Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société SI Pro Roc Azur a demandé au tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des exercices clos en 2007 et 2008, en droits et pénalités ainsi que de l'amende qui lui a été infligée en application de l'article 1759 du code général des impôts.
Par un jugement no 1703596 du 10 octobre 2019, le tribunal administratif de Montreuil a prononcé la réduction de la base imposable à l'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos en 2007 et 2008 respectivement, de 2 032 988 euros et de 1 064 178 euros, et déchargé la société SI Pro Roc Azur des droits, intérêts de retard et majorations correspondant, et a rejeté le surplus de ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 10 décembre 2019, la société SI Pro Roc Azur représentée par Me A..., avocat, demande à la cour :
1° d'annuler le jugement attaqué en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2° de prononcer la décharge des impositions litigieuses restant à sa charge ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la proposition de rectification est insuffisamment motivée ;
- la procédure d'imposition d'office a méconnu les droits de la défense ;
- la société n'est pas imposable en France faute d'y avoir un établissement stable et en l'absence de revenus locatifs des biens immobiliers sis en France, les contrats de location n'ayant pas été mis en oeuvre et aucun produit résultant de loyer ne pouvant être réintégré ;
- la méthode retenue par l'administration pour reconstituer le bilan de la société est radicalement viciée ;
- les charges sont déductibles ;
- aucune distribution occulte n'est intervenue et l'amende fondée sur l'article 1759 du code général des impôts ne pouvait pas être appliquée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- les décrets n° 2020-1404 et n° 2020-1405 du 18 novembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Beaujard, président,
- les conclusions de M. Met, rapporteur public,
- et les observations de Me A..., pour la société Si Pro Roc Azur.
Considérant ce qui suit :
1. La société SI Pro Roc Azur, société de droit suisse, propriétaire de biens immobiliers donnés bail, situés respectivement à Olmeto (Corse du Sud) et Paris, relève appel du jugement du 10 octobre 2019 par lequel le tribunal administratif de Montreuil, l'a déchargée des droits, intérêts de retard et majorations correspondants à la réduction de la base imposable à l'impôt sur les sociétés de 2 032 988 euros et de 1 064 178 euros au titre des exercices clos en 2007 et 2008, en tant qu'il, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, aux termes du premier alinéa de l'article 53 A du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de l'article 302 septies les contribuables, autres que ceux soumis au régime défini à l'article 50-0, sont tenus de souscrire chaque année, dans les conditions et délais prévus aux articles 172 et 175, une déclaration permettant de déterminer et de contrôler le résultat imposable de l'année ou de l'exercice précédent ". Et aux termes du premier alinéa de l'article 54 du même code : " Les contribuables mentionnés à l'article 53 A sont tenus de représenter à toute réquisition de l'administration tous documents comptables, inventaires, copies de lettres, pièces de recettes et de dépenses de nature à justifier l'exactitude des résultats indiqués dans leur déclaration ". Ainsi, et alors même qu'elle avait son siège social en Suisse, la société requérante avait l'obligation de déposer une déclaration de résultats en France.
3. L'article L. 66 du livre des procédures fiscales : " Sont taxés d'office : / (...) 2° à l'impôt sur les sociétés, les personnes morales passibles de cet impôt qui n'ont pas déposé dans le délai légal leur déclaration, sous réserve de la procédure de régularisation prévue à l'article L. 68 (...) ". Il est constant que l'administration a adressé à la Société SI Pro Roc Azur une mise en demeure de déposer, dans un délai de trente jours, ses déclarations de résultats au titre des exercices clos en 2007 et en 2008, et que la société requérante, qui a reçu cette mise en demeure le 27 avril 2010, n'a transmis ses déclarations que le 15 octobre 2010, soit après l'expiration du délai de trente jours. Ainsi l'administration, qui n'avait pas l'obligation d'indiquer, dans sa mise en demeure, les impositions qui lui paraissaient devoir faire l'objet des déclarations, est fondée à se prévaloir, sans porter atteinte aux droits de la défense, de la situation de taxation d'office dans laquelle se trouvait la société SI Pro Roc Azur au titre des exercices clos en 2007 et 2008.
4. En second lieu, aux termes de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales : " Les bases ou éléments servant au calcul des impositions d'office et leurs modalités de détermination sont portées à la connaissance du contribuable trente jours au moins avant la mise en recouvrement des impositions (...) ". La proposition de rectification du 1er décembre 2010 mentionne les années d'imposition, les motifs des redressements, le montant des bases d'imposition et celui des droits rappelés, ainsi que les textes applicables, en l'espèce le 2 de l'article 38 du code général des impôts, ainsi que le l de l'article 39 et l'article 1759 du même code. Par suite, et alors même qu'elle ne cite pas la convention fiscale bilatérale conclue entre la France et la Suisse, la proposition de rectification critiquée satisfait aux prescriptions des dispositions de l'article L. 76 du livre des procédures fiscales applicable en l'espèce. Il suit de là que le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la proposition de rectification litigieuse doit être écarté.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
5. Aux termes de l'article 209 du code général des impôts : " Sous réserve des dispositions de la présente section, les bénéfices passibles de l'impôt sur les sociétés sont déterminés d'après les règles fixées par les articles 34 à 45, 53 A à 57, 237 ter A et 302 septies A bis et en tenant compte uniquement des bénéfices réalisés dans les entreprises exploitées en France ainsi que de ceux dont l'imposition est attribuée à la France par une convention internationale relative aux doubles impositions ". Et aux termes de l'article 6 de la convention franco-suisse du 9 septembre 1966 : " 1. Les revenus provenant de biens immobiliers (...) sont imposables dans l'Etat contractant où ses biens sont situés (...) 4. Les dispositions des paragraphes 1 (...) s'appliquent également aux revenus provenant des biens immobiliers d'une entreprise (...) ". Il résulte de ces dispositions et stipulations que l'imposition des immeubles productifs de revenus situés sur le territoire français acquis par la société requérante était attribuée à la France, et relevait de l'impôt sur les sociétés.
6. Pour établir l'imposition, l'administration a procédé à un examen critique des déclarations déposées. Elle a, à bon droit, pris en compte les loyers des immeubles mis en location, lesquels s'élèvent à la somme de 11 400 euros en 2007, alors même que la société aurait renoncé à percevoir ces loyers suite à une libéralité étrangère à une gestion commerciale normale. Les loyers de l'année 2008 n'ont pour leur part fait l'objet, ainsi qu'il est constant, d'aucune rectification. Il est également constant que la société requérante, qui ne dispose pas d'établissement stable en France, n'a pas d'autre activité imposable sur le territoire. L'administration ne pouvait, cependant, pour déterminer le résultat imposable, faire masse de ces revenus avec l'ensemble des dettes non justifiés, des produits non déclarés, et des charges non justifiées, lesquels ne peuvent faire l'objet, lorsqu'ils ne sont pas accompagnés de pièces justificatives et qu'ils ont été ainsi déduits à tort des résultats, que d'une réintégration dans les bénéfices déclarés ou reconstitués, et dans la limite de ceux-ci. Par suite, la société requérante ne pouvait faire l'objet que d'une imposition sur le montant de ses revenus locatifs en litige, dont il n'y a lieu, en l'absence de justificatifs, de ne déduire aucune charge, et non sur le montant cumulé de ces revenus et des dettes, produits ou charges non justifiés. Il y a lieu, par suite, de fixer les bases de l'imposition de l'année 2007 à 11 400 euros, aucune imposition n'étant due en l'absence de revenus au titre de l'année 2008.
Sur l'amende de l'article1759 du code général des impôts :
7. Aux termes de l'article 1759 du code général des impôts : " Les sociétés et les autres personnes morales passibles de l'impôt sur les sociétés qui versent ou distribuent, directement ou par l'intermédiaire de tiers, des revenus à des personnes dont, contrairement aux dispositions des articles 117 et 240, elles ne révèlent pas l'identité, sont soumises à une amende égale à 100 % des sommes versées ou distribuées. Lorsque l'entreprise a spontanément fait figurer dans sa déclaration de résultat le montant des sommes en cause, le taux de l'amende est ramené à 75 %.
8. La société SI Pro Roc Azur n'ayant pas révélé l'identité des bénéficiaires des distributions restant à sa charge, elle est seulement fondée à demander la réduction de cette pénalité en conséquence de la réduction en base de l'imposition ci-dessus prononcée au titre de l'année 2007. La décharge de cette pénalité au titre de l'année 2008 est prononcée en conséquence de la décharge des impositions relatives à cette année.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société SI Pro Roc Azur est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montreuil a rejeté, au-delà du montant en bases déterminé aux points 6 et 8 ci-dessus, sa demande tendant à la décharge des impositions et pénalités litigieuses au titre de l'année 2007, et a rejeté sa demande au titre de l'année 2008.
Sur les frais de l'instance :
10. Aux termes de l'article L.761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ".
11. Il est mis à la charge de l'Etat, en application des dispositions précitées de l'article L.761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 500 euros à verser à la société SI Pro Roc Azur au titre des frais de l'instance.
DÉCIDE :
Article 1er : Les bases de l'imposition de la société SI Pro Roc Azur sont fixées à la somme de 11 400 euros au titre de l'année 2007.
Article 2 : L'imposition de la société SI Pro Roc Azur au titre de l'année 2007 est réduite de la différence entre le montant restant à sa charge suite au jugement no 1703596 du 10 octobre 2019 du tribunal administratif de Montreuil et celui résultant de l'application de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : L'amende de l'article 1759 du code général des impôts mise à la charge de la société SI Pro Roc Azur au titre de l'année 2007 est réduite dans les conditions exposées au point 8 ci-dessus.
Article 4 : La société SI Pro Roc Azur est déchargée de l'imposition et de la pénalité prévue par l'article 1759 du code général des impôts au titre de l'année 2008.
Article 5 : L'Etat versera à la société SI Pro Roc Azur une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SI Pro Roc Azur est rejeté.
Article 7 : le jugement no 1703596 du 10 octobre 2019 du tribunal administratif de Montreuil est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
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N° 19VE04063