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03/12/2020 | FRANCE | N°19LY01516

France | France, Cour administrative d'appel de Lyon, 4ème chambre, 03 décembre 2020, 19LY01516


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre de recette n° 058000 009 032 057 510009 2017 0000247 émis à son encontre par la gendarmerie nationale le 12 avril 2017 pour paiement d'une somme de 3 718,15 euros correspondant au service d'ordre lors du " Superbike " de 2016 et de la décharger du paiement de la somme de 3 718,15 euros et de la majoration mise à sa charge pour un montant de 1 540 euros.

Par un jugement n° 1702670 du 12 fév

rier 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre de recette n° 058000 009 032 057 510009 2017 0000247 émis à son encontre par la gendarmerie nationale le 12 avril 2017 pour paiement d'une somme de 3 718,15 euros correspondant au service d'ordre lors du " Superbike " de 2016 et de la décharger du paiement de la somme de 3 718,15 euros et de la majoration mise à sa charge pour un montant de 1 540 euros.

Par un jugement n° 1702670 du 12 février 2019, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 avril 2019 et le 31 août 2020, l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement susmentionné n° 1702670 du 12 février 2019 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler le titre de recette susmentionné et la mise en demeure ;

3°) de la décharger du paiement de la somme de 3 718,15 euros ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le titre de recettes contesté n'est pas suffisamment motivé en violation des dispositions de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012, les bases de liquidation de la créance n'étant pas suffisamment précises et compréhensibles ;

- il est infondé dès lors qu'il n'est pas prouvé que la manifestation en cause avait effectivement nécessité la mise en place de service d'ordre qui aurait excédé les obligations normales de la puissance publique pour assurer le maintien de l'ordre public ;

- le jugement contesté est entaché d'une erreur de fait dès lors que la manifestation en cause ne poursuit pas un but lucratif au sens de l'article L. 211-1 du code de la sécurité intérieure et que l'élément selon lequel la manifestation en cause attirerait chaque année plusieurs dizaines de milliers de spectateurs ne figure pas au dossier ;

- le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit dès lors que le caractère lucratif d'une manifestation sportive n'a pas pour conséquence d'entraîner une obligation systématique de remboursement des sommes engagées pour assurer le service public de l'ordre, le seul critère à prendre en compte étant celui du dépassement des obligations normales de la puissance publique, et que la circonstance que la manifestation en cause attirerait chaque année plusieurs dizaines de milliers de spectateurs ne suffit pas à considérer que les dépenses supplémentaires devaient être engagées pour assurer le service public de l'ordre et de la sécurité.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 août 2020, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- le moyen tiré de l'erreur de droit résultant de ce que le caractère lucratif d'une manifestation sportive emportait l'obligation de remboursement des services d'ordre est inopérant dès lors que les juges de première instance se sont bornés à déterminer les caractéristiques factuelles de l'évènement en cause, notamment son ampleur eu égard au nombre important de spectateurs qu'il attire, sans faire de son caractère lucratif une condition légale à l'application des dispositions de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure ;

- les autres moyens soulevés par l'association requérante ne sont pas fondés.

La clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2020 par une ordonnance du 1er septembre 2020.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la sécurité intérieure ;

- le code du sport ;

- le décret n° 97-199 du 5 mars 1997 ;

- le décret n° 2012-1246 du 7 novembre 2012 ;

- l'arrêté interministériel du 28 octobre 2010 fixant le montant des remboursements de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. C... ;

- les conclusions de Mme B...,

- les observations de Me A..., pour l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre ;

Une note en délibéré, enregistrée le 20 novembre 2020, a été produite pour l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre.

Considérant ce qui suit :

1. L'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre organise chaque année une épreuve du championnat du monde moto " Superbike " sur le circuit de Nevers Magny-Cours. Pour l'épreuve de l'année 2016, qui s'est déroulée du 30 septembre au 2 octobre, la gendarmerie nationale lui a adressé une facture en date du 8 février 2017 pour un montant de 3 178,15 euros relative au service d'ordre assuré lors de la manifestation. Par courrier du 14 février 2017, le président du Moto-club a informé le chef de la dépense militaire que, n'ayant pas sollicité la mise à disposition d'un service d'ordre et n'ayant pas signé de convention en ce sens au préalable, il ne réglerait pas cette facture. Un titre de perception a été émis à l'encontre de l'association le 12 avril 2017 pour un montant de 3 718,15 euros. Par courrier du 8 septembre 2017, la direction départementale des finances publiques de la Nièvre, faisant état du courrier de l'association en date du 24 mai 2017 contestant les sommes mises à sa charge, l'a informée de la reprise des poursuites. L'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler le titre de perception émis à son encontre le 12 avril 2017 et la décharge de la somme de 3 178,15 euros et de la majoration de 1 540 euros. Par un jugement n° 1702670 du 12 février 2019, dont l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre relève appel, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

2. En premier lieu, aux termes de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012 relatif à la gestion budgétaire et comptable publique : " (...) Toute créance liquidée faisant l'objet d'une déclaration ou d'un ordre de recouvrer indique les bases de la liquidation. (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'une créance ne peut être mise en recouvrement sans indiquer, soit dans le titre exécutoire lui-même, soit par référence précise à un document joint à celui-ci ou précédemment adressé au débiteur, les bases et les éléments de calcul sur lesquels il se fonde pour mettre les sommes en cause à la charge des redevables.

3. Il résulte de l'instruction que le titre de perception contesté émis le 12 avril 2017 mentionne que la créance a pour objet une facturation sur ordre de la direction générale de la gendarmerie nationale et fait état de l'absence de convention, de la facture n° 16 439-B du 8 février 2017, d'une lettre de relance du 15 mars 2017 et de la facture impayée pour un montant de 3 718,15 euros. Cette facture que l'association requérante reconnait avoir reçu avant l'émission de ce titre, comme l'atteste son courrier de contestation du 14 février 2017, et qu'elle produit, faisait état des bases et les éléments de calcul de la créance litigieuse. Par suite, l'association appelante n'est pas fondée à soutenir que le titre de perception contesté méconnait les dispositions précitées de l'article 24 du décret du 7 novembre 2012.

4. En deuxième lieu, en vertu de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure : " Les organisateurs de manifestations sportives, récréatives ou culturelles à but lucratif peuvent être tenus d'y assurer un service d'ordre lorsque leur objet ou leur importance le justifie. Les personnes physiques ou morales pour le compte desquelles sont mis en place par les forces de police ou de gendarmerie des services d'ordre qui ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre sont tenues de rembourser à l'Etat les dépenses supplémentaires qu'il a supportées dans leur intérêt. Un décret en Conseil d'Etat fixe les conditions d'application du présent article. ". L'article 1er du décret du 5 mars 1997 relatif au remboursement de certaines dépenses supportées par les forces de police et de gendarmerie prévoit : " Donnent lieu à remboursement à l'Etat les prestations suivantes exécutées par les forces de police et de gendarmerie dans les services d'ordre lorsqu'ils ne peuvent être rattachés aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de sécurité et d'ordre publics : 1° L'affectation et la mise à disposition d'agents ; 2° Le déplacement, l'emploi et la mise à disposition de véhicules, de matériels ou d'équipements ; 3° Les prestations d'escortes. ". Selon l'article 4 du même décret : " Les modalités d'exécution techniques et financières du concours apporté par les forces de police et de gendarmerie sont préalablement déterminées par une convention conclue entre le représentant de l'Etat et les bénéficiaires de ces prestations. (...) ".

5. Il résulte des dispositions précitées du deuxième alinéa de l'article L. 211-11 du code de la sécurité intérieure que l'obligation de remboursement des dépenses relatives aux services d'ordre qui ne peuvent être rattachées aux obligations normales incombant à la puissance publique en matière de maintien de l'ordre, n'est pas subordonnée au caractère lucratif des manifestations pour lesquelles sont mis en place ces services. Par suite, le moyen tiré de ce que, contrairement aux motifs du jugement, l'association ne poursuit pas par l'organisation de la manifestation litigieuse un but lucratif, est inopérant.

6. En troisième lieu, le jugement contesté n'a pas fait, à son point 9, du caractère lucratif de la manifestation une obligation systématique de remboursement des prestations exécutées par les forces de police et de gendarmerie dans les services d'ordre, ni de la circonstance que la manifestation en cause attirerait chaque année plusieurs dizaines de milliers de spectateurs une circonstance suffisante pour considérer que des dépenses supplémentaires devaient être engagées pour assurer le service public de l'ordre et de la sécurité, mais seulement un critère permettant de déterminer que la manifestation en cause nécessite la mise en place de services de maintien de l'ordre dépassant les obligations normales incombant à la puissance publique en cette matière. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit.

7. En quatrième lieu, les premiers juges n'ont pas entendu faire peser sur l'association requérante la charge de prouver que la manifestation en cause avait effectivement nécessité la mise en place de prestations particulières qui auraient excédé les obligations normales de la puissance publique pour assurer le maintien de l'ordre public mais ont seulement mentionné les aspects leur permettant d'apprécier contradictoirement les éléments factuels dont ils disposaient. Par suite, l'association requérante n'est pas fondée à soutenir que le jugement contesté est entaché d'une erreur de droit.

8. En cinquième et dernier lieu, les missions susceptibles de faire l'objet d'un remboursement sont les missions de service d'ordre, exécutées à l'occasion de l'événement, qui sont en lien avec la gestion ou la sécurisation des flux de population ou de circulation et la prévention des troubles à l'ordre public et directement imputables à l'événement.

9. En l'espèce, il résulte de l'instruction, en particulier des propos du président du directoire du circuit de Nevers Magny-Cours rapportés dans un article publié le 1er octobre 2015 sur le site internet de " La Montagne ", que la manifestation du Superbike attire 70 000 à 75 000 spectateurs sur trois jours, auxquels il convient d'ajouter sur la même période 7 000 à 8 000 personnes, qu'il s'agisse des personnalités invitées, des membres des équipes, des médias, des prestataires, et du personnel chargé de l'organisation, alors que la population de la commune de Magny-Cours s'élève à environ 1 400 habitants. Les éléments produits par l'appelante, en particulier un tableau mentionnant 16 205 spectateurs en accès grand public et 10 376 accueillis sur le parking permettant un hébergement sous tentes pour l'édition 2016 du Superbike et un autre document visé par France Billet mentionnant également 16 205 spectateurs pour le Superbike 2015, dont 13 340 munis de billets achetés et 2 865 d'invitations, ne permettent pas d'apporter une contestation sérieuse de l'ampleur de l'affluence. L'article de presse précité indique par ailleurs que l'accès à l'enceinte générale est gratuite pour les enfants de moins de 16 ans et ce alors que l'enceinte sportive du circuit de Nevers-Magny-Cours peut accueillir 139 112 spectateurs comme indiqué à l'annexe n° 4 de l'arrêté préfectoral d'homologation, et il n'est pas établi que France Billet serait la seule billetterie autorisée pour la manifestation litigieuse. Comme le fait valoir le ministre de l'intérieur en défense, un tel flux de spectateurs implique nécessairement un important déploiement des forces de l'ordre pour gérer et sécuriser les flux de population et de circulation et prévenir les troubles à l'ordre public, aux abords du circuit. Le flux de véhicules ainsi généré est par ailleurs sans proportion avec la circulation normale dans ce secteur et nécessite de sécuriser les accès au circuit. Les procès-verbaux de constat d'huissier de justice des 3 octobre 2015 et 30 septembre 2017 qui font état à ces dates de l'absence de forces de police et de gendarmerie déployées aux abords des parkings et des voies publiques desservant la commune de Magny-Cours et à proximité du circuit, ont été dressés, respectivement, avant et après l'épreuve de l'année 2016, qui s'est déroulée du 30 septembre au 2 octobre, ne permettent pas d'apporter une contestation sérieuse de la réalité du déploiement des forces de l'ordre pour cette manifestation. Il en va de même de la circonstance que le circuit de Magny-Cours, situé à 1 km de la commune éponyme serait desservi directement à partir de l'autoroute. L'association requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le titre de perception contesté est infondé.

10. Il résulte de ce qui précède que l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.

11. Ses conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent, en conséquence, être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à l'association Moto-club de Nevers et de la Nièvre.

Copie en sera adressée au préfet de la Nièvre.

Délibéré après l'audience du 19 novembre 2020, à laquelle siégeaient :

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N° 19LY01516


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Lyon
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19LY01516
Date de la décision : 03/12/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. d'HERVE
Rapporteur ?: M. Christophe RIVIERE
Rapporteur public ?: Mme LESIEUX
Avocat(s) : JASPER AVOCATS ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 18/12/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.lyon;arret;2020-12-03;19ly01516 ?
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