La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/05/2005 | CANADA | N°2005_CSC_32

Canada | R. c. Fice, 2005 CSC 32 (20 mai 2005)


COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Fice, [2005] 1 R.C.S. 742, 2005 CSC 32

Date : 20050520

Dossier : 29965

Entre :

Sa Majesté la Reine

Appelante

c.

Lynn Fice

Intimée

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, Deschamps, Fish et Abella

Motifs de jugement :

(par. 1 à 46)

Motifs dissidents :

(par. 47 à 82)

Le juge Bastarache (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Major, Binnie et Abella)
<

br>Le juge Fish (avec l’accord de la juge Deschamps)

______________________________

R. c. Fice, [2005] 1 R.C.S. 742, 2005 CSC 32

Sa Majesté la Reine Appelan...

COUR SUPRÊME DU CANADA

Référence : R. c. Fice, [2005] 1 R.C.S. 742, 2005 CSC 32

Date : 20050520

Dossier : 29965

Entre :

Sa Majesté la Reine

Appelante

c.

Lynn Fice

Intimée

Traduction française officielle

Coram : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, Deschamps, Fish et Abella

Motifs de jugement :

(par. 1 à 46)

Motifs dissidents :

(par. 47 à 82)

Le juge Bastarache (avec l’accord de la juge en chef McLachlin et des juges Major, Binnie et Abella)

Le juge Fish (avec l’accord de la juge Deschamps)

______________________________

R. c. Fice, [2005] 1 R.C.S. 742, 2005 CSC 32

Sa Majesté la Reine Appelante

c.

Lynn Fice Intimée

Répertorié : R. c. Fice

Référence neutre : 2005 CSC 32.

No du greffe : 29965.

2005 : 13 janvier; 2005 : 20 mai.

Présents : La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie, Deschamps, Fish et Abella.

en appel de la cour d’appel de l’ontario

POURVOI contre un arrêt de la Cour d’appel de l’Ontario (les juges Charron, Moldaver et Feldman) (2003), 65 O.R. (3d) 751, 173 O.A.C. 357, 13 C.R. (6th) 174, 177 C.C.C. (3d) 566, [2003] O.J. No. 2617 (QL), qui a confirmé une décision du juge McLean, 2002 CarswellOnt 5477. Pourvoi accueilli, les juges Deschamps et Fish sont dissidents.

Philip Perlmutter, pour l’appelante.

D. Edwin Boeve, pour l’intimée.

Version française du jugement de la juge en chef McLachlin et des juges Major, Bastarache, Binnie et Abella rendu par

Le juge Bastarache —

I. Aperçu

1 Il s’agit en l’espèce de savoir si la détention présentencielle devrait avoir une incidence sur la possibilité d’ordonner l’emprisonnement avec sursis. Le problème posé en est un d’interprétation législative. Le paragraphe 719(3) du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, autorise le tribunal à prendre en compte la période passée sous garde pour fixer la peine à infliger, alors que, suivant une des conditions prévues par l’art. 742.1 du Code criminel, le délinquant doit avoir été condamné à un emprisonnement de moins de deux ans pour être admissible à l’emprisonnement avec sursis. Pour se prononcer sur la possibilité de surseoir à l’emprisonnement, le juge se fonde‑t‑il sur la période pendant laquelle le délinquant sera effectivement incarcéré après le prononcé de la peine, ou sur la durée totale de l’emprisonnement, laquelle reflète la peine requise par la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant?

2 La condition prévue par l’art. 742.1 requérant que le délinquant soit condamné à un emprisonnement de moins de deux ans pour pouvoir être admissible au sursis à l’emprisonnement a reçu une interprétation téléologique dans l’arrêt R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61, 2000 CSC 5. Notre Cour a jugé que, pour décider si cette condition est respectée, le tribunal détermine de façon préliminaire la fourchette des peines applicables. Pour ce faire, il suffit au tribunal de décider s’il y a lieu d’écarter deux possibilités : a) les mesures probatoires; b) l’emprisonnement dans un pénitencier. Il n’a pas à infliger une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée à la première étape de l’examen de cette condition. On peut en conséquence affirmer que la condition en question a pour objet d’exclure certaines catégories de délinquants du régime de sursis à l’emprisonnement sur la base de la fourchette des peines qui leur seraient applicables. Plus particulièrement, les délinquants pour lesquels la probation ou une peine d’emprisonnement dans un pénitencier serait jugée appropriée ne peuvent bénéficier d’un sursis à l’emprisonnement.

3 À mon avis, cette interprétation de la condition de l’art. 742.1 requérant une condamnation à un emprisonnement de moins de deux ans permet de trancher la question en litige dans la présente affaire. L’intimée a plaidé coupable à des accusations de voies de fait graves, de fraude de plus de 5 000 $, d’usurpation d’identité, de contrefaçon et de manquement à un engagement. L’avocat de la défense a reconnu qu’une peine d’emprisonnement dans un pénitencier était par ailleurs justifiée, mais a demandé l’octroi d’un sursis compte tenu de la période de détention présentencielle purgée par l’intimée. Au moment du prononcé de la peine, cette dernière avait passé environ 16 mois en détention présentencielle et six mois en détention à domicile. Sans statuer sur l’argument du ministère public voulant qu’il ne pouvait légalement ordonner l’emprisonnement avec sursis, le juge chargé de déterminer la peine a estimé que la détention présentencielle de l’intimée équivalait à presque trois ans d’incarcération. Il a conclu que l’intimée devait purger 14 mois de plus au sein de la collectivité moyennant l’observation de certaines conditions. La Cour d’appel a rejeté l’appel formé par la Couronne : (2003), 65 O.R. (3d) 751.

4 Comme il a été indiqué précédemment, l’avocat de la défense a admis qu’une peine d’emprisonnement dans un pénitencier était à tous autres égards appropriée. Suivant l’interprétation téléologique que notre Cour a donnée dans l’arrêt Proulx de la condition susmentionnée prévue par l’art. 742.1, l’intimée tombait donc dans une catégorie de délinquants exclue du champ d’application du régime de sursis à l’emprisonnement. Selon moi, le juge qui a fixé la peine a commis une erreur en prononçant une telle condamnation. Le délinquant qui mérite par ailleurs l’emprisonnement dans un pénitencier ne saurait avoir accès à l’emprisonnement avec sursis du seul fait de la période qu’il passe en détention présentencielle.

II. Dispositions législatives pertinentes

5 Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46

719. (1) La peine commence au moment où elle est infligée, sauf lorsque le texte législatif applicable y pourvoit de façon différente.

. . .

(3) Pour fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d’une infraction, le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l’infraction.

742.1 Lorsqu’une personne est déclarée coupable d’une infraction — autre qu’une infraction pour laquelle une peine minimale d’emprisonnement est prévue — et condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, le tribunal peut, s’il est convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle‑ci et est conforme à l’objectif et aux principes visés aux articles 718 à 718.2, ordonner au délinquant de purger sa peine dans la collectivité afin d’y surveiller le comportement de celui‑ci, sous réserve de l’observation des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3.

III. Analyse

6 Les dispositions relatives à l’emprisonnement avec sursis ont été examinées pour la première fois dans l’arrêt Proulx. Dans cet arrêt, le juge en chef Lamer a indiqué que la peine d’emprisonnement avec sursis a été établie précisément en tant que sanction visant à la réalisation des deux objectifs suivants du législateur : (i) réduire le recours à l’emprisonnement comme sanction; (ii) élargir l’application des principes de justice corrective au moment du prononcé de la peine (par. 15 et 21). Il a décrit l’emprisonnement avec sursis comme « une solution de rechange à l’incarcération de certains délinquants non dangereux » (par. 21).

7 Après avoir défini les objectifs à la base du nouveau régime de sursis à l’emprisonnement, le juge en chef Lamer a examiné les critères, énoncés à l’art. 742.1, que le tribunal doit prendre en compte avant d’octroyer le sursis :

(1) le délinquant doit être déclaré coupable d’une infraction autre qu’une infraction pour laquelle une peine minimale d’emprisonnement est prévue;

(2) le tribunal doit infliger au délinquant une peine d’emprisonnement de moins de deux ans;

(3) le fait que le délinquant purge sa peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle‑ci;

(4) le prononcé d’une ordonnance d’emprisonnement avec sursis est conforme à l’objectif et aux principes de la détermination de la peine visés aux art. 718 à 718.2. [par. 46]

Il a qualifié les trois premiers critères de « préalables » au prononcé de toute condamnation à l’emprisonnement avec sursis, en ce que leur présence « répond à la question de savoir si une telle peine peut être infligée dans les circonstances » (par. 47). Pour les besoins du présent pourvoi, nous nous intéressons au deuxième préalable — soit celui qui requiert que le délinquant ait été condamné à une peine d’emprisonnement de moins de deux ans.

8 Dans les motifs qu’il a rédigés dans l’arrêt Proulx, le juge en chef Lamer a reconnu que, suivant une interprétation littérale du second préalable prévu par l’art. 742.1, la décision de prononcer l’emprisonnement avec sursis doit être prise en deux étapes distinctes. Il a décrit ainsi les deux étapes en question :

Premièrement, le tribunal devrait déterminer la peine appropriée en conformité avec les principes et les objectifs généraux de la détermination de la peine (maintenant énoncés aux art. 718 à 718.2). Deuxièmement, lorsqu’il a jugé qu’une peine d’emprisonnement de moins de deux ans est justifiée, le tribunal devrait décider si cette peine doit être purgée au sein de la collectivité conformément à l’art. 742.1. [par. 50]

9 Toutefois, le juge en chef Lamer n’a pas souscrit à cette interprétation littérale du second préalable de l’art. 742.1 et à la démarche en deux étapes qu’elle impliquait, parce que cela aurait amené « une rigidité qui n’est ni souhaitable ni applicable en pratique » (par. 51). Il s’est dit préoccupé par deux questions en particulier.

10 Premièrement, il s’est inquiété du fait qu’en pratique « la détermination de la durée d’une peine d’emprisonnement et la détermination du lieu où elle sera purgée par le délinquant sont inextricablement liées » (par. 52). Il a fait observer, par exemple, que « [l]e juge n’inflige pas un emprisonnement de “x mois” dans l’abstrait, sans se demander où cette peine sera purgée » (par. 52). De plus, il a souligné que, lorsque le tribunal opte pour l’emprisonnement avec sursis, sa durée dépend du genre de conditions dont l’ordonnance est assortie. À cet égard, il a conclu que « [l]a durée de la peine ne peut donc pas être déterminée indépendamment du lieu où celle‑ci sera purgée » (par. 52).

11 Deuxièmement, le juge en chef Lamer craignait que le fait de suivre la démarche rigide en deux étapes qu’impliquait l’interprétation littérale du second préalable prévu par l’art. 742.1 conduise à un « paradoxe pénologique », en ce que la « seconde étape de la démarche analytique aurait concrètement pour effet de compromettre l’application des principes de détermination de la peine faite initialement et qui a mené à l’infliction de la peine d’emprisonnement » (par. 54). Il a expliqué que le principe de la proportionnalité — principe fondamental en matière de détermination de la peine énoncé à l’art. 718.1 — exige que la peine soit proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant. Le juge en chef Lamer a toutefois affirmé que

[l]orsque, à la première étape, le tribunal détermine qu’une peine d’emprisonnement de « x mois » est justifiée, cela signifie que cette peine est proportionnelle. Si, à la seconde étape, il décide que la peine en question peut être purgée au sein de la collectivité, il est possible que la peine ne soit plus proportionnelle à la gravité de l’infraction et au degré de responsabilité du délinquant, puisqu’une peine d’emprisonnement avec sursis est généralement une peine plus clémente qu’un emprisonnement de même durée. [Soulignements dans l’original; par. 54.]

Il a donc conclu que la démarche en deux étapes qu’implique une interprétation littérale de l’art. 742.1 « donne au processus de détermination de la peine une rigidité qui pourrait entraîner l’infliction d’une peine inappropriée » (par. 54).

12 En raison de ces deux préoccupations, le juge en chef Lamer a refusé d’interpréter littéralement le second préalable prévu par l’art. 742.1. Il a plutôt proposé d’interpréter téléologiquement cette disposition, affirmant que la condition requérant que le délinquant ait été condamné à un emprisonnement de moins de deux ans pour être admissible à un sursis a

été établie en vue d’indiquer le type de délinquants admissibles au sursis à l’emprisonnement. À une extrémité du spectre, le législateur a refusé le bénéfice de cette sanction aux délinquants qui devraient recevoir une peine d’emprisonnement dans un pénitencier. À l’autre extrémité du spectre, il a voulu faire en sorte que les délinquants admissibles à une sanction communautaire plus clémente — telle qu’un sursis au prononcé de la peine avec mise en probation — ne soient pas condamnés à l’emprisonnement avec sursis, sanction plus sévère dans le régime législatif. [par. 55]

13 Aussi, le juge en chef Lamer a estimé que « le tribunal peut s’acquitter de l’obligation qui lui est faite de condamner le délinquant à un emprisonnement de moins de deux ans en déterminant de façon préliminaire la fourchette des peines applicables » (par. 58). Évidemment, l’approche globale que le juge en chef Lamer préconise à l’égard de l’art. 742.1 oblige quand même le tribunal à procéder en deux étapes : il doit d’abord se demander s’il est possible de prononcer une condamnation à l’emprisonnement avec sursis; dans l’affirmative, il doit ensuite décider si cette peine est appropriée. Cependant, le juge en chef Lamer a clairement indiqué que, à la première étape de cette analyse, le tribunal n’a pas à infliger une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée; il n’a qu’à décider s’il y a lieu d’écarter deux possibilités : (i) les mesures probatoires; (ii) l’emprisonnement dans un pénitencier. Le juge en chef Lamer a indiqué que « [s]i l’une ou l’autre de ces sanctions est appropriée, l’emprisonnement avec sursis ne devrait pas être prononcé » (par. 58). Il a souligné que, pour rendre cette décision préliminaire, « il suffit au tribunal de prendre en compte l’objectif essentiel et les principes de la détermination de la peine énoncés aux art. 718 à 718.2, dans la mesure nécessaire pour délimiter la fourchette des peines applicables au délinquant » (par. 59).

14 Dans l’affaire qui nous est soumise, on ne prétend pas qu’une peine d’emprisonnement dans un pénitencier n’était pas justifiée; ce qu’on prétend, c’est que la peine infligée dans les faits par le tribunal était de moins de deux ans et que, par conséquent, il était possible de prononcer une ordonnance de sursis. Cet argument n’est pas compatible avec le régime de sursis à l’emprisonnement, tel que défini dans l’arrêt Proulx, et ce, pour trois raisons.

15 Premièrement, le second préalable prévu par l’art. 742.1 vise à faire en sorte que seuls les délinquants qui auraient autrement été condamnés à une peine d’emprisonnement de moins de deux ans puissent bénéficier d’un sursis. Les délinquants à l’égard desquels la probation ou une peine d’emprisonnement dans un pénitencier seraient appropriées sont exclus de ce régime : voir Proulx, par. 49 et 55. Dans ses observations sur la détermination de la peine, l’avocat de la défense a reconnu que l’emprisonnement dans un pénitencier aurait été approprié si la peine avait été infligée au moment de l’arrestation de l’intimée. Si l’on fait abstraction de sa période de détention présentencielle, comme l’intimée était le type de délinquante qui méritait l’emprisonnement dans un pénitencier, elle n’était pas admissible au sursis à l’emprisonnement, par suite de l’effet du second préalable prévu par l’art. 742.1 et de l’interprétation que notre Cour a donnée de cette condition dans l’arrêt Proulx.

16 Cette conclusion concorde avec la mise en garde formulée par notre Cour contre l’« extension de l’application » du régime d’emprisonnement avec sursis. Dans l’arrêt Proulx, le juge en chef Lamer a en effet dit qu’il faudrait se garder d’octroyer le sursis aux délinquants qui n’auraient autrement pas été emprisonnés, étant donné que cela pourrait compromettre la réalisation de l’objectif du législateur qui est de réduire le recours à l’emprisonnement pour les délinquants non dangereux (par. 56). De même, dans l’arrêt R. c. Wu, [2003] 3 R.C.S. 530, 2003 CSC 73, le juge Binnie a affirmé, au nom des juges majoritaires de notre Cour, que le fait de détenir un délinquant à domicile et de l’assujettir à des conditions à caractère punitif sur le seul fondement de son incapacité de payer une amende aurait pour effet d’étendre l’application du régime d’emprisonnement avec sursis, et que cette extension serait contraire à l’esprit du régime établi par le législateur (par. 27).

17 Bien que les mises en garde contre l’extension du régime d’emprisonnement avec sursis formulées dans les arrêts Proulx et Wu concernent les délinquants qui autrement se seraient vu infliger une peine autre que l’emprisonnement, elles devraient également à mon avis s’appliquer aux délinquants qui auraient autrement reçu une peine d’emprisonnement dans un pénitencier, comme c’est le cas en l’espèce. À cet égard, je suis d’accord avec l’appelante pour dire que, en édictant l’art. 742.1, le législateur entendait créer un régime d’application limitée ne visant que les actes suffisamment graves pour donner lieu à une peine d’incarcération, mais pas assez graves pour justifier l’emprisonnement dans un pénitencier. Les limites de cette application sont clairement définies à l’art. 742.1 et ne devraient pas être repoussées à l’une ou l’autre extrémité. Ainsi, tout comme l’application du régime d’emprisonnement avec sursis ne devrait pas être élargie pour inclure les délinquants qui sont tout simplement incapables de payer une amende, son application ne devrait pas non plus être étendue pour inclure une délinquante à l’égard de laquelle l’emprisonnement dans un pénitencier aurait été approprié n’eût été la période qu’elle a passée en détention présentencielle.

18 La deuxième raison pour laquelle il n’est pas conforme à l’esprit du régime d’emprisonnement avec sursis de prétendre qu’il faut prendre en compte la détention présentencielle pour déterminer si un délinquant est admissible à ce régime réside dans le fait que la période passée en détention présentencielle fait partie de la durée totale de l’emprisonnement; ce n’est pas un facteur atténuant susceptible d’avoir une incidence sur la fourchette des peines applicables et, partant, sur l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis.

19 Dans l’arrêt R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455, 2000 CSC 18, notre Cour a examiné la question de savoir si, dans les cas où le législateur établit une peine minimale obligatoire pour une infraction donnée, le tribunal peut exercer le pouvoir discrétionnaire que lui confère le par. 719(3) du Code criminel pour prendre en compte la période que le délinquant a passée sous garde avant le prononcé de sa peine lorsque, de ce fait, la peine qui lui serait infligée serait inférieure à la peine minimale prévue par la loi. Au nom de notre Cour, la juge Arbour a souscrit à la décision rendue par la Cour d’appel de l’Ontario dans l’affaire R. c. McDonald (1998), 127 C.C.C. (3d) 57, où le juge Rosenberg, signant l’opinion unanime, a conclu que la période de détention présentencielle pouvait être prise en compte, même si cela avait pour effet de réduire la peine infligée en cas de déclaration de culpabilité en deçà du minimum obligatoire, puisque la durée totale de l’emprisonnement serait quand même égale à ce minimum.

20 Dans l’arrêt Wust, la juge Arbour a affirmé que « [p]rétendre que la détention présentencielle ne peut jamais être réputée constituer une peine après la déclaration de culpabilité — parce que le système judiciaire ne punit pas des personnes innocentes — est un exercice de sémantique qui ne tient pas compte de la réalité de cette détention » (par. 41 (soulignement dans l’original)). En particulier, la juge Arbour a fait état du caractère généralement pénible de la détention présentencielle et du fait qu’on qualifiait fréquemment cette période de « temps mort » (par. 28‑29). Elle a conclu que « bien que la détention avant le procès ne se veuille pas une sanction lorsqu’elle est infligée, elle est, de fait, réputée faire partie de la peine après la déclaration de culpabilité du délinquant, par l’application du par. 719(3) » (par. 41).

21 Si j’applique le raisonnement suivi dans Wust à la question litigieuse en l’espèce, j’arrive à la conclusion que la réduction de peine accordée au délinquant pour tenir compte de la période qu’il a passée sous garde avant le prononcé de sa peine doit être considérée comme faisant partie de la durée totale de l’emprisonnement plutôt que comme un facteur atténuant susceptible d’avoir une incidence sur la fourchette des peines applicables et, partant, sur l’admissibilité à l’emprisonnement avec sursis. Si la réduction de peine accordée en l’espèce par le tribunal est considérée comme faisant partie de la durée totale de la peine de l’intimée, il est clair que ce total de 50 mois d’emprisonnement (trois ans de détention présentencielle plus 14 mois de détention après le prononcé de la peine) se situe dans la fourchette des peines d’emprisonnement dans un pénitencier, d’où l’impossibilité d’octroyer un sursis. Le fait de considérer la détention présentencielle comme faisant partie de la durée totale de la peine infligée s’accorde également avec le fait que, en tant que précédent, la « peine » infligée à l’intimée pour l’infraction qu’elle a commise sera généralement perçue comme constituée du total de 50 mois, plutôt que des 14 mois infligés dans les faits par le tribunal ayant déterminé la peine.

22 Comme la période passée en détention présentencielle fait partie de la durée totale de la peine infligée, il est clair qu’il ne s’agit pas là d’un facteur atténuant susceptible d’influer sur la fourchette des peines applicables et de ce fait sur l’admissibilité à l’emprisonnement avec sursis, comme le prétend l’intimée. Cette conclusion est logique, puisque la fourchette des peines applicables dépend de la gravité de l’infraction ou de la culpabilité morale du délinquant, et que ces notions ne varient pas en fonction de la période de détention présentencielle. Je m’explique.

23 Lorsqu’il s’est demandé s’il était justifié d’octroyer le sursis à l’emprisonnement dans Wu, le juge Binnie a reconnu qu’un tel sursis ne peut être envisagé que dans les cas où la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant appellent une peine d’emprisonnement de moins de deux ans. Plus précisément, le juge Binnie a écrit ceci :

Le juge chargé de la détermination de la peine n’envisage l’octroi du sursis à l’emprisonnement qu’après avoir rejeté les autres peines possibles — telles que l’absolution sous conditions, le sursis au prononcé de la peine, la mise en probation ou l’imposition d’une amende — et après avoir conclu que la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant appellent une peine d’emprisonnement de moins de deux ans. [par. 25]

À la lumière de ce passage de l’arrêt Wu, il me semble évident que la fourchette des peines applicables et donc l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis dépendent de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité du délinquant. Cette conclusion ressort également de l’arrêt Proulx, où le juge en chef Lamer parle du « type de délinquants » que le législateur a voulu rendre admissibles au sursis à l’emprisonnement (par. 55).

24 La conclusion selon laquelle la fourchette des peines applicables dépend de la gravité de l’infraction et du degré de responsabilité du délinquant soulève la question suivante : Quelle incidence la détention présentencielle a‑t‑elle sur ces deux notions? Selon moi, la période de détention présentencielle ne change en rien la gravité de l’infraction, le degré de responsabilité du délinquant ou, comme on l’a dit dans l’arrêt Proulx, le « type de délinquant ». Il est donc clair que la période passée en détention présentencielle ne constitue pas un facteur atténuant pouvant influer sur la fourchette des peines applicables et, partant, sur l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis.

25 Cette conclusion est également conforme à l’énoncé du juge en chef Lamer dans l’arrêt Proulx portant que « [p]our rendre [sa] décision préliminaire [quant à la fourchette des peines applicables], il suffit au tribunal de prendre en compte l’objectif essentiel et les principes de la détermination de la peine énoncés aux art. 718 à 718.2, dans la mesure nécessaire pour délimiter la fourchette des peines applicables au délinquant » (par. 59). Non seulement le juge en chef Lamer a‑t‑il indiqué que l’objectif et les principes de la détermination de la peine énoncés aux art. 718 à 718.2 ne doivent être pris en compte que de façon limitée lors de la détermination de la fourchette des peines applicables, il est en outre clair qu’il n’a fait aucune mention du par. 719(3) et du pouvoir discrétionnaire que celui‑ci confère au juge de prendre en compte, à cette étape de l’analyse, la période passée en détention présentencielle. Voilà qui renforce la conclusion que la période de détention présentencielle ne doit pas être prise en compte à la première étape de l’analyse, qui concerne la fourchette des peines applicables. Cela ne signifie pas que cette période n’est jamais prise en compte. Au contraire, comme je l’expliquerai plus loin, il convient de tenir compte de ce facteur à la deuxième étape de l’analyse, qui concerne la durée de la peine.

26 La troisième raison pour laquelle il n’est pas conforme à l’esprit du régime d’emprisonnement avec sursis de prétendre que la période de détention présentencielle devrait être prise en compte lors de la détermination de la fourchette des peines applicables et donc de l’applicabilité du sursis, tient au fait que cet argument, accepté par la Cour d’appel et invoqué par l’intimée devant notre Cour, repose sur une interprétation littérale du second préalable prévu par l’art. 742.1, interprétation que notre Cour a déjà rejetée.

27 Par exemple, dans l’arrêt unanime qu’elle a rédigé pour la Cour d’appel dans la présente affaire, la juge Charron (maintenant juge de notre Cour) a fait observer que [traduction] « [l]e premier critère auquel il faut satisfaire pour l’application du régime de l’art. 742.1 est que la personne soit “condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans” », et que « pour “fixer la peine à infliger”, le tribunal est autorisé par le par. 719(3) à prendre en compte la période passée sous garde avant le prononcé de la peine » (par. 18 (en italique dans l’original)). Se fondant sur une interprétation littérale du texte de l’art. 742.1 et du par. 719(3), la juge Charron a conclu que ces dispositions autorisent le tribunal à tenir compte de la période de détention présentencielle dans la détermination de la fourchette des peines pour l’application du régime de l’emprisonnement avec sursis.

28 Cette conclusion doit être rejetée parce que, comme nous l’avons expliqué plus tôt, notre Cour a, dans l’arrêt Proulx, refusé d’interpréter littéralement le second préalable prévu par l’art. 742.1, et a plutôt donné une interprétation téléologique de la condition requérant que la personne déclarée coupable ait été « condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans », ce qui l’a amenée à conclure que l’on peut satisfaire à cette condition en déterminant de façon préliminaire la fourchette des peines applicables (par. 58). Ce n’est qu’une fois qu’il a pris cette décision préliminaire, et que tous les autres préalables prévus par la loi sont respectés, que le juge passe à la seconde étape de l’analyse, où sont fixés la durée de la peine et l’endroit où elle sera purgée, et, s’il rend une ordonnance de sursis à l’emprisonnement, la nature des conditions dont elle sera assortie (Proulx, par. 60).

29 À mon avis, la période passée en détention présentencielle doit être prise en compte à la deuxième étape de l’analyse, qui concerne la durée de la peine, plutôt qu’à la première, qui concerne la fourchette des peines applicables. J’ai déjà expliqué pourquoi la période de détention présentencielle ne devait pas influer sur la fourchette des peines applicables. Voyons maintenant pourquoi ce facteur doit être pris en compte pour ce qui est de la durée de la peine.

30 Premièrement, comme je l’ai dit précédemment, le juge en chef Lamer a conclu dans Proulx que, lorsque le tribunal se prononce sur la fourchette des peines applicables et donc sur l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis, il n’a pas à infliger une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée; il lui suffit de décider s’il y a lieu d’écarter deux possibilités : a) les mesures probatoires; b) l’emprisonnement dans un pénitencier. Par conséquent, prétendre, comme le fait l’intimée, que le juge devrait néanmoins être autorisé à prendre en compte la période passée en détention présentencielle à cette étape de l’analyse est illogique, puisque le juge ne peut pas soustraire un chiffre précis (c’est‑à‑dire la réduction accordée pour la période passée sous garde) d’une fourchette générale de peines. Il doit plutôt accorder toute réduction de peine pour détention présentencielle au moment où il fixe de manière définitive la durée de la peine infligée, c’est‑à‑dire à la deuxième étape de l’analyse exposée dans l’arrêt Proulx.

31 Deuxièmement, dans l’arrêt Wust, la juge Arbour a affirmé que, en statuant que le par. 719(3) peut être appliqué aux peines minimales obligatoires, « notre Cour est en mesure de donner effet à la volonté du législateur que les délinquants déclarés coupables en vertu de l’al. 344a) reçoivent une peine minimale de quatre ans d’emprisonnement et à son désir, tout aussi important, de laisser aux juges le pouvoir discrétionnaire que leur confère le par. 719(3) de prendre en compte la période de détention présentencielle et de faire en sorte que justice soit rendue dans chaque cas » (par. 9 (soulignement dans l’original)). À l’instar de l’appelante, j’estime qu’on peut également affirmer que, en statuant que la détention présentencielle doit être prise en compte à la deuxième étape de l’analyse exposée dans l’arrêt Proulx, qui concerne la durée de la peine, plutôt qu’à la première, qui concerne la fourchette des peines applicables, notre Cour donne effet à l’intention du législateur d’exclure du régime de sursis à l’emprisonnement les délinquants à l’égard desquels l’emprisonnement dans un pénitencier serait approprié, tout en respectant « son désir, tout aussi important, de laisser aux juges le pouvoir discrétionnaire que leur confère le par. 719(3) de prendre en compte la période de détention présentencielle et de faire en sorte que justice soit rendue dans chaque cas » (par. 9).

32 À cet égard, il importe de souligner qu’il existe une différence importante entre la peine d’emprisonnement avec sursis à purger au sein de la collectivité et la peine d’emprisonnement d’une durée équivalente, puisque le délinquant qui purge sa peine au sein de la collectivité n’est que partiellement privé de sa liberté, et que l’emprisonnement avec sursis n’ouvre droit à aucune réduction de peine par voie de libération conditionnelle : voir Proulx, par. 40‑44. Étant donné qu’une peine d’emprisonnement avec sursis se distingue, sur le plan conceptuel, d’une peine d’emprisonnement, je suis d’accord avec l’appelante pour dire qu’il n’est pas inéquitable que le délinquant qui mérite une peine située dans la fourchette des peines d’emprisonnement dans un pénitencier et qui ne peut, par conséquent, bénéficier d’un sursis voit néanmoins la durée de sa peine réduite, par application du par. 719(3), à moins de deux ans. Au bout du compte, ce délinquant n’en aura pas moins purgé la peine d’emprisonnement que commande l’infraction qu’il a commise. Qu’il purge sa peine dans un établissement provincial plutôt que dans un établissement fédéral ne change pas la nature de la peine, qui en est une d’emprisonnement : voir J. V. Roberts, « Pre‑Trial Custody, Terms of Imprisonment and the Conditional Sentence : Crediting “Dead Time” to Effect “Regime Change” in Sentencing » (2005), 9 R.C.D.P. 191, p. 207.

33 Pour toutes ces raisons, je conclus que la période passée en détention présentencielle ne doit pas influer sur la détermination de la fourchette des peines applicables et, partant, sur la possibilité de prononcer une condamnation à l’emprisonnement avec sursis. Il s’agit plutôt d’un facteur que le tribunal doit prendre en compte pour fixer la durée de la peine infligée dans les faits. Toute autre conclusion serait contraire à la nature du régime d’emprisonnement avec sursis, tel qu’il a été défini dans l’arrêt Proulx.

34 Hormis l’arrêt Proulx de notre Cour, la jurisprudence en matière d’emprisonnement avec sursis n’aide guère à résoudre la question de savoir si la détention présentencielle devrait influer sur la détermination de la fourchette des peines applicables et, partant, sur l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis. Dans l’arrêt R. c. Knoblauch, [2000] 2 R.C.S. 780, 2000 CSC 58, par exemple, notre Cour a examiné la légalité de la peine d’emprisonnement avec sursis infligée initialement par le juge du procès. Estimant que cette peine était bien juste et conforme au droit, la juge Arbour, qui s’exprimait pour la Cour à la majorité, a signalé que,

en l’espèce, tant le juge du procès que la Cour d’appel en sont arrivés à la conclusion — qui n’a pas été contestée devant nous — que, eu égard à toutes les circonstances, la sanction appropriée à l’égard du délinquant en cause aurait été une peine d’incarcération de trois ans, sanction qui a à juste titre été réduite à deux ans moins un jour pour tenir compte de la période passée sous garde avant le procès. [par. 16]

Lorsqu’elle s’est prononcée sur l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis eu égard aux circonstances de cette affaire, la juge Arbour a abordé brièvement le critère de l’art. 742.1 requérant que la personne ait été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans :

Comme je l’ai indiqué précédemment, il n’est pas contesté qu’une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour était juste et appropriée eu égard aux circonstances. Le premier critère énoncé à l’art. 742.1 du Code ayant été satisfait, il ne reste plus qu’à décider si le juge du procès était autorisé à conclure que « le fait [pour l’appelant] de purger la peine au sein de la collectivité ne met[tait] pas en danger la sécurité de celle‑ci et [était] conforme à l’objectif et aux principes visés aux articles 718 à 718.2 », conformément au deuxième critère de l’art. 742.1. [Je souligne; par. 25]

Étant donné l’observation de la juge Arbour portant que le critère de l’art. 742.1 du Code criminel requérant une condamnation à un emprisonnement de moins de deux ans était respecté dans cette affaire, en dépit du fait que, n’eût été la période de détention présentencielle, la peine appropriée aurait été de trois ans et se serait donc située dans la fourchette des peines d’emprisonnement dans un pénitencier, il serait possible de prétendre que, contrairement à ma conclusion en l’espèce, notre Cour a implicitement statué que le tribunal peut prendre en compte la période de détention présentencielle pour déterminer la fourchette des peines applicables et, partant, l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis. Cependant, comme je l’ai indiqué dans les motifs de dissidence que j’ai rédigés dans l’arrêt Knoblauch, par. 67, le désaccord central entre l’appelant et l’intimée dans cette affaire portait sur le troisième préalable à l’emprisonnement avec sursis, soit la sécurité de la collectivité. Ni les juges majoritaires ni les juges dissidents dans Knoblauch n’ont procédé à un examen exhaustif de la question de savoir s’il était approprié que le juge du procès prenne en compte la période de détention présentencielle pour délimiter la fourchette des peines applicables, et rende ainsi possible l’emprisonnement avec sursis. Je conclus donc que l’arrêt Knoblauch de notre Cour n’est pas particulièrement utile pour résoudre la question litigieuse en l’espèce.

35 La jurisprudence des tribunaux d’instance inférieure n’est guère plus utile. Il semble ressortir de décisions rendues en Saskatchewan et en Ontario que le juge qui fixe la peine ne peut calculer puis soustraire la période que l’accusé a passée en détention préventive pour déterminer si les actes reprochés commanderaient normalement l’infliction d’une peine d’emprisonnement dans un pénitencier : voir R. c. Predenchuk (2000), 199 Sask. R. 264, 2000 SKCA 122; R. c. Runns (2002), 165 C.C.C. (3d) 217, 2002 SKCA 48; R. c. Dobis (2002), 58 O.R. (3d) 536 (C.A.). Une autre décision de l’Ontario, ainsi qu’une décision du Québec, ne sont pas aussi claires et semblent indiquer que, dans les cas où l’emprisonnement dans un pénitencier est par ailleurs justifié, l’emprisonnement avec sursis ne sera ordonné que rarement et à titre exceptionnel, après avoir pris en compte le temps passé sous garde avant le procès : voir R. c. Persaud (2002), 26 M.V.R. (4th) 41 (C.A. Ont.); R. c. Bastien, [2003] R.J.Q. 1695 (C.Q.). Par contre, des décisions rendues en Alberta et en Colombie‑Britannique appuient implicitement l’argument de l’intimée selon lequel la détention présentencielle peut être prise en compte pour ce qui est de la fourchette des peines applicables et peut donc influer sur l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis : voir R. c. McClelland (2001), 281 A.R. 378, 2001 ABCA 182; R. c. La (2003), 15 Alta. L.R. (4th) 56, 2003 ABQB 391; R. c. Skani (2002), 331 A.R. 50, 2002 ABQB 1097; R. c. Brown (2002), 32 M.V.R. (4th) 211, 2002 ABPC 187; R. c. Harris (2002), 167 C.C.C. (3d) 246, 2002 BCCA 152.

36 Tout comme l’arrêt Knoblauch, aucune de ces décisions ne fournit une analyse approfondie de la question de savoir si la détention présentencielle doit influer sur la détermination de la fourchette des peines applicables et, partant, sur la possibilité de prononcer une condamnation à l’emprisonnement avec sursis. Elles ne permettent donc pas de résoudre la question en litige dans la présente affaire.

37 Il reste à examiner l’argument de l’intimée voulant que le fait d’interdire au juge qui fixe la peine de prendre en compte la détention présentencielle à la première étape de l’analyse exposée dans l’arrêt Proulx conduirait à des résultats inéquitables. Par exemple, dans les observations écrites qu’elle a présentées à notre Cour, l’intimée a soumis la situation de deux accusés qui seraient arrêtés suite à de graves accusations appelant normalement une peine d’environ trois ans. Lors de l’enquête relative au cautionnement, l’accusé le mieux nanti présente une preuve de ses bonnes assises financières ainsi qu’une caution disposant de certains actifs. Cet accusé est mis en liberté à certaines conditions. Le deuxième accusé n’a pas d’argent et ne peut présenter aucune caution valable. Cet accusé est placé en détention. Douze mois plus tard, à l’audience de détermination de la peine, l’avocat du premier accusé explique au juge que son client devrait obtenir un sursis à l’emprisonnement parce que, pendant la période où il était en liberté, il a, par exemple, respecté des conditions restrictives de liberté sous caution, poursuivi ses études ou trouvé un emploi stable. Impressionné par ce comportement, le juge ordonne l’emprisonnement avec sursis. Du fait qu’il était détenu, le deuxième accusé n’a pu faire valoir aucun de ces facteurs atténuants. Il ne peut donc bénéficier d’un sursis à l’emprisonnement. L’intimée soutient que, pour corriger cet apparent manque d’équité, le tribunal doit pouvoir, lorsqu’il détermine si la peine se situe dans une fourchette donnant ouverture à l’emprisonnement avec sursis, prendre en considération tous les facteurs présentés par les deux accusés au moment du prononcé de la peine, y compris la période de détention présentencielle.

38 Contrairement aux prétentions de l’intimée, le ministère public soutient que si notre Cour autorisait la prise en compte de la détention présentencielle pour déterminer la fourchette des peines applicables et donc l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis, il pourrait en résulter des traitements différents pour des délinquants placés dans des situations semblables ainsi qu’une accentuation de l’écart entre les peines infligées aux délinquants les moins dangereux et aux délinquants les plus dangereux, puisque seuls ceux dont la détention avant procès est justifiée pourraient remplir les conditions requises pour obtenir un sursis à l’emprisonnement du fait de cette période passée en détention présentencielle. À l’appui de cet argument, le ministère public a donné l’exemple de deux coaccusés qui seraient arrêtés relativement à un crime grave. L’un d’eux, qui en est à sa première infraction, est libéré sous caution. L’autre est placé en détention sur la foi de son casier judiciaire chargé. Le délinquant qui en est à sa première infraction plaide rapidement coupable et est condamné à une peine d’emprisonnement de trois ans dans un pénitencier. L’autre accusé plaide finalement coupable après 18 mois de détention et bénéficie d’une réduction de peine de 36 mois. Selon l’interprétation que la Cour d’appel a donnée du par. 719(3) et du second préalable prévu par l’art. 742.1, même s’il aurait autrement été condamné à une peine de cinq ans en raison de son casier judiciaire, cet accusé serait admissible à l’emprisonnement avec sursis vu la période qu’il a passée en détention présentencielle, alors que son complice, dont le casier judiciaire était vierge et qui a plaidé coupable plus rapidement, ne pourrait bénéficier d’un tel sursis.

39 Chacune des deux thèses avancées emporte manifestement un risque de résultats inéquitables. Quelles que soient les circonstances, il faut toujours opter pour l’interprétation du par. 719(3) et du second préalable prévu par l’art. 742.1 qui respecte le mieux l’intention qu’avait le législateur en instaurant le régime d’emprisonnement avec sursis. Dans l’arrêt Proulx, notre Cour a estimé que « [l]e législateur a voulu que l’emprisonnement avec sursis ne soit envisagé qu’à l’égard des délinquants qui, autrement, seraient emprisonnés pendant des périodes de moins de deux ans » (par. 49). Ce régime n’a pas été conçu à l’intention des délinquants à l’égard desquels l’emprisonnement dans un pénitencier est approprié. Par conséquent, une fois que le tribunal a examiné la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant et conclu qu’une peine située dans la fourchette des peines d’emprisonnement dans un pénitencier est justifiée et qu’un sursis à l’emprisonnement n’est donc pas possible, la période de détention présentencielle ne doit pas avoir pour effet de modifier cette conclusion. Cette période doit plutôt être prise en compte à la deuxième étape de l’analyse exposée dans l’arrêt Proulx, qui concerne la durée de la peine infligée dans les faits. Non seulement cette interprétation respecte‑t‑elle l’intention du législateur d’offrir une solution de rechange à l’incarcération des délinquants non dangereux, mais elle est également logique sur le plan pratique, puisque le tribunal ne peut pas vraiment « soustraire » la période passée sous garde d’une fourchette approximative de peines.

40 Par conséquent, je conclus que le pouvoir discrétionnaire de prendre en compte la période de détention présentencielle pour fixer la peine à infliger, conféré au par. 719(3) du Code criminel, ne signifie pas que le second préalable prévu par l’art. 742.1 — à savoir que la personne ait été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans pour être admissible à un sursis à l’emprisonnement — vise uniquement la période qui devra de fait être passée en prison après le prononcé de la peine; ce préalable concerne plutôt la période totale que le tribunal prend en compte pour déterminer la sévérité de la sanction requise par la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant.

41 Après avoir rédigé les présents motifs, j’ai eu l’occasion de lire les motifs de mon collègue le juge Fish, qui appellent les commentaires suivants.

42 Premièrement, au début de ses motifs, mon collègue soulève une préoccupation, celle de voir la détention présentencielle transformer ce qui constituerait autrement une peine d’emprisonnement dans un pénitencier en un sursis au prononcé de la peine, une ordonnance de probation, une absolution ou une amende, mais non en un sursis à l’emprisonnement. En toute déférence, je dois souligner que l’effet de la détention présentencielle sur la possibilité d’un sursis au prononcé de la peine, d’une ordonnance de probation, d’une absolution ou d’une amende est une question dont nous ne sommes pas saisis en l’espèce. Le présent pourvoi porte en effet uniquement sur la question de savoir si la période passée en détention présentencielle devrait influer sur la détermination de la fourchette des peines applicables et, partant, sur l’applicabilité de l’emprisonnement avec sursis. Ainsi que l’a souligné le juge en chef Lamer dans l’arrêt Proulx, le régime d’emprisonnement avec sursis a précisément été édicté comme sanction visant à réduire le recours à l’emprisonnement et à élargir l’application des principes de justice corrective dans la détermination de la peine (par. 15 et 21). Comme l’emprisonnement avec sursis est une nouvelle sanction visant une combinaison particulière d’objectifs, cette mesure ne devrait pas être assimilée automatiquement aux autres solutions de rechange à l’incarcération telles que le sursis au prononcé de la peine, l’ordonnance de probation, l’absolution ou l’amende. Par conséquent, j’estime qu’il vaut mieux remettre à une autre occasion l’examen de la relation entre la détention présentencielle et la possibilité de surseoir au prononcé de la peine, d’ordonner une mise en probation, d’accorder une absolution ou d’infliger une amende.

43 Deuxièmement, au par. 65, mon collègue dit qu’« [u]ne peine de moins de deux ans ne se transforme pas, pour l’application de l’art. 742.1, en une peine de plus de deux ans simplement parce que le juge du procès a, en infligeant la peine de moins de deux ans, pris en compte la période déjà passée sous garde par suite de l’infraction. » En toute déférence, cet énoncé ne m’apparaît pas conforme à la conclusion de notre Cour dans l’arrêt Wust, où il a été jugé que la période de détention présentencielle devait être prise en compte dans le calcul de la durée totale de l’emprisonnement. Comme il a été indiqué plus tôt, la juge Arbour a dit ce qui suit dans l’arrêt Wust :

. . . bien que la détention avant le procès ne se veuille pas une sanction lorsqu’elle est infligée, elle est, de fait, réputée faire partie de la peine après la déclaration de culpabilité du délinquant, par l’application du par. 719(3). Le fait d’assimiler ce type de détention à une peine n’est pas sans rappeler l’observation, analysée plus tôt dans les présents motifs, que le délinquant qui bénéficie d’une libération conditionnelle continue, tant qu’il a le droit d’être en liberté, de purger sa peine d’emprisonnement. [par. 41]

44 Troisièmement, au par. 75, mon collègue dit que « [l]orsque le délinquant a déjà passé une période sous garde au moment du prononcé de la peine, et que le tribunal lui aurait autrement infligé une peine d’emprisonnement de plus de deux ans, les objectifs de dissuasion et de châtiment auront, dans certains cas, été réalisés par la période de détention. » Je reconnais que cette situation peut se présenter dans certains cas; toutefois, je ne suis pas d’accord avec mon collègue lorsqu’il dit que, en pareils cas, il ne voit « ni principe ni politique ni précédent qui justifierait d’obliger le tribunal chargé de déterminer la peine à choisir entre une mesure probatoire, trop clémente, et une peine d’emprisonnement, trop sévère » (par. 77).

45 À mon avis, le tribunal qui fixe la peine est de fait limité à ces choix par l’effet du second préalable prévu par l’art. 742.1 et de l’interprétation que notre Cour a donnée de cette condition dans Proulx. Dans cet arrêt, notre Cour a conclu que « [l]e législateur a voulu que l’emprisonnement avec sursis ne soit envisagé qu’à l’égard des délinquants qui, autrement, seraient emprisonnés pendant des périodes de moins de deux ans » (par. 49). Étant donné que le délinquant dans les cas évoqués par mon collègue est du type de ceux qui, autrement, recevraient une peine d’emprisonnement dans un pénitencier, il n’est pas admissible à l’emprisonnement avec sursis. Bien sûr, le tribunal peut prendre en compte la période de détention présentencielle lorsqu’il calcule la durée de la peine (avec emprisonnement ou non) véritablement infligée. Bien que ce résultat puisse paraître inéquitable dans les cas où l’on estime qu’une mesure probatoire serait trop clémente et une peine d’emprisonnement trop sévère, les tribunaux doivent, sauf contestation fondée sur des motifs d’ordre constitutionnel, interpréter et appliquer une loi conformément à l’intention du législateur : voir Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42, par. 62.

46 En conséquence, je suis d’avis d’accueillir le pourvoi. Comme l’avocat de la défense a admis que, n’eût été la période de détention présentencielle, une peine d’emprisonnement dans un pénitencier aurait été appropriée, par l’effet du second préalable prévu par l’art. 742.1 et de l’interprétation qu’a donnée de ce préalable notre Cour dans l’arrêt Proulx, l’emprisonnement avec sursis n’était pas possible en l’espèce. Une peine d’incarcération, réduite pour tenir compte en vertu du par. 719(3) de la période passée sous garde, aurait dû être infligée. Cependant, l’intimée a depuis longtemps purgé sa peine, et le ministère public ne demande plus son incarcération. En conséquence, bien que le pourvoi soit accueilli, l’effet de l’ordonnance prévoyant une peine d’incarcération est suspendu indéfiniment.

Version française des motifs des juges Deschamps et Fish rendus par

Le juge Fish (dissident) —

I

47 La position du ministère public a été résumée ainsi à l’audience par un juge de notre Cour :

[traduction] . . . il me semble que ce que vous êtes en train de dire, c’est qu’une période de détention avant le procès pourrait transformer ce qui constituerait autrement une peine d’emprisonnement dans un pénitencier en un sursis au prononcé de la peine, une ordonnance de probation, [une] absolution [ou] une amende, mais non en un sursis à l’emprisonnement. C’est bien ça?

Le procureur de la Couronne, avocat compétent et expérimenté, a en toute candeur répondu ce qui suit :

[traduction] C’est exact. C’est bien ça, même si je reconnais que cela puisse paraître un peu [. . .] étonnant.

48 L’étonnement s’explique, bien sûr, par l’illogisme évident de la position du ministère public dans le présent pourvoi. Cette position est nettement peu séduisante de prime abord — impression initiale que la réflexion ne vient pas, à mon avis, estomper.

49 Au contraire, comme nous le verrons, la position défendue par le ministère public ne repose sur aucune assise législative, elle est incompatible avec l’objectif que visait le législateur lorsqu’il a instauré le régime d’emprisonnement avec sursis et elle n’est ni requise ni même envisagée par l’arrêt R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61, 2000 CSC 5, qui constitue l’arrêt de principe de notre Cour sur cette question.

50 La position du ministère public trouve encore moins appui dans l’arrêt R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455, 2000 CSC 18.

51 La question qui se posait dans Wust était de savoir si, dans les cas où le législateur a prescrit une peine minimale d’emprisonnement, le tribunal qui détermine la peine peut déduire la période que le contrevenant a passée sous garde en attendant le prononcé de sa peine. Notre Cour a, à l’unanimité, répondu par l’affirmative à cette question. Or, si la détention présentencielle peut légitimement donner lieu à l’infliction d’une peine plus courte que la peine minimale d’emprisonnement établie par le législateur, pourquoi ne peut‑il pas en résulter une peine de moins de deux ans, au sens de l’art. 742.1 du Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, pour ce qui est des infractions à l’égard desquelles le législateur n’a pas établi une peine minimale d’emprisonnement?

52 De plus, en concluant comme elle l’a fait dans Wust, notre Cour a souligné la nécessité d’interpréter les dispositions du Code criminel relatives à la détermination de la peine « de façon à éviter toute contradiction entre ses dispositions et tout résultat absurde, en s’efforçant d’assurer la cohérence et la logique internes du texte » (par. 34).

53 Je le répète, la position que préconise le ministère public en l’espèce est manifestement illogique. Et ce n’est pas en excluant arbitrairement de l’examen l’une ou l’autre des différentes sanctions expressément prévues par le législateur — incarcération, probation ou sursis — , au motif que « nous n[’en] sommes pas saisis en l’espèce », qu’on lui confère une cohérence (motifs du juge Bastarache, par. 42).

54 Au contraire, c’est là le cœur de la présente affaire : À laquelle, s’il en est, des diverses sanctions créées par le législateur le par. 719(3) du Code criminel est‑il inapplicable? Le législateur a expressément prévu, à l’art. 742.1 du Code, que le tribunal peut prononcer l’emprisonnement avec sursis « [l]orsqu’une personne est [. . .] condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans », pourvu, bien sûr, que les deux autres conditions soient réunies. Il a aussi prévu, au par. 719(3) du Code, toujours en termes exprès, que le tribunal peut prendre en compte la période de détention présentencielle « [p]our fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d’une infraction. » La question que pose le présent pourvoi est de savoir s’il convient que, par ordonnance judiciaire, la Cour déclare le par. 719(3) inapplicable à l’une ou plusieurs des sanctions prévues par le législateur — alors que ce dernier a lui‑même refusé de le faire.

55 Avec égards pour l’opinion contraire exprimée par le juge Bastarache, je souscris aux motifs et à la conclusion de la juge Charron (maintenant juge de notre Cour), qui s’est exprimée en son nom et au nom des juges Moldaver et Feldman de la Cour d’appel de l’Ontario : (2003), 65 O.R. (3d) 751.

56 En conséquence, je rejetterais le pourvoi. Je voudrais seulement ajouter quelques observations.

II

57 Le ministère public admet qu’aucune disposition du Code criminel n’oblige les tribunaux chargés de fixer les peines à faire abstraction de la période passée en détention préventive lorsqu’ils décident, au moment du prononcé de la peine, s’il convient ou non d’octroyer un sursis à l’emprisonnement.

58 Par souci de commodité, je reproduis les critères applicables prévus par la loi :

742.1 Lorsqu’une personne est déclarée coupable d’une infraction — autre qu’une infraction pour laquelle une peine minimale d’emprisonnement est prévue — et condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans, le tribunal peut, s’il est convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité ne met pas en danger la sécurité de celle‑ci et est conforme à l’objectif et aux principes visés aux articles 718 à 718.2, ordonner au délinquant de purger sa peine dans la collectivité afin d’y surveiller le comportement de celui‑ci, sous réserve de l’observation des conditions qui lui sont imposées en application de l’article 742.3.

59 Lorsque aucune peine minimale d’emprisonnement n’est prévue à l’égard de l’infraction, cette disposition habilite le tribunal, en termes on ne peut plus clairs, à surseoir à l’emprisonnement chaque fois qu’il inflige une peine de moins de deux ans et qu’il est convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité satisfait au critère énoncé à cet égard à l’art. 742.1.

60 Ce point a été clarifié dans l’arrêt Proulx, au par. 79 :

L’article 742.1 n’exclut du champ d’application du régime d’octroi du sursis à l’emprisonnement aucune infraction autre que celles pour lesquelles une peine minimale d’emprisonnement est prévue. Le législateur aurait pu facilement exclure certaines autres infractions, mais il a choisi de ne pas le faire.

. . .

En conséquence, une ordonnance de sursis à l’emprisonnement peut, en principe, être rendue à l’égard de toute infraction pour laquelle les préalables prévus par la loi sont réunis. [Premier soulignement ajouté; deuxième soulignement dans l’original.]

61 Le paragraphe 719(3) du Code criminel est rédigé ainsi :

719. . . .

(3) Pour fixer la peine à infliger à une personne déclarée coupable d’une infraction, le tribunal peut prendre en compte toute période que la personne a passée sous garde par suite de l’infraction.

62 Ainsi, le par. 719(3) autorise le tribunal qui aurait autrement pu prononcer une peine de plus de deux ans à infliger une peine de moins de deux ans dans le cas où un emprisonnement d’une durée plus longue constituerait une peine excessive, vu la période déjà passée sous garde par suite de l’infraction.

63 Sur le plan de la loi, la peine de moins de deux ans qui en résulte satisfait clairement à l’art. 742.1. Je ne vois à cet égard aucune ambiguïté, ni dans le par. 719(3) ni dans l’art. 742.1.

64 S’il s’agit d’une infraction pour laquelle une peine minimale d’emprisonnement est prévue, l’accusé n’est évidemment pas admissible au sursis à l’emprisonnement. S’il s’agit d’une infraction pour laquelle aucune peine minimale d’emprisonnement n’est prévue, la durée de la peine se calcule à tous égards (sous réserve de certaines exceptions prévues par la loi et non pertinentes en l’espèce) à compter du moment où elle est infligée : par. 719(1) du Code.

65 Une peine de moins de deux ans ne se transforme pas, pour l’application de l’art. 742.1, en une peine de plus de deux ans simplement parce que le juge du procès a, en infligeant la peine de moins de deux ans, pris en compte la période déjà passée sous garde par suite de l’infraction. S’il en était autrement, le prononcé d’une peine de moins de deux ans ferait obstacle, en pareilles circonstances, à une ordonnance de probation : voir al. 731(1)b). Aucune autorité étayant cette thèse n’a été portée à notre attention.

66 D’ailleurs, comme je l’ai mentionné plus tôt, le ministère public admet que la probation est permise lorsqu’une peine de moins de deux ans est infligée en tenant compte de la période déjà passée sous garde.

67 Il est bien établi que les tribunaux ne doivent pas ordonner l’emprisonnement avec sursis lorsqu’il existe des sanctions moins contraignantes qui refléteraient adéquatement la gravité de l’infraction et le degré de responsabilité du délinquant. La thèse défendue par le ministère public en l’espèce revient à inverser ce principe fondamental.

68 Le ministère public prétend que l’emprisonnement avec sursis est interdit, parce qu’il ne répond pas adéquatement au besoin de sévérité, alors que des décisions manifestement moins sévères, comme la probation, l’amende ou l’absolution — que le tribunal doit juger inadéquates avant de pouvoir octroyer le sursis — sont permises. En somme, les décisions moins sévères sont permises là où une sanction plus contraignante — l’emprisonnement avec sursis — est exclue parce que trop clémente!

III

69 Enfin, je vais examiner l’arrêt Proulx de notre Cour, ainsi que l’objectif que visait le législateur en instaurant le régime d’emprisonnement avec sursis.

70 Dans Proulx, le juge en chef Lamer, s’exprimant au nom de la Cour, a expliqué ce qui suit :

. . . l’emprisonnement avec sursis est une mesure qui faisait partie des modifications apportées à la partie XXIII du Code. Deux des principaux objectifs de la réforme de la partie XXIII étaient de réduire le recours à l’incarcération comme sanction et d’accorder une plus grande importance aux principes de justice corrective dans la détermination de la peine — savoir la réinsertion sociale du délinquant, la réparation des torts causés aux victimes et à la collectivité et la prise de conscience par le délinquant de ses responsabilités.

L’emprisonnement avec sursis facilite la réalisation des deux objectifs du législateur. Il donne au tribunal la possibilité de façonner une peine assortie de conditions appropriées qui pourra mener — d’une manière que ne permettrait pas l’incarcération — à la réinsertion sociale du délinquant, à la réparation des torts causés à la collectivité et à la prise de conscience par le délinquant de ses responsabilités. Toutefois, il s’agit également d’une sanction punitive. De fait, c’est son aspect punitif qui distingue l’emprisonnement avec sursis de la probation. Comme nous l’avons vu plus tôt, le législateur n’entendait pas qu’un délinquant qui aurait autrement été incarcéré pendant une période de moins de deux ans bénéficie désormais de la probation ou d’une mesure équivalente.

L’emprisonnement avec sursis peut donc permettre la réalisation d’objectifs punitifs et correctifs. Dans la mesure où ces deux types d’objectifs peuvent être atteints dans un cas donné, l’emprisonnement avec sursis est probablement une sanction préférable à l’incarcération. Par contre, lorsque le besoin de punition est particulièrement pressant et qu’il y a peu de chances de réaliser des objectifs correctifs, l’incarcération constitue vraisemblablement la sanction la plus intéressante. Cependant, même dans les cas où la réalisation d’objectifs correctifs ne serait pas une tâche facile, l’emprisonnement avec sursis est préférable à l’incarcération lorsqu’il permet de réaliser aussi efficacement que celle‑ci les objectifs de dénonciation et de dissuasion. C’est ce qui ressort du principe de modération qui est exprimé aux al. 718.2d) et e) et qui milite en faveur de l’application de sanctions autres que l’incarcération lorsque les circonstances le justifient. [Je souligne; par. 98‑100.]

71 Je ne considère pas que le passage souligné de ce dernier paragraphe signifie que, dans les cas où il existe des chances de réaliser un objectif correctif en ordonnant l’emprisonnement avec sursis, il ne convient pas ou il est illégal de le faire parce qu’une incarcération d’une durée suffisante a déjà eu lieu au moment du prononcé de la peine.

72 Le juge en chef Lamer avait précédemment affirmé ceci :

. . . l’examen des al. 718.2d) et e) m’amène à conclure que le tribunal doit envisager sérieusement la possibilité de prononcer l’emprisonnement avec sursis dans tous les cas où les trois premiers préalables prévus par la loi sont réunis. Les alinéas 718.2d) et e) codifient le principe important de la modération dans la détermination des peines et, avec l’art. 742.1, ils ont été adoptés précisément en vue d’aider à réduire le taux d’incarcération au Canada. Par conséquent, constituerait une erreur de principe le fait de ne pas envisager sérieusement la possibilité de rendre une ordonnance de sursis à l’emprisonnement lorsque les préalables prévus par la loi sont réunis. L’omission de faire allusion à la possibilité d’une telle ordonnance dans les motifs de détermination de la peine, lorsqu’il existe des motifs raisonnables permettant de conclure que les trois premiers préalables fixés par la loi sont réunis, peut fort bien constituer une erreur justifiant l’infirmation de la décision. [Premier soulignement dans l’original, deuxième et troisième soulignements ajoutés; par. 90.]

73 Et, enfin :

. . . il convient de souligner que le sursis à l’emprisonnement peut être octroyé même dans les cas où il y a des circonstances aggravantes liées à la perpétration de l’infraction ou à la situation du délinquant. Il va de soi que la présence de circonstances aggravantes augmentera le besoin de dénonciation et de dissuasion. Toutefois, il serait erroné d’écarter d’emblée la possibilité de l’octroi du sursis à l’emprisonnement pour cette seule raison. Je le répète, il faut apprécier chaque cas individuellement.

Il arrive fréquemment que le juge qui détermine la peine se trouve devant une situation où certains objectifs militent en faveur de l’octroi du sursis à l’emprisonnement et d’autres en faveur de l’emprisonnement. En pareils cas, le juge du procès doit soupeser ces divers objectifs pour déterminer la peine appropriée. Comme a expliqué le juge La Forest dans R. c. Lyons, [1987] 2 R.C.S. 309, à la p. 329, « [d]ans un système rationnel de détermination des peines, l’importance respective de la prévention, de la dissuasion, du châtiment et de la réinsertion sociale variera selon la nature du crime et la situation du délinquant. » Le juge ne dispose pas d’un critère ou d’une formule d’application simple à cet égard. Il faut s’en remettre au jugement et à la sagesse du juge qui détermine la peine, que le législateur a investi d’un pouvoir discrétionnaire considérable à cet égard à l’art. 718.3. [Je souligne; par. 115‑116.]

74 Ce sont là les principaux enseignements qui se dégagent de l’arrêt Proulx. Rien dans le texte ou le thème de cette décision n’exclut la possibilité d’ordonner l’emprisonnement avec sursis lorsque les conditions prévues par la loi sont réunies. L’arrêt Proulx ne réserve pas non plus l’emprisonnement avec sursis à certaines infractions ou à certains délinquants. Comme nous venons de le voir, c’est plutôt le contraire.

75 Lorsque le délinquant a déjà passé une période sous garde au moment du prononcé de la peine, et que le tribunal lui aurait autrement infligé une peine d’emprisonnement de plus de deux ans, les objectifs de dissuasion et de châtiment auront, dans certains cas, été réalisés par la période de détention.

76 L’infliction d’une autre peine d’emprisonnement pourrait bien compromettre les deux principaux objectifs que visait le législateur en réformant la partie XXIII du Code criminel. Le premier de ces objectifs était, rappelons‑le, de réduire le recours à l’incarcération comme sanction, et le deuxième consistait à accorder une importance plus grande aux principes de justice corrective, dont la réinsertion sociale du délinquant.

77 L’infliction d’une peine d’emprisonnement avec sursis, par contre, favorisera dans certains cas la réalisation des deux objectifs du législateur, tout en tenant compte du besoin de punition ou de dénonciation. Dans un tel cas, je ne vois ni principe ni politique ni précédent qui justifierait d’obliger le tribunal chargé de déterminer la peine à choisir entre une mesure probatoire, trop clémente, et une peine d’emprisonnement, trop sévère.

78 Le législateur a instauré l’emprisonnement avec sursis pour donner plus de latitude aux juges dans la détermination des peines : il faut se garder d’interpréter l’art. 742.1 de manière à nuire à la réalisation de cet objectif manifeste.

79 À mon humble avis, il n’y a rien dans l’arrêt Proulx qui ait pour effet d’empêcher le juge qui préside un procès de prononcer une ordonnance de sursis à l’emprisonnement dans le cas où, vu le temps déjà purgé, le maintien en détention n’est pas requis et où l’infliction d’une peine d’emprisonnement à être purgée au sein de la collectivité répond le mieux aux principes et objectifs de détermination des peines énoncés par le législateur dans le Code criminel. Tout au plus, du point de vue du ministère public, l’arrêt Proulx est muet sur cette question.

80 De fait, comme je l’ai mentionné précédemment, l’arrêt Proulx prescrit d’envisager l’octroi d’une ordonnance de sursis à l’emprisonnement lorsque les conditions prévues par la loi sont réunies, comme c’était le cas en l’espèce.

81 Comme je l’ai également dit, les motifs de la juge Charron sont à mon avis convaincants, et sa conclusion est à mon sens exacte.

82 Par conséquent, en toute déférence pour les tenants de l’opinion contraire, je rejetterais le présent pourvoi.

Pourvoi accueilli, les juges Deschamps et Fish dissidents.

Procureur de l’appelante : Procureur général de l’Ontario, Toronto.

Procureurs de l’intimée : Aitken Robertson, Peterborough, Ontario.


Sens de l'arrêt : Le pourvoi est accueilli

Analyses

Droit criminel - Détermination de la peine - Emprisonnement avec sursis - La période de détention présentencielle devrait-elle influer sur la possibilité d’ordonner l’emprisonnement avec sursis? - Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C-46, art. 719(3), 742.1.

L’accusée a plaidé coupable à des accusations de voies de fait graves, de fraude, d’usurpation d’identité, de contrefaçon et de manquement à un engagement. Au moment du prononcé de la peine, elle avait passé environ 16 mois en détention présentencielle et six mois en détention à domicile. L’avocat de la défense a reconnu que l’emprisonnement dans un pénitencier aurait été approprié si la peine avait été infligée au moment de l’arrestation. Le juge chargé de déterminer la peine a estimé que la détention présentencielle de l’accusée équivalait à presque trois ans d’incarcération et a conclu qu’elle devait purger 14 mois de plus au sein de la collectivité moyennant l’observation de certaines conditions. La Cour d’appel a maintenu la peine d’emprisonnement avec sursis. Se fondant sur une interprétation littérale du texte de l’art. 742.1 et du par. 719(3) du Code criminel, la Cour d’appel a jugé que ces dispositions autorisent le tribunal à tenir compte de la période de détention présentencielle dans la détermination de la fourchette des peines pour l’application du régime de l’emprisonnement avec sursis.

Arrêt (les juges Deschamps et Fish sont dissidents) : Le pourvoi est accueilli.

La juge en chef McLachlin et les juges Major, Bastarache, Binnie et Abella : Le juge qui a fixé la peine a commis une erreur en prononçant un emprisonnement avec sursis. Suivant l’art. 742.1 du Code criminel, le délinquant qui mérite par ailleurs l’emprisonnement dans un pénitencier ne saurait avoir accès à l’emprisonnement avec sursis du seul fait de la période qu’il passe en détention présentencielle. Le régime d’emprisonnement avec sursis n’a pas été conçu à l’intention des délinquants à l’égard desquels l’emprisonnement dans un pénitencier est approprié. Quand, après avoir examiné la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant, le tribunal conclut qu’une peine située dans la fourchette des peines d’emprisonnement dans un pénitencier est justifiée et qu’un sursis à l’emprisonnement n’est donc pas possible, la période de détention présentencielle ne doit pas avoir pour effet de modifier cette conclusion.

L’article 742.1 prévoit que le délinquant doit avoir été condamné à un emprisonnement de moins de deux ans pour être admissible à l’emprisonnement avec sursis. Conformément à l’approche établie dans Proulx à l’égard de l’art. 742.1, le juge qui détermine la peine doit procéder en deux étapes. Il doit d’abord se demander s’il est possible de prononcer une condamnation à l’emprisonnement avec sursis. À cette étape, le juge n’a pas à infliger une peine d’emprisonnement d’une durée déterminée; il n’a qu’à décider s’il y a lieu d’écarter deux possibilités : (i) les mesures probatoires; (ii) l’emprisonnement dans un pénitencier. Si le juge peut prononcer l’emprisonnement avec sursis, il doit ensuite décider si cette peine est appropriée. La période passée en détention présentencielle doit être prise en compte à cette deuxième étape de l’analyse, qui concerne la durée de la peine, plutôt qu’à la première, qui concerne la fourchette des peines applicables. Toute autre conclusion serait contraire à la nature du régime d’emprisonnement avec sursis, tel qu’il a été défini dans Proulx. La période passée sous garde par le délinquant avant le prononcé de sa peine doit être considérée comme faisant partie de la durée totale de l’emprisonnement plutôt que comme un facteur atténuant susceptible d’avoir une incidence sur la fourchette des peines applicables et, partant, sur son admissibilité à l’emprisonnement avec sursis. En outre, suivant l’approche établie dans Proulx, la condition prévue par l’art. 742.1 requérant que le tribunal condamne le délinquant « à un emprisonnement de moins de deux ans » doit être interprétée téléologiquement. Le tribunal satisfait à cette condition en déterminant de façon préliminaire la fourchette des peines applicables.

Le pouvoir discrétionnaire que confère le par. 719(3) du Code de prendre en compte la période de détention présentencielle pour fixer la peine à infliger ne signifie pas que le second préalable prévu par l’art. 742.1 — à savoir que la personne ait été condamnée à un emprisonnement de moins de deux ans pour être admissible à un sursis à l’emprisonnement — vise uniquement la période qui devra de fait être passée en prison après le prononcé de la peine; ce préalable concerne plutôt la période totale que le tribunal prend en compte pour déterminer la sévérité de la sanction requise par la gravité de l’infraction et la culpabilité morale du délinquant.

Les juges Deschamps et Fish (dissidents) : Il y a accord avec les motifs de la Cour d’appel et avec sa conclusion suivant laquelle l’emprisonnement avec sursis pouvait être prononcé en l’espèce. Une peine de moins de deux ans ne se transforme pas, pour l’application du second préalable de l’art. 742.1 du Code criminel, en une peine de plus de deux ans simplement parce que le juge du procès a, en infligeant la peine de moins de deux ans, pris en compte la période déjà passée sous garde par suite de l’infraction. Lorsque aucune peine minimale d’emprisonnement n’est prévue à l’égard de l’infraction, l’art. 742.1 habilite le tribunal, en termes on ne peut plus clairs, à surseoir à l’emprisonnement chaque fois qu’il inflige une peine de moins de deux ans et qu’il est convaincu que le fait de purger la peine au sein de la collectivité satisfait au critère énoncé à cet égard à l’art. 742.1. Le paragraphe 719(3) du Code autorise le tribunal qui aurait autrement pu prononcer une peine de plus de deux ans à infliger une peine de moins de deux ans dans le cas où un emprisonnement plus long constituerait une peine excessive, vu la période déjà passée sous garde par suite de l’infraction. Sur le plan de la loi, la peine de moins de deux ans qui en résulte satisfait clairement au second préalable de l’art. 742.1. Rien dans l’arrêt Proulx n’exclut la possibilité d’ordonner l’emprisonnement avec sursis dans les cas où, comme en l’espèce, les conditions prévues par la loi sont réunies.


Parties
Demandeurs : Sa Majesté la Reine
Défendeurs : Fice

Références :

Jurisprudence
Citée par le juge Bastarache
Arrêt appliqué : R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61, 2000 CSC 5
arrêts mentionnés : R. c. Wu, [2003] 3 R.C.S. 530, 2003 CSC 73
R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455, 2000 CSC 18
R. c. McDonald (1998), 127 C.C.C. (3d) 57
R. c. Knoblauch, [2000] 2 R.C.S. 780, 2000 CSC 58
R. c. Predenchuk (2000), 199 Sask. R. 264, 2000 SKCA 122
R. c. Runns (2002), 165 C.C.C. (3d) 217, 2002 SKCA 48
R. c. Dobis (2002), 58 O.R. (3d) 536
R. c. Persaud (2002), 26 M.V.R. (4th) 41
R. c. Bastien, [2003] R.J.Q. 1695
R. c. McClelland (2001), 281 A.R. 378, 2001 ABCA 182
R. c. La (2003), 15 Alta. L.R. (4th) 56, 2003 ABQB 391
R. c. Skani (2002), 331 A.R. 50, 2002 ABQB 1097
R. c. Brown (2002), 32 M.V.R. (4th) 211, 2002 ABPC 187
R. c. Harris (2002), 167 C.C.C. (3d) 246, 2002 BCCA 152
Bell ExpressVu Limited Partnership c. Rex, [2002] 2 R.C.S. 559, 2002 CSC 42.
Citée par le juge Fish (dissident)
R. c. Proulx, [2000] 1 R.C.S. 61, 2000 CSC 5
R. c. Wust, [2000] 1 R.C.S. 455, 2000 CSC 18.
Lois et règlements cités
Code criminel, L.R.C. 1985, ch. C‑46, Partie XXIII, art. 718, 718.1, 718.2, 719(1), (3), 731(1)b), 742.1.
Doctrine citée
Roberts, Julian V. « Pre-Trial Custody, Terms of Imprisonment and the Conditional Sentence : Crediting “Dead Time” to Effect “Regime Change” in Sentencing » (2005), 9 R.C.D.P. 191.

Proposition de citation de la décision: R. c. Fice, 2005 CSC 32 (20 mai 2005)


Origine de la décision
Date de la décision : 20/05/2005
Date de l'import : 06/04/2012

Numérotation
Référence neutre : 2005 CSC 32 ?
Numéro d'affaire : 29965
Identifiant URN:LEX : urn:lex;ca;cour.supreme;arret;2005-05-20;2005.csc.32 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award