonctionnaire ne suffit pas à rendre irrecevable la demande d’application de l’exception. Mais, dans chaque cas, le tiers qui s’oppose à la divulgation dans le cadre d’une demande de contrôle judiciaire doit établir que les renseignements provenaient de lui et qu’ils étaient de nature confidentielle.
[158] En résumé, la question de savoir si des renseignements confidentiels ont été « fournis à une institution fédérale par un tiers » en est une de fait. C’est le contenu plutôt que la forme des renseignements qui doit être pris en compte : le simple fait que les renseignements figurent dans un document d’une institution fédérale ne règle pas en soi la question. Il faut appliquer l’exception aux renseignements qui révèlent les renseignements confidentiels fournis par le tiers ainsi qu’à ces derniers. De façon générale, les jugements ou les conclusions auxquels parviennent les fonctionnaires sur la base de leurs propres observations ne peuvent être considérés comme des renseignements fournis par un tiers.
e) Application
[159] Comme je l’ai déjà dit, les observations de Merck relativement à l’al. 20(1)b) soulèvent trois points. À mon humble avis, ils sont tous dépourvus de fondement.
[160] Le premier argument de Merck est que la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en concluant qu’elle ne s’était pas acquittée de son fardeau de prouver que les documents sous leur forme expurgée contenaient toujours des renseignements de nature confidentielle. Cet argument, qui se rapporte au contenu substantif des renseignements visés, porte sur la question de savoir si, comme Santé Canada le prétend, tous les renseignements qui ne font pas partie du domaine public ont été retranchés.
[161] La décision de la Cour d’appel fédérale sur l’exception prévue à l’al. 20(1)b) dépendait de ce point (par. 62 et 67). Elle a conclu que Merck n’avait pas réussi à s’acquitter de son fardeau en ce qui concerne la question de savoir si les renseignements étaient de nature confidentielle et avaient toujours été traités de la sorte. Elle a aussi conclu que les affidavits soumis par Merck ne contenaient aucune « preuve directe et objective » et qu’elle n’avait pas établi que l’exception prévue à l’al. 20(1)b) s’appliquait.
[162] Je souscris à l’opinion de Merck selon laquelle la Cour d’appel fédérale a appliqué une norme de preuve trop exigeante. La Cour d’appel fédérale a déclaré que le fardeau dont le tiers s’opposant à la divulgation doit s’acquitter pour que l’exception prévue à l’al. 20(1)b) s’applique est « lourd » (par. 62). Pour les motifs que j’ai déjà exposés, j’estime qu’il s’agit d’une erreur de droit. Le fardeau consiste à prouver, selon la norme applicable en matière civile, que l’exception s’applique. Cependant, je ne crois pas que la conclusion tirée par la Cour d’appel fédérale soit tributaire de sa description de la norme de preuve. Sa décision reposait plutôt sur le fait que, selon elle, aucune preuve n’établissait que les exceptions invoquées s’appliquaient compte tenu des expurgations importantes faites par Santé Canada. Je m’explique.
[163] En ce qui concerne la PDN, la conclusion de la Cour d’appel fédérale portait surtout sur la façon dont Santé Canada en est venu à reconnaître la nécessité de faire d’importantes expurgations, conjuguée à l’omission de Merck de commenter expressément les renseignements qui subsistaient après que les expurgations avaient été faites.
[164] En septembre 2001, Santé Canada a déposé un nouvel affidavit auquel étaient jointes des versions davantage expurgées des documents qu’il envisageait de communiquer : voir les motifs de la Cour d’appel fédérale, au par. 16. Merck n’a pas commenté expressément ces versions nouvellement expurgées des documents. La Cour d’appel fédérale a conclu que la preuve par affidavit soumise par Merck avant cette date était peu utile car il était impossible de savoir si une objection s’appliquait toujours, compte tenu des nouvelles expurgations. La Cour d’appel fédérale a également conclu que les affidavits soumis par Merck avant cette date n’établissaient pas directement et objectivement que l’exception s’appliquait aux documents sous leur forme nouvellement expurgée (par. 75-76). Pour ce motif, la Cour d’appel fédérale a annulé toutes les conclusions tirées par le juge siégeant en révision relativement à l’application à la PDN de l’exception prévue à l’al. 20(1)b).
[165] En ce qui concerne la PSDN, la Cour d’appel fédérale a tout simplement conclu que Merck n’avait soumis aucune preuve directe et objective établissant que les renseignements figurant toujours dans les documents étaient de nature confidentielle (par. 79).
[166] Ces deux conclusions portaient principalement sur la question de savoir si le contenu des renseignements était accessible au public.
[167] Merck traite précisément de ces conclusions dans trois courts paragraphes du mémoire qu’elle a présenté à la Cour, où elle soutient avoir invariablement traité de façon confidentielle les renseignements en litige et affirme que, contrairement aux conclusions tirées par la Cour d’appel fédérale, [traduction] « le dossier comportait une preuve abondante établissant que Merck traite les renseignements en litige comme étant confidentiels » (par. 180). À titre d’exemple, elle fait référence à de la preuve démontrant que l’accès à ses installations est restreint, que ses employés et ses experts‑conseils doivent conclure avec elle des ententes de confidentialité, que l’accès à ses documents sur support papier et support informatique n’est accordé qu’à ceux qui en ont besoin pour faire leur travail, et, en particulier, que l’accès aux renseignements qui ont trait à une PDN n’est accordé qu’aux personnes qui travaillent aux affaires réglementaires et à un nombre limité de dirigeants de la société, dans la mesure où ils en ont besoin.
[168] À mon humble avis, ces observations ne sont d’aucune utilité pour trancher la question sur laquelle s’est penchée la Cour d’appel fédérale; les observations n’expliquent pas en quoi le contenu des pages expurgées — dont plusieurs l’ont été de façon importante — est confidentiel compte tenu de la preuve de Santé Canada que les renseignements non retranchés font partie du domaine public et, par conséquent, ne sont pas de nature confidentielle. Les observations de Merck et mon examen du dossier ne m’ont pas convaincu que la Cour d’appel fédérale a commis une erreur dans la conclusion qu’elle a tirée à cet égard. L’examen de deux exemples précis permettra de comprendre pourquoi.
[169] S’agissant du dossier de la PDN, examinons, à titre d’exemple, la preuve qui se rapporte à la page 33 des documents en litige. Cette page provient du sommaire général; plus précisément, elle appartient à la partie qui décrit certains travaux de recherche. Elle fait référence, par numéro, à des études dont le contenu est décrit ailleurs dans la présentation.
[170] La liste d’études mentionnée dans la version finale expurgée de la page 33 de Santé Canada a été expurgée à certains endroits. En outre, à la page 137, tous les détails ont été retranchés de l’une des études à laquelle il est fait référence à la page 33. Par contraste, aucun passage de la version antérieure de cette page, qui datait du 2 janvier 2001, n’en avait été retranché, et aucun détail des études n’avait été éliminé de la page 137 : voir les motifs de la Cour d’appel fédérale, aux par. 68‑69.
[171] Selon la preuve par affidavit soumise par Merck relativement au contenu de cette page, celle‑ci divulgue des résultats confidentiels qui ne font pas partie du domaine public. Dans sa preuve, Santé Canada accepte que la page en litige contient des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle fournis par un tiers qui sont, à bon droit, soustraits à la divulgation, mais elle prétend que tous les renseignements de cette nature ont été retranchés et que les renseignements restants ne sont pas confidentiels (comme la présentation de la page) ou encore font partie du domaine public. Merck n’a présenté aucune preuve pour réfuter celle de Santé Canada. Or, compte tenu du silence de Merck au sujet de la preuve que tous les renseignements de nature confidentielle avaient été retranchés et de l’absence de toute explication du juge siégeant en révision sur la raison pour laquelle il avait rejeté cette preuve, c’est à bon droit que la Cour d’appel fédérale est intervenue et qu’elle a fait sa propre appréciation : voir les motifs de la Cour d’appel fédérale, aux par. 72-76.
[172] Je me pencherai maintenant sur les exceptions prévues à l’al. 20(1)b) invoquées relativement à la PSDN. Examinons, à titre d’exemple, la preuve se rapportant à la page 115 des documents en litige. Cette page fait également partie du sommaire général. Tout au long du processus, Santé Canada n’a retranché aucune partie de cette page. Or, le juge siégeant en révision a conclu qu’elle contenait des renseignements confidentiels et qu’elle devait être complètement soustraite à la communication (voir les motifs du juge Beaudry, au par. 113 (2006 CF 1200)), une conclusion que la Cour d’appel fédérale a infirmée.
[173] Dans sa lettre datée du 20 juillet 2001, Merck a répondu à l’avis de Santé Canada et lui a soumis ses objections à la divulgation de certains renseignements. Les objections de Merck traitent d’une manière générale de la nature et du type de renseignements figurant dans les pages qui constituent le résumé général. Merck a fait valoir que ces renseignements étaient de nature confidentielle, soulignant que le résumé avait été communiqué à certaines personnes seulement au sein de son organisation et qu’il avait été transmis à Santé Canada assorti d’un avis de confidentialité. Aucune remarque n’a été formulée quant au caractère confidentiel du contenu substantif de la page 115.
[174] Santé Canada a répondu à Merck le 2 octobre 2001, acceptant d’expurger partiellement davantage d’autres documents, mais rejetant ses autres objections : voir les motifs du juge Beaudry, au par. 19 (2006 CF 1200). Santé Canada a fait valoir que le résumé général ne pouvait être exclu en entier et que certains des renseignements qu’il contenait se trouvaient déjà dans le domaine public. Elle s’est abstenue d’expurger la page 115.
[175] Merck a envoyé une autre réponse à Santé Canada le 31 octobre 2001 à la suite d’un examen effectué par des experts‑conseils dont elle avait retenu les services. L’examen relevait tous les renseignements qui n’étaient pas déjà accessibles au public et qui n’avaient pas été retranchés par Santé Canada : voir les motifs du juge Beaudry, au par. 23 (2006 CF 1200). À cette époque, Merck et les experts‑conseils étaient d’avis de retrancher certains paragraphes seulement ainsi que plusieurs renvois à d’autres parties de la PSDN. Merck a prétendu que ces renseignements demeuraient confidentiels. Elle a également soutenu que la méthode qu’elle avait suivie pour préparer la PSDN était confidentielle et que, par conséquent, les renvois à d’autres parties de celle‑ci devaient être retranchés.
[176] Santé Canada a envoyé à Merck son dernier avis le 19 décembre 2001, acceptant de retrancher certains détails supplémentaires d’autres documents, mais rejetant ses autres objections : voir les motifs du juge Beaudry, aux par. 24‑26 (2006 CF 1200). Comme je l’ai déjà mentionné, la page 115 n’a pas été expurgée. Merck a donc déposé une demande de contrôle judiciaire auprès de la Cour fédérale.
[177] Merck a présenté à la Cour fédérale un tableau détaillé énumérant les parties du dossier qui faisaient l’objet du litige ainsi que des observations dans lesquelles elle expliquait pourquoi, selon elle, ces parties devaient être soustraites à la communication. En ce qui concerne le caractère confidentiel de la page 115, Merck a fait référence à un affidavit mentionnant qu’en général les sociétés pharmaceutiques estimaient que de tels renseignements étaient confidentiels. Elle a aussi fait référence à un autre affidavit qui mentionnait, dans la même veine, que les sociétés pharmaceutiques considéraient habituellement que ce genre de renseignements étaient confidentiels et que Merck avait fait de même : voir les motifs de la Cour d’appel fédérale, aux par. 96 et 98.
[178] Encore là, je ne constate aucune erreur dans la conclusion de la Cour d’appel fédérale que la preuve soumise par Merck ne lui permettait pas juridiquement de s’acquitter de son fardeau de démontrer en quoi certains des renseignements de fond figurant dans la page 115 étaient de nature confidentielle : voir les motifs de la Cour d’appel fédérale, au par. 79.
[179] Je souscris donc à l’opinion de la Cour d’appel fédérale dans la mesure où elle a conclu que Merck n’a pas établi que le contenu substantif des documents en litige comprenait des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques de nature confidentielle. Toutefois, la Cour d’appel fédérale n’a pas traité des deux autres aspects des observations que Merck a formulées devant notre Cour relativement à l’al. 20(1)b).
[180] Le deuxième argument de Merck est que la mise en forme et la structure des présentations sont visées par l’exception. Comme je l’ai déjà dit, et pour les motifs que j’ai déjà exposés, je ne souscris pas à cet argument.
[181] Le troisième argument de Merck est que le fait même qu’elle a énuméré des études dans ses présentations, et que cela laissait donc entendre qu’elle s’était fondée sur elles, constituait un renseignement de nature confidentielle. Même si les études elles‑mêmes font partie du domaine public, Merck fait valoir qu’elle a elle‑même dressé la liste d’articles et d’études et que ce qu’elle a décidé d’y inclure ne fait pas partie du domaine public. Le fait même qu’une publication donnée ait été utilisée dans le cadre d’une PDN au Canada n’est pas de notoriété publique. La liste comprend également une sélection d’articles appariés au produit et à la PDN et la PSDN. Merck souligne également que ce renseignement confère un avantage concurrentiel à ses concurrents, ce qui lui cause du tort. Ce dernier point est, bien entendu, pertinent en ce qui concerne l’exception prévue à l’al. 20(1)c), et non quant à celle prévue à l’al. 20(1)b), dont il est présentement question.
[182] Les arguments de Merck au sujet de la liste d’études sont problématiques car c’est Merck elle‑même qui a proposé que des copies de tous les articles publiés qui ont été mentionnés dans les présentations soient fournies au demandeur : lettre de Merck à Santé Canada datée du 25 septembre 2000 (voir les motifs du juge Harrington, au par. 38 (2004 CF 959); voir également les motifs du juge Beaudry, au par. 16 (2006 CF 1201)). De plus, Santé Canada souligne que le fait que Merck avait fait référence à plusieurs études était déjà de notoriété publique en raison de la publication de la monographie de produit et de documents publiés par la F.D.A. (mémoire de Santé Canada, au par. 134). Je ne vois aucune différence, en principe, entre des articles publiés et des études faisant autrement partie du domaine public. La communication des articles en réponse à une demande d’accès à l’information touchant une PDN ou une PSDN démontre que Merck avait choisi les études citées et qu’elle avait établi un lien entre les articles et le produit, et la PDN ou la PSDN, selon le cas. Ceci, selon moi, mine complètement la prétention de Merck que le fait qu’elle ait choisi des études afin de les inclure dans la PDN ou la PSDN, selon le cas, ou que l’existence d’un lien entre ces études et le produit et l’une ou l’autre de ces présentations, est de nature confidentielle. J’ai examiné la preuve pertinente, et j’en conclus que Merck n’a pas démontré que l’énumération des études constituait elle‑même un renseignement financier, commercial, scientifique ou technique de nature confidentielle. Je n’exclus certes pas la possibilité que le bien‑fondé d’un tel argument soit établi dans certains cas où il est étayé par la preuve, mais, en l’espèce, la preuve est insuffisante à cet égard. Enfin, j’estime que le simple fait d’énumérer des études ne fait pas intervenir le principe de Janssen‑Ortho, qui se rapporte aux renseignements qui révèlent l’appréciation que le tiers a faite de ces études.
[183] Je suis donc d’avis de confirmer la décision de la Cour d’appel fédérale de rejeter les prétentions de Merck selon lesquelles les exceptions prévues par l’al. 20(1)b) s’appliquent en l’espèce.
(4) L’alinéa 20(1)c) : renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de nuire au tiers
[184] Je vais maintenant examiner l’exception, prévue à l’al. 20(1)c), visant à éviter un préjudice. L’exception s’applique si le tiers établit que la divulgation des renseignements « risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité » :
20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :
. . .
c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité; . . .
[185] Là encore, des observations ont été formulées par les deux parties quant aux principes applicables et à la façon dont il convient de les appliquer. Le débat devant la Cour a principalement porté sur trois aspects de cette exception : (i) le degré de probabilité, selon cette disposition, qu’un préjudice découle de la divulgation des renseignements visés; (ii) la question de savoir si la divulgation de renseignements faisant déjà partie du domaine public peut causer un préjudice; et (iii) les types de préjudice visés par la disposition. Après avoir examiné brièvement les décisions des juridictions inférieures, je traiterai de ces questions et me pencherai sur les observations plus précises qui ont été formulées quant à la façon dont il convient d’appliquer les principes pertinents en l’espèce.
a) Les décisions de la Cour fédérale et de la Cour d’appel fédérale
[186] D’abord, en ce qui concerne le dossier de la PDN, on ne sait pas clairement quel critère le juge siégeant en révision a appliqué pour ce qui est de la possibilité qu’un préjudice soit causé. Au paragraphe 101 (2006 CF 1201), il a fait mention du « fardeau de démontrer [. . .] la possibilité du préjudice », alors qu’au par. 107 il a repris le libellé de l’al. 20(1)c) en se demandant si la divulgation « risquerait vraisemblablement [. . .] de nuire » au tiers. Il a statué que seulement une page des notes d’examinateurs contestées et de la correspondance entre Merck et Santé Canada était visée par l’exception prévue à l’al. 20(1)c) (par. 93). Il a également rejeté en termes généraux le point de vue de Merck selon lequel la communication de documents contenant des renseignements se trouvant déjà dans le domaine public lui causerait vraisemblablement un préjudice (par. 101). Néanmoins, il a conclu que l’exception s’appliquait à environ 130 documents, dont la plupart figuraient dans le sommaire général, parce qu’ils contenaient des renseignements plus précis ou plus détaillés que ceux qui se trouvaient dans le domaine public (par. 104).
[187] En ce qui concerne le dossier de la PSDN, le juge siégeant en révision a appliqué le même cadre juridique et conclu que cinq documents étaient bel et bien visés par l’exception prévue à l’al. 20(1)c) parce qu’ils contenaient des renseignements plus précis ou plus détaillés que ceux qui se trouvaient déjà dans le domaine public et dont la divulgation « risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à la demanderesse ou de nuire à sa compétitivité » (par. 112, 2006 CF 1200).
[188] La Cour d’appel fédérale a infirmé les conclusions auxquelles le juge siégeant en révision est parvenu à l’égard de l’un et l’autre dossier et a conclu qu’aucun des documents en cause n’était visé par l’exception prévue à l’al. 20(1)c). La juge Desjardins, s’exprimant au nom de la Cour d’appel fédérale, a conclu que pour que le tiers puisse se prévaloir de cette exception, les renseignements visés ne devaient pas se trouver dans le domaine public, et que le tiers devait établir qu’il avait « une attente raisonnable d’un préjudice probable » : au par. 81, citant AstraZeneca. Selon elle, la simple possibilité de préjudice n’était pas suffisante à cet égard (par. 84). Elle a conclu que le dossier n’appuyait pas la conclusion du juge siégeant en révision selon laquelle l’exception prévue à l’al. 20(1)c) s’appliquait à l’un ou l’autre des documents sous leur forme expurgée. Elle a conclu que la preuve de Merck était vague, spéculative et silencieuse sur la question de savoir précisément comment et pourquoi la divulgation des renseignements demandés causerait vraisemblablement le préjudice allégué par Merck (par. 93).
[189] Outre quatre documents de la PDN qui ne sont plus en litige, Merck cherche à obtenir le rétablissement de l’ensemble des exceptions prévues à l’al. 20(1)c) qui s’appliquaient selon le juge siégeant en révision ainsi que l’application, aux autres documents, des exceptions qu’elle n’avait pas réussi à faire valoir devant ce dernier et qui visaient plus de 100 documents relatifs à la PDN et autant de documents relatifs à la PSDN.
[190] En ce qui concerne l’application des exceptions prévues à l’al. 20(1)c) qu’elle cherchait à obtenir mais que le juge siégeant en révision a rejetées, Merck n’a pas démontré, dans ses observations à la Cour, en quoi le juge siégeant en révision a commis une erreur en statuant que ses arguments n’étaient pas fondés, ni de quelle façon la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en confirmant les conclusions de ce dernier. Mon analyse portera donc principalement sur les exceptions prévues à l’al. 20(1)c) que le juge siégeant en révision a maintenues mais que la Cour d’appel fédérale a annulées, à savoir environ 130 documents dans le cas de la PDN et cinq documents dans le cas de la PSDN.
[191] Je reprends maintenant l’examen des trois questions que j’ai déjà relevées.
b) Le degré de probabilité qu’un préjudice soit causé
[192] Pendant environ 20 ans, les cours fédérales ont considéré que l’al. 20(1)c) exigeait que le tiers démontre l’existence d’un « risque vraisemblable de préjudice probable » : voir, p. ex., Canada Packers, aux pp. 58‑60; Canada c. Canada (Premier ministre), aux pp. 440 et suivantes, Air Atonabee, aux par. 52 et 58; Ottawa Football Club c. Canada (Ministre de la Condition physique et du Sport amateur), [1989] 2 C.F. 480 (1re inst.), aux pp. 487‑488 ; Saint John Shipbuilding Ltd. c. Canada (Ministre des Approvisionnements et Services), [1990] A.C.F. no 81 (QL) (C.A.) ; Brookfield Lepage Johnson Controls Facility Management Services c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), 2004 CAF 214 (CanLII), aux par. 11 et suivants.
[193] Selon Merck, il faut abandonner ce courant jurisprudentiel et éliminer du critère le mot « probable ». Merck prétend que le critère qu’il convient d’appliquer a été formulé par la Cour d’appel de la Nouvelle‑Écosse dans Chesal c. Nova Scotia (Attorney General), 2003 NSCA 124, 219 N.S.R. (2d) 139, décision où elle a conclu que l’introduction du mot « probable » dans la formulation du critère était erronée. Par conséquent, il suffit de démontrer qu’il existe un « risque vraisemblable de préjudice » (par. 37). Selon le critère proposé par Merck, le tiers devrait donc démontrer que la divulgation occasionnerait un « risque vraisemblable de préjudice ».
[194] Santé Canada prétend qu’il faut conserver la norme bien établie que la Cour d’appel fédérale a appliquée dans la présente affaire. Comme la jurisprudence le mentionne clairement, la simple possibilité qu’un préjudice soit causé n’est pas suffisante : le critère qu’il convient d’appliquer est celui du risque vraisemblable de préjudice probable. Il n’existe pas de solution mitoyenne.
[195] Je ne suis pas convaincu que nous devrions modifier la façon dont les cours fédérales formulent ce critère depuis si longtemps. En effet, une telle modification aurait également une incidence sur d’autres dispositions, car plusieurs autres exceptions prévues par la Loi sont formulées d’une façon semblable à l’al. 20(1)c), notamment celles relatives à la conduite des affaires fédéro‑provinciales (art. 14), à la conduite des affaires internationales et à la défense du Canada (art. 15), aux enquêtes (art. 16), à la sécurité des individus (art. 17), et aux intérêts économiques du Canada (art. 18). De plus, comme le souligne l’intimé, le critère du « risque vraisemblable de préjudice probable » a été appliqué relativement à un certain nombre de lois provinciales en matière d’accès à l’information libellées en des termes similaires. Par conséquent, l’interprétation législative de ce critère est importante tant en ce qui concerne l’application de nombreuses exceptions prévues dans la loi fédérale que celle de diverses lois provinciales libellées en des termes similaires.
[196] On peut se demander ce que le mot « probable » ajoute au critère. À première vue, le critère du « risque vraisemblable de préjudice probable » semble peut‑être quelque peu obscur parce qu’il ajoute des degrés d’incertitude. Une chose « probable » est plus susceptible de se produire que l’inverse. Un « risque vraisemblable » est quelque chose qui est à tout le moins prévu et qui est peut‑être susceptible de se produire, mais qui n’est pas nécessairement probable. La juxtaposition des deux expressions — « un risque vraisemblable de préjudice probable » — résulte en une norme qui peut ne pas être claire à première vue. Toutefois, je conclus que cette formulation acceptée depuis longtemps vise à cerner un point important, à savoir que même s’il ne lui incombe pas d’établir selon la prépondérance des probabilités que le préjudice se produira effectivement si les documents sont communiqués, le tiers doit néanmoins faire davantage que simplement démontrer que le préjudice peut se produire. Dans cette optique, je ne vois aucune raison de reformuler le critère.
[197] Je souligne que dans Lavigne c. Canada (Commissariat aux langues officielles), 2002 CSC 53, [2002] 2 R.C.S. 773, au par. 58, la Cour a fait référence, semble‑t‑il en les approuvant, à la formulation « risque vraisemblable de préjudice probable » et aux propos du juge Richard (alors juge à la Cour fédérale) dans Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Commission de l’immigration et du statut de réfugié), [1997] A.C.F. no 1812 (QL) (1re inst.), qui a jugé que ce critère indique qu’on doit avoir « des motifs d’y croire » (par. 43). En appliquant cette norme, la Cour a conclu que la preuve ne permettait pas « raisonnablement de conclure que la divulgation » causerait le préjudice appréhendé (par. 61). Ce commentaire ne veut certes pas dire qu’il faut établir, selon la prépondérance des probabilités, qu’un préjudice sera causé, mais il fait néanmoins ressortir le fait qu’il faut démontrer davantage que la simple possibilité qu’un préjudice soit causé. En ce qui concerne le lien de causalité entre la divulgation et le préjudice, la Cour a affirmé qu’il n’est pas nécessaire qu’il y ait un lien de causalité, comme en droit de la responsabilité extracontractuelle, mais qu’« [i]l faut qu’il y ait entre la divulgation d’une information donnée et le préjudice allégué un lien clair et direct » (par. 58; voir également Canada Packers, aux pp. 58‑59).
[198] La Cour a aussi récemment interprété une formulation similaire qui figure dans un autre contexte législatif. Dans Hilewitz c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), 2005 CSC 57, [2005] 2 R.C.S. 706, les juges majoritaires ont fait référence, au par. 60, à une disposition précisant que l’étranger est interdit de territoire en application de l’al. 38(1)c) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés, L.C. 2001, ch. 27, si son état de santé « entraînerait ou risquerait d’entraîner un fardeau excessif » pour les services sociaux ou de santé. La juge Abella a souligné que, selon le libellé, il faut « rattacher toute prévision de fardeau pour les fonds publics à la situation réelle des demandeurs [. . .] et non à l’évolution possible de cette situation » (par. 60 ; je souligne).
[199] Je suis d’avis de confirmer la formulation figurant dans Canada Packers. Le tiers qui invoque une exception prévue à l’al. 20(1)c) de la Loi doit démontrer qu’il existe beaucoup plus qu’une simple possibilité qu’un préjudice soit causé, mais il n’est pas tenu d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que le préjudice se produira effectivement. Cette démarche, selon moi, est fidèle au libellé de la disposition et à l’objet de celle‑ci.
[200] Comme pour toute question d’interprétation législative, la Cour doit lire les termes de la loi dans leur contexte global en suivant le sens ordinaire et grammatical qui s’harmonise avec l’esprit de celle‑ci, son objet et l’intention du législateur.
[201] Je vais d’abord examiner la version anglaise de la disposition. Les mots « could reasonably be expected to result » (« risquerait vraisemblablement de causer ») semblent éviter soit la norme de la simple possibilité, soit celle de la probabilité. Il faut, selon moi, présumer que ces deux normes étaient bien connues des rédacteurs. Cela tend à indiquer qu’on entendait établir une solution mitoyenne : on ne saurait raisonnablement s’attendre à ce qu’une chose se produise si elle ne constitue qu’une simple possibilité; en revanche, on peut raisonnablement s’attendre à ce qu’une chose se produise même s’il n’est pas plus probable qu’elle se produise que l’inverse. Le mot anglais « expected » découle du verbe « to expect », dont le sens premier est « regard as likely » (« considérer comme étant probable ») (The Canadian Oxford Dictionary (2e éd. 2004)). Le sens du mot « likely » est toutefois plus difficile à dégager avec précision. Bien qu’il puisse signifier « probable » (« probable »), il peut également signifier « such as well might happen » (« comme il peut très bien se produire ») (ibid.). En langage juridique, on exprime souvent la norme de preuve de la prépondérance des probabilités en disant qu’il faut établir qu’il est plus probable qu’une chose se produise que l’inverse. J’arrive donc à la conclusion que la version anglaise de la disposition indique qu’il s’agit d’une solution mitoyenne entre ce qui est probable et ce qui est simplement possible. Le seuil envisagé semble exiger considérablement plus qu’une simple possibilité de préjudice, mais moins qu’un préjudice qui est plus probable de se produire que l’inverse.
[202] Je vais maintenant examiner la version française de l’al. 20(1)c). Le passage « risquerait vraisemblablement de causer » n’est pas facile à interpréter. Le conditionnel « risquerait de causer » peut être exprimé de deux façons en anglais, à savoir par « could » ou « would ». En l’occurrence, le rédacteur a choisi d’employer celui des deux mots qui exprime le moins de certitude, c’est‑à‑dire « could ». Par ailleurs, le mot « vraisemblablement » peut avoir le sens de « probably » ou de « likely » : voir, p.ex., Kwiatkowsky c. Ministre de l’Emploi et de l’Immigration, [1982] 2 R.C.S. 856, aux pp. 863‑864. Toutefois, il est souvent utilisé dans les lois fédérales comme équivalent des mots anglais « likely » ou « reasonably » ou pour évoquer le risque qu’une chose se produise ou ne se produise pas. Voici quelques exemples. Au paragraphe 11(1) de la Loi sur la concurrence, L.R.C., 1985, ch. C‑34, le passage « qu’une personne détient ou détient vraisemblablement des renseignements pertinents à l’enquête en question » est rendu en anglais par « that a person has or is likely to have information that is relevant to the inquiry », et, au par. 74.11(4), le passage « s’il est convaincu que le paragraphe (3) ne peut vraisemblablement pas être observé » est rendu par « where it is satisfied that subsection (3) cannot reasonably be complied with ». Au paragraphe 25.1(9) du Code criminel, L.R.C., 1985, ch. C‑46, le passage « qui entraînerait vraisemblablement la perte de biens ou des dommages importants à ceux‑ci » est rendu par « that would be likely to result in loss of or serious damage to property » et, au par. 382.1(2), les mots « sachant qu’ils seront vraisemblablement utilisés pour acheter ou vendre, même indirectement, les valeurs mobilières en cause ou qu’elle les communiquera vraisemblablement à d’autres personnes qui pourront en acheter ou en vendre » sont rendus par « knowing that there is a risk that the person will use the information to buy or sell, directly or indirectly, a security to which the information relates, or that they may convey the information to another person who may buy or sell such a security ». Enfin, au par. 294(6) de la Loi sur les sociétés d’assurances, L.C. 1991, ch. 47, les mots « provoquerait vraisemblablement une modification sensible du prix des valeurs mobilières de la société » sont rendus par « might reasonably be expected to materially affect the value of any of the securities of the company ».
[203] Comme je l’ai déjà mentionné, le mot « likely » est tout à fait compatible avec le passage « could reasonably be expected to ». Or, il existe une règle d’interprétation des lois bilingues selon laquelle il faut retenir le sens commun à la version anglaise et à la version française (Sullivan, aux pp. 99 et suivantes, et Michel Bastarache et autres, Le droit de l’interprétation bilingue (2009), aux pp. 33 et suivantes). Appliquant cette règle, je conclus que le passage « could reasonably be expected to », qui figure dans la version anglaise, et le passage « risquerait vraisemblablement de causer », qui se trouve dans la version française, signifient tous les deux l’équivalent de « likely » (« vraisemblablement »), une norme exigeant considérablement plus qu’une simple possibilité, mais un peu moins qu’une probabilité plus grande qu’une chose se produise que le contraire, soit l’équivalent de « more likely than not ». Ce sens, qui se reflète dans le critère du « risque vraisemblable de préjudice probable » est établi de longue date par les cours fédérales.
[204] Cette interprétation est également conforme à l’objet de la Loi. Il est nécessaire d’atteindre un équilibre entre les objectifs importants de la divulgation et la nécessité d’éviter que celle‑ci soit préjudiciable à des tiers. L’objectif important visé par l’accès à l’information serait mis en échec par la norme de la simple possibilité qu’un préjudice soit causé. Il faut éviter de refuser la divulgation de renseignements sur le fondement d’une crainte de préjudice qui est fantaisiste, imaginaire ou forcée. De telles craintes ne sont pas raisonnables parce qu’elles ne sont pas fondées sur la raison : voir Air Atonabee, au par. 52, citant un extrait de Re Actors’ Equity Assn. of Australia and Australian Broadcasting Tribunal Re (No. 2) (1985), 7 A.L.D. 584 (Admin. App. Trib.), à la p. 590. Les mots « risquerait vraisemblablement » [traduction] « expriment un risque, qui, en toute objectivité, est fondé sur des motifs réels et sérieux » : Watt c. Forests, [2007] NSWADT 197, au par. 120. Par contre, ce dont il est question, c’est le risque qu’un préjudice soit causé, risque qui dépend de la concrétisation de certaines éventualités. Par conséquent, imposer au tiers (ou, dans d’autres dispositions, à l’administration) le fardeau d’établir que le préjudice est plus susceptible de se produire que de ne pas se produire reviendrait à lui imposer une norme de preuve qui, dans de nombreux cas, serait impossible à satisfaire.
[205] Santé Canada a appliqué un critère trop exigeant pour apprécier la probabilité qu’un préjudice soit causé. Par exemple, un fonctionnaire de Santé Canada a témoigné, à l’époque pertinente, que pour conclure que la divulgation risque de causer un préjudice à un tiers, il fallait que les pertes financières ou l’atteinte à la compétitivité d’un tiers soient [traduction] « immédiates » et « manifestes ». À mon humble avis, cette approche n’est pas compatible avec le libellé de l’al. 20(1)c).
[206] En conclusion, la formulation acceptée du critère, à savoir le « risque vraisemblable de préjudice probable », exprime la nécessité d’établir que la divulgation occasionnera un risque de préjudice selon une norme qui est beaucoup plus exigeante que la simple possibilité ou conjecture, mais qui n’atteint cependant pas celle d’établir, selon la prépondérance des probabilités, que la divulgation occasionnera effectivement un tel préjudice.
c) La divulgation de renseignements accessibles au public peut‑elle causer un préjudice?
[207] Merck mentionne dans ses observations qu’il n’est pas question de confidentialité à l’al. 20(1)c). Elle estime donc que, dans certains cas, des renseignements qui ne sont pas de nature confidentielle au sens de l’al. 20(1)b) peuvent néanmoins être soustraits à la divulgation selon l’al. 20(1)c). Elle affirme, par exemple, qu’une compilation de documents est susceptible de tomber sous le coup de l’al. 20(1)c) même si chacun d’entre eux fait partie du domaine public. Merck cite aussi en exemple les renseignements ayant déjà fait l’objet d’une divulgation très restreinte. Dans ces deux types de situations, selon Merck, la preuve peut établir que la divulgation risquerait vraisemblablement de causer un préjudice.
[208] Comme le souligne l’intimé, il est très difficile de démontrer que la divulgation de renseignements accessibles au public risque vraisemblablement de causer un préjudice : AstraZeneca, aux par. 81 et 109; Cyanamid Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1992] A.C.F. no 144 (QL) (C.A.), aux par. 28‑29. Comme l’a dit le juge Phelan dans AstraZeneca, au par. 81, « [e]n général, les renseignements accessibles au public ne sont pas des renseignements exemptés de divulgation en vertu de l’article 20, soit à titre de catégorie de documents, soit selon le critère du “préjudice”. Il faut une preuve convaincante pour déloger la conclusion logique que des renseignements du domaine public seront utilisés, surtout par des utilisateurs avertis ».
[209] Je souscris à ce principe général. En l’espèce, toutefois, le différend entre les parties porte davantage sur la véritable nature des renseignements que sur la question de savoir s’ils sont accessibles au public. Par exemple, Merck affirme que la compilation d’études accessibles au public constitue un élément d’information distinct des études elles‑mêmes que son personnel a consacré beaucoup de temps et d’énergie à créer. Par conséquent, le renseignement en cause n’est pas l’un des renseignements accessibles au public qui révèlent l’existence des études ou la teneur de celles‑ci. Ce qui n’est pas accessible au public, selon Merck, c’est la manière dont des études accessibles au public ont été compilées dans un but précis.
[210] Je ne crois pas qu’il faut rejeter en principe cet argument. Il peut être possible dans certains cas de démontrer que la manière dont des renseignements accessibles au public ont été rassemblés dans une situation particulière n’est pas en soi de notoriété publique. Une fois cette démonstration faite, il faut se demander s’il a été établi que la divulgation de ces renseignements pose le risque de préjudice requis au titre de l’al. 20(1)c).
d) Types de préjudice causé au tiers
[211] Je passe maintenant aux observations des parties concernant le type de préjudice qu’un tiers peut invoquer pour se prévaloir de l’exception prévue à l’al. 20(1)c). Il revient au juge siégeant en révision de décider si la preuve démontre que la divulgation risquerait vraisemblablement de causer un préjudice du type visé à l’al. 20(1)c). Je le mentionne afin de souligner que la jurisprudence peut certes établir les principes généraux d’application de la disposition, mais qu’en bout de ligne l’analyse des circonstances particulières et de la preuve dans chaque cas comporte une composante factuelle importante.
[212] Il convient tout d’abord de signaler que les types de préjudice énumérés à l’al. 20(1)c) sont présentés de façon disjonctive. Il suffit au tiers de démontrer que la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou des profits financiers ou de nuire à sa compétitivité. Autrement dit, le tiers n’a pas à démontrer que l’« atteinte » à sa compétitivité cause également un « préjudice » : voir Brookfield Lepage, aux par. 9‑10.
[213] Cela nous amène aux types de préjudice allégués par Merck. J’analyserai brièvement chacun d’entre eux. Cette partie des observations de Merck porte principalement sur des documents qui ne sont pas par ailleurs soustraits à la communication parce qu’ils contiennent un secret industriel ou des renseignements commerciaux de nature confidentielle qu’il faut soustraire à la divulgation en application des al. 20(1)a) et b). Mis à part ce que l’on peut qualifier d’affirmations sommaires, Merck a invoqué trois types de préjudice : (i) aider un concurrent à développer des drogues, ce qui lui fait subir des pertes, (ii) aider un concurrent à préparer une PDN ou une PSDN, ce qui lui fait subir des pertes, et (iii) donner une impression erronée quant à l’innocuité du Singulair®. Je commenterai succinctement chaque type de préjudice.
[214] Je traiterai d’abord de la preuve concernant le préjudice que la communication des pages en litige pourrait causer à Merck en aidant un concurrent à développer de nouvelles drogues. Merck allègue essentiellement que les renseignements pourraient aider un concurrent à mettre en marché ses drogues plus rapidement qu’il le ferait s’il ne disposait pas de ces renseignements, et que cela nuirait ainsi à sa compétitivité. Elle a présenté cet argument à l’égard de plusieurs types de renseignements :
• Listes de références et de renvois : Merck soutient que ces renseignements fournissent une analyse préalable de tous les articles faisant partie du domaine public et qu’ils pourraient donc vraisemblablement améliorer le programme de développement de drogues du concurrent car ils mentionnent les éléments clés qui ont fait l’objet d’études, ont été élaborés ou ont été utilisés dans le cadre de la PDN ou la PSDN.
• Renseignements sur la fabrication : les renseignements sur la fabrication du produit aideront le concurrent à fabriquer ses propres drogues et à le faire plus rapidement.
• Réponses de Merck aux questions posées par Santé Canada dans le cadre du processus d’examen : ces renseignements éveillent l’attention des concurrents sur les questions en jeu dans le cadre du processus d’approbation de cette catégorie de produit. Le concurrent qui connaît ces questions à l’avance pourrait développer des drogues et faire examiner ses présentations plus rapidement, ce qui compromettrait la compétitivité de Merck.
• La divulgation de certains renseignements donnerait une impression erronée quant à l’innocuité du produit et serait exploitée par les concurrents, ce qui causerait à Merck des pertes financières.
[215] Je ne crois pas que Santé Canada conteste l’argument que les renseignements sur la fabrication du produit et les autres renseignements scientifiques relatifs à ce dernier qui ne font pas partie du domaine public peuvent fort bien être soustraits à la divulgation en application des alinéas 20(1)a) ou b). Santé Canada maintient plutôt que les renseignements de cette nature ont été retranchés des documents qu’il entend communiquer. Pour les motifs que j’ai déjà exposés, j’estime que la preuve présentée par Merck ne réfute pas effectivement la preuve de Santé Canada à cet égard, et c’est pourquoi je ne m’attarderai pas à son argument suivant lequel il reste à savoir si tout renseignement de cette nature qui ne fait pas partie du domaine public est visé par l’al. 20(1)c). La question à trancher en ce qui concerne l’al. 20(1)c) est donc de savoir si les listes de référence et les renvois à des sources ou renseignements publiés sur la façon dont le processus d’approbation s’est déroulé sont soustraits à la communication en application de l’al. 20(1)c).
[216] J’examinerai maintenant l’affirmation de Merck selon laquelle ses compilations d’études publiées pourraient permettre à un concurrent de s’inspirer de son travail pour les fins du développement ou du processus d’approbation de ses propres drogues, ce qui nuirait à sa compétitivité et lui causerait des pertes financières. À cet égard, il faut garder à l’esprit trois principes généraux pertinents.
[217] Premièrement, la divulgation de renseignements généraux tels que les dates, la numérotation et la partie de la PDN où se trouvent les renseignements ou, de façon générale, la façon dont cette dernière est présentée, ne suscite pas le risque nécessaire en matière de préjudice ou de perte de compétitivité. Cela vaut aussi pour les listes d’études ou la déclaration que certaines études rendues publiques ont été consultées. Bien entendu, tout dépendra de la preuve au dossier.
[218] Deuxièmement, comme l’a dit succinctement le juge Phelan dans AstraZeneca, les renseignements que l’on peut tirer des documents au sujet du fonctionnement du processus réglementaire « ne sont pas des renseignements exemptés de divulgation en vertu de l’article 20 » (par. 94). La législation en matière d’accès à l’information a notamment pour objet d’accroître la transparence des activités de l’administration. Or, il serait contraire à cet objet de juger que la divulgation de renseignements sur le fonctionnement du processus réglementaire en général ou son fonctionnement dans un cas particulier confère un avantage ou un désavantage concurrentiel.
[219] Troisièmement, la divulgation de renseignements qui n’ont pas déjà été rendus publics et dont on démontre la longueur d’avance qu’ils confèrent à la concurrence dans le développement de produits concurrents, ou l’avantage concurrentiel qu’ils offrent à cette dernière en ce qui concerne des opérations à venir, peut, en principe, satisfaire aux conditions prévues à l’al. 20(1)c). La preuve doit convaincre la cour siégeant en révision qu’il existe un lien direct entre la divulgation des renseignements et le préjudice appréhendé et que la divulgation risque vraisemblablement de causer ce préjudice : voir, par ex., AB Hassle c. Canada (Ministre de la Santé nationale et du Bien‑être social), [1998] A.C.F. no 1850 (QL) (1re inst.), au par. 42, conf. par [2000] 3 C.F. 360 (C.A.); Wells c. Canada (Ministre des Transports), [1995] A.C.F. no 1447 (QL) (1re inst.), au par. 9; Culver c. Canada (Ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux), [1999] A.C.F. no 1641 (QL) (1re inst.), au par. 17; Bitove Corp. c. Canada (Ministre des Transports), [1996] A.C.F. no 1198 (QL) (1re inst.), au par. 10; Coradix Technology Consulting Ltd. c. Canada (Travaux publics et Services gouvernementaux), 2006 CF 1030 (CanLII), au par. 31; Société canadienne des postes c. Commission de la capitale nationale, 2002 CFPI 700 (CanLII), aux par. 16‑17; Aventis Pasteur Limitée c. Canada (Procureur général), 2004 CF 1371 (CanLII), aux par. 32‑33, et Prud’homme c. Agence canadienne de développement international (1994), 85 F.T.R. 302, au par. 7. Les renseignements qui, pris isolément, ne semblent pas tomber sous le coup de l’exception doivent néanmoins être examinés dans leur ensemble pour établir l’incidence qu’aurait vraisemblablement leur divulgation.
[220] Je conclus qu’en principe il est possible de démontrer que la divulgation de renseignements qui ne sont pas déjà du domaine public et qui pourraient donner aux concurrents une longueur d’avance dans le développement de produits, ou dont ces derniers pourraient se servir pour accroître leur compétitivité, suscite un risque vraisemblable de préjudice probable ou d’atteinte à la compétitivité du tiers. Il s’agit en l’espèce de savoir si la preuve présentée par Merck le démontre.
[221] Le juge siégeant en révision a donné tort à Merck relativement à plusieurs des cas où elle invoquait l’al. 20(1)c) pour empêcher la communication de documents se rapportant à la PDN et d’autres ayant trait à la PSDN. Merck n’a pas convaincu la Cour d’appel fédérale que le juge avait fait erreur en agissant ainsi, et elle n’a présenté à notre Cour aucun argument visant un document précis à l’égard de l’un ou l’autre de ces cas. Les seules observations visant des documents précis que nous a présentées Merck portent sur environ 25 pages de la PDN, qui, selon le juge, étaient visées par l’exception prévue à l’al. 20(1)c). La Cour d’appel fédérale a annulé cette conclusion.
[222] Après avoir examiné les arguments de Merck et la preuve qui a été invoquée, je suis d’avis que l’intervention de la Cour d’appel fédérale était justifiée et que celle‑ci n’a pas commis d’erreur en faisant sa propre appréciation lorsqu’elle a statué sur ces demandes d’application d’exceptions. Selon la preuve produite par Santé Canada, la quasi‑totalité des renseignements qui n’ont pas été retranchés des pages en litige faisaient partie du domaine public. De plus, Santé Canada a énuméré de façon précise un très grand nombre d’endroits où le public pouvait obtenir ces renseignements. Merck n’a pas réfuté la majeure partie de cette preuve, et elle n’a produit aucun élément de preuve démontrant en quoi la divulgation des renseignements sous leur forme expurgée risquait vraisemblablement de causer le préjudice qu’elle invoquait. Les conclusions que j’ai tirées concernant l’application de l’al. 20(1)b) aux listes d’études s’appliquent également dans le présent contexte.
[223] Il reste à examiner l’argument de Merck que la communication de certaines des pages pourrait donner une impression erronée quant à l’innocuité du produit. Selon Merck, le refus de divulguer les renseignements de ce genre en application de l’al. 20(1)c) ne pose pas problème étant donné que la monographie de produit fournit les bons renseignements dans un contexte approprié. En outre, il y a des exigences à respecter en matière de présentation des renseignements qui touchent à la sécurité publique et, dans les cas qui s’y prêtent, on peut invoquer la dérogation en matière d’intérêt public pour divulguer de tels renseignements même s’il est conclu qu’ils sont soustraits à la communication en application de l’al. 20(1)c), à condition qu’il soit dans l’intérêt public de le faire.
[224] Je ne souscris pas aux principes qui sous‑tendent ces arguments. Les tribunaux ont souvent — et avec raison — accueilli avec scepticisme les allégations que la mauvaise compréhension, par le public, des renseignements divulgués sera préjudiciable au tiers : voir, p. ex., Air Atonabee, aux par. 57-61; Canada Packers, aux pp. 64‑65; Coopérative fédérée du Québec c. Canada (Ministre de l’Agriculture et de l’Agroalimentaire) (2000), 180 F.T.R. 208, aux par. 9‑15. Refuser trop facilement de divulguer des renseignements par crainte que le public les comprenne mal compromettrait l’objet fondamental de la législation en matière d’accès à l’information. Il s’agit de permettre aux membres du public de prendre connaissance des renseignements pour qu’ils puissent eux‑mêmes les apprécier, et non de les empêcher de les obtenir. À mon avis, une exception ne pourrait être invoquée avec succès sur la base d’un tel argument que dans une situation assez exceptionnelle.
[225] Il est particulièrement important de donner un accès étendu à de tels renseignements dans le contexte de l’industrie pharmaceutique. Comme le souligne l’intimé, Santé Canada publie systématiquement sur son site Web des rapports au sujet des effets indésirables de toutes les drogues vendues au Canada. De plus, le Règlement sur les aliments et drogues exige des sociétés pharmaceutiques qu’elles signalent à Santé Canada les réactions indésirables à leurs drogues (art. C.01.017). Les renseignements sur ces réactions sont accessibles au public. Il est donc difficile de concevoir comment la communication de ces rapports en réponse à une demande d’accès à l’information pourrait causer préjudice au tiers.
[226] Merck ne m’a pas convaincu qu’elle a établi les motifs justifiant l’application de l’exception prévue à l’al. 20(1)c) aux documents de cette nature.
[227] Pour clore sur l’al. 20(1)c), Merck n’a pas établi que la Cour d’appel fédérale a omis d’appliquer les bons principes ou encore qu’elle a commis une erreur en appliquant les principes pertinents.
(5) Conclusion sur les exceptions prévues au paragraphe 20(1)
[228] À mon avis, Merck n’a pas démontré que l’une ou l’autre des pages en litige sous leur forme expurgée contient un quelconque renseignement soustrait à la divulgation en application des al. 20(1)a), b) ou c).
C. Renseignements prélevés en application de l’art. 25 de la Loi
[229] Le responsable d’une institution fédérale qui décide que le document demandé contient des renseignements dont il peut refuser la divulgation doit ensuite se pencher sur la question du prélèvement. L’article 25 de la Loi l’oblige à communiquer les parties du document dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux. Voici le texte de l’article 25 :
25. Le responsable d’une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s’autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d’en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.
[230] En l’espèce, le juge siégeant en révision a confirmé que des pages entières étaient visées par l’une ou l’autre des exceptions, pages qui, selon le responsable de l’institution, pouvaient être communiquées après que les renseignements soustraits à la divulgation en eurent été retranchés. La Cour d’appel fédérale en est venue à la conclusion que le juge s’était trompé à cet égard, et Merck conteste celle‑ci.
[231] Le juge siégeant en révision a conclu, tant dans le dossier de la PDN que dans celui de la PSDN, que, mis à part quelques cas où il a relevé des passages précis à retrancher, toutes les autres pages contenaient des renseignements soustraits à la divulgation et ne devaient pas être communiquées. Il a conclu, relativement à l’un et l’autre dossier, qu’« il . . . paraît sérieusement problématique de séparer [de ces pages] les renseignements dont la communication devrait être refusée » : voir les motifs du juge Beaudry, par. 114 (2006 CF 1200) ; voir aussi ses motifs, au par. 108 (2006 CF 1201). En ce qui concerne la décision relative au dossier de la PDN (2006 CF 1201), je crois que les exemples auxquels renvoie le juge au par. 108 de ses motifs étaient censés être ceux qui figurent au par. 106 plutôt qu’au par. 107. Le juge n’a ni énoncé les principes juridiques applicables, ni précisé en quoi ils s’appliquaient en l’espèce.
[232] La Cour d’appel fédérale a critiqué la décision du juge siégeant en révision à deux égards. D’abord, elle lui a reproché d’avoir substitué son pouvoir discrétionnaire à celui du responsable de l’institution pour ce qui est de l’art. 25 (par. 104). En toute déférence, je ne partage pas l’avis de la Cour d’appel fédérale sur ce point. Comme le soutient Merck, dans le cadre du recours en révision prévu à l’art. 44, il appartenait au juge siégeant en révision de contrôler la décision du responsable de l’institution en matière de divulgation et d’établir si cette décision était conforme à la Loi. Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a commis une erreur dans la mesure où elle a reproché au juge d’avoir « substitué » son avis à celui du responsable de l’institution. Le juge siégeant en révision était tenu de décider si le responsable de l’institution avait appliqué correctement l’art. 25.
[233] Ensuite, la Cour d’appel fédérale a reproché au juge siégeant en révision de ne pas avoir expliqué pourquoi les renseignements non soustraits à la divulgation ne pouvaient pas être prélevés et divulgués sans que cela ne pose de problèmes sérieux. Sur ce point, il ne fait aucun doute, à mon avis, que la Cour d’appel fédérale a raison. En effet, le juge siégeant en révision n’a pas expliqué pourquoi il paraissait « sérieusement problématique » de prélever et de divulguer les renseignements non soustraits à la divulgation. En l’absence de toute explication de la part du juge siégeant en révision (d’ailleurs, aucune explication ne ressort de ses motifs lorsqu’on les interprète eu égard à l’ensemble du dossier), la Cour d’appel fédérale se devait d’intervenir.
[234] De plus, Merck n’a présenté à notre Cour aucun argument expliquant pourquoi les renseignements non soustraits à la divulgation ne pouvaient pas être prélevés sans que cela ne pose de problèmes sérieux. En d’autres termes, elle n’a avancé aucun argument pour défendre le bien‑fondé de la décision du juge siégeant en révision. Faute de tels arguments, et vu ma conclusion que l’intervention de la Cour d’appel fédérale était justifiée, je suis d’avis de confirmer la décision de celle‑ci annulant la décision du juge siégeant en révision relativement à l’art. 25.
[235] Il est cependant utile de répéter certains des principes clés applicables en ce qui concerne l’art. 25.
[236] Pour commencer, il importe de reconnaître que l’application de l’art. 25 est obligatoire, et non discrétionnaire. Selon cet article, le responsable de l’institution « est tenu [de] communiquer les parties [du document] dépourvues » des renseignements soustraits à la divulgation, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux : voir Dagg, au par. 80. Le responsable de l’institution a donc l’obligation de veiller au respect de l’art. 25 et de se pencher sur la question du prélèvement s’il est conclu que certains renseignements sont soustraits à la divulgation.
[237] Selon l’art. 25, il faut essentiellement relever les parties du document soustrait à la communication qui peuvent, elles, être communiquées et dont « le prélèvement [. . .] ne pose pas de problèmes sérieux ». J’estime que cet exercice comporte une analyse sémantique ainsi qu’une analyse des coûts et des avantages. D’une part, l’analyse sémantique vise à établir si ce qu’il reste après que les renseignements soustraits à la divulgation ont été retranchés du document en cause a un sens. Dans la négative, il n’est pas raisonnable de procéder au prélèvement. Comme l’a dit la Cour d’appel fédérale dans Blank c. Canada (Ministre de l’Environnement), 2007 CAF 289 (CanLII), au par. 7, « les passages qui ne sont pas protégés doivent toujours être communiqués si cela est utile ». D’autre part, l’analyse des coûts et des avantages sert à déterminer si les avantages qu’il y a à prélever et divulguer les renseignements restants à la suite du processus d’expurgation justifient les efforts déployés par l’institution fédérale en vue d’expurger le document en cause. Même si le texte prélevé n’est pas complètement dénué de sens, le prélèvement n’est raisonnable que si la divulgation des passages du document n’ayant pas été retranchés remplirait raisonnablement les objectifs de la Loi. Dans les cas où il ne reste que « [d]es bribes de renseignements pouvant être divulgués » à la suite du prélèvement, la divulgation de ces renseignements ne remplit pas l’objet de la Loi, et le prélèvement n’est pas raisonnable : Canada (Commissaire à l’information) c. Canada (Solliciteur général), [1988] 3 C.F. 551 (1re inst.), à la p. 559; SNC‑Lavalin Inc., au par. 48. Comme l’a dit le juge en chef adjoint Jerome dans Bande indienne de Montana c. Canada (Ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien), [1989] 1 C.F. 143 (1re inst.) :
Si l’on se conformait à l’article 25, il en résulterait la communication d’un document complètement censuré, laissant voir tout au plus deux ou trois lignes. Sorties de leur contexte, ces informations seraient inutiles. Le travail de prélèvement nécessaire de la part du Ministère n’est pas raisonnablement proportionné à la qualité de l’accès qui s’ensuivrait. [Je souligne; pp. 160‑161.]
[238] Cela dit, il ne faut pas perdre de vue l’objet de l’art. 25, qui vise à faciliter l’accès au plus de renseignements possibles tout en donnant effet aux exceptions précises et limitées prévues à la Loi (Ontario (Ministère de la Sûreté et de la Sécurité publique), au par. 67).
[239] Il faut aussi tenir compte de l’art. 25 dans le contexte de l’avis à donner au tiers en application de l’art. 27. Comme je l’ai déjà mentionné, le responsable de l’institution qui a l’intention de divulguer des renseignements qui, selon lui, pourraient être soustraits à la divulgation, y compris des renseignements prélevés conformément à l’art. 25, doit donner au tiers intéressé un avis de son intention. J’estime également que le responsable de l’institution doit faire de son mieux pour appliquer l’art. 25 avant de donner l’avis au tiers et qu’il lui incombe d’informer ce dernier des passages qui seront retranchés à la suite de son examen initial. Je souligne que, selon les dispositions en matière d’avis prévues aux al. 27(3)a) et b), le responsable de l’institution donne au tiers intéressé avis de son intention de donner communication « totale ou partielle d’un document » et fournit à ce dernier « la désignation du contenu total ou partiel du document » susceptible de le concerner, ce qui donne à penser que le responsable de l’institution doit s’efforcer d’appliquer l’art. 25 au stade de l’avis.
[240] Bien entendu, le responsable de l’institution ne peut agir qu’en se fondant sur les renseignements qu’il peut raisonnablement obtenir. Toutefois, conformément au seuil à atteindre pour que prenne naissance l’obligation de donner l’avis, que j’ai décrit précédemment, le responsable de l’institution doit relever les documents qui, selon lui, sont clairement visés par l’une ou l’autre des exceptions prévues au par. 20(1), et, une fois cette tâche accomplie, décider, en application de l’art. 25, quels renseignements il doit divulguer parce qu’ils constituent des parties du document soustrait à la communication qui peuvent être prélevées sans poser de problèmes sérieux.
[241] Pour les motifs exposés ci‑dessus, je suis d’avis de confirmer la décision de la Cour d’appel fédérale relativement à l’art. 25.
IV. Dispositif
[242] Je suis d’avis de rejeter les pourvois avec dépens.
Version française des motifs des juges Deschamps, Abella et Rothstein rendus par
La juge Deschamps —
[243] J’ai lu les motifs de mon collègue le juge Cromwell. Je souscris à sa façon d’aborder la question du préavis. Le responsable de l’institution doit analyser tous les documents pertinents dont il dispose et il ne peut divulguer de renseignements sans donner de préavis que s’il n’y a manifestement aucune raison de croire que le document visé est susceptible de contenir des renseignements soustraits à la divulgation. Par ailleurs, en ce qui concerne la question de la norme de preuve, je suis d’accord avec mon collègue que la Cour d’appel a commis une erreur en imposant une norme de preuve plus exigeante que celle de la prépondérance des probabilités.
[244] Toutefois, selon moi, les jugements de la Cour fédérale (2006 CF 1200, 301 F.T.R. 241 et 2006 CF 1201 (CanLII)) ne contiennent aucune erreur manifeste et dominante qui justifierait l’intervention de la Cour. Je suis d’avis de rétablir les conclusions de la Cour fédérale, sous réserve de toute entente que les parties peuvent avoir conclue depuis que les jugements ont été rendus.
A. Révision en appel
[245] Bien que mon collègue mentionne au par. 54 que la révision en appel est régie par Housen c. Nikolaisen, 2002 CSC 33, [2002] 2 R.C.S. 235, son analyse ultérieure ne respecte pas, selon moi, les principes établis dans cet arrêt. Mon collègue souscrit à la démarche adoptée par la Cour d’appel fédérale, qui a conclu que le juge siégeant en révision n’a pas expliqué de manière suffisamment détaillée comment il était arrivé à ses conclusions (2009 CAF 166, 400 N.R. 1). Le juge Cromwell est d’accord avec les conclusions de la Cour d’appel fédérale bien qu’il ait conclu qu’elle a à la fois appliqué la mauvaise norme de preuve et considéré à tort que la définition de « secrets industriels » est de nature restrictive.
[246] En ce qui concerne le jugement de la Cour fédérale, mon collègue reproche au juge siégeant en révision d’avoir « omis soit d’énoncer les principes juridiques applicables, soit d’expliquer comment les principes juridiques s’appliquaient aux faits de l’espèce », ajoutant que « dans certains cas, il n’a fait ni l’un ni l’autre » (par. 55). Je m’objecte aux exigences que la démarche de mon collègue impose aux juges de première instance et au message qu’elle transmet à la communauté juridique. Selon Housen, les cours d’appel doivent faire preuve de respect envers les conclusions tirées par les juges de première instance tant à l’égard des questions de fait que des questions mixtes de fait et de droit. La norme qu’il convient d’appliquer à ces questions est celle de l’« erreur manifeste et dominante ». Faire preuve de respect envers les conclusions des juges de première instance, lorsqu’il y a lieu, permet une utilisation efficace des ressources judiciaires, facilite l’accès à la justice et correspond au rôle institutionnel des cours d’appel.
[247] Il convient de souligner que même si la Cour fédérale est appelée à réviser une décision administrative, celle prise par Santé Canada en l’espèce, le processus est atypique en ce sens qu’il diffère de la démarche à suivre pour réviser la plupart des décisions administratives. Cette dernière démarche — de même que la question de savoir quelles normes devraient la régir — a été au tout premier rang du droit administratif au cours de la dernière décennie. Dans Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, 2008 CSC 9, [2008] 1 R.C.S. 190, la Cour a cherché à clarifier la question dans le contexte de la révision de premier niveau. Suivant la démarche « classique », la révision en appel consiste à vérifier si le tribunal de révision de premier niveau a correctement appliqué la norme en examinant la décision administrative. Cela signifie en pratique qu’en se « mettant à la place » du tribunal d’instance inférieure la cour d’appel se concentre effectivement sur la décision administrative (Prairie Acid Rain c. Canada (Ministre des Pêches et Océans), 2006 CAF 31, [2006] 3 R.C.F. 610, au par. 14; Zenner c. Prince Edward Island College of Optometrists, 2005 CSC 77, [2005] 3 R.C.S. 645, au par. 30).
[248] Il existe des exceptions à cette démarche classique. La révision que fait une cour appel dans le cadre de l’art. 44 de la Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, ch. A‑1 (« LAI ») est axée sur les conclusions du juge siégeant en révision, et la règle de Housen s’applique à la décision de cette cour‑là (Banque Canadienne Impériale de Commerce c. Canada (Commissaire en chef, Commission canadienne des droits de la personne), 2007 CAF 272, [2008] 2 R.C.F. 509, aux par. 8, 9 et 72; Rubin c. Canada (Ministre de la Santé), 2003 CAF 37 (CanLII), aux par. 4-5; Merck Frosst Canada Inc. c. Canada (Ministre de la Santé nationale), 2002 CAF 35 (CanLII); SNC Lavalin Inc. c. Canada (Ministre de la Coopération internationale), 2007 CAF 397 (CanLII), aux par. 2, 3 et 7).
[249] Les caractéristiques du processus de révision de l’art. 44 de la LAI expliquent cette particularité. Il ressort du régime prévu par la LAI que l’intention du législateur était d’établir un processus de révision indépendant — une fonction qui n’est pas exercée par le responsable de l’institution : 3430901 Canada Inc. c. Canada (Ministre de l’lndustrie), 2001 CAF 254, [2002] 1 C.F. 421, au par. 36. De plus, le commissaire fédéral à l’information n’a aucun pouvoir décisionnel et il ne peut faire que des recommandations, ce qui le distingue de ses homologues ontariens et québécois (Loi sur l’accès à l’information et la protection de la vie privée, L.R.O. 1990, ch. F.31; Loi sur l’accès aux documents des organismes publics et sur la protection des renseignements personnels, L.R.Q., ch. A‑2.1). Le responsable de l’institution fédérale agit autant à titre de partie que de décideur. L’opinion de l’institution sur l’obligation de refuser ou de permettre la divulgation n’a pas plus de poids que celle d’autres parties intéressées (Banque Canadienne Impériale de Commerce, au par. 63).
[250] Le juge de la Cour fédérale est donc le premier décideur impartial à qui une partie qui sollicite la divulgation (art. 41 ou 42 de la LAI) ou une partie qui s’y oppose (art. 44) peut s’adresser. Il arrive souvent qu’au moment où cette cour est saisie de l’affaire le dossier aura évolué : Air Atonabee Ltd. c. Canada (Ministre des Transports), [1989] A.C.F. no 453 (QL) (1re inst.). La Cour fédérale examine la preuve, qui peut être abondante. De nouveaux éléments de preuve peuvent être déposés et des contre‑interrogatoires peuvent avoir lieu, comme cela s’est produit en l’espèce (art. 45 et 46 de la LAI; Air Atonabee, aux pp. 264-266). La Cour fédérale peut entendre de nouveaux arguments au besoin. Le juge prononce ses propres conclusions et fait ses propres inférences sur la base du dossier tel qu’il existe à ce moment‑là. Il peut ordonner les réparations qu’il estime indiquées (art. 50 et 51 de la LAI).
[251] En résumé, le juge ne fait pas le genre d’examen que l’on voit habituellement dans un contexte de droit administratif. La Cour fédérale reprend essentiellement l’affaire depuis le début pour faire un nouvel examen de la question en litige, ce qui s’apparente à ce que fait une cour de première instance. Pour cette raison, la révision que fait la cour d’appel porte sur la décision du juge siégeant en révision plutôt que sur celle du commissaire à l’information ou du responsable de l’institution. Dans les cas où la loi prévoit que la décision du responsable de l’institution est discrétionnaire, le rôle de la cour d’appel peut être différent, mais ces cas ne nous intéressent pas ici.
B. La Cour fédérale a‑t‑elle commis une erreur manifeste et dominante en l’espèce?
[252] Dans Housen, les juges Iacobucci et Major ont décrit comme suit l’« erreur manifeste et dominante », au par. 1 :
Il va sans dire qu’une cour d’appel ne devrait modifier les conclusions d’un juge de première instance qu’en cas d’erreur manifeste et dominante. On reformule parfois cette proposition en disant qu’une cour d’appel ne peut réviser la décision du juge de première instance dans les cas où il existait des éléments de preuve qui pouvaient étayer cette décision. [Je souligne.]
[253] Ils ont bien expliqué, au par. 3, les conséquences que cela comporte pour les cours d’appel en citant Underwood c. Ocean City Realty Ltd. (1987), 12 B.C.L.R. (2d) 199 (C.A.), à la p. 204 :
[traduction] La cour d’appel ne doit pas juger l’affaire de nouveau, ni substituer son opinion à celle du juge de première instance en fonction de ce qu’elle pense que la preuve démontre, selon son opinion de la prépondérance des probabilités.
Et c’est à juste titre qu’ils ont fait la remarque suivante, au par. 4 :
Quoique cette théorie soit généralement acceptée, elle n’est pas appliquée de manière systématique.
[254] En l’espèce, les conclusions du juge Beaudry relativement aux exceptions reposent sur les faits ou portent sur des questions mixtes de fait et de droit, et il faut donc faire preuve de déférence à leur égard. Il existait « des éléments de preuve qui pouvaient étayer » ses conclusions. Par ailleurs, ses jugements ne comportent aucune erreur manifeste et dominante. Par conséquent, la Cour d’appel fédérale a commis une erreur en jugeant de nouveau l’affaire.
[255] Contrairement à la Cour d’appel fédérale, le juge Beaudry a appliqué la bonne norme de preuve, à savoir la prépondérance des probabilités. Il en a fait mention une fois dans chaque exposé de ses motifs. Il n’avait pas à mentionner cette norme chaque fois qu’il examinait un argument. Il a clairement tenu compte de l’ensemble des arguments des parties, y compris ceux de Santé Canada, qui a avancé que les observations de Merck Frosst Canada Ltée n’étaient pas assez précises et que cette dernière ne s’était pas acquittée de son fardeau de démontrer que la divulgation devrait être refusée. Ses motifs auraient certes pu être plus explicites. Cela dit, il n’est pas nécessaire que les motifs d’un juge expliquent en détail chaque conclusion pour être suffisants. De plus, il a fait référence, dans ses jugements, à la preuve et aux tableaux produits par les parties. Les tableaux résumaient la preuve des parties relativement à chaque page ou groupe de pages. Le juge Beaudry a même joint les tableaux à ses jugements. Pour chaque catégorie d’exception, il a rendu une décision qu’il a étayée en faisant référence aux tableaux. Il ressort clairement des autres tableaux que les parties ont déposés conjointement devant la Cour (dossier conjoint sur les pages en litige) et dans lesquels les pages en litige sont mentionnées qu’il n’a pas adopté inconditionnellement le point de vue de Merck ou celui de Santé Canada. Quelqu’un peut être en désaccord avec le résultat, mais il n’en demeure pas moins qu’on peut facilement expliquer les conclusions du juge Beaudry en faisant référence tant à ses motifs qu’aux observations des parties.
[256] À première vue, une difficulté liée à la preuve est le fait que, avant de comparaître devant le juge Beaudry, Santé Canada a caviardé des passages additionnels en réponse au dernier affidavit de Merck, mais que celle‑ci a choisi d’aller de l’avant sans répondre à ces caviardages. Merck a avancé que les renseignements contenus dans le dossier de la cour étaient suffisants et qu’elle n’était pas tenue d’y répondre davantage. Sa position ouvre la porte à l’argument que la preuve qu’elle a produite ne répondait pas au dossier de la cour tel qu’il avait évolué.
[257] Mon collègue accepte les observations de Santé Canada et s’immisce dans le débat, faisant valoir que telle ou telle page fait ressortir la vacuité de la position de Merck et que le juge Beaudry s’est trompé à cet égard. Santé Canada a fait référence à une page (p. 470 des pages en litige dans le dossier de la présentation de drogue nouvelle) de laquelle tous les renseignements confidentiels avaient été retranchés, mais qui néanmoins s’était trouvée dans la liste des centaines de documents que le juge Beaudry avait soustraits à la communication. À mon avis, cette erreur mineure ne justifie pas l’intervention de notre Cour, surtout étant donné qu’elle a été rectifiée avant que nous entendions l’affaire. La page en question n’est pas en litige. En ce qui concerne les autres documents, toujours en litige, qui ont été caviardés en partie seulement ou de manière significative mais ont été jugés soustraits à la communication, l’étendue des passages qui en ont été retranchés ne devrait pas en soi être déterminante. Dans les cas où ils sont de nature très technique — comme c’est le cas en l’espèce — , les renseignements en cause peuvent ne pas paraître significatifs aux yeux du profane mais avoir une valeur certaine pour le concurrent qui peut « relier les points » (expression utilisée par le juge Harrington dans le cadre du premier contrôle judiciaire (2004 CF 959, [2005] 1 R.C.F. 587)). La divulgation de renseignements dont la nature paraît banale parce que leur importance a échappé à la personne examinant le dossier peut causer un préjudice. Mon collègue procède à un examen du dossier sans bénéficier de la perspective dont jouissait le juge siégeant en révision au terme de quatre jours d’audition.
[258] Le juge Beaudry a entendu tous les arguments des parties. Mais surtout, les mêmes arguments selon lesquels les observations de Merck n’étaient pas suffisamment détaillées et que la preuve de cette dernière ne répondait pas au dossier de la cour tel qu’il avait évolué lui ont été présentés. Ces arguments ne se sont pas avérés déterminants. La déclaration de Santé Canada que tous les renseignements confidentiels avaient été retranchés n’est qu’un simple argument. Elle n’établit pas que tous les renseignements de cette nature l’ont effectivement été. De fait, au début des procédures, Santé Canada a avancé qu’aucun renseignement n’était confidentiel. Le nombre de documents qui ont par la suite été entièrement soustraits à la communication ou caviardés de façon significative indique clairement que les arguments de Santé Canada ne peuvent être considérés comme faisant preuve de leur contenu. Santé Canada n’a pas présenté d’arguments convaincants établissant que le juge Beaudry a commis une erreur à cet égard, et je ne pense pas que nous puissions mettre en doute le bien‑fondé de ses jugements.
[259] L’ampleur du dossier, le temps alloué aux parties pour présenter leurs arguments devant notre Cour ainsi que le rôle institutionnel de celle‑ci sont tous des facteurs qui indiquent qu’il n’y a pas lieu de décortiquer les faits. La démarche empreinte de déférence qu’impose Housen correspond davantage au mandat de la Cour. En outre, je ne suis pas convaincue qu’il incombe à notre Cour de procéder à l’examen technique nécessaire pour déterminer si tel ou tel renseignement est visé ou non par une quelconque exception à la règle de la divulgation.
[260] Santé Canada et Merck se sont livrés à une bataille de tous les instants durant plus de cinq années avant d’être entendus par le juge Beaudry. L’accès à l’information semble devenir le théâtre où s’affrontent les sociétés pharmaceutiques innovatrices et celles qui produisent des médicaments génériques. La quantité de ressources, tant publiques que privées, que les parties en l’espèce ont gaspillées à se livrer cette guerre est déplorable. Cela est peut‑être le symptôme d’un problème beaucoup plus grave, et, si c’est le cas, le message que notre Cour doit envoyer revêt une grande importance. Ce message doit être que dans les affaires comme celle en l’espèce il incombe à Santé Canada et aux tiers d’adopter une démarche responsable en matière de divulgation de renseignements et de faire de leur mieux plus tôt dans le processus. Il est parfois possible de simplifier le caviardage des documents par l’établissement de catégories; cette méthode remplacerait l’examen de chaque mot. Il est clair que la démarche axée sur l’étude de chaque mot ne convient pas aux affaires comme l’espèce. Un examen du dossier ayant à l’esprit l’objet des exceptions est plus pertinent.
[261] Une fois qu’elles ont examiné le dossier et, si possible, établi des catégories, les parties peuvent soumettre l’affaire à un juge siégeant en révision si elles ne parviennent pas à s’entendre. La cour d’appel doit faire preuve de déférence à l’égard de la décision que rend le juge à l’issue de son examen. Ce dernier ne doit pas être tenu de justifier sa décision en faisant référence à chaque mot, chaque ligne, voire chaque page en litige. Il peut traiter de l’affaire selon l’approche catégorielle, s’il y a lieu, pourvu que son jugement indique clairement dans chaque cas quel document ou quelle catégorie de documents font l’objet d’une exception. À moins d’une erreur manifeste et dominante, la Cour d’appel fédérale et notre Cour doivent s’abstenir de s’immiscer dans l’examen des faits.
[262] Mes préoccupations à l’égard d’un réexamen de la preuve par les cours d’appel et de l’exigence de motifs détaillés dépassent à la fois les réserves que j’ai exprimées quant au message que cela envoie aux parties et les exigences rigoureuses que cela impose aux juges siégeant en révision dans la rédaction de leurs motifs. À mon avis, l’examen de la preuve en appel comporte un important risque d’erreur dans une affaire comme celle qui nous occupe. L’examen des faits survient habituellement en première instance après que les parties ont présenté leurs arguments à la lumière du dossier, et il arrive souvent que le juge siégeant en révision pose des questions sur des documents particuliers. Il ne revient pas à notre Cour de faire un tel examen.
[263] Je fournirai un exemple qui illustre bien le risque qu’il y a à examiner un dossier comme celui sur lequel nous nous penchons en l’espèce. Mon collègue note l’argument de Merck que la façon dont les articles et les études sont présentés dans le sommaire général et le fait qu’elle se soit fondée sur eux à une étape particulière de l’élaboration du produit constituent des renseignements qui ont une valeur pour ses concurrents. Il reconnaît, tout comme moi, le bien‑fondé de la décision Janssen‑Ortho Inc. c. Canada (Ministre de la Santé), 2007 CAF 252, [2007] A.C.F. no 927 (QL), qui étaye cet argument. Cependant, mon collègue rejette la position de Merck au motif que celle‑ci a accepté de fournir des copies de certains des articles et des études. Accepter la publication de certains articles et études n’est pas la même chose qu’accepter la publication du sommaire général, car ce dernier montre de quelle façon Merck s’est fondée sur les articles et études en question. Voilà ce que protège Janssen‑Ortho, et, à moins que la Cour ne soit en mesure d’indiquer précisément où Merck a consenti à la divulgation des extraits du sommaire général faisant référence aux articles et aux études, je ne pense pas que nous puissions inférer qu’elle l’a fait.
[264] Ayant examiné les jugements du juge Beaudry, le dossier, ainsi que les arguments des parties, je suis d’avis qu’il existait clairement « des éléments de preuve qui pouvaient étayer [sa] décision ». Conclure autrement démontre qu’une démarche empreinte de déférence n’a pas été adoptée.
[265] Pour ces motifs, je suis d’avis d’accueillir les pourvois avec dépens en Cour d’appel et en cette Cour et de rétablir les jugements de la Cour fédérale, sous réserve de toute entente que les parties peuvent avoir conclue depuis qu’ils ont été rendus.
ANNEXE
Access to Information Act, R.S.C. 1985, c. A-1
As in force at the time of the applications for judicial review
Loi sur l’accès à l’information, L.R.C. 1985, c. A-1
Telle qu’en vigueur au moment où les demandes de contrôle judiciaire ont été présentées
2. (1) The purpose of this Act is to extend the present laws of Canada to provide a right of access to information in records under the control of a government institution in accordance with the principles that government information should be available to the public, that necessary exceptions to the right of access should be limited and specific and that decisions on the disclosure of government information should be reviewed independently of government.
2. (1) La présente loi a pour objet d'élargir l'accès aux documents de l'administration fédérale en consacrant le principe du droit du public à leur communication, les exceptions indispensables à ce droit étant précises et limitées et les décisions quant à la communication étant susceptibles de recours indépendants du pouvoir exécutif.
(2) This Act is intended to complement and not replace existing procedures for access to government information and is not intended to limit in any way access to the type of government information that is normally available to the general public.
(2) La présente loi vise à compléter les modalités d’accès aux documents de l’administration fédérale; elle ne vise pas à restreindre l’accès aux renseignements que les institutions fédérales mettent normalement à la disposition du grand public.
3. In this Act,
…
3. Les définitions qui suivent s’appliquent à la présente loi.
...
“head”, in respect of a government institution, means
(a) in the case of a department or ministry of state, the member of the Queen’s Privy Council for Canada presiding over that institution, or
(b) in any other case, the person designated by order in council pursuant to this paragraph and for the purposes of this Act to be the head of the institution;
...
“record” includes any correspondence, memorandum, book, plan, map, drawing, diagram, pictorial or graphic work, photograph, film, microform, sound recording, videotape, machine readable records, and any other documentary material, regardless of physical form or characteristics, and any copy thereof;
“third party”, in respect of a request for access to a record under this Act, means any person, group of persons or organization other than the person that made the request or a government institution.
« document » Tous éléments d’information, quels que soient leur forme et leur support, notamment correspondance, note, livre, plan, carte, dessin, diagramme, illustration ou graphique, photographie, film, microformule, enregistrement sonore, magnétoscopique ou informatisé, ou toute reproduction de ces éléments d’information.
…
« responsable d’institution fédérale »
a) Le membre du Conseil privé de la Reine pour le Canada sous l’autorité de qui est placé un ministère ou un département d’État;
b) la personne désignée par décret, conformément au présent alinéa, en qualité de responsable, pour l’application de la présente loi, d’une institution fédérale autre que celles mentionnées à l’alinéa a).
« tiers » Dans le cas d’une demande de communication de document, personne, groupement ou organisation autres que l’auteur de la demande ou qu’une institution fédérale.
(as in force at the NDS application)
4. (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is
(a) a Canadian citizen, or
(b) a permanent resident within the meaning of the Immigration Act,
has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution.
(2) The Governor in Council may, by order, extend the right to be given access to records under subsection (1) to include persons not referred to in that subsection and may set such conditions as the Governor in Council deems appropriate.
(3) For the purposes of this Act, any record requested under this Act that does not exist but can, subject to such limitations as may be prescribed by regulation, be produced from a machine readable record under the control of a government institution using computer hardware and software and technical expertise normally used by the government institution shall be deemed to be a record under the control of the government institution.
(telle qu’en vigueur au moment où la demande relative à la PDN a été présentée)
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :
(a) les citoyens canadiens;
(b) les résidents permanents au sens de la Loi sur l’immigration.
(2) Le gouverneur en conseil peut, par décret, étendre, conditionnellement ou non, le droit d’accès visé au paragraphe (1) à des personnes autres que celles qui y sont mentionnées.
(3) Pour l’application de la présente loi, les documents qu’il est possible de préparer à partir d’un document informatisé relevant d’une institution fédérale sont eux-mêmes considérés comme relevant de celle-ci, même s’ils n’existent pas en tant que tels au moment où ils font l’objet d’une demande de communication. La présente disposition ne vaut que sous réserve des restrictions réglementaires éventuellement applicables à la possibilité de préparer les documents et que si l’institution a normalement à sa disposition le matériel, le logiciel et les compétences techniques nécessaires à la préparation.
(as in force for the SNDS)
4. (1) Subject to this Act, but notwithstanding any other Act of Parliament, every person who is
(a) a Canadian citizen, or
(b) a permanent resident within the meaning of subsection 2(1) of the Immigration and Refugee Protection Act,
has a right to and shall, on request, be given access to any record under the control of a government institution.
(2) The Governor in Council may, by order, extend the right to be given access to records under subsection (1) to include persons not referred to in that subsection and may set such conditions as the Governor in Council deems appropriate.
(3) For the purposes of this Act, any record requested under this Act that does not exist but can, subject to such limitations as may be prescribed by regulation, be produced from a machine readable record under the control of a government institution using computer hardware and software and technical expertise normally used by the government institution shall be deemed to be a record under the control of the government institution.
(telle qu’en vigueur au moment où la demande relative à la PSDN a été présentée)
4. (1) Sous réserve des autres dispositions de la présente loi mais nonobstant toute autre loi fédérale, ont droit à l’accès aux documents relevant d’une institution fédérale et peuvent se les faire communiquer sur demande :
a) les citoyens canadiens;
b) les résidents permanents au sens du paragraphe 2(1) de la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés.
(2) Le gouverneur en conseil peut, par décret, étendre, conditionnellement ou non, le droit d’accès visé au paragraphe (1) à des personnes autres que celles qui y sont mentionnées.
(3) Pour l’application de la présente loi, les documents qu’il est possible de préparer à partir d’un document informatisé relevant d’une institution fédérale sont eux-mêmes considérés comme relevant de celle-ci, même s’ils n’existent pas en tant que tels au moment où ils font l’objet d’une demande de communication. La présente disposition ne vaut que sous réserve des restrictions réglementaires éventuellement applicables à la possibilité de préparer les documents et que si l’institution a normalement à sa disposition le matériel, le logiciel et les compétences techniques nécessaires à la préparation.
20. (1) Subject to this section, the head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains
(a) trade secrets of a third party;
(b) financial, commercial, scientific or technical information that is confidential information supplied to a government institution by a third party and is treated consistently in a confidential manner by the third party;
(c) information the disclosure of which could reasonably be expected to result in material financial loss or gain to, or could reasonably be expected to prejudice the competitive position of, a third party; or
(d) information the disclosure of which could reasonably be expected to interfere with contractual or other negotiations of a third party.
(5) The head of a government institution may disclose any record that contains information described in subsection (1) with the consent of the third party to whom the information relates.
(6) The head of a government institution may disclose any record requested under this Act, or any part thereof, that contains information described in paragraph (1)(b), (c) or (d) if that disclosure would be in the public interest as it relates to public health, public safety or protection of the environment and, if the public interest in disclosure clearly outweighs in importance any financial loss or gain to, prejudice to the competitive position of or interference with contractual or other negotiations of a third party.
20. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu, sous réserve des autres dispositions du présent article, de refuser la communication de documents contenant :
a) des secrets industriels de tiers;
b) des renseignements financiers, commerciaux, scientifiques ou techniques fournis à une institution fédérale par un tiers, qui sont de nature confidentielle et qui sont traités comme tels de façon constante par ce tiers;
c) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement de causer des pertes ou profits financiers appréciables à un tiers ou de nuire à sa compétitivité;
d) des renseignements dont la divulgation risquerait vraisemblablement d’entraver des négociations menées par un tiers en vue de contrats ou à d’autres fins.
(5) Le responsable d’une institution fédérale peut communiquer tout document contenant les renseignements visés au paragraphe (1) si le tiers que les renseignements concernent y consent.
(6) Le responsable d’une institution fédérale peut communiquer, en tout ou en partie, tout document contenant les renseignements visés aux alinéas (1)b), c) et d) pour des raisons d’intérêt public concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la protection de l’environnement; les raisons d’intérêt public doivent de plus justifier nettement les conséquences éventuelles de la communication pour un tiers : pertes ou profits financiers, atteintes à sa compétitivité ou entraves aux négociations qu’il mène en vue de contrats ou à d’autres fins.
24. (1) The head of a government institution shall refuse to disclose any record requested under this Act that contains information the disclosure of which is restricted by or pursuant to any provision set out in Schedule II.
24. (1) Le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication de documents contenant des renseignements dont la communication est restreinte en vertu d’une disposition figurant à l’annexe II.
[Review of statutory prohibitions by Parliamentary committee]
[Examen des dispositions interdisant la communication]
(2) Such committee as may be designated or established under section 75 shall review every provision set out in Schedule II and shall, not later than July 1, 1986 or, if Parliament is not then sitting, on any of the first fifteen days next thereafter that Parliament is sitting, cause a report to be laid before Parliament on whether and to what extent the provisions are necessary.
(2) Le comité prévu à l’article 75 examine toutes les dispositions figurant à l’annexe II et dépose devant le Parlement un rapport portant sur la nécessité de ces dispositions, ou sur la mesure dans laquelle elles doivent être conservées, au plus tard le 1er juillet 1986, ou, si le Parlement ne siège pas, dans les quinze premiers jours de séance ultérieurs.
25. Notwithstanding any other provision of this Act, where a request is made to a government institution for access to a record that the head of the institution is authorized to refuse to disclose under this Act by reason of information or other material contained in the record, the head of the institution shall disclose any part of the record that does not contain, and can reasonably be severed from any part that contains, any such information or material.
25. Le responsable d’une institution fédérale, dans les cas où il pourrait, vu la nature des renseignements contenus dans le document demandé, s’autoriser de la présente loi pour refuser la communication du document, est cependant tenu, nonobstant les autres dispositions de la présente loi, d’en communiquer les parties dépourvues des renseignements en cause, à condition que le prélèvement de ces parties ne pose pas de problèmes sérieux.
27. (1) Where the head of a government institution intends to disclose any record requested under this Act, or any part thereof, that contains or that the head of the institution has reason to believe might contain
27. (1) Sous réserve du paragraphe (2), le responsable d’une institution fédérale qui a l’intention de donner communication totale ou partielle d’un document est tenu de donner au tiers intéressé, dans les trente jours suivant la réception de la demande, avis écrit de celle-ci ainsi que de son intention, si le document contient ou s’il est, selon lui, susceptible de contenir :
(a) trade secrets of a third party,
a) soit des secrets industriels d’un tiers;
(b) information described in paragraph 20(1)(b) that was supplied by a third party, or
b) soit des renseignements visés à l’alinéa 20(1)b) qui ont été fournis par le tiers;
(c) information the disclosure of which the head of the institution could reasonably foresee might effect a result described in paragraph 20(1)(c) or (d) in respect of a third party,
c) soit des renseignements dont la communication risquerait, selon lui, d’entraîner pour le tiers les conséquences visées aux alinéas 20(1)c) ou d).
the head of the institution shall, subject to subsection (2), if the third party can reasonably be located, within thirty days after the request is received, give written notice to the third party of the request and of the fact that the head of the institution intends to disclose the record or part thereof.
(2) Any third party to whom a notice is required to be given under subsection (1) in respect of an intended disclosure may waive the requirement, and where the third party has consented to the disclosure the third party shall be deemed to have waived the requirement.
(3) A notice given under subsection (1) shall include
(a) a statement that the head of the government institution giving the notice intends to release a record or a part thereof that might contain material or information described in subsection (1);
(b) a description of the contents of the record or part thereof that, as the case may be, belong to, were supplied by or relate to the third party to whom the notice is given; and
(c) a statement that the third party may, within twenty days after the notice is given, make representations to the head of the government institution that has control of the record as to why the record or part thereof should not be disclosed.
(4) The head of a government institution may extend the time limit set out in subsection (1) in respect of a request under this Act where the time limit set out in section 7 is extended under paragraph 9(1)(a) or (b) in respect of the same request, but any extension under this subsection shall be for a period no longer than the period of the extension under section 9.
La présente disposition ne vaut que s’il est possible de rejoindre le tiers sans problèmes sérieux.
(2) Le tiers peut renoncer à l’avis prévu au paragraphe (1) et tout consentement à la communication du document vaut renonciation à l’avis.
(3) L’avis prévu au paragraphe (1) doit contenir les éléments suivants :
a) la mention de l’intention du responsable de l’institution fédérale de donner communication totale ou partielle du document susceptible de contenir les secrets ou les renseignements visés au paragraphe (1);
b) la désignation du contenu total ou partiel du document qui, selon le cas, appartient au tiers, a été fourni par lui ou le concerne;
c) la mention du droit du tiers de présenter au responsable de l’institution fédérale de qui relève le document ses observations quant aux raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis.
(4) Le responsable d’une institution fédérale peut proroger le délai visé au paragraphe (1) dans les cas où le délai de communication à la personne qui a fait la demande est prorogé en vertu des alinéas 9(1)a) ou b), mais le délai ne peut dépasser celui qui a été prévu pour la demande en question.
28. (1) Where a notice is given by the head of a government institution under subsection 27(1) to a third party in respect of a record or a part thereof,
(a) the third party shall, within twenty days after the notice is given, be given the opportunity to make representations to the head of the institution as to why the record or the part thereof should not be disclosed; and
(b) the head of the institution shall, within thirty days after the notice is given, if the third party has been given an opportunity to make representations under paragraph (a), make a decision as to whether or not to disclose the record or the part thereof and give written notice of the decision to the third party.
(2) Representations made by a third party under paragraph (1)(a) shall be made in writing unless the head of the government institution concerned waives that requirement, in which case they may be made orally.
(3) A notice given under paragraph (1)(b) of a decision to disclose a record requested under this Act or a part thereof shall include
(a) a statement that the third party to whom the notice is given is entitled to request a review of the decision under section 44 within twenty days after the notice is given; and
(b) a statement that the person who requested access to the record will be given access thereto or to the part thereof unless, within twenty days after the notice is given, a review of the decision is requested under section 44.
(4) Where, pursuant to paragraph (1)(b), the head of a government institution decides to disclose a record requested under this Act or a part thereof, the head of the institution shall give the person who made the request access to the record or the part thereof forthwith on completion of twenty days after a notice is given under that paragraph, unless a review of the decision is requested under section 44.
28. (1) Dans les cas où il a donné avis au tiers conformément au paragraphe 27(1), le responsable d’une institution fédérale:
a) de donner au tiers la possibilité de lui présenter, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis, des observations sur les raisons qui justifieraient un refus de communication totale ou partielle du document;
b) de prendre dans les trente jours suivant la transmission de l’avis, pourvu qu’il ait donné au tiers la possibilité de présenter des observations conformément à l’alinéa a), une décision quant à la communication totale ou partielle du document et de donner avis de sa décision au tiers.
(2) Les observations prévues à l’alinéa (1)a) se font par écrit, sauf autorisation du responsable de l’institution fédérale quant à une présentation orale.
(3) L’avis d’une décision de donner communication totale ou partielle d’un document conformément à l’alinéa (1)b) doit contenir les éléments suivants :
a) la mention du droit du tiers d’exercer un recours en révision en vertu de l’article 44, dans les vingt jours suivant la transmission de l’avis;
b) la mention qu’à défaut de l’exercice du recours en révision dans ce délai, la personne qui a fait la demande recevra communication totale ou partielle du document.
(4) Dans les cas où il décide, en vertu de l’alinéa (1)b), de donner communication totale ou partielle du document à la personne qui en a fait la demande, le responsable de l’institution fédérale donne suite à sa décision dès l’expiration des vingt jours suivant la transmission de l’avis prévu à cet alinéa, sauf si un recours en révision a été exercé en vertu de l’article 44.
44. (1) Any third party to whom the head of a government institution is required under paragraph 28(1)(b) or subsection 29(1) to give a notice of a decision to disclose a record or a part thereof under this Act may, within twenty days after the notice is given, apply to the Court for a review of the matter.
(2) The head of a government institution who has given notice under paragraph 28(1)(b) or subsection 29(1) that a record requested under this Act or a part thereof will be disclosed shall forthwith on being given notice of an application made under subsection (1) in respect of the disclosure give written notice of the application to the person who requested access to the record.
(3) Any person who has been given notice of an application for a review under subsection (2) may appear as a party to the review.
44. (1) Le tiers que le responsable d'une institution fédérale est tenu, en vertu de l'alinéa 28(1)b) ou du paragraphe 29(1), d'aviser de la communication totale ou partielle d'un document peut, dans les vingt jours suivant la transmission de l'avis, exercer un recours en révision devant la Cour.
(2) Le responsable d’une institution fédérale qui a donné avis de communication totale ou partielle d’un document en vertu de l’alinéa 28(1)b) ou du paragraphe 29(1) est tenu, sur réception d’un avis de recours en révision de cette décision, d’en aviser par écrit la personne qui avait demandé communication du document.
(3) La personne qui est avisée conformément au paragraphe (2) peut comparaître comme partie à l’instance.
46. Notwithstanding any other Act of Parliament or any privilege under the law of evidence, the Court may, in the course of any proceedings before the Court arising from an application under section 41, 42 or 44, examine any record to which this Act applies that is under the control of a government institution, and no such record may be withheld from the Court on any grounds.
46. Nonobstant toute autre loi fédérale et toute immunité reconnue par le droit de la preuve, la Cour a, pour les recours prévus aux articles 41, 42 et 44, accès à tous les documents qui relèvent d’une institution fédérale et auxquels la présente loi s’applique; aucun de ces documents ne peut, pour quelque motif que ce soit, lui être refusé.
49. Where the head of a government institution refuses to disclose a record requested under this Act or a part thereof on the basis of a provision of this Act not referred to in section 50, the Court shall, if it determines that the head of the institution is not authorized to refuse to disclose the record or part thereof, order the head of the institution to disclose the record or part thereof, subject to such conditions as the Court deems appropriate, to the person who requested access to the record, or shall make such other order as the Court deems appropriate.
49. La Cour, dans les cas où elle conclut au bon droit de la personne qui a exercé un recours en révision d’une décision de refus de communication totale ou partielle d’un document fondée sur des dispositions de la présente loi autres que celles mentionnées à l’article 50, ordonne, aux conditions qu’elle juge indiquées, au responsable de l’institution fédérale dont relève le document en litige d’en donner à cette personne communication totale ou partielle; la Cour rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.
51. Where the Court determines, after considering an application under section 44, that the head of a government institution is required to refuse to disclose a record or part of a record, the Court shall order the head of the institution not to disclose the record or part thereof or shall make such other order as the Court deems appropriate.
51. La Cour, dans les cas où elle conclut, lors d’un recours exercé en vertu de l’article 44, que le responsable d’une institution fédérale est tenu de refuser la communication totale ou partielle d’un document, lui ordonne de refuser cette communication; elle rend une autre ordonnance si elle l’estime indiqué.
53. (1) Subject to subsection (2), the costs of and incidental to all proceedings in the Court under this Act shall be in the discretion of the Court and shall follow the event unless the Court orders otherwise.
53. (1) Sous réserve du paragraphe (2), les frais et dépens sont laissés à l’appréciation de la Cour et suivent, sauf ordonnance contraire de la Cour, le sort du principal.
(2) Where the Court is of the opinion that an application for review under section 41 or 42 has raised an important new principle in relation to this Act, the Court shall order that costs be awarded to the applicant even if the applicant has not been successful in the result.
(2) Dans les cas où elle estime que l’objet des recours visés aux articles 41 et 42 a soulevé un principe important et nouveau quant à la présente loi, la Cour accorde les frais et dépens à la personne qui a exercé le recours devant elle, même si cette personne a été déboutée de son recours.
Pourvois rejetés avec dépens, les juges Deschamps, Abella et Rothstein sont dissidents.
Procureurs de l’appelante : Blake, Cassels & Graydon, Toronto.
Procureur de l’intimé : Procureur général du Canada, Ottawa.
Procureurs de l’intervenante : Gowling Lafleur Henderson, Ottawa.