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19/04/2021 | FRANCE | N°19MA01922

France | France, Cour administrative d'appel de Marseille, 5ème chambre, 19 avril 2021, 19MA01922


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... et Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler le refus du préfet des Pyrénées-Orientales d'abroger son arrêté du 2 août 1982 portant interdiction du stationnement de caravanes et d'habitations légères de loisirs à Saint-André, ainsi que le refus du maire de Saint-André d'abroger son arrêté du 28 juillet 2005 ayant le même objet.

Par un jugement nos 1702542 et 1702543 du 12 mars 2019, le tribunal administrat

if de Montpellier a rejeté leurs demandes après les avoir jointes.

Procédure devan...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. G... C... et Mme D... F... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, par deux actes introductifs d'instance, d'annuler le refus du préfet des Pyrénées-Orientales d'abroger son arrêté du 2 août 1982 portant interdiction du stationnement de caravanes et d'habitations légères de loisirs à Saint-André, ainsi que le refus du maire de Saint-André d'abroger son arrêté du 28 juillet 2005 ayant le même objet.

Par un jugement nos 1702542 et 1702543 du 12 mars 2019, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes après les avoir jointes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 16 avril 2019, M. C... et Mme F..., représentés par Me B..., demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 12 mars 2019 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler le refus du préfet des Pyrénées-Orientales d'abroger son arrêté du 2 août 1982 portant interdiction du stationnement de caravanes et d'habitations légères de loisirs à Saint-André, ainsi que le refus du maire de Saint-André d'abroger son arrêté du 28 juillet 2005 ayant le même objet ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat et de la commune de Saint-André la somme de 1 500 euros chacun en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les arrêtés contestés omettent d'exclure de leur champ d'application les résidences mobiles constituant l'habitat permanent des gens du voyage ;

- ils méconnaissent les dispositions du 1° du III de l'article 9 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ;

- ils méconnaissent les articles 8 et 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'article 1er du premier protocole de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que les articles 2, 17 et 26 du pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Par un mémoire en défense, enregistré le 15 novembre 2019, la commune de Saint-André, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de rejeter la requête présentée par M. C... et Mme F... ;

2°) de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable, dès lors qu'elle est dépourvue de moyens d'appel ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

La requête a été communiquée à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales, qui n'a pas produit de mémoire.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt à la cour était susceptible, en cas d'annulation, de prononcer une injonction éventuellement assortie d'une astreinte sur le fondement des articles L. 911-1 et L. 911-3 du code de justice administrative.

Un mémoire a été enregistré le 11 mars 2021 en réponse à cette mesure d'information pour la commune de Saint-André.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 ;

- le code de justice administrative.

Après avoir entendu en audience publique :

- le rapport de M. E...,

- et les conclusions de M. Pecchioli, rapporteur public.

Considérant ce qui suit :

1. Par deux courriers du 9 février 2017, M. C... et Mme F... ont demandé au préfet des Pyrénées-Orientales d'abroger l'arrêté du 2 août 1982 interdisant le stationnement des caravanes et l'implantation d'habitations légères de loisirs sur les parties du territoire de la commune de Saint-André délimitées par un plan annexé et au maire de Saint-André d'abroger l'arrêté du 28 juillet 2005 interdisant le camping et le stationnement des caravanes en dehors des terrains spécialement aménagés à cet effet sur l'ensemble du territoire communal.

2. L'autorité compétente pour abroger un acte administratif étant celle qui est compétente pour le prendre, la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par l'administration sur la demande tendant à l'abrogation de l'arrêté préfectoral du 2 août 1982 doit être regardée comme émanant du maire de Saint-André.

3. M. C... et Mme F... font appel du jugement du 12 mars 2019 par lequel le tribunal administratif a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation des décisions implicites de refus nées du silence gardé sur leurs demandes.

Sur la recevabilité de l'appel :

4. La requête de M. C... et Mme F..., contient l'exposé des faits et moyens soumis au juge conformément à l'article R. 411-1 du code justice administrative, ainsi d'ailleurs que des moyens d'appel. La fin de non-recevoir opposée par la commune de Saint-André doit donc être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. L'article R. 111-47 du code de l'urbanisme précise que : " Sont regardés comme des caravanes les véhicules terrestres habitables qui sont destinés à une occupation temporaire ou saisonnière à usage de loisirs, qui conservent en permanence des moyens de mobilité leur permettant de se déplacer par eux-mêmes ou d'être déplacés par traction et que le code de la route n'interdit pas de faire circuler ". Aux termes de l'article R. 111-49 du code de l'urbanisme : " L'installation des caravanes, quelle qu'en soit la durée, est interdite dans les secteurs où la pratique du camping a été interdite dans les conditions prévues à l'article R. 111-34. (...) ". L'article R. 111-34 du même code prévoit que " la pratique du camping en dehors des terrains aménagés à cet effet peut (...) être interdite dans certaines zones par le plan local d'urbanisme ou le document d'urbanisme en tenant lieu. Lorsque cette pratique est de nature à porter atteinte à la salubrité, à la sécurité ou à la tranquillité publiques, aux paysages naturels ou urbains, à la conservation des perspectives monumentales, à la conservation des milieux naturels ou à l'exercice des activités agricoles et forestières, l'interdiction peut également être prononcée par arrêté du maire (...) ".

6. Le I de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage dispose que : " Les communes participent à l'accueil des personnes dites gens du voyage et dont l'habitat traditionnel est constitué de résidences mobiles installées sur des aires d'accueil ou des terrains prévus à cet effet. / Ce mode d'habitat est pris en compte par les politiques et les dispositifs d'urbanisme, d'habitat et de logement adoptés par l'Etat et par les collectivités territoriales ". A ce titre, le schéma départemental mentionné au II de cet article prévoit les secteurs géographiques d'implantation et les communes où doivent être réalisés, outre des aires permanentes d'accueil et des aires de grand passage, " 2° Des terrains familiaux locatifs aménagés et implantés dans les conditions prévues à l'article L. 444-1 du code de l'urbanisme et destinés à l'installation prolongée de résidences mobiles, le cas échéant dans le cadre des mesures définies par le plan départemental d'action pour le logement et l'hébergement des personnes défavorisées, ainsi que le nombre et la capacité des terrains ". L'article L. 444-1 du code de l'urbanisme régit " l'aménagement de terrains bâtis ou non bâtis, pour permettre l'installation de résidences démontables constituant l'habitat permanent de leurs utilisateurs définies par décret en Conseil d'Etat ou de résidences mobiles au sens de l'article 1er de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ", qu'il soumet à permis d'aménager ou à déclaration préalable, et, s'il impose en principe que ces terrains soient situés dans des secteurs constructibles, il permet leur aménagement dans des secteurs de taille et de capacité d'accueil limitées définis à cette fin dans les zones naturelles, agricoles ou forestières par le règlement du plan local d'urbanisme, en application de l'article L. 151-13 du code de l'urbanisme. Enfin, l'article R. 421-23 du code de l'urbanisme soumet à déclaration préalable : " d) L'installation, pour une durée supérieure à trois mois par an, d'une caravane autre qu'une résidence mobile mentionnée au j ci-dessous (...) j) L'installation d'une résidence mobile visée par l'article 1er de la loi n° 2000-614 de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage, constituant l'habitat permanent des gens du voyage, lorsque cette installation dure plus de trois mois consécutifs ".

7. Il résulte de l'ensemble des dispositions citées au point précédent que l'installation des résidences mobiles qui, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000, constituent l'habitat permanent de gens du voyage, est entièrement régie par des dispositions particulières qui, notamment, précisent les conditions dans lesquelles ces résidences peuvent faire l'objet d'une installation sur le terrain de leur propriétaire ou en zone non constructible, de même que pour une durée supérieure à trois mois. L'article R. 111-49 du code de l'urbanisme, réglementant l'installation des caravanes, qui figurent d'ailleurs au sein d'une section dont l'article R. 111-31 précise que ses dispositions " ne sont applicables ni sur les foires, marchés, voies et places publiques, ni sur les aires de stationnement créées en application de la loi n° 2000-614 du 5 juillet 2000 relative à l'accueil et à l'habitat des gens du voyage ", n'est pas applicable à l'installation des résidences mobiles qui, au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000, constituent l'habitat permanent de gens du voyage.

8. La commune conteste le caractère constructible du terrain dont les requérants sont propriétaires. Cette question est étrangère au présent litige, qui porte non sur la légalité d'installations individuelles, mais sur celle de deux actes réglementaires applicables, ainsi qu'il a été dit, sur l'ensemble du territoire communal.

9. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal administratif, les résidences mobiles constituant l'habitat permanent des gens du voyage peuvent être des caravanes, non seulement au sens commun, mais également au sens du code de l'urbanisme et des actes réglementaires pris pour son fondement, ainsi que cela résulte d'ailleurs du rapprochement des termes mêmes des dispositions des d) et j) de l'article R. 421-23 citées au point 6. Les arrêtés ayant fait l'objet du refus d'abrogation, dont la légalité s'apprécie au regard des règles applicables à la date à laquelle le juge statue, ont pour seule base légale les dispositions actuelles des articles R. 111-34 et R. 111-49 du code de l'urbanisme. Ils interdisent de façon générale l'installation des caravanes et des habitations légères de loisirs sur le territoire de la commune de Saint-André en dehors des zones spécialement aménagées à cet effet, sans prévoir d'exception pour celles constituant l'habitat permanent de gens du voyage. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point 7 que l'article R.111-49 ne peut légalement fonder une interdiction portant sur ce mode d'habitat, qu'il appartenait aux autorités compétentes de prendre en compte conformément au second alinéa de l'article 1er de la loi du 5 juillet 2000.

10. Il résulte de ce qui précède que les arrêtés du 2 août 1982 et du 28 juillet 2005, ainsi que les décisions implicites par lesquelles le maire de Saint-André a refusé de les abroger, sont illégales en tant qu'elles portent sur les résidences mobiles constituant l'habitat permanent de gens du voyage. M. C... et Mme F... sont par suite fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.

Sur l'injonction :

11. L'article L. 911-1 du code de justice administrative dispose que : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. / La juridiction peut également prescrire d'office cette mesure. " L'article L. 911-3 du même code ajoute que : " La juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. "

12. L'exécution du présent arrêt implique que le maire de Saint-André modifie l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 2 août 1982 et son arrêté du 28 juillet 2005 pour exclure de leur champ d'application les résidences mobiles qui constituent l'habitat permanent de gens du voyage. Il y a lieu, en application des dispositions citées ci-dessus, de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sous astreinte de cinquante euros par jour de retard.

Sur les frais liés au litige :

13. Il y a lieu, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la commune de Saint-André le versement de la somme de 1 500 euros à M. C... et Mme F... au titre des frais qu'ils ont exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions dirigées contre l'Etat.

14. M. C... et Mme F... ne sont pas parties perdantes dans la présente instance. Les dispositions de cet article font en conséquence obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées par la commune de Saint-André sur le même fondement.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement du 12 mars 2019 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : Les décisions implicites refusant d'abroger l'arrêté du 2 août 1982 du préfet des Pyrénées-Orientales et l'arrêté du 28 juillet 2005 du maire de Saint-André sont annulées.

Article 3 : Il est enjoint au maire de Saint-André de modifier les arrêtés du 2 août 1982 et du 28 juillet 2005 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, conformément aux motifs de ce dernier.

Article 4 : Une astreinte de cinquante euros par jour est prononcée à l'encontre de la commune de Saint-André si elle ne justifie pas de l'exécution de la mesure prévue à l'article 3 dans le délai imparti.

Article 5 : La commune de Saint-André communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour exécuter le présent arrêt.

Article 6 : La commune de Saint-André versera la somme de 1 500 euros à M. C... et à Mme F... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 7 : Le présent arrêt sera notifié à M. G... C..., à Mme D... F..., à la commune de Saint-André et à la ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales.

Copie en sera adressée pour information au préfet des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 7 avril 2021, où siégeaient :

- M. Bocquet, président,

- M. Marcovici, président assesseur,

- M. E..., premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 avril 2021.

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No 19MA01922


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Marseille
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19MA01922
Date de la décision : 19/04/2021
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Police - Polices spéciales - Police des gens du voyage.

Urbanisme et aménagement du territoire - Autorisations d`utilisation des sols diverses - Autorisations relatives au camping - au caravaning et à l'habitat léger de loisir.


Composition du Tribunal
Président : M. BOCQUET
Rapporteur ?: M. Sylvain MERENNE
Rapporteur public ?: M. PECCHIOLI
Avocat(s) : SCP D'AVOCATS EMERIC VIGO

Origine de la décision
Date de l'import : 04/05/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.marseille;arret;2021-04-19;19ma01922 ?
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