COUR SUPRÊME DU CANADA
Référence : Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct inc.,
[2008] 2 R.C.S. 195, 2008 CSC 32
Date : 20080530
Dossier : 31664
Entre :
Association des courtiers et agents immobiliers du Québec,
François Pigeon, en sa qualité de syndic de l’ACAIQ, et
Comité de discipline de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec
Appelants
et.
Proprio Direct inc.
Intimée
Traduction française officielle: Motifs de la juge Abella
Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein
Motifs de jugement :
(par. 1 à 40)
Motifs dissidents :
(par. 41 à 80)
La juge Abella (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, LeBel, Fish et Charron)
La juge Deschamps (avec l’accord du juge Rothstein)
______________________________
Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct inc., [2008] 2 R.C.S. 195, 2008 CSC 32
Association des courtiers et agents immobiliers du Québec,
François Pigeon, en sa qualité de syndic de l’ACAIQ,
et Comité de discipline de l’Association des courtiers et
agents immobiliers du Québec Appelants
c.
Proprio Direct inc. Intimée
Répertorié : Association des courtiers et agents immobiliers du Québec c. Proprio Direct inc.
Référence neutre : 2008 CSC 32.
No du greffe : 31664.
2008 : 30 janvier; 2008 : 30 mai.
Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Bastarache, Binnie, LeBel, Deschamps, Fish, Abella, Charron et Rothstein.
en appel de la cour d’appel du québec
POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel du Québec (les juges Doyon, Bich et Côté), [2006] R.J.Q. 1762, [2006] J.Q. no 7477 (QL), 2006 CarswellQue 6812, 2006 QCCA 978, qui a rejeté une décision du juge Renaud, [2004] J.Q. no 7420 (QL), 2004 CarswellQue 2121. Pourvoi accueilli, les juges Deschamps et Rothstein sont dissidents.
Marc Gaucher et Jean‑François Savoie, pour les appelants.
Pierre‑André Côté et Marc Simard, pour l’intimée.
Version française du jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Bastarache, Binnie, LeBel, Fish, Abella et Charron rendu par
[1] La juge Abella — Le pourvoi porte sur l’interprétation de dispositions législatives visant à protéger le consommateur qui vend ou achète un immeuble. Plus précisément, la Cour doit déterminer si, au Québec, les courtiers et agents immobiliers peuvent faire payer des frais aux vendeurs même dans le cas où la vente n’a pas lieu.
CONTEXTE
[2] La Loi sur le courtage immobilier, L.R.Q., ch. C‑73.1 (« LCI »), régit le courtage immobilier au Québec. La LCI délimite les pouvoirs et devoirs de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec. La mission de l’Association, énoncée à l’art. 66 de la LCI, est d’assurer la protection du public contre les manquements aux règles de déontologie par les membres de la profession :
66. L’Association a pour principale mission d’assurer la protection du public par l’application des règles de déontologie et l’inspection professionnelle de ses membres en veillant, notamment à ce que l’activité de ses membres soit poursuivie conformément à la loi et aux règlements. . .
[3] L’Association est constituée d’un conseil d’administration, d’un comité d’inspection professionnelle, d’un syndic et d’un comité de discipline. Elle tient un registre de tous ses membres. Nul ne peut exercer l’activité de courtier ou d’agent immobilier s’il n’est titulaire d’un certificat délivré par l’Association.
[4] Le syndic veille à l’application des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, R.R.Q., ch. C‑73.1, r. 5 (« Règles de déontologie de l’ACAIQ »), et à l’observation par les courtiers immobiliers de la LCI et de ses règlements d’application. Le syndic est nommé par le conseil d’administration. Le syndic peut faire enquête, s’il a des motifs de croire qu’un membre de l’Association a enfreint la LCI ou ses règlements d’application.
[5] Proprio Direct est un courtier immobilier du Québec, qui demandait aux vendeurs de lui verser des « frais d’adhésion » non remboursables à la signature d’un contrat de courtage exclusif, en plus de la commission payable à la vente de l’immeuble, le cas échéant. Deux vendeurs dont les maisons n’ont pas été vendues pendant la durée du contrat se sont plaints de cette pratique auprès de l’Association.
[6] Après enquête, le syndic a conclu qu’il y avait lieu de déférer les plaintes contre Proprio Direct au comité de discipline de l’Association. Le syndic a fait valoir que la pratique de Proprio Direct d’exiger des frais, que la vente ait lieu ou non, était interdite par la LCI et, partant, contraire à l’art. 13 des Règles de déontologie de l’ACAIQ :
13. Le membre ne doit participer à aucun acte ou pratique, en matière immobilière, qui puisse être illégal ou qui puisse porter préjudice au public ou à la profession.
[7] L’exposé conjoint des faits présenté au comité de discipline par les parties confirmait que les deux vendeurs d’immeubles résidentiels avaient signé des contrats de courtage exclusifs dans lesquels ils acceptaient de verser à Proprio Direct non seulement des frais d’adhésion non remboursables, mais aussi une commission représentant un pourcentage du prix de vente définitif de l’immeuble. Les frais d’adhésion s’élevaient à 1 262,97 $ dans le cas d’Huguette Filiatrault, dont la maison avait été mise en vente pour 99 900 $, et à 1 724,22 $ dans le cas de Laurent Girouard et Diane Paquin, dont la maison avait été mise en vente pour 169 900 $. En outre, les deux contrats prévoyaient le versement d’une commission advenant la vente de l’immeuble. Proprio Direct n’a vendu ni l’un ni l’autre des immeubles pendant la durée du contrat de courtage immobilier et n’a remboursé ni l’un ni l’autre des vendeurs de leurs frais d’adhésion.
[8] La majorité des clients de Proprio Direct ont payé ces frais non remboursables au moment de la signature des contrats de courtage. Ils pouvaient aussi se prévaloir de l’option « vente garantie ou argent remis » prévue dans les contrats, à la condition de verser le double du montant initialement prévu à titre de « frais d’adhésion ».
[9] Le comité de discipline a retenu l’argument du syndic selon lequel Proprio Direct se livrait à une pratique contraire aux Règles de déontologie de l’ACAIQ en imposant de tels frais et contrevenait à la LCI en exigeant des frais non remboursables, payables en l’absence d’une vente. Selon le comité de discipline, le fait de qualifier le montant non remboursable de « frais d’adhésion » était un « leurre et un procédé abusif » envers les consommateurs. Le contrat de courtage exclusif avait pour but de permettre au vendeur de bénéficier des services d’un agent ou d’un courtier pour vendre son immeuble. Le comité de discipline a conclu que Proprio Direct ne devait pas se présenter comme un agent ou un courtier immobilier si elle voulait offrir un autre type de service.
[10] Pour étayer sa conclusion voulant que la rétribution de l’agent ou du courtier immobilier soit subordonnée à la réalisation d’une vente, le comité de discipline a souligné que le conseil d’administration de l’Association avait soumis au gouvernement, en octobre 1993, des modifications qui auraient autorisé la rétribution des courtiers et agents, qu’une vente ait lieu ou non. Or le gouvernement n’a pas retenu cette proposition dans le règlement modifié qui est entré en vigueur en janvier 1994 et le comité de discipline en a déduit que le législateur avait l’intention de lier le droit du courtier immobilier d’être rétribué à la survenance d’une vente.
[11] Le comité de discipline a donc conclu que la pratique de Proprio Direct d’exiger des paiements non remboursables était illégale et portait préjudice au public.
[12] Lors d’une audience ultérieure portant sur la sanction à infliger, le comité a conclu que la réprimande seule ne serait pas indiquée, parce qu’elle ne répondrait pas à la nécessité de dissuader les autres membres de la profession. Il a toutefois reconnu que, par suite de sa décision, Proprio Direct avait engagé des dépenses de restructuration et remboursé les frais d’adhésion payés par ses clients. Compte tenu des efforts déployés par Proprio Direct, le comité a jugé que l’amende minimale de 600 $ pour chacune des deux plaintes constituait une sanction suffisante.
[13] Proprio Direct a demandé le contrôle judiciaire des décisions du comité de discipline. Le juge Renaud de la Cour du Québec leur a appliqué la norme de la décision raisonnable ([2004] J.Q. no 7420 (QL)). Il a souligné que le législateur avait adopté la LCI dans le but d’assurer la protection du consommateur. Il a reconnu que, même si la LCI autorisait la modification de certaines clauses du contrat de courtage exclusif, ces modifications ne pouvaient pas « s’éloigner essentiellement des obligations » prévues dans les formulaires obligatoires. Il a fait sienne la conclusion du comité de discipline, selon laquelle les modalités de paiement prévues dans le contrat de courtage exclusif étaient d’application obligatoire et un courtier ou un agent immobilier ne pouvait recevoir aucune rétribution en l’absence d’une vente. Il a également approuvé la sanction infligée par le comité de discipline.
[14] La Cour d’appel a infirmé cette décision, ([2006] R.J.Q. 1762, 2006 QCCA 978), en appliquant la norme de la décision correcte à la question de l’application obligatoire des dispositions en cause, et la norme de la décision raisonnable à la question de savoir si les pratiques contestées portaient préjudice au public. Étant d’avis que les dispositions de la LCI relatives à la rétribution n’étaient pas d’application obligatoire, elle a conclu à l’unanimité que la LCI n’empêchait nullement le versement d’une rétribution en l’absence d’une vente. La Cour d’appel ne partageait pas non plus l’avis du juge Renaud selon lequel seuls des changements mineurs qui ne modifient pas la nature même du contrat pouvaient être apportés; elle a plutôt conclu que les parties devaient pouvoir modifier toutes les clauses du contrat dont un texte législatif ne prescrit pas expressément l’application obligatoire. Le rejet par le gouvernement de la modification proposée par l’Association en 1993 n’a pas amené la Cour d’appel à conclure que le législateur voulait subordonner la rétribution à la survenance d’une vente.
[15] La Cour d’appel a reconnu que la LCI était une loi d’ordre public adoptée pour assurer la protection du consommateur. Elle a néanmoins statué que, les dispositions prévoyant la rétribution au moment de la vente n’étant pas obligatoires, les parties étaient libres de définir les modalités de leur entente contractuelle. Elle a ajouté que les lois et règlements devraient être interprétés en conformité avec les principes de la libre concurrence et de la liberté contractuelle, qui constituent à son avis « le fondement de l’organisation économique de notre société » (par. 73). À défaut d’interdiction explicite, il faut donc présumer que le législateur n’avait l’intention de restreindre ni la liberté contractuelle des parties ni le principe de la libre concurrence.
[16] Il n’importait aucunement que les services offerts aux vendeurs ne correspondent pas à ceux ordinairement offerts par un courtier. Les pratiques contractuelles de Proprio Direct, quoique différentes des pratiques courantes dans ce secteur d’activité, n’étaient pas illégales. Par conséquent, elles ne portaient pas préjudice au public.
ANALYSE
[17] La LCI a pour objet d’assurer la protection du consommateur. Comme l’indique l’art. 66 de la LCI, l’Association a pour « principale mission » d’assurer la protection du public contre les manquements aux règles de déontologie par les membres de la profession.
[18] Le rôle fondamental du comité de discipline est d’assurer le respect de ces règles de déontologie et la Cour d’appel du Québec a toujours appliqué la norme de la décision raisonnable aux décisions qu’il rend sous le régime de la LCI. Cette méthode d’analyse empreinte de déférence a été établie par le juge Chamberland, dans Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090, et par le juge Dalphond, dans Pigeon c. Proprio Direct inc., J.E. 2003‑1780, SOQUIJ AZ‑50192600. Dans la première affaire, comme en l’espèce, il n’existait aucune clause privative. Le juge Chamberland a expliqué que, en dépit de l’absence de cette mesure de protection, l’expertise du comité dictait une norme de contrôle empreinte de déférence :
[B]ien que la loi prévoie un droit d’appel des décisions du Comité de discipline, l’expertise de ce comité, l’objet de la loi et la nature de la question en litige militent tous en faveur d’un degré plus élevé de déférence que la norme de la décision correcte. La norme de contrôle appropriée est donc celle de la décision raisonnable . . . [par. 36]
[19] Dans la deuxième affaire où, en raison d’un régime législatif légèrement différent, une forme de clause privative était en jeu, le juge Dalphond a étoffé ce raisonnement favorable à la déférence envers l’expertise du comité :
Quant à l’expertise du Comité de discipline, comme le souligne mon collègue le juge Chamberland dans l’arrêt François Pigeon c. Stéphane Daigneault, [. . .] elle ne fait pas de doute. En effet, le Comité est composé, majoritairement, de gens du milieu du courtage immobilier (art. 131 de la Loi) qui connaissent intimement ce secteur d’activités économiques. Le législateur a donc voulu une justice par des pairs, conscient qu’en matière de déontologie les normes de comportement attendues sont généralement mieux définies par des personnes qui œuvrent dans le secteur et qui peuvent mesurer à la fois les intérêts du public et les contraintes d’un secteur économique donné (Pearlman c. Manitoba Law Society, [1991] 2 R.C.S. 869). Par contre, le juge œuvrant à la chambre civile de la Cour du Québec [. . .] ne saurait prétendre posséder une expertise particulière en matière de discipline professionnelle et, encore moins, en matière de courtage immobilier. Ce deuxième facteur milite encore une fois en faveur d’un degré de retenue quant à l’interprétation des normes de conduite propres au courtier et l’imposition des sanctions appropriées. [Je souligne; par. 27.]
[20] La décision dont nous sommes saisis s’écarte de cette démarche empreinte de déférence. J’estime, avec égards, qu’il faut privilégier la norme de contrôle que les juges Dalphond et Chamberland ont appliqué dans ces arrêts antérieurs et qui est davantage conforme à l’arrêt Dunsmuir c. Nouveau‑Brunswick, [2008] 1 R.C.S. 190, 2008 CSC 9 (par. 54 et 55). Précisons plus particulièrement que l’existence ou l’inexistence d’une clause privative, quoique pertinente, n’est pas déterminante (Dunsmuir, par. 52).
[21] En l’espèce, la question en litige est l’interprétation, par le comité de discipline, composé d’experts, de sa loi constitutive (Dunsmuir, par. 54; voir aussi Moreau‑Bérubé c. Nouveau‑Brunswick (Conseil de la magistrature), [2002] 1 R.C.S. 249, 2002 CSC 11; Dr Q c. College of Physicians and Surgeons of British Columbia, [2003] 1 R.C.S. 226, 2003 CSC 19; Barreau du Nouveau‑Brunswick c. Ryan, [2003] 1 R.C.S. 247, 2003 CSC 20; Pushpanathan c. Canada (Ministre de la Citoyenneté et de l’Immigration), [1998] 1 R.C.S. 982, par. 32). Le législateur a confié à l’Association le mandat d’assurer la protection du public et de statuer sur la conformité des activités de ses membres avec les règles de déontologie, mandat dont elle s’acquitte en faisant appel à l’expérience et à l’expertise de son comité de discipline et qui suppose forcément l’interprétation des dispositions pertinentes. La question de savoir si Proprio Direct a enfreint ces règles en facturant des frais indépendants non remboursables relève clairement de l’expertise du comité et des responsabilités que la loi attribue à l’Association. Je ne vois rien de déraisonnable dans la conclusion du comité de discipline selon laquelle les dispositions qui subordonnent la rétribution du courtier ou de l’agent immobilier à la survenance d’une vente sont d’application obligatoire.
[22] Le sens ordinaire des dispositions législatives appuie cette conclusion. Le paragraphe 155(5) de la LCI (les dispositions législatives pertinentes sont reproduites en annexe) confère au gouvernement le pouvoir de décider quels formulaires sont obligatoires :
155. Le gouvernement peut déterminer, par règlement : . . .
5— les formulaires qui doivent revêtir une forme obligatoire;
[23] Le paragraphe 26(2) du Règlement d’application de la Loi sur le courtage immobilier, R.R.Q., ch. C‑73.1, r. 1 (« Règlement d’application de la LCI »), inclut le contrat de courtage exclusif parmi les formulaires d’application obligatoire :
26. Les formulaires qui doivent revêtir une forme obligatoire sont [notamment] :
. . .
2— le formulaire « Contrat de courtage exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel » à l’égard d’un immeuble visé par l’article 32 de la loi;
Le contrat de courtage exclusif doit donc revêtir une forme obligatoire.
[24] Le contenu des formulaires obligatoires est proposé par le conseil d’administration de l’Association et soumis à l’approbation du gouvernement. Le gouvernement est ainsi l’auteur ultime du règlement. C’est ce que prévoit le par. 74(17) de la LCI :
74. Le conseil d’administration doit déterminer, par règlement soumis à l’approbation du gouvernement :
. . .
17— le contenu, la forme et l’utilisation des formulaires obligatoires désignés par règlement du gouvernement;
[25] Les dispositions prescrivant le contenu du contrat de courtage exclusif se trouvent au chapitre III de la LCI. Ce chapitre, qui comprend les art. 32 à 43, est intitulé « Règles relatives à certains contrats de courtage immobilier ». La dernière disposition, l’art. 43, dispose que nul ne peut renoncer aux droits que lui confère le chapitre III :
43. La personne physique ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent chapitre.
[26] L’article 32 précise que le chapitre III s’applique à tout contrat en vertu duquel le courtier s’engage à agir comme intermédiaire pour la vente, la location ou l’échange d’un immeuble résidentiel de moins de cinq logements.
[27] Quant à l’art. 35, il dresse la liste de tous les éléments que doit contenir le contrat. Ainsi, selon le par. 35(9), le contrat doit indiquer la « nature et le mode de paiement de la rétribution du courtier ». Aux termes du par. 35(11), le contrat doit inclure « toute autre mention déterminée par règlement du gouvernement ».
[28] Le paragraphe 155(15) de la LCI confère au gouvernement le pouvoir de déterminer, par règlement, les mentions que doit contenir le contrat de courtage exclusif, outre celles déjà énumérées à l’art. 35. Ces « mentions » ont été énoncées par le gouvernement à l’art. 85 du Règlement de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, R.R.Q., ch. C‑73.1, r. 2 (« Règlement de l’ACAIQ »). L’article 85 dispose que le contrat de courtage exclusif obligatoire, visé au par. 26(2) du Règlement d’application de la LCI, doit contenir certaines clauses. Sont tout particulièrement pertinentes les dispositions du par. 85(6), qui portent sur la rétribution des agents et courtiers immobiliers :
85. . . .
Le vendeur versera au courtier [. . .] au moment de la signature de l’acte de vente, une rétribution de :
___ pour cent ( __ %) du prix de vente prévu à l’article (indiquer le numéro de la disposition du contrat qui établit le prix de vente) ou d’un prix de vente autre auquel le vendeur aura donné son assentiment par écrit, le cas échéant; . . .
1— si une promesse d’achat conforme aux conditions de vente énoncées au présent contrat de courtage (et ses amendements, le cas échéant) lui est présentée pendant la durée dudit contrat et que cette promesse d’achat conduise effectivement à la vente de l’immeuble, ou
2— si une entente visant à vendre l’immeuble est conclue pendant la durée du présent contrat, que ce soit par ou sans l’intermédiaire du courtier, et que cette entente conduise effectivement à la vente de l’immeuble, ou
3— si une vente a lieu dans les 180 jours suivant la date d’expiration du contrat avec une personne qui a été intéressée à l’immeuble pendant la durée du contrat, sauf si, durant cette période, le vendeur a conclu avec un autre courtier immobilier un contrat stipulé exclusif pour la vente de l’immeuble.
Rien dans ce qui est stipulé à l’article [. . .] ne doit être interprété comme venant restreindre le droit du courtier d’obtenir, le cas échéant, le paiement de toutes sommes pouvant lui être dues à titre de rétribution ou de dommages‑intérêts selon les règles ordinaires du droit commun notamment, mais sans limiter la généralité de ce qui précède, dans le cas où la vente n’aurait pas lieu parce que c’est le vendeur qui y a volontairement fait obstacle ou qui a autrement volontairement empêché la libre exécution du présent contrat.
[29] Cette disposition relie sans équivoque la rétribution à la survenance d’une vente. En outre, elle précise clairement la seule exception à cette règle, soit la rupture du contrat par le vendeur.
[30] Les articles 91 à 100 du Règlement de l’ACAIQ précisent de quelle manière les modifications doivent être apportées. Les articles 99 et 100 prévoient que le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier doit utiliser les formulaires obligatoires applicables s’il veut modifier le contrat de courtage exclusif. Aucun de ces formulaires ne déroge au principe selon lequel la rétribution est reliée à la survenance d’une vente. En toute déférence, je ne partage pas l’avis de la Cour d’appel selon lequel les art. 91 à 100, et notamment l’art. 96 du Règlement de l’ACAIQ, permettent aux parties de modifier n’importe quelle condition obligatoire qui subordonne la rétribution à la survenance d’une vente. Le formulaire obligatoire contient des blancs où peuvent être insérées des conditions personnalisées. Ce sont, selon moi, les seuls éléments du formulaire que les agents immobiliers peuvent modifier ou biffer.
[31] La boucle est ainsi bouclée. Les contrats de courtage exclusifs doivent revêtir une forme obligatoire (par. 26(2) du Règlement d’application de la LCI). Bien que l’Association propose le contenu des formulaires obligatoires, c’est le gouvernement qui décide de leur véritable contenu (par. 74(17) de la LCI). Ce contenu est ensuite promulgué sous forme de règlement et publié dans la Gazette officielle du Québec. Sans cette promulgation, les propositions de l’Association n’ont aucun effet juridique.
[32] Le contrat de courtage exclusif « doit » indiquer la « nature et le mode de paiement de la rétribution du courtier » (par. 35(9) de la LCI), y compris « toute autre mention déterminée par règlement du gouvernement » (par. 35(11) de la LCI). La disposition réglementaire qui contient ces « mentions » concernant la rétribution, et qui prévoit notamment qu’elle ne sera versée que si une vente a lieu, est le par. 85(6) du Règlement de l’ACAIQ. Ces mentions sont ainsi incorporées au chapitre III par l’opération du par. 35(11) et, suivant l’art. 43, nul ne peut y renoncer. Il est donc impossible de renoncer au droit de ne pas avoir à verser de rétribution à moins qu’une vente ait lieu.
[33] Le gouvernement n’entérine pas automatiquement les propositions de l’Association. En fait, dans son projet de règlement déposé en 1993, l’Association proposait qu’une rétribution soit versée indépendamment de la survenance d’une vente. Elle a soumis les modifications suivantes à l’approbation du gouvernement :
5. RÉTRIBUTION
5.1 Le VENDEUR versera au COURTIER, [notamment pour un immeuble résidentiel], une rétribution de :
______ pour cent (__ %) du prix fixé pour la vente, ou, en l’absence d’une vente, du [prix demandé] . . .
Plus tard, la même année, le législateur a révisé et modifié cette proposition. Le gouvernement n’a pas retenu le libellé « en l’absence d’une vente » proposé par l’Association. Il a plutôt retenu les formulations « au moment de la signature de l’acte de vente » et « conduise effectivement à la vente de l’immeuble » (par. 85(6) du Règlement de l’ACAIQ), ce qui non seulement atteste que le règlement émane du gouvernement, mais confirme l’intention que, comme le dit clairement le texte législatif, les vendeurs ne soient tenus de verser une rétribution aux courtiers que lorsque leur immeuble est vendu.
[34] Le fait que la LCI a pour objet d’assurer la protection du consommateur étaye également cette interprétation. J’estime, en toute déférence, que la Cour d’appel a commis une erreur d’interprétation en examinant la législation à travers le prisme des principes de la liberté contractuelle et de la libre concurrence, plutôt que dans la perspective de la LCI, considérée comme une loi de protection du consommateur.
[35] La professeure Nicole L’Heureux a expliqué les raisons pour lesquelles le principe de la protection du consommateur prime généralement celui de la liberté contractuelle dans Droit de la consommation (5e éd. 2000), p. 18 :
Le droit de la consommation tempère donc les principes de la liberté contractuelle et de l’autonomie de la volonté qui, théoriquement en droit civil, doivent assurer la justice contractuelle, en raison des circonstances particulières dans lesquelles le consommateur contracte sur le marché. Puisque les parties ne traitent pas sur un pied d’égalité, l’équilibre contractuel doit être rétabli par un mécanisme juridique particulier qui consacre la rupture avec le postulat sur lequel se fonde la théorie des contrats en droit civil. Dans la recherche de cet objectif, le tribunal fait plus que la simple interprétation du contrat ou l’application d’une disposition législative. Il jouit d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’ensemble de l’opération et appliquer le critère du déséquilibre contractuel.
[36] Le professeur Jacob Ziegel a exposé dans le détail les réalités sur lesquelles reposent les objectifs de la législation en matière de protection du consommateur :
[traduction] Premièrement, l’inégalité du pouvoir de négociation entre le fournisseur de biens ou de services et le consommateur à qui ces biens ou services sont offerts; deuxièmement, l’inégalité croissante et souvent flagrante de la connaissance des caractéristiques et composantes techniques des biens ou services; troisièmement, l’inégalité tout aussi manifeste des ressources de part et d’autre, qu’elle se traduise par la difficulté du consommateur à obtenir réparation sans aide dans le cas d’une plainte légitime ou par la capacité du fournisseur d’absorber dans ses frais généraux les coûts occasionnés par un produit défectueux comparativement à la perte éventuelle par le consommateur de la somme importante qu’il a investie pour se procurer le bien défectueux.
(« The Future of Canadian Consumerism » (1973), 51 R. du B. can. 191, p. 193)
[37] Il serait contraire aux objectifs de protection du consommateur, qui représentent des éléments fondamentaux de la LCI, de permettre que les dispositions prescrites d’un contrat de courtage exclusif puissent être modifiées cavalièrement par une convention particulière, malgré l’utilisation constante des termes « doit » ou « obligatoire » pour en énoncer le contenu. L’article 43 de la LCI confirme au contraire que le législateur souhaitait que les parties ne puissent pas renoncer à ces éléments obligatoires des contrats. Il est donc inutile de déterminer si et, le cas échéant, comment les principes d’ordre public touchant la renonciation devraient s’appliquer, car ces principes n’entreraient en jeu que si le libellé lui‑même ne revêtait pas un caractère obligatoire.
[38] Le législateur a expressément limité la liberté contractuelle des parties en faisant de la clause sur la rétribution une condition obligatoire du contrat. Le libellé utilisé subordonne la rétribution à la survenance d’une vente. S’il était permis de modifier facilement cette exigence, il serait alors permis de modifier facilement la protection qui est manifestement censée demeurer à l’abri de toute atteinte. C’est la protection du consommateur qui prime la liberté contractuelle, et non le contraire.
[39] Le comité de discipline pouvait donc conclure que le régime législatif ne permettait pas à Proprio Direct d’exiger des frais d’adhésion non remboursables et que de telles pratiques pouvaient porter préjudice au public ou à la profession.
[40] Par conséquent, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi avec dépens dans toutes les cours.
Les motifs des juges Deschamps et Rothstein ont été rendus par
[41] La juge Deschamps (dissidente) — Le pourvoi concerne l’étendue du pouvoir de réglementation de l’appelante, l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec (« Association »). Je conclus que l’Association possède le pouvoir d’établir le contenu de certains formulaires mais non celui de fixer les conditions de l’entente liant le courtier et son client, le vendeur. Plus particulièrement, le législateur n’a pas délégué à l’Association le pouvoir de déterminer les modalités de la rétribution dont peuvent convenir un courtier et son client. Pour ce motif, je suis d’avis que le comité de discipline ne pouvait conclure que l’intimée Proprio Direct, avait commis une faute déontologique en convenant avec ses clients du versement de frais d’adhésion. Je suis d’accord avec la conclusion de la Cour d’appel ([2006] R.J.Q. 1762) et je suis d’avis de rejeter l’appel.
[42] Sous le couvert d’une plainte déontologique, l’Association fait le procès des services offerts par Proprio Direct. Il convient donc de préciser, au moins sommairement, en quoi la pratique de Proprio Direct se distingue du modèle suivi par la majorité des courtiers au Québec.
[43] Au moment de sa comparution devant le comité de discipline de l’Association, Proprio Direct œuvre déjà dans le domaine du courtage immobilier depuis bon nombre d’années. Elle a mis au point une gamme de services. Aux moments pertinents, elle permettait aux propriétaires qui le désiraient de vendre eux-mêmes leur immeuble, d’où son nom, Proprio Direct. En outre, moyennant paiement de frais d’adhésion non remboursables, un propriétaire pouvait bénéficier de services de publicité et du service inter-agences. Pour ces mêmes services limités, le propriétaire pouvait aussi choisir de payer des frais plus élevés, lesquels étaient remboursables si aucune vente ne survenait pendant la période de validité du contrat. Le propriétaire pouvait aussi bénéficier des services d’un agent suivant le modèle usuel.
[44] La pratique distinctive de Proprio Direct a créé des heurts. Ainsi, la Chambre immobilière du Grand Montréal a exprimé l’avis que le choix laissé au propriétaire de vendre lui-même son immeuble rendait l’offre de vente inadmissible à son service inter-agences. À cette occasion, l’Association a pris le parti de Proprio Direct et a fait valoir, avec succès, que les conditions non impératives du formulaire pouvaient être modifiées par les parties : Chambre immobilière du Grand Montréal c. Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, [2007] R.J.Q. 504 (C.A.), par. 6 et 63.
[45] À mon avis, le même raisonnement s’applique ici. Je trouve d’ailleurs étonnant que l’Association ait défendu cette règle dans le litige opposant Proprio Direct à la Chambre immobilière du Grand Montréal mais soutienne ici la thèse contraire. Le recours à une plainte déontologique étonne d’autant plus que, selon les observations faites lors de l’infliction de la sanction, la pratique distinctive de Proprio Direct de convenir du paiement de frais d’adhésion non remboursables aurait été établie au moins sept ans avant l’audience devant le comité de discipline.
[46] Je vais d’abord examiner l’argument de l’Association selon lequel les parties ne peuvent déroger aux termes du formulaire, puis me pencher sur le degré de déférence due au comité de discipline, principalement eu égard au droit d’appel prévu par la Loi sur le courtage immobilier, L.R.Q., ch. C-73.1 (« Loi »), et, enfin, terminer en commentant un argument qui a retenu l’attention du comité de discipline et de ma collègue la juge Abella.
1. Source du caractère obligatoire de certaines mentions du contrat de courtage
[47] Le chapitre III de la Loi (art. 32 à 43) énonce les règles relatives au contrat de courtage immobilier convenu par une personne physique et un courtier pour la vente, la location ou l’échange d’un immeuble résidentiel de moins de cinq logements. L’article 43 énonce ce qui suit, dans des mots usuellement utilisés pour indiquer le caractère impératif d’une disposition :
43. La personne physique ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent chapitre.
[48] L’article 35 précise ce que doit contenir le contrat. Il est utile de citer en particulier le par. 9 :
35. Le contrat doit indiquer :
. . .
9° la nature et le mode de paiement de la rétribution du courtier;
L’article 38 limite les cas où les parties peuvent convenir que le courtier sera rétribué après l’expiration du contrat. Aux termes de l’art. 39, le contrat doit préciser que le courtier doit remettre à la personne physique toute promesse d’achat, de location ou d’échange. L’article 41 énonce que le courtier ne peut exiger aucune rétribution à la suite de la résolution du contrat prévue à l’art. 40 à moins d’une vente qui satisfasse aux conditions de l’art. 38.
[49] On peut donc constater que le législateur a expressément fixé dans la Loi plusieurs limites concernant la rétribution du courtier. Cependant, aucun mode particulier de paiement n’est imposé. L’article 35 oblige simplement les parties à « indiquer » dans leur contrat de courtage le mode de rétribution choisi.
[50] Le contrat de courtage immobilier visé au chapitre III de la Loi est aussi assujetti au Code civil du Québec, L.Q. 1991, ch. 64 (« C.c.Q. »). Il constitue un contrat de service au sens de l’art. 2098 C.c.Q. et un contrat de consommation défini à l’art. 1384 C.c.Q. À titre de contrat de consommation, il doit respecter les règles concernant les clauses abusives, externes, illisibles ou incompréhensibles et, comme tous les autres contrats, celles concernant l’ordre public.
[51] En l’espèce, aucune partie ne plaide que le contrat contrevient aux dispositions du chapitre III de la Loi ou à celles du C.c.Q. L’Association prétend que l’illégalité provient du fait que la clause convenue concernant les frais d’adhésion déroge au formulaire de contrat de courtage, qui prévoit que la rétribution du courtier ne doit être versée qu’au moment de la vente de l’immeuble. Plus particulièrement, l’Association fait le raisonnement suivant : comme elle s’est vu confier, par le par. 74(17) de la Loi, la responsabilité de déterminer par règlement le contenu du formulaire obligatoire et comme les parties doivent impérativement utiliser le formulaire prévu au Règlement de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, R.R.Q., ch. C-73.1, r. 2 (« Règlement de l’Association »), il s’ensuit que les dispositions du formulaire constituent les clauses obligatoires du contrat. À mon avis, ce syllogisme est fallacieux.
[52] D’abord, en l’absence d’un texte démontrant le caractère impératif des dispositions du formulaire, les parties pouvaient les modifier si elles respectaient les prescriptions minimales prévues par la Loi, le Règlement d’application de la Loi sur le courtage immobilier, R.R.Q., ch. C-73.1, r. 1 (« Règlement d’application »), et le C.c.Q. Ensuite, si le législateur avait voulu que toutes les dispositions du formulaire constituent des mentions obligatoires du contrat, il n’aurait pas expressément incorporé à la Loi des dispositions spécifiques traitant des mentions obligatoires et confié au gouvernement la responsabilité de fixer par règlement les mentions obligatoires s’ajoutant à celles prévues par la Loi. Cette technique de rédaction législative n’aurait eu aucun sens. De plus, si le formulaire n’avait pas été susceptible de modification, le législateur n’aurait pas approuvé les dispositions du Règlement de l’Association qui permettent de le faire. La seule interprétation qui donne un sens et une portée distincte aux différents textes est celle affirmant que le Règlement d’application et le Règlement de l’Association constituent des instruments distincts portant sur des objets différents, l’un sur les mentions obligatoires du contrat, l’autre sur le contenu du formulaire obligatoire. Le mot « obligatoire » utilisé dans les deux règlements ne signifie pas que le contenu du formulaire est obligatoire. Ce qui est obligatoire, c’est l’utilisation du formulaire. Cette interprétation est consacrée dans le texte même de la Loi et des règlements.
[53] La Loi distingue le contrat, c’est-à-dire l’entente qui intervient entre le courtier et le propriétaire, du formulaire que les parties doivent utiliser. Le chapitre III de la Loi prévoit que le contrat doit contenir des mentions obligatoires. Le paragraphe 155(15) de la Loi précise que le gouvernement peut, par règlement, déterminer les autres mentions que doit contenir le contrat visé à l’art. 35. Cette disposition est rédigée ainsi :
155. Le gouvernement peut déterminer, par règlement :
. . .
15° les autres mentions que doit contenir le contrat visé à l’article 35;
Le gouvernement a exercé ce pouvoir en prenant le Règlement d’application, dont l’art. 27 prévoit ces mentions obligatoires du contrat. Cet article précise que le contrat doit indiquer les déclarations et obligations du vendeur ainsi que les obligations du courtier immobilier*. Le mode de rétribution n’est aucunement fixé par le Règlement d’application. Il est donc clair que la clause litigieuse ne contrevient ni aux prescriptions du chapitre III de la Loi ni au Règlement d’application pris par le gouvernement.
[54] Parallèlement, le par. 155(5) de la Loi prévoit que le gouvernement peut déterminer par règlement les formulaires qui doivent revêtir une forme obligatoire.
155. Le gouvernement peut déterminer, par règlement :
. . .
5° les formulaires qui doivent revêtir une forme obligatoire;
Le Règlement d’application énonce, au par. 26(2), que le formulaire de contrat de courtage exclusif doit « revêtir une forme obligatoire ».
[55] Le paragraphe 74(17) de la Loi précise que l’Association doit, par règlement, déterminer le contenu du formulaire obligatoire, ce qu’elle a fait en établissant le Règlement de l’Association. Il ne s’agit pas d’un cas où l’Association a comme mandat de « proposer » le contenu du formulaire pour que le gouvernement en décide par la suite, comme le soutient ma collègue la juge Abella (par. 24 et 31), mais bien d’un cas où l’Association doit déterminer le contenu du formulaire sujet à l’approbation du gouvernement qui agit comme simple organe de contrôle. La disposition est rédigée comme suit :
74. Le conseil d’administration doit déterminer, par règlement soumis à l’approbation du gouvernement :
. . .
17° le contenu, la forme et l’utilisation des formulaires obligatoires désignés par règlement du gouvernement;
[56] Si le législateur avait voulu que toutes les dispositions du formulaire soient obligatoires, il n’aurait pas traité de façon distincte le contrat et le formulaire et n’aurait pas prévu deux délégations distinctes. Il a clairement manifesté son intention en réservant au gouvernement, d’une part, le soin de déterminer les mentions obligatoires du contrat et à l’Association, d’autre part, la responsabilité de déterminer le contenu du formulaire. Deux règlements distincts sont adoptés, l’un traite des mentions obligatoires, l’autre régit le formulaire. Pour conclure que le Règlement de l’Association détermine les mentions obligatoires du contrat, il faut faire fi du pouvoir de réglementation du gouvernement en ce qui a trait aux mentions obligatoires du contrat et de l’obligation faite à l’Association, et non au gouvernement, de déterminer le contenu du formulaire. Les champs de compétence sont distincts et celui de l’Association est limité à la détermination du contenu du formulaire.
[57] Rien dans les dispositions mentionnées ci-dessus ne permet de conclure que le formulaire constitue autre chose que ce que cette notion implique généralement. Le législateur ne confond pas le contrat et le formulaire. Celui-ci est le document que les parties utilisent pour consigner les conditions du contrat. Le caractère obligatoire des clauses du contrat ne découle pas du fait qu’elles reproduisent les dispositions du formulaire, mais plutôt des art. 32 à 43 de la Loi, de l’art. 27 du Règlement d’application et des dispositions pertinentes du C.c.Q.
[58] L’analyse de ces deux délégations de pouvoir distinctes suffit pour écarter l’argument de l’Association, mais il y a plus. L’immuabilité ou le caractère obligatoire du formulaire ne sont pas soutenus par le texte même du Règlement de l’Association. En effet, l’art. 93 de ce règlement fixe la taille du caractère typographique devant être utilisé pour « distinguer facilement le texte de tout ajout ou modification, de celui du contenu obligatoire du formulaire ». Ce règlement lui‑même prévoit donc la possibilité de modifier les dispositions du formulaire, d’y ajouter ou de les compléter. De même, l’art. 96 précise que les « ajouts ou modifications » doivent porter uniquement sur l’objet visé par les termes et conditions du formulaire. De plus, l’art. 100 fait état d’une « Annexe G Générale » destinée à incorporer les termes et conditions qui s’ajoutent aux conditions prévues par le formulaire. Si le contenu de celui-ci était obligatoire, aucune possibilité de le modifier ou d’y ajouter ne serait prévue.
[59] Toutes ces dispositions démontrent clairement que lors de l’adoption de ce règlement, l’Association comprenait bien que son mandat se limitait à déterminer la forme et le contenu du formulaire et qu’il n’était pas de son ressort d’établir les conditions du contrat entre le courtier et son client, la personne physique visée à l’art. 32 de la Loi.
[60] L’examen du formulaire révèle par ailleurs que si plusieurs clauses ont un caractère obligatoire en raison de leur rattachement au chapitre III de la Loi, aux dispositions du C.c.Q. traitant des clauses illisibles ou encore de leur caractère déontologique, d’autres ne peuvent de toute évidence pas être qualifiées d’impératives. Les modifications possibles dépassent l’exemple des conditions du préavis de visite ou des tringles à rideaux, stores ou installations électriques que le formulaire inclut dans la vente. Ainsi, le formulaire précise que les frais reliés au remboursement d’une créance garantie qui ne seraient pas payés par l’acquéreur seront à la charge du vendeur. Je conçois difficilement qu’un tiers puisse être empêché d’intervenir pour prendre à sa charge de tels frais et que le formulaire ne puisse être modifié pour refléter les conditions de l’entente entre le vendeur et l’acheteur. En somme, je ne vois rien de sacro-saint dans la mention du formulaire prévoyant que le vendeur versera, au moment de la signature de l’acte, une rétribution dont le montant est laissé en blanc. Que cette mention puisse être modifiée était déjà accepté, en 1996, par l’auteur Claude Barsalou, une des rares autorités au Québec en matière de courtage immobilier :
À notre avis, le client pourrait renoncer, sous réserve des commentaires formulés précédemment sur les modalités de cette renonciation, au contenu obligatoire fixé par règlement se rapportant à « la nature et [au] mode de paiement de la rétribution du courtier », et plus globalement, au contenu se rapportant aux mentions exigées par l’article 35 de la nouvelle loi. En effet, le pouvoir de déterminer par règlement le contenu des formulaires obligatoires n’est pas énoncé aux articles dont les dispositions ne peuvent faire l’objet d’une renonciation par le client. De plus, l’impossibilité pour le client de renoncer, par convention particulière, à ses droits est clairement délimitée par le législateur aux droits énoncés aux articles 32 à 43 de la nouvelle loi.
(Le contrat de courtage immobilier : vente d’un immeuble résidentiel de moins de cinq logements (1996), p. 115-116)
[61] Le Règlement d’application et le Règlement de l’Association n’agissent pas comme une boucle comme le dit la juge Abella. Deux problèmes sont à l’origine de ce qui, à mon avis, ne peut être qu’une malheureuse confusion. D’une part, ma collègue conclut (au par. 28) que le par. 155(15) de la Loi est la disposition autorisant la prise du Règlement de l’Association, alors que c’est le par. 74(17). Comme je l’ai mentionné ci-dessus, le par. 155(15) de la Loi confie au gouvernement, et non à l’Association, le pouvoir de déterminer les mentions obligatoires du contrat et le gouvernement a exercé ce pouvoir en adoptant le Règlement d’application, non le Règlement de l’Association.
[62] D’autre part, ma collègue soutient (aux par. 24 et 31) que l’approbation par le gouvernement du Règlement de l’Association fait de ce texte un règlement émanant du gouvernement. Cet énoncé va à l’encontre de ce qui est maintenant reconnu comme une règle élémentaire du droit public. Par définition, tout règlement constitue de la « législation déléguée », que le délégataire soit le gouvernement ou un organisme administratif comme l’Association. Lorsque le législateur prévoit que le gouvernement doit approuver le règlement d’un délégataire, il crée un mécanisme de contrôle, il ne substitue pas le gouvernement au délégataire (P. Garant, Précis de droit des administrations publiques (4e éd. 2005), p. 152, 153, 154 et 189; voir aussi D. J. Mullan, Administrative Law (3e éd. 1996), par. 501 et 504). Le fait que le gouvernement doive approuver le Règlement de l’Association ne transforme pas le formulaire en contrat comme le suggère ma collègue. Le contenu du formulaire de l’Association n’est pas déterminé par le gouvernement et le Règlement de l’Association ne constitue pas le règlement fixant les « mentions que doit contenir le contrat » (par. 155(15)).
[63] La Loi et les deux règlements sont distincts : la Loi et le Règlement d’application prévoient les dispositions que le contrat doit obligatoirement inclure, alors que le Règlement de l’Association porte sur le formulaire auquel les parties peuvent déroger dans la mesure où leur entente ne contrevient pas à une disposition par ailleurs impérative. La rétribution du courtier n’est pas une de ces dispositions.
[64] Par la plainte qu’elle a déposée, l’Association veut régir la pratique des courtiers et imposer un modèle monolithique, celui retenu par la majorité des courtiers au Québec. Le modèle nouveau dérange les habitudes à plusieurs égards. Il a nettement pour effet de bouleverser leurs pratiques et d’exercer de la pression sur les prix. Dans un marché actif, il est facile d’imaginer qu’un grand nombre de propriétaires puissent trouver avantageux d’avoir accès à un réseau de mise en marché sans avoir à payer une généreuse commission. Ce modèle ne convient peut-être pas à tout le monde, mais j’estime que le législateur n’a pas confié à l’Association le pouvoir d’interdire quelque mode de rétribution que ce soit.
[65] L’aspect éthique du mode de rétribution proposé par Proprio Direct n’a d’ailleurs pas semblé inquiéter l’Association jusqu’à maintenant. En effet, elle n’est pas intervenue malgré les activités de Proprio Direct pendant de nombreuses années et elle l’a même défendue avec succès devant les tribunaux. Il est donc un peu surprenant qu’elle plaide aujourd’hui que la pratique de Proprio Direct est illégale et préjudiciable au public. Cette position n’est étayée par aucune preuve au dossier. Ceci m’amène à évaluer le degré de déférence due au comité de discipline.
2. Degré de déférence due au comité de discipline
[66] Une large part du débat devant la Cour d’appel et devant notre Cour a porté sur la déférence due au comité de discipline. Il me paraît difficile d’éviter la question qui, soit dit en tout respect, ne peut être réglée en reprenant la conclusion à laquelle est arrivée la Cour d’appel dans deux autres affaires : Pigeon c. Proprio Direct inc., J.E. 2003-1780, SOQUIJ AZ-50192600, et Pigeon c. Daigneault, [2003] R.J.Q. 1090. En effet, dans la première affaire, l’appel était régi par une loi différente et était alors limité par une clause privative, alors que, dans la deuxième, la question consistait à évaluer la justesse de la sanction. En l’espèce, l’art. 136 de la Loi prévoit qu’il y a appel de plein droit de toute décision du comité de discipline conformément aux art. 164 à 177.1 du Code des professions, L.R.Q., ch. C-26. L’article 175 du Code est rédigé ainsi :
175. Le tribunal peut confirmer, modifier ou infirmer toute décision qui lui est soumise et rendre la décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue en premier lieu. Il peut, notamment, substituer à une sanction imposée par le comité de discipline toute autre sanction prévue au premier alinéa de l’article 156 si, à son jugement, elle aurait dû être imposée en premier lieu.
On se trouve donc ici en présence d’un droit d’appel, dans le cadre duquel le législateur autorise le tribunal à rendre toute décision qui, à son jugement, aurait dû être rendue. Par ailleurs, bien que la Loi que le comité de discipline devait appliquer ait été sa loi constitutive, ce dernier ne possède aucune expertise particulière en dehors des questions de discipline. Son expertise générale en matière d’interprétation législative n’est pas démontrée.
[67] Par ailleurs, la question en litige dans la présente affaire déborde le cadre d’une simple interprétation législative dont l’impact serait limité aux parties. La question peut être vue sous deux angles. L’un plus étroit : l’Association a-t-elle compétence pour déterminer les mentions obligatoires du contrat de courtage exclusif? L’autre plus large : l’Association peut-elle imposer un modèle unique pour la pratique du courtage immobilier au Québec? Quel que soit l’angle retenu, la question n’en est pas moins importante. Elle est susceptible d’influer sur l’avenir de la profession de courtier au Québec. En somme, je ne vois aucun élément qui justifierait de manifester quelque déférence que ce soit à l’égard de la décision du comité de discipline.
[68] Suivant en cela la démarche du comité de discipline, la Cour d’appel a divisé la question en deux volets, le premier était la question de droit et le deuxième la question du préjudice pour le public. Cette démarche est liée au texte de la disposition des Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, R.R.Q., ch. C-73.1, r. 5, auquel le syndic a eu recours. En effet, comme la pratique de Proprio Direct n’était prohibée par aucune disposition expresse, le syndic a dû recourir à une disposition très générale des Règles, soit l’art. 13 qui est libellé comme suit :
13. Le membre ne doit participer à aucun acte ou pratique, en matière immobilière, qui puisse être illégal ou qui puisse porter préjudice au public ou à la profession.
[69] Dans l’évaluation du préjudice, le décideur est habituellement appelé à étudier les faits. Les questions de faits appellent toujours une grande déférence, que ce soit en appel ou en révision judiciaire. En l’espèce, cependant, le comité de discipline s’est limité à constater l’illégalité de l’acte et à en inférer qu’un risque de préjudice découlait de la pratique commerciale de Proprio Direct. Voici ce que dit le comité de discipline sur la question du préjudice :
Reste à se poser la question de savoir si la preuve du risque de préjudice ou si la preuve de l’acte illégal apparaît aux admissions faites par les parties.
L’article 17 des admissions indique que les faits décrits . . . s’inscrivent dans le plan d’affaires de l’intimée, tel qu’opéré aux époques de la signature des deux contrats précités. L’article 18 de ces mêmes admissions indique que les deux immeubles n’ont pas été vendus par les soins de l’intimée mais que celle-ci a conservé les montants de 1 262,97 $ et de 1 724,22 $ comme l’allègue l’article 19 des admissions.
Ces faits suffisent, selon le Comité, pour établir le risque de préjudice si cette façon de faire s’encadre dans le plan d’affaires de l’intimée.
[70] Ces commentaires démontrent que le comité de discipline n’a fait aucune évaluation de fait sur la question du préjudice. La conclusion est fondée exclusivement sur la perception de frais d’adhésion jugés illégaux. Le comité de discipline ne s’est pas demandé si les vendeurs pouvaient avoir intérêt, en contrepartie de frais d’adhésion, remboursables ou non, à recevoir des services autres que la panoplie complète habituellement offerte par les courtiers. Le comité de discipline a plutôt considéré que puisque, en droit, il estimait que les frais étaient illégaux, il devait, également comme question de droit, inférer l’existence d’un préjudice. Dans ces circonstances, la conclusion sur le préjudice ne peut être qualifiée de constatation de faits à l’égard de laquelle un tribunal d’appel devrait faire preuve de déférence.
[71] Cependant, même si la norme de la décision raisonnable avait été appliquée à la question du préjudice, la conclusion erronée sur l’illégalité m’aurait conduite à conclure que la décision du comité de discipline fondée sur le préjudice était déraisonnable.
3. Argument retenu par le comité de discipline
[72] Un des arguments avancé par l’Association semble avoir retenu l’attention du comité de discipline au point de constituer l’assise principale de sa décision. Ma collègue la juge Abella s’appuie elle aussi sur cet argument. L’Association a prétendu que la prohibition de toute rétribution en l’absence de vente était soutenue par l’historique du Règlement de l’Association. Se ralliant à cette interprétation, le comité de discipline a exprimé l’avis que l’économie de la Loi « apparaît clairement à l’analyse des deux publications qui ont eu lieu dans la Gazette officielle du Québec, la première le 20 octobre 1993 et la seconde le 29 décembre 1993 ». Ces deux publications sont le projet de Règlement de l’Association présenté par l’Association, et le Règlement de l’Association tel qu’il a été approuvé par le gouvernement. Avec égards, les commentaires du comité de discipline ne sont pas soutenus par les textes.
[73] Le comité de discipline, erronément selon moi, voit dans le projet de Règlement de l’Association d’octobre 1993 une tentative par l’Association de faire approuver un contrat de courtage prévoyant de façon générale le paiement de la commission et ce qu’il y ait ou non vente. Une telle proposition de la part de l’Association surprendrait, et il est facile de constater que l’Association ne proposait pas vraiment que le courtier puisse être payé dans tous les cas où l’immeuble n’était pas vendu. L’extrait qui est cité par le comité de discipline — et repris dans l’opinion de la majorité — est incomplet.
[74] En fait, le 20 octobre 1993, deux projets de règlements pertinents au litige ont été publiés dans la Gazette officielle du Québec. L’un était le Règlement d’application; qui comportait un grand nombre de mentions à inclure dans le contrat de courtage, dont une sur la rétribution du courtier. L’autre était le Règlement de l’Association, qui établissait un formulaire de contrat de courtage. Ce formulaire comportait une clause détaillée qui traitait aussi de la rétribution du courtier et qui prévoyait que celle-ci serait payée dans deux circonstances où il n’y aurait pas de vente. Ces circonstances étaient les suivantes :
d) advenant un acte volontaire de la part du VENDEUR qui viserait à empêcher la libre exécution du présent contrat, ou
e) advenant le non-respect par le VENDEUR de ses obligations.
L’Association ne proposait donc pas que le courtier reçoive une rétribution sans égard au fait qu’une vente ait lieu ou non, comme l’infère le comité de discipline. Il s’agissait pour l’Association de veiller à ce que le courtier soit indemnisé en cas de violation par le vendeur de ses obligations.
[75] Les versions finales des deux règlements ont été publiées le 29 décembre 1993. Dans sa forme définitive, le Règlement d’application ne comporte aucune mention obligatoire fixant le mode de rétribution. Quant au formulaire de contrat de courtage prévu par le Règlement de l’Association, il s’inspire directement de la version d’octobre 1993 du projet de Règlement d’application d’octobre 1993. Dans la disposition qui traite de la rétribution, les circonstances donnant droit à une rétribution lorsque la vente n’intervient pas en raison de la faute du vendeur sont encadrées de façon plus serrée.
[76] La différence entre les deux textes est visible, mais elle ne permet pas d’affirmer que le modèle proposé par Proprio Direct a été rejeté par le législateur. Dans toutes les versions proposées par l’Association, la rétribution était payable au moment de la signature de l’acte de vente. Cette constatation n’étonne pas, puisque telle était la pratique usuelle à l’époque de la présentation de ces projets. La formulation de la clause du projet de Règlement de l’Association d’octobre 1993 présente cependant des faiblesses. Elle tendait à favoriser le courtier en simplifiant son fardeau de preuve au cas d’inexécution par le vendeur de ses obligations. Le texte finalement retenu impose au courtier le fardeau de démontrer la faute du vendeur. Dans aucune des situations envisagées le gouvernement n’a considéré le cas où un courtier proposait un service de mise en marché comme celui de Proprio Direct.
[77] Si une intention peut être dégagée de la comparaison entre les textes d’octobre et de décembre 1993, c’est que le gouvernement avait le pouvoir, en vertu du par. 155(15) de la Loi, de fixer le mode de rétribution du courtier et a choisi de ne pas le faire dans la version finale du Règlement d’application, alors que ce sujet était traité dans son projet de règlement. Le mode de rétribution n’est pas dicté par le Règlement d’application. Le gouvernement ne donne donc aucune indication qu’il entendait imposer un modèle de pratique unique. Il a plutôt laissé aux parties la possibilité de convenir du mode de rétribution qui leur convient, en fonction des services prévus au contrat. La Loi vise incontestablement à protéger les personnes physiques qui font affaire avec un courtier ou un agent immobilier. Cependant, en réservant au gouvernement le soin de prévoir les mentions obligatoires du contrat de courtage et en confiant à l’Association la responsabilité de déterminer le contenu du formulaire, le législateur a laissé place à une certaine flexibilité qui est reconnue même dans le Règlement de l’Association.
[78] Je tire donc de l’étude de ces projets une conclusion diamétralement opposée à celle du comité de discipline. Cela découle d’un examen complet des textes, et non d’un court extrait, et de la comparaison du Règlement d’application et du Règlement de l’Association.
[79] J’en conclus donc que non seulement les projets de règlements sur lesquels le comité de discipline s’est fondé n’étayent pas sa conclusion, mais que, de surcroît, ils soutiennent la position de Proprio Direct.
[80] Pour ces motifs, j’aurais rejeté l’appel.
ANNEXE
Loi sur le courtage immobilier, L.R.Q., ch. C‑73.1
CHAPITRE III
RÈGLES RELATIVES À CERTAINS CONTRATS DE COURTAGE IMMOBILIER
32. Le présent chapitre s’applique à un contrat conclu entre une personne physique et un courtier en vertu duquel celui‑ci s’engage à agir comme intermédiaire pour la vente, la location ou l’échange :
1° d’une partie ou de l’ensemble d’un immeuble principalement résidentiel de moins de cinq logements;
2° d’une fraction d’un immeuble principalement résidentiel qui fait l’objet d’une convention ou déclaration visée aux articles 1009 à 1109 du Code civil.
33. Le contrat est formé lorsque les parties l’ont signé.
34. Le courtier doit remettre, sur support papier, un double du contrat à la personne physique qui l’a signé.
La personne physique n’est tenue à l’exécution de ses obligations qu’à compter du moment où elle est en possession d’un double du contrat.
35. Le contrat doit indiquer :
1° les nom et adresse des parties en caractères lisibles;
2° la date du contrat et l’adresse du lieu où il est signé;
3° la nature de l’opération visée;
4° la désignation cadastrale de l’immeuble visé et, le cas échéant, l’adresse de tout bâtiment qui y est érigé;
5° le cas échéant, son irrévocabilité;
6° le cas échéant, son exclusivité;
7° la date et l’heure de son expiration;
8° le prix de vente, d’échange ou, selon le cas, le prix de location de l’immeuble;
9° la nature et le mode de paiement de la rétribution du courtier;
10° s’il y a lieu, l’obligation du courtier de transmettre les données de ce contrat à un service inter‑agences ou à un service similaire d’une chambre d’immeuble ou de tout autre organisme pour fins de distribution aux membres abonnés à un tel service;
11° toute autre mention déterminée par règlement du gouvernement.
36. À défaut d’une stipulation quant à la date et à l’heure de l’expiration du contrat, celui‑ci expire 30 jours après sa conclusion.
37. Est interdite dans un contrat une stipulation qui a pour effet de le renouveler automatiquement.
38. Est sans effet une convention engageant la personne physique, pour une période déterminée après l’expiration du contrat, à rétribuer le courtier même si la vente, la location ou l’échange de l’immeuble s’est effectué après l’expiration du contrat.
Toutefois, le premier alinéa ne s’applique pas si la convention prévoit que la rétribution est due lorsque les conditions suivantes sont réunies :
1° le contrat est stipulé exclusif;
2° la vente, la location ou l’échange s’effectue avec une personne qui a été intéressée à l’immeuble pendant la durée du contrat;
3° cette opération survient au plus 180 jours après la date d’expiration du contrat et durant cette période, la personne physique n’a pas conclu avec un autre courtier un contrat stipulé exclusif pour la vente, la location ou l’échange de l’immeuble.
39. Le contrat doit préciser que le courtier a l’obligation de soumettre à la personne physique toute promesse d’achat, de location ou d’échange de l’immeuble visé.
40. Malgré toute stipulation contraire, la personne physique peut résoudre à sa discrétion le contrat dans les trois jours qui suivent celui où elle reçoit un double du contrat signé par les deux parties, à moins d’une renonciation écrite en entier par elle et signée.
Le contrat est résolu de plein droit à compter de l’envoi ou de la remise d’un avis écrit au courtier.
41. Le courtier ne peut exiger aucune rétribution, à la suite de la résolution d’un contrat faite conformément à l’article 40, à moins qu’une vente, une location ou un échange qui satisfait aux conditions de l’article 38 n’intervienne.
42. Un contrat ne peut être annulé du fait qu’une disposition de celui‑ci contrevient au présent chapitre.
43. La personne physique ne peut, par convention particulière, renoncer aux droits que lui confère le présent chapitre.
66. L’Association a pour principale mission d’assurer la protection du public par l’application des règles de déontologie et l’inspection professionnelle de ses membres en veillant, notamment à ce que l’activité de ses membres soit poursuivie conformément à la loi et aux règlements.
Elle peut, en outre, dispenser des cours de formation permanente auprès de ses membres et décerner les titres visés à l’article 76.
74. Le conseil d’administration doit déterminer, par règlement soumis à l’approbation du gouvernement :
. . .
17° le contenu, la forme et l’utilisation des formulaires obligatoires désignés par règlement du gouvernement;
. . .
136. Il y a appel des décisions du comité de discipline devant la Cour du Québec, conformément aux articles 164 à 177.1 du Code des professions (chapitre C‑26) et compte tenu des adaptations nécessaires.
155. Le gouvernement peut déterminer, par règlement :
. . .
5° les formulaires qui doivent revêtir une forme obligatoire;
. . .
15° les autres mentions que doit contenir le contrat visé à l’article 35;
. . .
Règlement d’application de la Loi sur le courtage immobilier, R.R.Q., c. C‑73.1, r. 1
26. Les formulaires qui doivent revêtir une forme obligatoire sont les suivants :
. . .
2° le formulaire « Contrat de courtage exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel » à l’égard d’un immeuble visé par l’article 32 de la loi;
. . .
Règlement de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, R.R.Q., c. C‑73.1, r. 2
85. En plus des mentions prévues au chapitre III de la Loi et de celles prévues par le chapitre IV du Règlement d’application de la Loi sur le courtage immobilier, le formulaire « Contrat de courtage exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel », prévu par le paragraphe 2º de l’article 26 du Règlement d’application de la Loi sur le courtage immobilier, qui s’applique à un contrat de courtage exclusif conclu entre une personne physique et un courtier en vertu duquel celui‑ci s’engage à agir comme intermédiaire pour la vente :
1° d’une partie ou de l’ensemble d’un immeuble principalement résidentiel de moins de cinq logements;
2° d’une fraction d’un immeuble principalement résidentiel qui fait l’objet d’une déclaration de copropriété visée aux articles 1038 à 1109 du Code civil du Québec,
doit contenir les dispositions suivantes :
1° en ce qui concerne son objet et sa durée :
« Objet et durée du contrat
Les services du courtier immobilier sont retenus par le vendeur pour qu’il agisse comme intermédiaire exclusif pour la vente de l’immeuble visé par le présent contrat de courtage.
Le présent contrat prend fin à 23 h 59, le ___. »;
. . .
6° en ce qui concerne la rétribution du courtier immobilier:
« Rétribution du courtier immobilier
Le vendeur versera au courtier, dans les cas prévus en 1º, 2º et 3º du présent article, au moment de la signature de l’acte de vente, une rétribution de :
___ pour cent ( __ %) du prix de vente prévu à l’article (indiquer le numéro de la disposition du contrat qui établit le prix de vente) ou d’un prix de vente autre auquel le vendeur aura donné son assentiment par écrit, le cas échéant; ou
___ dollars ( __ $) :
1° si une promesse d’achat conforme aux conditions de vente énoncées au présent contrat de courtage (et ses amendements, le cas échéant) lui est présentée pendant la durée dudit contrat et que cette promesse d’achat conduise effectivement à la vente de l’immeuble, ou
2° si une entente visant à vendre l’immeuble est conclue pendant la durée du présent contrat, que ce soit par ou sans l’intermédiaire du courtier, et que cette entente conduise effectivement à la vente de l’immeuble, ou
3° si une vente a lieu dans les 180 jours suivant la date d’expiration du contrat avec une personne qui a été intéressée à l’immeuble pendant la durée du contrat, sauf si, durant cette période, le vendeur a conclu avec un autre courtier immobilier un contrat stipulé exclusif pour la vente de l’immeuble.
Rien dans ce qui est stipulé à l’article (indiquer le numéro de la disposition du contrat qui reprend le texte prévu au premier alinéa du présent paragraphe) ne doit être interprété comme venant restreindre le droit du courtier d’obtenir, le cas échéant, le paiement de toutes sommes pouvant lui être dues à titre de rétribution ou de dommages‑intérêts selon les règles ordinaires du droit commun notamment, mais sans limiter la généralité de ce qui précède, dans le cas où la vente n’aurait pas lieu parce que c’est le vendeur qui y a volontairement fait obstacle ou qui a autrement volontairement empêché la libre exécution du présent contrat.
. . .
91. Un formulaire obligatoire doit être complété clairement et lisiblement par le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier à la main ou à l’aide d’une machine à écrire, d’un système informatique ou d’un système d’imprimerie.
Le titulaire ne doit notamment pas utiliser d’abréviation incompréhensible aux parties ni laisser d’ambiguïté quant au fait que certains termes et conditions d’un formulaire s’appliquent ou non.
92. Lorsque le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier complète un formulaire obligatoire à la main, il doit le faire à l’encre et utiliser une écriture soignée afin d’en faciliter la lecture.
93. Lorsque le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier complète un formulaire obligatoire à l’aide d’une machine à écrire, d’un système informatique ou d’un système d’imprimerie, il doit utiliser un caractère typographique d’au moins 10 points, différent de celui utilisé pour le contenu obligatoire, de façon à permettre aux parties de distinguer facilement le texte de tout ajout ou modification, de celui du contenu obligatoire du formulaire.
94. Lorsque le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier utilise le formulaire obligatoire « Annexe A Immeuble », « Annexe G Générale », « Contre‑proposition à une promesse d’achat » ou « Modification et avis de réalisation de conditions », il doit indiquer à l’espace prévu à cette fin le numéro distinct du formulaire obligatoire « Contrat de courtage exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel », « Contrat de courtage non exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel » ou, selon le cas, « Promesse d’achat » auquel il fait référence.
95. Lorsque le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier fait une rature à un formulaire obligatoire, il doit faire parapher cette rature par les parties avant même que celles‑ci n’apposent leur signature à la fin du formulaire.
96. Les ajouts ou modifications que peut apporter un titulaire de certificat de courtier ou d’agent immobilier à un formulaire obligatoire doivent porter uniquement sur l’objet visé par les termes et conditions de ce formulaire.
97. Le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier doit, avant de faire signer un formulaire obligatoire qu’il a complété, permettre aux parties de prendre connaissance des termes et conditions de ce formulaire et fournir, avant la signature, toutes les explications et réponses aux questions posées par celles‑ci.
98. Le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier ne doit faire aucun ajout, modification ou rature sur un formulaire obligatoire après que les parties aient apposé leur signature à la fin de ce formulaire.
99. Le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier doit utiliser le formulaire obligatoire « Modifications et avis de réalisation de conditions » lorsque les parties veulent apporter une modification à un formulaire obligatoire « Contrat de courtage exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel », « Contrat de courtage non exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel » ou « Promesse d’achat » qu’elles ont déjà signé.
100. Le titulaire d’un certificat de courtier ou d’agent immobilier ne doit utiliser le formulaire obligatoire « Annexe G Générale » que pour compléter les termes et conditions des formulaires obligatoires « Contrat de courtage exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel », « Contrat de courtage non exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel » ou « Promesse d’achat ».
Le titulaire ne doit notamment pas utiliser le formulaire « Annexe G Générale » pour apporter une modification à un formulaire obligatoire « Contrat de courtage exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel », « Contrat de courtage non exclusif — Vente d’un immeuble principalement résidentiel » ou « Promesse d’achat » que les parties ont déjà signé.
Règles de déontologie de l’Association des courtiers et agents immobiliers du Québec, R.R.Q., c. C‑73.1, r. 5
13. Le membre ne doit participer à aucun acte ou pratique, en matière immobilière, qui puisse être illégal ou qui puisse porter préjudice au public ou à la profession.
Appel accueilli avec dépens, les juges Deschamps et Rothstein sont dissidents.
Procureurs des appelants : Petit Beaudoin Gaucher, Québec.
Procureurs de l’intimée : Bélanger, Sauvé, Montréal.
* Mentions au contrat de courtage visé au chapitre III de la loi
27. En outre des mentions prévues au chapitre III de la Loi sur le courtage immobilier (L.R.Q., c. C‑73.1), un contrat de courtage exclusif ou non exclusif, conclu entre une personne physique et un courtier en vertu duquel celui‑ci s’engage à agir comme intermédiaire pour la vente d’un immeuble visé à l’article 32 de la loi doit indiquer:
1° les déclarations du vendeur;
2° les obligations du vendeur;
3° les obligations du courtier immobilier.
Ce contrat doit de plus comporter le texte de l’article 40 de la Loi sur le courtage immobilier (L.R.Q., c. C‑73.1), avant que n’apparaissent les signatures des parties.
Ce contrat doit aussi comporter, à sa toute fin, la signature du courtier immobilier, ou de son agent immobilier ou courtier immobilier affilié, celle de chacun des propriétaires de l’immeuble à vendre de même que, le cas échéant, l’intervention de chaque conjoint des propriétaires à l’effet qu’il consent ou concourt au contrat.