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14/10/2021 | FRANCE | N°19VE01088

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 14 octobre 2021, 19VE01088


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Etampes et la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne, venue aux droits de la communauté de communes de l'Etampois-Sud-Essonne, ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la société Bull, à titre principal, à leur verser respectivement la somme de 544 135, 31 euros et de 86 171, 43 euros, et, à titre subsidiaire, à leur verser à chacune la somme de 9 540 euros en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 1606746-1606749 du 28 janvier 2019

, le tribunal administratif de Versailles a condamné la société Bull à verser resp...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune d'Etampes et la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne, venue aux droits de la communauté de communes de l'Etampois-Sud-Essonne, ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la société Bull, à titre principal, à leur verser respectivement la somme de 544 135, 31 euros et de 86 171, 43 euros, et, à titre subsidiaire, à leur verser à chacune la somme de 9 540 euros en réparation de leurs préjudices.

Par un jugement n° 1606746-1606749 du 28 janvier 2019, le tribunal administratif de Versailles a condamné la société Bull à verser respectivement à la commune d'Etampes et à la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne la somme de 272 067 euros et la somme de 43 085 euros et a rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête et des mémoires, enregistrés le 28 mars 2019, le 9 septembre 2019 et le 21 janvier 2020, la société Bull, représentée par Me Cabanes et Me Perche, avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de rejeter les demandes présentées par la commune d'Etampes et la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne devant le tribunal administratif ;

3°) de mettre à la charge de la commune d'Etampes et de la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne, solidairement, le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le jugement attaqué est entaché d'erreur d'appréciation, d'erreur de droit et est insuffisamment motivé en ce qu'il ne justifie pas le montant des condamnations prononcées ;

- il n'existe pas de lien contractuel entre la commune d'Etampes et la société exposante ; sa responsabilité contractuelle ne peut donc être engagée vis-à-vis de la commune ;

- sa responsabilité quasi-délictuelle ne peut être engagée, un tiers à un contrat ne pouvant se prévaloir des stipulations de ce contrat ;

- la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne a commis une faute contractuelle de nature à exonérer l'exposante de toute responsabilité ;

- elle n'a pas commis de faute lourde permettant d'exclure l'application de la clause limitative de responsabilité ;

- le préjudice allégué par la commune d'Etampes et la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne n'est pas justifié ; il n'est pas établi que la commune et la communauté d'agglomération aient supporté des coûts supplémentaires en frais de personnel pour la récupération des données perdues.

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Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Camenen,

- les conclusions de Mme Sauvageot, rapporteure publique,

- les observations de Me Perche pour la société Bull et celles de Me Dord, pour la commune d'Etampes et la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne.

Considérant ce qui suit :

1. La commune d'Etampes et la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne ont demandé au tribunal administratif de Versailles de condamner la société Bull à leur verser respectivement la somme de 544 135, 31 euros et la somme de 86 171, 43 euros en réparation des préjudices résultant de l'intervention d'un agent de la société sur leur infrastructure informatique le 28 novembre 2014. La société Bull relève appel du jugement du tribunal administratif de Versailles du 28 janvier 2019 en tant qu'il l'a condamnée à verser les sommes de 272 067 euros et de 43 085 euros respectivement à la commune d'Etampes et à la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne. Par la voie d'appels incidents, ces deux collectivités demandent à la cour de faire intégralement droit à leurs conclusions de première instance.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, il résulte du point 7 du jugement attaqué que le tribunal administratif a suffisamment précisé les motifs pour lesquels il a estimé que le préjudice de la commune d'Etampes et de la communauté d'agglomération pouvait être justement apprécié respectivement à la somme de 272 067 euros et à la somme de 43 085 euros. Par suite, le moyen tiré de ce que le jugement attaqué serait insuffisamment motivé doit être écarté.

3. En second lieu, si la requérante soutient que le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait, de droit ou de contradiction de motifs, de tels moyens, qui se rattachent au bien-fondé du raisonnement suivi par le tribunal administratif, ne sont pas de nature à entacher ce jugement d'irrégularité.

Au fond :

4. Il résulte de l'instruction que la communauté de communes de l'Etampois-Sud-Essonne a procédé en 2013 à la refonte globale de son système de production informatique en faisant appel à la société LNA, attributaire d'un accord conclu avec l'UGAP. La société LNA a sous-traité la fourniture des serveurs et la maintenance du matériel à la société Bull. Il résulte également de l'instruction et, en particulier, de deux attestations d'exécution du 23 décembre 2013, que la commune d'Etampes a, de la même façon, conclu en 2013 des marchés visant à la refonte de son système de production informatique. Par ailleurs, par un bon de commande du 24 juillet 2014, la communauté de communes de l'Etampois-Sud-Essonne a demandé à la société Bull de lui fournir deux licences supplémentaires pour son infrastructure de sauvegarde informatique. Un préposé de la société Bull est intervenu sur place le 28 novembre 2014, a procédé à l'installation des licences et a vérifié les sauvegardes existantes. Des anomalies ayant été détectées, il a tenté de remettre en fonctionnement ces sauvegardes. Toutefois, son intervention ayant entraîné un retour à la situation de juillet 2014, de nombreuses données ont été perdues.

En ce qui concerne la responsabilité de la société Bull à l'égard de la commune d'Etampes :

5. En premier lieu, s'il est établi, ainsi qu'il a été dit au point 4, que la commune d'Etampes a conclu en 2013 des marchés visant à la refonte de son système de production informatique, ceux-ci n'ont pas été souscrits directement avec la société Bull mais auprès de la société LNA, attributaire d'un accord conclu avec l'UGAP. En outre, il n'est pas établi, notamment par le courriel de la société Bull du 5 décembre 2014 ou le compte rendu d'intervention du 9 décembre 2014, que la communauté de communes aurait agi en qualité de mandataire de la commune d'Etampes lorsqu'elle a conclu en 2014 un marché avec la société Bull ou que l'intervention du préposé de la société Bull le 28 novembre 2014 résulte d'un contrat tacitement conclu entre cette dernière et la commune d'Etampes. Ainsi, en l'absence de tout lien contractuel entre elles, la commune d'Etampes n'est pas fondée à rechercher la responsabilité contractuelle de la société Bull.

6. En second lieu, la commune d'Etampes demande à titre subsidiaire de condamner la société Bull sur un fondement quasi-délictuel. Toutefois, en sa qualité de tiers au contrat conclu par la communauté de communes, elle ne saurait invoquer, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, un manquement de la société Bull à ses obligations contractuelles.

7. Il résulte de ce qui précède, d'une part, que la société Bull est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à indemniser la commune d'Etampes et, d'autre part, que les conclusions d'appel incident de la commune d'Etampes doivent être rejetées.

En ce qui concerne la responsabilité de la société Bull à l'égard de la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne :

S'agissant de l'engagement de la responsabilité de la société Bull :

8. En premier lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 4, que la société Bull est liée contractuellement, par le bon de commande précité du 24 juillet 2014, à la communauté de communes de l'Etampois-Sud-Essonne, devenue communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne. Il résulte également de l'instruction, en particulier du compte rendu d'intervention de la société Bull du 9 décembre 2014 et d'un courriel du chef de projet du 5 décembre 2014, que son préposé a commis le 28 novembre 2014 une erreur de manipulation qui a entraîné un retour à la situation de juillet 2014. Alors même que cette intervention aurait été réalisée en marge de la commande passée par la communauté de communes, elle est intervenue à l'occasion de l'exécution d'une prestation contractuellement prévue et constitue une faute de nature à engager la responsabilité contractuelle de ladite société à l'égard de la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne. En revanche, il n'est pas établi, notamment par le courriel du directeur général des services de la commune d'Etampes du 5 décembre 2014, que l'intervention de la société Bull résulte d'un mauvais paramétrage initial des logiciels effectué par son préposé à l'été 2014. En outre, il n'est pas davantage établi que la société Bull a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de son cocontractant.

9. En second lieu, pour s'exonérer de sa responsabilité, la société Bull fait valoir qu'il appartenait à la communauté d'agglomération de sauvegarder ses données avant l'intervention de son préposé et de veiller régulièrement au bon fonctionnement des sauvegardes. Le bon de commande du 24 juillet 2014 signé par la communauté de communes ayant été établi conformément à la proposition commerciale de la société Bull du 19 juin 2014 qui fait référence à son livret contractuel, cette dernière pièce doit être regardée comme faisant partie des pièces du marché alors même qu'elle n'a pas été paraphée par l'administration. Il résulte de l'article 1.9.16 de ce livret contractuel 2014 fourni par la société Bull que " le client devra, préalablement à toute intervention de Bull, sauvegarder les informations, les logiciels, les données et les fichiers contenus dans le matériel concerné par l'intervention ". Il n'est pas contesté que la communauté de communes n'a pas sauvegardé ses données avant l'intervention de la société Bull. Dans ces conditions, elle doit être regardée comme ayant commis une faute de nature à exonérer la société Bull de la moitié de sa responsabilité.

S'agissant du préjudice de la communauté de communes :

10. La société Bull soutient que le préjudice économique de la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne n'est pas établi dès lors que la collectivité n'a pas recruté d'agent supplémentaire pour la récupération des données perdues. La communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne produit un tableau faisant apparaître qu'elle a mobilisé cinq agents permanents pour réaliser cette tâche, trois à hauteur de 50 % de leur temps de travail et deux à 100 %, pendant une période totale de six mois. Elle sollicite une indemnité de 86 171,43 euros calculée en prenant en compte le temps de travail de ces agents pour la récupération des données et leur rémunération correspondante. Elle produit également en appel des attestations des agents indiquant avoir travaillé à la récupération des données pendant une période s'étalant du 1er décembre 2014 au 19 janvier 2019 ainsi que des inventaires de copies et de fichiers informatiques. Toutefois, ces éléments ne permettent pas d'établir que la communauté de communes a dû procéder à des recrutements de personnel ou verser des rémunérations plus élevées que celles habituellement pratiquées en raison d'un surcroît de charge de travail lié à la récupération des données informatiques perdues. Si elle allègue qu'elle a dû mobiliser ses agents sur la récupération des données perdues " au détriment d'autre missions de service public qu'il faudra en tout état de cause réaliser ", elle n'apporte aucune précision de nature à établir la réalité du préjudice dont elle fait ainsi état. Ainsi, la communauté d'agglomération ne justifie pas de l'existence d'un préjudice en lien direct avec la suppression de ses données informatiques à la suite de l'intervention d'un préposé de la société Bull le 28 novembre 2014. Par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées sans qu'il y ait lieu de se prononcer sur l'application de la clause limitative de responsabilité invoquée par la société Bull.

11. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède, d'une part, que la société Bull est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif l'a condamnée à indemniser la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne et, d'autre part, que les conclusions d'appel incident de la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne doivent être rejetées.

Sur les frais liés à l'instance :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la société Bull, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une quelconque somme à la commune d'Etampes et à la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne au titre des frais exposés par elles et non compris dans les dépens. En revanche, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la commune d'Etampes et de la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne solidairement le versement à la société Bull de la somme de 2 000 euros au titre de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1606746-1606749 du 28 janvier 2019 du tribunal administratif de Versailles est annulé.

Article 2 : Les demandes présentées par la commune d'Etampes et la communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne devant tribunal administratif de Versailles et leurs conclusions d'appel incident sont rejetées.

Article 3 : La communauté d'agglomération de l'Etampois-Sud-Essonne et la commune d'Etampes verseront solidairement à la société Bull la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

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N° 19VE01088


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19VE01088
Date de la décision : 14/10/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: M. Gildas CAMENEN
Rapporteur public ?: Mme SAUVAGEOT
Avocat(s) : CABINET FIDUCIAL LEGAL BY LAMY

Origine de la décision
Date de l'import : 26/10/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2021-10-14;19ve01088 ?
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