La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/11/2020 | FRANCE | N°19PA01078

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 4ème chambre, 13 novembre 2020, 19PA01078


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes, M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'habilitation secret-défense et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui octroyer l'habilitation secret-défense ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, d'autre part, d'annuler la décision du 27 septembr

e 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réint...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par trois requêtes, M. A... B... a demandé au Tribunal administratif de Paris, d'une part, d'annuler la décision du 30 janvier 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur lui a refusé l'habilitation secret-défense et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de lui octroyer l'habilitation secret-défense ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement à intervenir, d'autre part, d'annuler la décision du 27 septembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a rejeté sa demande de réintégration à l'issue de sa mise en disponibilité pour convenances personnelles, ainsi que la décision implicite de rejet née le 13 septembre 2017 du silence gardé par le ministre à la suite de sa demande de réintégration et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration à compter du 31 octobre 2017, en toute hypothèse de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, enfin, d'annuler la décision du 1er décembre 2017 par laquelle le ministre de l'intérieur a procédé à son licenciement à compter du 2 décembre 2017 et d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration à compter du 2 octobre 2017, en toute hypothèse de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard.

Par un jugement n° 1704149/5-2-1717573/5-2-1801131/5-2 du 21 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 1er décembre 2017 en tant que le licenciement de M. B... prenait effet avant l'expiration du délai de préavis de deux mois, a enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer juridiquement M. B... pour une période correspondant à son préavis et rejeté le surplus de ses demandes.

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 18 mars 2019 et un mémoire en réplique enregistré le 6 juillet 2020, M. B..., représenté par le Cabinet Cassel, demande à la Cour :

1°) d'annuler le jugement du 21 février 2019 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il a rejeté ses demandes ;

2°) d'annuler la décision du 1er décembre 2017 du ministre de l'intérieur prononçant son licenciement à compter du 2 décembre 2017 ;

3°) d'annuler la décision du 27 septembre 2017 du ministre de l'intérieur rejetant sa demande de réintégration à l'issue de sa mise en disponibilité d'office pour convenances personnelles, ainsi, en tant que de besoin, que la décision implicite de rejet ;

4°) d'enjoindre au ministre de l'intérieur de procéder à sa réintégration à compter du 31 octobre 2017, et en toute hypothèse, de réexaminer son dossier, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, à compter de l'arrêt à intervenir ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.

Il soutient que :

- la décision de licenciement est entachée d'une insuffisance de motivation en droit et en fait ;

- la décision de licenciement est entachée d'un vice de procédure tiré des irrégularités affectant la réunion de la commission consultative paritaire qui n'a pas procédé à un examen rigoureux de son dossier ;

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure faute pour l'administration d'avoir procédé à une recherche préalable des possibilités d'affectation à un poste similaire au sien ; le ministre n'a pas interrogé tous ses services sur les possibilités de reclassement et s'est limité à rechercher un poste de traducteur-interprète en arabe sans rechercher s'il pouvait occuper un autre emploi ; aucun élément ne permet de considérer que son poste initial n'était pas disponible ni que de réelles recherches de reclassement aient été effectuées ni qu'aucun poste correspondant à ses compétences ne pouvait lui être proposé ;

- au regard de ses compétences attestées par ses évaluations depuis 2009 et des services rendus, il avait droit à un reclassement conforme à ses compétences ;

- le seul véritable grief qui lui est reproché par le ministère de l'intérieur pour s'opposer à sa réintégration et à son habilitation " secret-défense " est un supposé manque de transparence en ce qu'il aurait omis d'évoquer les démêlés judiciaires de sa famille ; en ce qui concerne les infractions imputées à son père et ses deux demi-frères, les faits sont anciens ; il a informé sa hiérarchie à chaque renouvellement de son habilitation en 2005 et 2010 qu'il n'avait plus de contact avec les membres de sa famille incriminés depuis 2001 ; il n'est pas établi que les infractions imputées à son fils mineur auraient un lien avec la défense nationale ; lors de la notification du retrait d'habilitation le 13 février 2017, le procès-verbal mentionnait que sa probité n'était pas en cause ; le vol par effraction reproché à son fils mineur a été classé sans suite par le Procureur de la République, son fils ayant été au contraire victime d'un vol, ce qui a donné lieu au dépôt d'une main courante le 21 mai 2014 ; il n'avait pas à évoquer avec sa hiérarchie des faits dont son fils était innocent et il n'a pas été interrogé sur ces points lors des entretiens de sécurité ;

Par un mémoire en défense enregistrés le 24 février 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête ;

Il soutient que :

- par une décision du 30 septembre 2019, il a exécuté le jugement attaqué en réintégrant juridiquement M. B... pour la période du 2 décembre 2017 au 9 février 2018 inclus ; il a également prononcé son licenciement à compter du 10 février 2018 ;

- aucun des moyens de la requête n'est fondé ;

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n° 86-83 du 17 janvier 1986 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme C...,

- et les conclusions de M. Baronnet, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... a exercé, du 2 janvier 1997 jusqu'au mois d'octobre 2014, les fonctions de traducteur interprète en langues arabe et kabyle au sein de la direction de la surveillance du territoire du ministère de l'intérieur, devenue successivement la direction centrale du renseignement intérieur puis la direction générale de la sécurité intérieure (DGSI), fonctions nécessitant une habilitation au niveau secret-défense. Au cours d'une disponibilité pour convenances personnelles, M. B... a sollicité sa réintégration anticipée au sein de la DGSI par un courrier en date du 8 février 2016. Par une décision du 30 janvier 2017, le ministre de l'intérieur a refusé de renouveler son habilitation secret-défense. Le 11 juillet 2017, M. B... a de nouveau demandé à être réintégré dans son emploi à l'issue de sa disponibilité pour convenances personnelles. Une décision implicite de rejet a été opposée à cette demande, décision confirmée par courrier du 27 septembre 2017. Enfin, par décision du 1er décembre 2017, M. B... a fait l'objet d'une décision de licenciement. Par trois requêtes, M. B... a demandé l'annulation de ces trois décisions. Par jugement du 21 février 2019, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 1er décembre 2017 en tant que le licenciement de M. B... prenait effet avant l'expiration du délai de préavis de deux mois, a enjoint au ministre de l'intérieur de réintégrer juridiquement M. B... pour une période correspondant à son préavis et rejeté le surplus de ses demandes.

Sur les conclusions tendant à l'annulation des décisions rejetant la demande de réintégration de M. B... :

2. Aux termes de l'article 24 du décret susvisé du 17 janvier 1986 : " I. - Pour les congés faisant l'objet des articles 20, 22 et 23, l'agent sollicite, au moins trois mois avant le terme du congé, le renouvellement de son congé ou sa demande de réemploi par lettre recommandée avec accusé de réception. (...) III. - L'agent peut demander, dans les mêmes conditions que celles prévues au I, qu'il soit mis fin au congé avant le terme initialement fixé. Cette demande est adressée à l'administration en respectant un préavis de trois mois au terme duquel l'agent est réemployé dans les conditions définies à l'article 32. (...). " et aux termes de l'article 32 du même décret : " A l'issue des congés prévus au titre IV, aux articles 20, 20 bis, 21, 22 et 23 du titre V et à l'article 26 du titre VI, les agents physiquement aptes et qui remplissent toujours les conditions requises sont réemployés sur leur emploi ou occupation précédente dans la mesure permise par le service. Dans le cas contraire, ils disposent d'une priorité pour être réemployés sur un emploi ou occupation similaire assorti d'une rémunération équivalente. ".

3. M. B... soutient que les décisions rejetant sa demande de réintégration anticipée sont entachées d'illégalité faute pour l'administration d'avoir procédé à une recherche préalable des possibilités d'affectation à un poste similaire au sien, le ministre n'ayant pas interrogé tous ses services sur les possibilités de reclassement et s'étant limité à rechercher un poste de traducteur-interprète en arabe sans rechercher s'il pouvait occuper un autre emploi. Il ressort toutefois des pièces du dossier que le refus d'habilitation " secret défense " opposé à M. B... par décision du 30 janvier 2017 dont l'intéressé ne conteste plus en appel la légalité, rendait impossible sa réintégration au sein de la DGSI et que les recherches de reclassement effectuées à partir du 6 mars 2017 au sein de la direction centrale de la police judiciaire, de la direction centrale de la sécurité publique, de la direction des étrangers en France et de la direction générale de la gendarmerie, ainsi que de la direction des ressources et des compétences de la police nationale, ont été infructueuses. Compte tenu de la spécificité des compétences de M. B..., traducteur interprète en langue arabe et kabyle, il ne peut être fait grief au ministre de ne pas avoir sollicité l'ensemble des services et sous-directions cités par l'appelant dans sa requête. Par suite, ce dernier n'est pas fondé à soutenir que les décisions attaquées auraient méconnu les dispositions précitées de l'article 32 du décret du 17 janvier 1986.

4. M. B... soutient qu'au regard de ses qualifications et des services rendus, attestés par ses évaluations depuis 2009, il avait droit à un reclassement conforme à ses compétences. Toutefois, ce moyen est inopérant, les compétences et la manière de servir de M. B... n'étant pas le motif de rejet de sa demande de réintégration.

5. M. B... soutient, enfin, que le seul véritable grief qui lui est reproché par le ministère de l'intérieur pour s'opposer à sa réintégration est un supposé manque de transparence en ce qu'il aurait omis d'évoquer les démêlés judiciaires de sa famille. Toutefois, si ce grief a pu fonder le refus d'habilitation " secret défense " de M. B... et, par là-même, l'impossibilité de le réintégrer au sein de la DGSI en l'absence d'une telle habilitation, il ne constitue pas le motif du rejet de sa demande de réintégration en tant qu'elle se fonde sur l'impossibilité de reclassement au sein d'autres services, évoquée au point 3. Ce moyen ne peut en conséquence qu'être écarté.

Sur les conclusions tendant à l'annulation de la décision de licenciement :

6. M. B... soutient, en premier lieu, que la décision de licenciement est entachée d'une insuffisance de motivation en droit et en fait. Toutefois, il ressort de la décision attaquée qu'elle s'intitule " Décision portant licenciement de M. A... B... pour impossibilité de réintégration à l'issue d'un congé pour convenance personnelle ", mentionnant ainsi le motif de fait retenu pour le licenciement, et vise tous les textes dont elle fait application, en particulier l'article 45-3 5° du décret du 17 janvier 1986. Le moyen doit en conséquence être écarté.

7. Si M. B... soutient, en second lieu, que la décision de licenciement est entachée d'un vice de procédure tiré des irrégularités affectant la réunion de la commission consultative paritaire qui n'a pas procédé à un examen rigoureux de son dossier, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus par les premiers juges.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, il y a lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et ainsi que celles présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 9 octobre 2020, à laquelle siégeaient :

- Mme C..., présidente,

- M. Mantz, premier conseiller,

- Mme Portes, premier conseiller.

Lu en audience publique le 13 novembre 2020.

La présidente-rapporteure

M. C...L'assesseur le plus ancien,

P. MANTZ

Le greffier,

A. BENZERGUA

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19PA01078


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19PA01078
Date de la décision : 13/11/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Fonctionnaires et agents publics - Cessation de fonctions - Licenciement - Auxiliaires - agents contractuels et temporaires.

Fonctionnaires et agents publics - Agents contractuels et temporaires - Fin du contrat - Licenciement.


Composition du Tribunal
Président : Mme JULLIARD
Rapporteur ?: Mme Marianne JULLIARD
Rapporteur public ?: M. BARONNET
Avocat(s) : S.E.L.A.F.A. CABINET CASSEL

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-11-13;19pa01078 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award