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17/03/2022 | FRANCE | N°19DA01944

France | France, Cour administrative d'appel de Douai, 4ème chambre, 17 mars 2022, 19DA01944


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) JMS a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1704274 du 26 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une re

quête et un mémoire, enregistrés le 19 août 2019 et le 10 février 2020, la SAS JMS, représentée pa...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société par actions simplifiée (SAS) JMS a demandé au tribunal administratif de Lille de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012.

Par un jugement n° 1704274 du 26 juin 2019, le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 19 août 2019 et le 10 février 2020, la SAS JMS, représentée par Me Horrie, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des impositions en litige ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La SAS JMS soutient que :

- en tant qu'elles concernent la retenue à la source appliquée, sur le fondement de l'article 182 B du code général des impôts, aux sommes versées à une société hongkongaise et qualifiées par l'administration de redevances et de dépenses de publicité, les propositions de rectification qui lui ont été adressées sont insuffisamment motivées en droit, au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ; en outre, le service a raisonné de manière globale, sans appréhender chacun des versements en cause, qui n'avaient pourtant pas la même nature ; le fait qu'elle ait pu répondre, d'ailleurs de façon insuffisamment approfondie, à ces propositions de rectification n'est pas de nature à purger ce vice, qui constitue une atteinte aux droits de la défense et une irrégularité substantielle au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales ;

- de même, en tant qu'elles concernent les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, ces propositions de rectification sont entachées d'une insuffisance de motivation, au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- les rehaussements notifiés en ce qui concerne les exercices clos en 2011 et 2012, en matière de crédit d'impôt recherche, ne sont pas fondés ; en effet, elle a produit à l'administration les agréments délivrés aux prestataires extérieurs auxquels elle a eu recours et était, par suite, autorisée à prendre en compte les dépenses correspondantes ; si le II de l'article 244 quater B du code général des impôts subordonne la prise en compte de telles dépenses de prestataires extérieurs à la condition que ces derniers soient agréés, ni cette disposition, ni l'article 49 septies I ter de l'annexe III au même code, pris pour son application, n'exige que cet agrément leur soit délivré au cours de l'année au titre de laquelle le crédit d'impôt recherche est demandé ; ainsi, cette condition n'a pu lui être opposée par l'administration qu'en ajoutant à la loi ;

- s'agissant des mêmes rehaussements, son activité présente un caractère industriel, au sens du II de l'article 244 quater N du code général des impôts, contrairement à ce qu'a estimé l'administration, alors même qu'elle a délocalisé une partie du processus de conception et de fabrication de ses produits, en poursuivant toutefois en France les opérations à haute valeur ajoutée, telles la recherche, le développement expérimental des produits, le travail sur les prototypes et le contrôle technique ; pour ce faire, elle utilise des installations techniques, ainsi que des matériels et outillages, dont le rôle dans la fabrication et la transformation des tissus est prépondérant ; à cet égard, elle est fondée à invoquer le paragraphe n°3 de la documentation administrative de base 4 A-4151, dans sa version à jour au 9 mars 2001, qui a été repris au paragraphe n°30 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RIC-RICI-10-10-40, selon lequel une entreprise ne perd pas sa qualité d'entreprise industrielle si elle sous-traite sa fabrication à des tiers, dès lors qu'elle demeure propriétaire de la matière première et qu'elle assume tous les risques de fabrication et de commercialisation, ce qui est son cas ;

- s'agissant des mêmes rehaussements, la prise en compte des dépenses facturées par un prestataire extérieur établi en Thaïlande a été écartée à tort par l'administration, au motif que ce prestataire exerçait ses activités dans un Etat non-membre de l'Union européenne ; en effet, cette condition, posée par les dispositions du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, crée, envers les entreprises, selon qu'elles font appel à un prestataire établi ou non sur le territoire de l'Union européenne, une discrimination contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention ; si cette différence de traitement était regardée comme susceptible d'être justifiée au regard de l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude fiscale, elle devrait alors être regardée comme étant disproportionnée ;

- l'administration n'était pas fondée à remettre en cause la déductibilité, en tant que charges, de dépenses exposées dans l'intérêt de l'entreprise ; tel est le cas des dépenses liées à l'usage, par son président, qui est domicilié à Hong-Kong, d'une maison d'habitation située à Saint-Étienne-au-Mont, non loin des locaux et entrepôts de l'entreprise, lors de ses fréquents séjours en France, toujours de courte durée ; il s'agit, en réalité, d'un logement de fonction, dans lequel un bureau est aménagé, ce qui lui permet, notamment, de travailler la nuit, selon le fuseau horaire de l'Asie du Sud-Est ; ce logement est aussi utilisé pour héberger des intervenants extérieurs, à un coût moindre que des nuitées d'hôtel ; ces dépenses ont ainsi été exposées dans l'intérêt direct de l'entreprise et se rattachent à sa gestion normale ; elles sont donc déductibles en vertu du 1° du 1 de l'article 39 du code général des impôts ; à tout le moins, ces dépenses doivent être admises partiellement en déduction, comme le prévoit le paragraphe n°170 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-10, après ventilation en fonction du temps d'occupation de ce logement par son président et les intervenants extérieurs, en retenant les parts respectives de 40 % et 60 % ;

- concernant ce même chef de rectification, les retraits bancaires effectués par son président ont eu pour objet de couvrir des frais professionnels exposés par lui ; ces dépenses présentent donc le caractère de charges déductibles ;

- l'administration a regardé à tort comme ne lui étant pas opposable la cession, à son président, de créances qu'une société établie à Hong-Kong détenait sur elle, au seul motif que les formalités prévues à l'article 1690 du code civil n'avaient pas été accomplies, alors que ces formalités ne conditionnent pas la validité de la cession de créance, mais constituent seulement un mode de preuve et qu'il est admis que cette preuve peut, à défaut, être rapportée par tout moyen ; or, elle a produit la convention signée entre cette société hongkongaise et son président, ainsi que l'extrait de sa comptabilité présentant l'écriture comptable s'y rapportant, inscrite au compte courant ouvert au nom de ce dernier dans sa comptabilité ; ces éléments, portant sur le même montant, matérialisent de manière certaine la cession de créance et révèlent qu'elle y a elle-même consenti sans équivoque ; au surplus, deux demandes de virement émises par la société hongkongaise corroborent cette écriture comptable, de même que la propre comptabilité de cette dernière et le relevé du compte bancaire de son président ; l'administration a d'ailleurs fait preuve d'incohérence en ce qui concerne ce chef de rehaussement, dès lors que la dette créditée sur le compte courant d'associé de son président n'a pas été neutralisée, de sorte qu'elle a été imposée deux fois à raison de la même somme ;

- en ce qui concerne le rehaussement consistant en la soumission à une retenue à la source, en application du 2 de l'article 119 bis du code général des impôts, des avantages en nature servis à son dirigeant, qui n'est pas un résident fiscal français mais hongkongais, l'assiette de cette retenue à la source doit être déterminée, contrairement à ce qu'a retenu l'administration, en prenant en compte le montant des charges justifiées ; il en résulte qu'elle ne peut être regardée comme ayant versé à son dirigeant, au cours des exercices vérifiés, un quelconque revenu distribué ; en outre, si, en principe, l'assiette de la retenue à la source doit comprendre l'avantage résultant, pour le bénéficiaire, de ce que les sommes reçues n'ont pas supporté la retenue, il n'est pas établi, en l'espèce, qu'elle aurait définitivement supporté la charge de la retenue à la source ;

- la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du code général des impôts crée une discrimination injustifiée et contraire tant au principe de libre circulation des capitaux, tel que protégé par le droit de l'Union européenne, qu'aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention, entre, d'une part, les résidents français percevant des dividendes, qui bénéficient d'un abattement de 40 % sur les sommes perçues, et, d'autre part, les non-résidents, imposés par voie de retenue à la source sur la base d'un taux d'imposition de 25 % sur le montant brut des sommes perçues ; si cette différence de traitement était regardée comme susceptible d'être justifiée au regard de l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude fiscale, elle devrait alors être regardée comme étant disproportionnée ;

- elle conteste la retenue à la source appliquée, sur le fondement de l'article 182 B du code général des impôts, aux sommes versées à une société sous-traitante hongkongaise, qui n'ont pas la nature de redevances ; en effet, ces versements, portant le libellé " Design and pattern fee " dans sa comptabilité, sont la contrepartie d'achats de biens, à savoir de patrons et de prototypes réalisés par la société hongkongaise selon ses directives et à partir des modèles et collections conçus par elle, et non la contrepartie de prestations intellectuelles ; d'ailleurs, contrairement à ce qu'a retenu le service, les factures correspondantes comportent la désignation précise de chacun des biens fournis ; dès lors qu'elle a répondu dans les délais légaux aux propositions de rectification, il appartient à l'administration, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, d'apporter la preuve de ce que ces sommes sont la contrepartie de prestations de service ; à titre subsidiaire, si les retenues à la source étaient maintenues, le calcul de la base imposable retenu par l'administration comporte des erreurs qui devront être rectifiées ;

- de même que pour les sommes regardées comme des redevances, celles versées à la même société hongkongaise au titre des dépenses de publicité ont été soumises à tort à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts, alors qu'elles constituent la contrepartie, non pas de prestations intellectuelles, mais de la fourniture de catalogues, de présentoirs, d'autocollants et de sacs publicitaires, c'est-à-dire de l'achat de biens meubles corporels, comme les mentions des factures en attestent ;

- la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts crée une discrimination injustifiée et contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention, entre, d'une part, le sort fiscal des sommes versées en rémunération des prestations des sportifs et artistes, qui bénéficient de règles plus favorable en ce qui concerne la détermination de l'assiette imposable, qui sont imposées au taux de 15 % et qui peuvent s'imputer sur l'impôt sur le revenu dû par les intéressés au titre de l'année en cause, et, d'autre part, celui des sommes versées en rémunération des autres prestations de service, qui sont imposées au taux de 33 1/3 % et qui ne peuvent s'imputer sur l'impôt dû par leurs bénéficiaires ; cette discrimination est d'autant plus réelle que, en l'absence de convention fiscale internationale applicable à l'ensemble des exercices vérifiés, la retenue à la source peut d'autant moins s'imputer sur l'impôt dû par la société hongkongaise ; si cette différence de traitement était regardée comme susceptible d'être justifiée au regard de l'objectif d'intérêt général de lutte contre la fraude fiscale, dans une situation dans laquelle aucune intention frauduleuse ne saurait d'ailleurs lui être imputée, elle devrait alors être regardée comme étant disproportionnée ; un tel objectif ne peut, en effet, justifier, à lui seul, que des opérations réalisées avec des entreprises étrangères soient soumises à une imposition telle qu'elle dissuaderait des entreprises françaises de développer leurs réseaux commerciaux hors de France ;

- les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises sont excessifs, dès lors que l'administration a inclus à tort, dans l'assiette de cet impôt, la totalité du poste " loyers et redevances " de sa comptabilité, sans distinguer, parmi ces charges, celles qui relèvent effectivement de loyers de plus de six mois et celles qui se rapportent à des crédits-baux mobiliers ;

- l'administration n'était pas fondée à faire application d'une majoration pour retard en ce qui concerne les sommes qu'elle a soumises aux retenues à la source prévues aux articles 119 bis et 182 B du code général des impôts, dès lors qu'un contribuable ne saurait être sanctionné pour s'être involontairement mépris sur la qualification à donner à des sommes au regard de la loi fiscale, notamment dans le cas où la loi est complexe ; cette majoration, qui a été appliquée alors qu'aucun manquement volontaire à ses obligations fiscales ne peut lui être reproché, est contraire aux principes constitutionnels de nécessité, d'individualisation et de proportionnalité des peines.

Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2019, et un mémoire enregistré le 25 février 2020, le ministre de l'action et des comptes publics conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions de la requête de la SAS JMS tendant à la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge sont irrecevables, dès lors qu'elles n'ont fait l'objet d'aucune contestation dans sa réclamation du 16 novembre 2016 ;

- s'agissant des rectifications portant sur le crédit d'impôt recherche pour dépenses de collections et celles portant sur des dépenses non admises en déduction des bénéfices imposables, la charge de la preuve incombe à la société requérante ; il en est de même pour ce qui est du rehaussement de bénéfice portant sur la cession de créances au bénéfice du dirigeant de la société JMS ;

- en tant qu'elles concernent l'application de la retenue à la source de l'article 182 B du code général des impôts, de même d'ailleurs qu'en ce qu'elles ont trait aux suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, les propositions de rectification adressées à la SAS JMS sont, comme l'a retenu à juste titre le tribunal administratif, suffisamment motivées au regard de l'exigence posée par l'article L. 57 du livre des procédures fiscales ;

- la rectification afférente au montant des dépenses de stylistes prises en compte au titre du crédit d'impôt recherche, majorées par erreur de 12 624 euros par rapport au montant facturé, n'est pas contestée ;

- le service a écarté à bon droit de l'éligibilité au crédit d'impôt recherche les dépenses afférentes au concours de deux prestataires extérieurs ne bénéficiant pas d'un agrément valable au cours des exercices au titre desquels le crédit d'impôt a été sollicité ; en opposant cette condition, l'administration n'a pas ajouté à la loi ;

- comme l'a estimé à juste titre le tribunal administratif, les dépenses de conception de modèles, de publicité et de façon pour les collections été et hiver 2012, facturées par une entreprise thaïlandaise, ont été à bon droit écartées de l'éligibilité au crédit d'impôt recherche, dès lors qu'elles ont été exposées auprès d'une entreprise établie dans un Etat non membre de l'Union européenne ; en outre, cette condition, posée par le i) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, ne constitue pas une discrimination contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention ;

- l'activité exercée par la SAS JMS n'est pas de nature industrielle, au sens du II de l'article 244 quater B du code général des impôts ; ainsi, la SAS JMS, qui n'était pas éligible au crédit d'impôt recherche, est d'autant moins fondée à critiquer l'exclusion de certaines dépenses de ce crédit d'impôt, qui n'a fait l'objet que d'une remise en cause partielle ; à cet égard, la SAS JMS, qui n'établit pas qu'elle serait propriétaire des matières premières utilisées par sa sous-traitante, ou encore qu'elle assumerait tous les risques liés à la fabrication et à la commercialisation de ses produits, n'est pas fondée à se prévaloir des prévisions énoncées au paragraphe n°30 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-RIC-RICI-10-10-40 ; le cas échéant, l'administration est en droit, sur le fondement des dispositions de l'article L. 203 du livre des procédures fiscales, de se prévaloir d'une éventuelle compensation entre le montant des crédits d'impôt recherche qui n'ont pas été remis en cause dans les propositions de rectification des 17 décembre 2013 et 13 mars 2014 et les décharges qui pourraient être accordées au titre de l'impôt sur les sociétés dans le cadre de la présente instance ;

- la déductibilité, en tant que charges de la SAS JMS, des dépenses afférentes au logement de son dirigeant a été remise en cause à bon droit par l'administration, dès lors qu'il s'agit là de dépenses personnelles par nature ; ces dépenses ont d'ailleurs été portées annuellement en déduction, alors même que ce dirigeant n'est présent en France que quelques jours par mois ; la SAS JMS n'a, en outre, pas apporté la preuve, qui lui incombe, s'agissant de la remise en cause de dépenses enregistrées en charges, de l'utilisation de ce logement à des fins professionnelles par son dirigeant, ni de ce que ce logement aurait été utilisé pour accueillir des intervenants extérieurs, alors d'ailleurs qu'il n'incombait pas à la SAS JMS de prendre en charge l'hébergement de tels intervenants ;

- la SAS JMS, qui supporte, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des suppléments d'impôt sur les sociétés afférents à la réintégration de retraits en espèces effectués par son président, pour n'avoir pas discuté de ce chef de rehaussement dans sa réclamation, n'apporte pas la preuve, qui lui incombe, en se bornant à affirmer que les sommes en cause correspondent à des dépenses déductibles ;

- dès lors que l'acte de cession de créance dont se prévaut la SAS JMS n'a pas été soumis aux formalités prévues à l'article 1690 du code civil, ni à celle de l'enregistrement, la cession au dirigeant de la créance que détenait sur elle la société hongkongaise HFK n'a pas date certaine et ne pouvait donc être opposée à l'administration ; en outre, l'extinction de la créance de la société HFK doit être regardée comme constituant un abandon de créance au profit de la SAS JMS générant une augmentation de son actif net, ainsi qu'un profit imposable au titre de l'exercice clos en 2012 ; par ailleurs, contrairement à ce que soutient la SAS JMS, dès lors que la cession invoquée n'est pas opposable, son lien allégué avec les écritures portées dans la comptabilité de cette société et avec les flux financiers auxquelles elles correspondent ne peut être tenu pour établi ; enfin, la SAS JMS n'a pas été soumise, s'agissant de ce chef de rehaussement, à une double imposition, le service n'ayant tiré aucune conséquence fiscale du passif injustifié correspondant à la dette contractée par elle à l'égard de son dirigeant ;

- les avantages en nature accordés par la SAS JMS à son dirigeant, sous forme de mise à disposition gratuite d'un logement et de prise en charge de dépenses personnelles, revêtent un caractère occulte, faute d'avoir été comptabilisés sous forme explicite, comme l'exige l'article 54 bis du code général des impôts ; ces avantages sont, par suite, imposables dans la catégorie des revenus de capitaux mobiliers, en application du c. de l'article 111 de ce code ; de même, la somme de 209 195,47 euros correspondant à l'extinction de la dette de la SAS JMS envers la société HFK Limited, portée au crédit de son compte courant d'associé constitue un revenu distribué au profit de l'intéressé ; ce dernier étant résident fiscal hongkongais, l'administration était fondée à soumettre ces revenus distribués à la retenue à la source prévue à l'article 119 bis du même code, dont le taux a été fixé à bon droit à 25 % au titre des années 2010 et 2011, en application de l'article 187 du même code et en l'absence de convention fiscale bilatérale, et à 10 %, ce taux étant désormais prévu par la convention fiscale conclue entre la France et Hong-Kong en ce qui concerne les dividendes, au titre de l'année 2012 ; or, en application de l'article 48 de l'annexe II au code général des impôts, la retenue à la source s'applique sur le montant brut décaissé par la personne morale ; en outre, cette retenue à la source doit prendre en compte l'avantage initialement procuré au bénéficiaire du versement par l'absence d'application de la retenue à la source ; dès lors, la retenue à la source appliquée aux revenus distribués en cause a été justement liquidée par le service ; enfin, l'absence d'abattement sur les dividendes versés à l'étranger n'est discriminatoire ni au regard du droit interne, ni au regard des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni même au regard des stipulations de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention ;

- l'administration a appliqué à bon droit la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts aux dépenses de publicité facturées par la société hongkongaise HFK Limited, ces factures, portant sur un montant constant, désignant les prestations correspondantes comme des prestations de " Design fee and pattern fee " ; or, il résulte de ces mentions, rapprochées des éléments d'information recueillis par le service dans le cadre de la vérification de comptabilité, que ces factures correspondent à une prestation globale de conception de modèles, dont le caractère intellectuel est prépondérant, et non en une simple vente de prototypes et de patrons, c'est-à-dire de biens corporels ; en outre, les factures produites ne précisent pas qu'elles auraient porté sur des achats de catalogues, de présentoirs, d'autocollants ou de sacs publicitaires et, quand bien même tel serait le cas, les prestations correspondantes ne sauraient être regardées comme portant sur le simple achat de tels biens, mais aussi sur leur conception ; la SAS JMS, qui n'a présenté aucune observation sur ce chef de rehaussement, supporte, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré des suppléments d'impôt en résultant ; or, en l'absence d'une telle preuve, l'administration était fondée à soumettre les sommes payées par la SAS JMS en règlement de ces factures à la retenue à la source prévue à l'article 182 B du code général des impôts, dont le taux a été fixé à bon droit à 33 1/3 % au titre des années 2010 et 2011, en l'absence de convention fiscale bilatérale, et à 10 %, ce taux étant désormais prévu par la convention fiscale conclue entre la France et Hong-Kong pour de telles redevances, au titre de l'année 2012 ; enfin, les retenues à la source ont été correctement liquidées par le service ;

- la SAS JMS, qui n'a formulé aucune observation en ce qui concerne les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge, supporte, en application de l'article R. 194-1 du livre des procédures fiscales, la charge de la preuve du caractère exagéré de ceux-ci ; cette preuve n'est pas rapportée par la SAS JMS qui se borne à alléguer qu'elle a été soumise à une surimposition ;

- en l'absence de dépôt des déclarations de retenue à la source pour les revenus distribués et pour les sommes versées à une société établie ou domiciliée hors de France, c'est à bon droit que les rappels de retenue à la source mis à la charge de la SAS JMS ont été soumis à la majoration de 10 % prévue par le a) du 1. de l'article 1728 du code général des impôts ; enfin, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que la contestation de la conformité à la Constitution de ces dispositions de l'article 1728 du code général des impôts n'était possible que par l'introduction d'une question prioritaire de constitutionnalité présentée par un mémoire distinct, formalité qui n'a pas été respectée par la société requérante ; en tout état de cause, le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2018-745 QPC du 23 novembre 2018, a jugé conformes aux principes constitutionnels de nécessité des délits et des peines et de proportionnalité des peines les dispositions du a) du 1. de l'article 1728 du code général des impôts.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution ;

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi que le premier protocole additionnel qui y est annexé ;

- l'accord conclu le 21 octobre 2010 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscale ;

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Jean-François Papin, premier conseiller,

- les conclusions de M. Jean-Philippe Arruebo-Mannier, rapporteur public,

- et les observations de Me Horrie, représentant la SAS JMS.

Considérant ce qui suit :

1. La société par actions simplifiée (SAS) JMS, dont le siège est situé à Saint-Martin-Boulogne (Pas-de-Calais), exerce une activité de confection et de négoce en prêt-à-porter féminin. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur la période allant du 1er janvier 2010 au 31 décembre 2012. A l'issue de ce contrôle, l'administration a estimé qu'il y avait lieu d'exclure la prise en compte de certaines dépenses dans le cadre du crédit d'impôt recherche dont avait bénéficié la SAS JMS, de remettre en cause la déductibilité, en tant que charges, d'autres dépenses, dont l'intérêt pour l'entreprise ne lui paraissait pas établi, de soumettre à la retenue à la source des sommes versées à des bénéficiaires établis en Asie, de réintégrer au résultat imposable de la SAS JMS de l'exercice clos en 2012 l'accroissement d'actif net correspondant à la cession d'une dette qui n'a pas été regardée par l'administration comme lui étant opposable, enfin, de réintégrer le montant de loyers dans les bases imposables à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. L'administration a fait connaître à la SAS JMS sa position sur ces différents points par deux propositions de rectification qu'elle lui a adressées le 17 décembre 2013 et le 13 mars 2014 en ce qui concerne, respectivement, d'une part, l'exercice clos en 2010 et, d'autre part, les exercices clos en 2011 et en 2012. La SAS JMS a présenté des observations qui n'ont amené l'administration qu'à remettre en cause à la marge sa position en ce qui concerne l'exercice clos en 2010 et qui ne l'a pas convaincue s'agissant des deux exercices suivants. La commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires, saisie à la demande de la SAS JMS, a émis un avis favorable au maintien de ceux des rehaussements dont elle s'est déclarée compétente pour connaître. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises résultant de ce contrôle, ont été mises en recouvrement le 31 août 2016 à hauteur d'un montant total, en droits et pénalités, de 486 187 euros, au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Sa réclamation ayant été rejetée, la SAS JMS a porté le litige devant le tribunal administratif de Lille, en lui demandant de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des suppléments d'impôt sur les sociétés, de retenue à la source et de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises auxquelles elle a ainsi été assujettie au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. La SAS JMS relève appel du jugement du 26 juin 2019 par lequel le tribunal administratif de Lille a rejeté sa demande.

Sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre :

2. En vertu de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, le demandeur ne peut contester devant le tribunal administratif des impositions différentes de celles qu'il a visées dans sa réclamation à l'administration.

3. Il ressort des termes mêmes de la réclamation que la SAS JMS a formée le 7 novembre 2016 et qui a été reçue le 16 novembre suivant, que celle-ci comportait une contestation des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge, tenant à l'insuffisante motivation des propositions de rectification sur ce point, et la mention selon laquelle la société n'était pas, de ce fait, en mesure de contester utilement ce chef de rehaussement. Il suit de là que la fin de non-recevoir opposée par le ministre aux conclusions de la requête de la SAS JMS tendant à la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge, tirée, sur le fondement des dispositions, rappelées au point précédent, de l'article R. 200-2 du livre des procédures fiscales, de l'absence de réclamation sur ce point, manque en fait et doit, par suite, être écartée.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

4. En vertu de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales, l'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. En outre, en vertu de l'article L. 80 CA du même livre, la juridiction saisie prononce la décharge de l'ensemble des impositions et amendes lorsque l'erreur commise dans la procédure d'imposition a eu pour effet de porter atteinte aux droits de la défense ou lorsqu'elle est de celles pour lesquelles la nullité est expressément prévue par la loi ou par les engagements internationaux conclus par la France.

5. La SAS JMS soutient qu'en tant qu'elles concernent, d'une part, les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, d'autre part, la retenue à la source appliquée, sur le fondement de l'article 182 B du code général des impôts, aux sommes versées à une société hongkongaise et qualifiées par l'administration de redevances et de dépenses de publicité, les propositions de rectification qui lui ont été adressées le 17 décembre 2013 et le 13 mars 2014 sont insuffisamment motivées, au regard de l'exigence posée par les dispositions, rappelées au point précédent, de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales.

6. En premier lieu, il ressort des termes des deux propositions de rectification qu'après avoir rappelé que, selon les dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts, la valeur ajoutée est égale à la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires, majoré de différents produits, subventions et variation de stocks, et, d'autre part, diverses dépenses, au nombre desquelles figurent les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois, le service énonce que la SAS JMS n'a pas, dans la déclaration qu'elle a souscrite, exclu des sommes venant en diminution dans le calcul de la valeur ajoutée au titre des années 2010, 2011 et 2012 le montant des loyers se rapportant à des locations de plus de six mois qu'elle a perçus pour les montants respectifs de 136 484 euros, de 115 725 euros et de 161 830 euros. Il en tire la conséquence qu'il y a lieu de pratiquer un rehaussement en base à due concurrence de ces montants et de soumettre cette base aux taux respectifs de 0,76 %, de 0,64 % et de 0,61 %, ainsi qu'aux frais de gestion prévus au XV de l'article 1647 du code général des impôts. Ainsi rédigées, ces propositions de rectification, qui rappellent les années concernées, le fondement légal, ainsi que les motifs de droit et de fait justifiant ces rehaussements, de même que les modalités de calcul de ces rehaussements, doivent être regardées comme suffisamment motivées et comme ayant mis à même la SAS JMS de contester utilement les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises en résultant. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation des propositions de rectification sur ce point doit donc être écarté.

7. En second lieu, les propositions de rectification citent, dans leur intégralité, les dispositions du I de l'article 182 B du code général des impôts, selon lesquelles donnent lieu à l'application d'une retenue à la source, lorsqu'elles sont payées, par un débiteur exerçant une activité en France, à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente, les redevances, auxquelles ces mêmes dispositions attribuent quatre définitions alternatives, énoncées aux a) à d) du I de l'article 182 B. Les propositions de rectification exposent les modalités de détermination du taux de la retenue à la source, au regard de la loi fiscale et, le cas échéant, de la convention fiscale bilatérale, et rappellent la nature des obligations déclaratives pesant sur les contribuables. Enfin, elles énoncent que les sommes versées par la SAS JMS à une société hongkongaise et qui, en l'absence de présentation d'un contrat liant ces deux entreprises, ont été, pour une partie, présentées, au cours du contrôle, comme versées en rémunération de la réalisation de patrons ou modèles et de prototypes pour les collections automne-hiver et printemps-été, et, pour une autre partie, regardées comme correspondant à des dépenses publicitaires, auraient dû être soumises à une retenue à la source alors que la SAS JMS n'a souscrit aucune déclaration ni acquitté aucune somme à ce titre. Or, par ces seules énonciations, l'administration n'a pas précisé les motifs de droit justifiant que ces sommes puissent être qualifiées de redevances, au sens du I de l'article 182 B du code général des impôts, c'est-à-dire comme répondant à l'une ou l'autre des définitions données par les a) à d) du I, auxquelles les propositions ne font aucune référence, ni n'exposent en quoi les sommes en cause y seraient rattachables. Par suite, ces propositions de rectification ne comportent pas les motifs justifiant que les sommes en cause soient soumises à une retenue à la source. Ces propositions de rectification ne peuvent donc être regardées, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, comme suffisamment motivées sur ce point, ni comme ayant mis à même la SAS JMS de formuler d'utiles observations sur ces rehaussements, alors d'ailleurs que cette société, jusqu'au stade de la réclamation, avait critiqué le caractère suffisant de la motivation des propositions de rectification. Dès lors, cette irrégularité de procédure doit être regardée comme ayant privé la SAS JMS de cette garantie offerte par la loi au contribuable et qui est attachée au respect des droits de la défense au sens de l'article L. 80 CA du livre des procédures fiscales. Par suite, et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens que la société requérante dirige contre ces retenues à la source, mises à sa charge sur le fondement de l'article 182 B du code général des impôts, la SAS JMS est fondée à en demander la décharge, en droits et pénalités.

Sur le bien-fondé des impositions :

En ce qui concerne le crédit d'impôt recherche :

S'agissant du caractère industriel de l'activité :

8. Dans les propositions de rectification qu'il a adressées à la SAS JMS, le service a exposé que l'activité de cette société ne lui paraissait pas être de nature industrielle au regard des conditions d'éligibilité au crédit d'impôt recherche. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'administration a finalement renoncé à remettre en cause la possibilité, pour la SAS JMS, de prétendre, eu égard à la nature de son activité, au crédit d'impôt recherche, et a seulement exclu certaines dépenses, telles celles liées au concours de deux stylistes indépendantes et celles exposées, auprès d'une entreprise thaïlandaise, au titre de prestations de conception de modèles, de publicité et de façon pour les collections été et hiver 2012, comme étant non éligibles à ce crédit d'impôt. Dès lors, le moyen, que la SAS JMS articule, tant sur le terrain de la loi fiscale que sur celui de la doctrine administrative, tiré de ce que son activité doit être regardée comme industrielle de sorte qu'elle entrait, au titre des exercices vérifiés, dans le champ d'application du crédit d'impôt recherche, est inopérant.

S'agissant des dépenses de stylistes :

9. L'administration a remis en cause la prise en compte, dans le cadre des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche au titre des exercices clos en 2010 et 2011, des honoraires versés à deux des trois stylistes indépendantes auxquelles la SAS JMS avait fait appel dans le cadre de ses travaux de recherche de nouveaux modèles, au motif que ces deux stylistes n'avaient pas justifié de la détention d'un agrément valable au titre des années en cause, les agréments présentés à la vérificatrice en ce qui concerne ces deux stylistes leur ayant été délivrés au titre des années 2014, 2015 et 2016.

10. En vertu du I de l'article 244 quater B du code général des impôts, les entreprises industrielles et commerciales imposées d'après leur bénéfice réel peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le II de cet article précise qu'au nombre des dépenses de recherche ouvrant droit au crédit d'impôt figurent, selon le i) de ce II, les dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections confiée par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir à des stylistes ou bureaux de style agréés selon des modalités définies par décret. L'article 49 septies I ter de l'annexe III au code général des impôts, pris pour l'application de ces dispositions du II de l'article 244 quater B de ce code, dispose que l'agrément des stylistes ou bureaux de style, auxquels est confiée l'élaboration de nouvelles collections par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir, prévu au i) du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, est accordé par décision du ministre chargé de la recherche et de la technologie, sur avis conforme du ministre chargé de l'industrie, et que cet agrément est attribué après examen d'un dossier visant à s'assurer que le styliste concerné dispose d'une expérience significative dans cette activité ou que le bureau de style dispose d'un personnel répondant au même critère.

11. Ces dispositions subordonnent la prise en compte, au titre du crédit d'impôt recherche, des dépenses liées à l'élaboration de nouvelles collections confiée, par les entreprises industrielles du secteur de l'habillement, à des stylistes indépendants à la condition que ces prestataires bénéficient d'un agrément et, nécessairement, que cet agrément soit valable au titre des années à raison desquelles le crédit d'impôt recherche est demandé. Par suite, en remettant en cause la prise en compte, dans le cadre du crédit d'impôt recherche sollicité par la SAS JMS au titre des exercices clos en 2010 et en 2011, les dépenses exposées par elle pour bénéficier du concours de deux stylistes indépendantes, au motif que les intéressées n'avaient chacune justifié que d'un agrément valable au titre des années 2014 à 2016, de sorte qu'elles ne pouvaient être regardées comme agréées au titre des années 2010 et 2011, l'administration a légalement fondé le rehaussement en litige et n'a aucunement ajouté à la loi, ni au texte pris pour l'application de celle-ci.

S'agissant des prestations facturées par une entreprise thaïlandaise :

12. Aux termes des stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " La jouissance des droits et libertés reconnus dans la présente Convention doit être assurée, sans distinction aucune, fondée notamment sur (...) l'origine nationale (...). ". Aux termes de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention : " Toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. / Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les États de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. ".

13. En vertu du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, pour être éligibles au crédit d'impôt mentionné au I de cet article, les dépenses prévues au i), à savoir celles afférentes à l'élaboration de nouvelles collections confiée par les entreprises industrielles du secteur textile-habillement-cuir à des stylistes ou bureaux de style agréés, doivent correspondre à des opérations localisées au sein de l'Union européenne ou dans un autre Etat partie à l'accord sur l'espace économique européen ayant conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative en vue de lutter contre la fraude ou l'évasion fiscale.

14. L'administration a remis en cause l'éligibilité au crédit d'impôt recherche des dépenses de conception de collections facturées par un prestataire extérieur établi en Thaïlande, au motif que ce prestataire avait réalisé les opérations correspondantes dans un Etat non-membre de l'Union européenne.

15. La SAS JMS soutient que la condition qui lui a ainsi été opposée par l'administration, conformément aux dispositions, rappelées au point 13, du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, crée, envers les entreprises, selon qu'elles font appel à un prestataire établi ou non sur le territoire de l'Union européenne, une discrimination contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ainsi qu'à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention.

16. Il résulte des travaux préparatoires dont sont issues les dispositions, rappelées au point 13, du II de l'article 244 quater B du code général des impôts, que le législateur avait initialement entendu, par le dispositif du crédit d'impôt recherche, inciter les entreprises à localiser, maintenir et développer leurs opérations de recherche sur le territoire national. Afin d'assurer que cette mesure, qui poursuit un objectif d'intérêt général, soit mise en œuvre dans le respect du droit de l'Union européenne, la loi a, en 2004, étendu le bénéfice du crédit d'impôt recherche aux entreprises, soumises à l'impôt national, qui localisent leurs activités effectives de recherche sur le territoire d'un autre Etat membre de l'Union européenne ou, sous conditions, sur le territoire des Etats parties à l'accord sur l'Espace économique européen. Depuis lors, il existe, au regard de l'objet de la loi, une différence de situation entre les entreprises qui localisent leurs opérations de recherche sur le territoire des Etats visés par ces dispositions du II de l'article 244 quater B du code général des impôts et celles qui les localisent sur le territoire d'un Etat tiers. Toutefois, la différence de traitement établie par ces dispositions, qui repose sur des critères objectifs et rationnels au regard de l'objectif d'intérêt général que constituent le développement et le maintien des activités de recherche sur le territoire défini par la loi, est en rapport direct avec l'objet de cette loi et ne peut être regardée comme disproportionnée aux buts en vue desquels celle-ci a été adoptée. Il suit de là que la différence de traitement qui résulte de l'application de ce texte n'est pas contraire aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention.

En ce qui concerne la remise en cause de la déductibilité de dépenses en tant que charges :

S'agissant des dépenses de logement :

17. En vertu du 1 de l'article 39 du code général des impôts, le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant notamment, en vertu du 1° de ce 1, les frais généraux de toute nature, les dépenses de personnel et de main-d'œuvre, de même que le loyer des immeubles dont l'entreprise est locataire. Ce même 1 précise toutefois que les rémunérations ne sont admises en déduction des résultats que dans la mesure où elles correspondent à un travail effectif et ne sont pas excessives, eu égard à l'importance du service rendu, et que cette condition s'applique à toutes les rémunérations directes ou indirectes, y compris les indemnités, allocations, avantages en nature et remboursements de frais.

18. L'administration a remis en cause la déductibilité, en tant que charges, des dépenses liées à l'utilisation d'une maison d'habitation située à Saint-Étienne-au-Mont, à savoir le loyer, une police d'assurance, des consommations d'eau, d'électricité et de gaz, ainsi que la taxe d'habitation, que la SAS JMS avait déduites de ses résultats imposables des exercices clos en 2010, 2011 et 2012. Au cours de la vérification de comptabilité dont cette société a fait l'objet, il a été précisé à la vérificatrice que cette maison d'habitation était utilisée par le président de son conseil d'administration, qui réside à Hong-Kong, à l'occasion de ses déplacements en France.

19. La SAS JMS, à qui il incombe de justifier de la correction de l'inscription de ces écritures de charges en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de la déductibilité des dépenses correspondantes, précise que cette solution était moins onéreuse que celle consistant à prendre à sa charge des nuitées d'hôtel. Elle ajoute que, son dirigeant ne venant en France que pour des courts séjours et continuant, de ce fait, à organiser ses journées selon le fuseau horaire en usage en Asie du Sud-Est, ce logement, dans lequel est aménagé un bureau et qui est situé non loin des locaux et des entrepôts de l'entreprise, lui offre une plus grande souplesse d'organisation. Enfin, elle fait observer que ce logement, qui doit être regardé comme un logement de fonction, n'est pas exclusivement utilisé par son dirigeant, mais héberge également des intervenants extérieurs lors de leurs visites dans l'entreprise, ce qui leur permet de s'entretenir avec son dirigeant.

20. Toutefois, alors qu'il n'incombe pas, en principe, à une entreprise de prendre à sa charge le logement de ses dirigeants, ni celui des représentants de ses clients ou de ses fournisseurs, la SAS JMS ne peut être regardée comme apportant la preuve, qui lui incombe, de la correcte imputation comptable, c'est-à-dire du caractère de charges, de ces déductions correspondant à l'intégralité des dépenses exposées annuellement pour bénéficier de l'usage d'une maison d'habitation, située, non pas à proximité immédiate, mais à une distance d'environ 6 km à pied ou à 10 minutes en voiture, des locaux de l'entreprise, qui ne peut, en l'absence de tout élément probant, être regardée comme ayant la nature d'un logement de fonction et que son dirigeant, ainsi que des intervenants extérieurs, n'utilisent d'ailleurs, selon les allégations mêmes de la SAS JMS, que quelques jours par mois. Au demeurant, la société appelante n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations selon lesquelles la prise en charge de l'ensemble de ces dépenses serait moins onéreuse que le paiement ponctuel de nuitées d'hôtel à l'occasion des séjours en France de son dirigeant, à raison de quelques jours par mois, et des visites occasionnelles d'intervenants extérieurs. Dans ces conditions, ces dépenses ne peuvent être regardées comme ayant la nature de charges déductibles des résultats imposables de la SAS JMS, de sorte que leur déduction a été remise en cause à bon droit. La SAS JMS n'est pas fondée à invoquer, à cet égard, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, le paragraphe n°170 de la doctrine administrative publiée le 12 septembre 2012 au bulletin officiel des finances publiques sous la référence BOI-BIC-CHG-40-20-10, en ce qu'il préconise d'admettre en déduction la fraction des dépenses de logement directement motivée par les nécessités de l'exploitation, dès lors qu'eu égard à ce qui vient d'être dit, elle n'établit pas entrer dans les prévisions de cet extrait de doctrine, faute de justifier du caractère nécessaire pour son exploitation des dépenses de logement qu'elle a exposées.

S'agissant des retraits bancaires :

21. La SAS JMS a porté en déduction de son résultat imposable de l'exercice clos en 2010, en les inscrivant dans un compte 625113, dont le libellé correspond à des frais de déplacement et de direction, des sommes qui ont fait l'objet de retraits, sur son compte bancaire, par le président de son conseil d'administration, pour un montant total de 16 194,68 euros. L'administration a remis en cause la déductibilité, en tant que charges, de ces sommes, dès lors que ces écritures comptables n'étaient appuyées d'aucun justificatif de la réalité et du caractère professionnel des frais qu'elles étaient censées couvrir. La SAS JMS, qui, indépendamment même de la procédure d'imposition, supporte la charge de la preuve de la correction de l'inscription de ces écritures de charges en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de la déductibilité des sommes correspondantes, n'apporte pas cette preuve en se bornant à alléguer, sans produire aucun commencement de justification, que ces sommes auraient effectivement couvert des frais exposés par son dirigeant pour l'exercice de ses fonctions. Au demeurant, il avait été admis auprès de la vérificatrice, au cours du contrôle dont la SAS JMS a fait l'objet, que certaines des dépenses en cause étaient d'ordre personnel. S'il avait été précisé à la vérificatrice que leur prise en charge par la société venait en compensation de redevances d'utilisation de marque dues à ce dirigeant et non payées, l'administration relève que ces redevances ont, elles aussi, été portées en déduction en tant que charges du même exercice. Dans ces conditions, la contestation de ce chef de rehaussement, telle qu'elle est articulée par la SAS JMS, ne peut qu'être écartée.

En ce qui concerne la cession de créance :

22. En vertu de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable est le bénéfice net, déterminé d'après les résultats d'ensemble des opérations de toute nature effectuées par les entreprises, y compris notamment les cessions d'éléments de l'actif, soit en cours, soit en fin d'exploitation. Ce même article précise que le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt, diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés, et que l'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés.

23. Il incombe à une société, qui constate l'extinction d'une dette à l'égard de certains de ses créanciers et crédite pour le même montant le compte courant de ses associés et qui soutient que ces écritures résultent d'une cession de créance intervenue entre ces créanciers et ses associés, de l'établir par la production d'un acte de cession de créance soumis aux formalités prévues par l'article 1690 du code civil. Lorsque l'acte invoqué n'a pas été soumis à ces formalités, la société conserve la charge de justifier des écritures portées sur un compte de tiers, c'est-à-dire de prouver la réalité de la cession de créance dont elle se prévaut et elle peut apporter cette preuve par tout moyen. À défaut, elle doit être regardée comme ayant enregistré, à son profit, un abandon de créances générant une augmentation de son actif net.

24. Il ressort des mentions de la proposition de rectification adressée le 13 mars 2014 à la SAS JMS, que la société HFK Limited, dont le siège est situé à Hong-Kong, détenait, au 1er janvier 2012, une créance sur la SAS JMS, représentant un montant total de 209 195,47 euros, qui correspondait, pour 74 000 euros, à la réalisation de patrons, d'esquisses et de prototypes, pour 117 784,40 euros, à des achats de vêtements, et, pour 17 411,07 euros, à diverses prestations en lien avec des actions de publicité. Au 31 août 2012, la SAS JMS a soldé, dans le compte de client ouvert, dans sa comptabilité, au nom de la société HFK Limited, la dette envers celle-ci, et, en contrepartie de cette écriture, a crédité, pour le même montant de 209 195,47 euros, le compte courant d'associé ouvert au nom de son dirigeant, constatant ainsi une dette envers ce dernier à hauteur de ce montant. Pour justifier de cette écriture, la SAS JMS a produit à la vérificatrice, au cours du contrôle dont elle a fait l'objet, un acte de cession de créance établi le 31 août 2012 entre son dirigeant et la société HFK Limited. Constatant cependant que cet acte n'avait pas été soumis aux formalités prévues par les dispositions de l'article 1690 du code civil, ni même à un enregistrement, l'administration a regardé celui-ci comme n'ayant pas date certaine et comme ne lui étant pas opposable, de sorte que la cession de créance invoquée n'était, à ses yeux, pas établie. Elle a, en conséquence, estimé que l'extinction de la dette envers la société HFK Limited, constatée par la SAS JMS dans sa comptabilité, avait généré une augmentation de son actif net qui avait la nature d'un profit imposable.

25. Si l'acte de cession de créance établi le 31 août 2012 entre la société HFK Limited et le président du conseil d'administration de la SAS JMS prévoit, en son article 6, qu'il fera l'objet d'une signification à cette dernière, il est constant que ni cette formalité, ni l'autre formalité prévue par l'article 1690 du code civil n'ont été accomplies par la SAS JMS et que cet acte n'a pas davantage été soumis à la formalité d'enregistrement. Pour établir que la dette qu'elle avait contractée envers la société HFK Limited n'a pas été éteinte au 31 août 2012, mais seulement cédée à son dirigeant, la SAS JMS se prévaut de la concomitance entre l'acte de cession et les écritures portées au compte courant de son dirigeant et invoque la circonstance que ce dernier a effectué, le 30 juin 2012, un virement d'un montant de 130 000 euros, depuis un compte ouvert à son nom auprès d'un établissement bancaire français, le relevé de ce compte, versé au dossier, précisant que le bénéficiaire de cette opération est établi hors du territoire de l'Union européenne. Toutefois, ce virement, dont le bénéficiaire n'est pas identifié et qui a été effectué deux mois avant l'établissement de l'acte de cession et les écritures en compte courant dont il est fait état, pour un montant qui ne correspond pas à celui de la créance détenue par la société HFK Limited, ni même à l'une de ses composantes, mentionnées sur les factures adressées par cette société à la SAS JMS, n'est pas de nature à établir que cette créance a effectivement fait l'objet d'une cession entre les mains du dirigeant de la SAS JMS, ce que la seule concomitance entre l'établissement de l'acte produit et la passation des écritures comptables ne peut suffire à établir. Il suit de là que l'administration était fondée à considérer que cette créance avait fait l'objet d'un abandon au 31 août 2012, et à soumettre à l'impôt sur les sociétés le profit correspondant à l'accroissement corrélatif de l'actif net de la SAS JMS.

En ce qui concerne la retenue à la source appliquée aux revenus réputés distribués :

26. D'une part, en vertu du c. de l'article 111 du code général des impôts, les rémunérations et avantages occultes sont considérés comme des revenus distribués. Aux termes du 2. de l'article 119 bis de ce code, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Les produits visés aux articles 108 à 117 bis donnent lieu à l'application d'une retenue à la source dont le taux est fixé par l'article 187 lorsqu'ils bénéficient à des personnes qui n'ont pas leur domicile fiscal ou leur siège en France ou lorsqu'ils sont payés hors de France dans un Etat ou territoire non coopératif au sens de l'article 238-0 A. Un décret fixe les modalités et conditions d'application de cette disposition. / (...) ".

27. D'autre part, aux termes de l'article 10 de l'accord conclu le 21 octobre 2010 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République populaire de Chine en vue d'éviter les doubles impositions en matière d'impôts sur le revenu et sur la fortune et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales, applicable à compter de l'année 2012 : " 1. Les dividendes payés par une société qui est un résident d'une Partie contractante à un résident de l'autre Partie contractante sont imposables dans cette autre Partie. / 2. a) Toutefois, ces dividendes sont aussi imposables dans la Partie contractante dont la société qui paie les dividendes est un résident, et selon la législation de cette Partie, mais si le bénéficiaire effectif des dividendes est un résident de l'autre Partie contractante, l'impôt ainsi établi ne peut excéder 10 pour cent du montant brut des dividendes. / b) Le présent paragraphe n'affecte pas l'imposition de la société au titre des bénéfices qui servent au paiement des dividendes. / 3. Le terme " dividendes " employé dans le présent article désigne (...) les revenus soumis au régime des distributions par la législation fiscale de la Partie contractante dont la société distributrice est un résident. / (...) ".

28. L'administration a, ainsi qu'il a été dit aux point 20 et 21, remis en cause à bon droit la déduction par la SAS JMS, en tant que charges, des dépenses qu'elle a exposées en contrepartie de l'usage, essentiellement par son dirigeant, d'un logement d'habitation, ainsi que des sommes ayant fait l'objet de retraits en espèces par son dirigeant. Dans ces conditions, l'administration était également fondée, en l'absence de preuve, ainsi qu'il a été dit, par la SAS JMS de ce que les sommes correspondantes auraient constitué des dépenses ayant le caractère de charges déductibles, à regarder ces sommes, qui s'élèvent à 31 282,41 euros, comme constituant, dès lors qu'elles n'avaient pas été comptabilisées, sous forme explicite, comme l'exige l'article 54 bis du code général des impôts, des rémunérations et avantages occultes, c'est-à-dire des revenus distribués imposables sur le fondement du c. de l'article 111 du code général des impôts. Elle a, pour le même motif, regardé comme ayant la même nature de rémunérations et d'avantages occultes imposables sur ce même fondement la somme de 209 195,47 euros inscrite au crédit du compte courant d'associé ouvert dans la comptabilité de la SAS JMS au nom de son dirigeant. Dès lors que le bénéficiaire de ces revenus, à savoir le président du conseil d'administration de la SAS JMS, n'est pas un résident fiscal français, mais qu'il est fiscalement domicilié à Hong-Kong, l'administration a estimé que les sommes correspondantes devaient être soumises à la retenue à la source prévue par les dispositions précitées de l'article 119 bis du code général des impôts. En l'absence de convention fiscale bilatérale applicable au titre des années 2010 et 2011, elle a estimé que le taux de cette retenue à la source devait être celui de 25 % prévu à l'article 187 du code général des impôts, pour cette catégorie de revenus servis à une personne établie dans un Etat non-membre de l'Union européenne, qui n'est pas partie à l'accord sur l'Espace économique européen et qui n'a pas conclu avec la France une convention fiscale contenant une clause d'assistance administrative. En ce qui concerne l'année 2012, à laquelle s'applique l'accord fiscal bilatéral conclu le 21 octobre 2010 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la région administrative spéciale de Hong-Kong de la République populaire de Chine, l'administration a estimé que le taux de la retenue à la source devait être celui de 10 % prévu par les stipulations précitées de l'article 10 de cette convention.

29. Lorsque la personne qui assure le paiement des revenus visés par le 2. de l'article 119 bis du code général des impôts n'a pas opéré la retenue à la source prévue par cet article ou ne l'a pas versée au Trésor, le montant brut des revenus mis en paiement sur lequel doit être appliquée la retenue à la source comprend, en plus des produits effectivement versés au bénéficiaire, un montant égal à l'avantage résultant, pour ce dernier, de ce que la somme reçue n'a pas supporté la retenue, sous réserve de la faculté offerte au bénéficiaire par l'article L. 77 du livre des procédures fiscales de demander l'application du mécanisme dit A... la " cascade " aux conditions du reversement prévues par cet article. Il n'y a pas lieu, pour déterminer l'assiette de la retenue à la source, de distinguer les cas où la retenue à la source ne peut être légalement prise en charge par la personne qui assure le paiement des revenus, en application de l'article 1672 bis du code général des impôts, des cas où elle peut l'être.

30. Il résulte de l'instruction que l'administration a déterminé, au cas d'espèce, dans lequel la SAS JMS n'a pas spontanément acquitté la retenue à la source sur les sommes versées à son dirigeant, le montant de la retenue à la source qu'elle a mise à la charge de la SAS JMS sur le fondement des dispositions du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts en faisant application des principes exposés au point précédent, c'est-à-dire en prenant en compte l'avantage résultant, pour le bénéficiaire de ce que la somme qu'il a reçue n'a pas supporté la retenue à la source. Il s'ensuit que la SAS JMS, qui n'a pas été en mesure d'établir que les sommes qu'elle a versées à son dirigeant auraient, en tout ou partie, eu pour objet de lui permettre d'acquitter des charges de l'entreprise, n'est pas fondée à soutenir que la retenue à la source à laquelle ont été soumis les revenus distribués qu'elle a servis à son dirigeant devait être calculée en faisant abstraction de cet avantage et sous déduction des charges justifiées. En outre, dès lors que, comme il a été dit au point précédent, il n'y a pas lieu, pour déterminer l'assiette de la retenue à la source, de distinguer les cas où la retenue à la source ne peut être légalement prise en charge par la personne qui assure le paiement des revenus, des cas où elle peut l'être, la SAS JMS ne peut utilement soutenir qu'il n'est pas établi qu'elle a définitivement supporté la charge de la retenue à la source.

31. La SAS JMS soutient cependant que l'application de la retenue à la source prévue au 2. de l'article 119 bis du code général des impôts est à l'origine d'une discrimination prohibée entre, d'une part, les contribuables résidents fiscaux français qui perçoivent des dividendes, lesquels contribuables bénéficient de l'abattement de 40'% prévu par le 2° du 3. de l'article 158 du code général des impôts, et d'autre part, les contribuables non-résidents, qui sont imposés, en principe, à hauteur de 25 %, par voie de retenue à la source, sans pouvoir bénéficier de cet abattement. Pour apprécier l'existence d'un traitement fiscal discriminatoire, il convient de procéder à la comparaison entre la charge fiscale, résultant de la combinaison d'une assiette et d'un taux d'imposition, supportée par le contribuable résident étranger soumis à la retenue à la source, et celle supportée par un couple de contribuables domiciliés en France percevant le même montant de dividendes. Or, si un contribuable non résident fiscal français ne bénéficie, en effet, pas de l'abattement de 40 % du 2° du 3. de l'article 158 du code général des impôts lorsqu'il est imposé, par voie de retenue à la source, sur des dividendes qui lui ont été servis par une société française, le taux d'imposition qui lui est alors appliqué est limité à 25 %, à moins qu'une convention fiscale bilatérale prévoie l'application d'un taux inférieur, tandis que, si le contribuable résident fiscal français bénéficie d'un abattement de 40 % lui permettant de réduire son assiette d'imposition, il se voit appliquer un taux d'imposition de 30 %. Dans ces conditions, dès lors que l'imposition à laquelle le dirigeant de la SAS JMS aurait été soumis s'il avait été résident fiscal français, n'a pas été manifestement inférieure au montant de la retenue à la source en litige, il s'en déduit que la circonstance selon laquelle l'abattement de 40 % prévu par le 2° du 3. de l'article 158 du code général des impôts ne s'applique pas aux dividendes soumis à la retenue à la source prévue par le 2. de l'article 119 bis du même code, ne traduit pas, par elle-même, un traitement fiscal discriminatoire contraire au principe de libre circulation des capitaux, tel que protégé par le droit de l'Union européenne, aux stipulations de l'article 14 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ou encore à celles de l'article 1er du premier protocole additionnel annexé à cette convention.

En ce qui concerne les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises :

32. En vertu du I de l'article 1586 ter du code général des impôts, dans sa rédaction applicable au présent litige, les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis de ce code et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. En outre, en vertu du 4 du I de l'article 1586 sexies de ce code, la valeur ajoutée entrant dans les bases soumises à cette cotisation est égale à la différence entre, d'une part, le chiffre d'affaires, majoré de différents produits, subventions et variation de stocks, et, d'autre part, diverses dépenses, au nombre desquelles figurent les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus, à l'exception des loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou en crédit-bail.

33. La SAS JMS n'a pas, dans les déclarations des bases entrant dans le calcul de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises qu'elle a souscrites au titre des exercices clos en 2010, 2011 et 2012, exclu des sommes venant en diminution dans le calcul de la valeur ajoutée imposable, le montant des loyers se rapportant à des locations de plus de six mois qu'elle a perçus au cours de chacun de ces trois exercices, pour les montants respectifs de 136 484 euros, 115 725 euros et 161 830 euros. L'administration a déduit de cette situation qu'il y avait lieu de pratiquer un rehaussement des bases imposables de la SAS JMS à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, au titre de chacun de ces exercices, à due concurrence de ces montants et de soumettre cette base aux taux respectifs de 0,76 %, de 0,64 % et de 0,61 % ainsi qu'aux frais de gestion prévus au XV de l'article 1647 du code général des impôts.

34. La SAS JMS soutient que les suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mis à sa charge sont excessifs, dès lors que l'administration a inclus à tort, dans l'assiette de cet impôt, la totalité du poste " loyers et redevances " de sa comptabilité, sans distinguer, parmi ces charges, celles qui relèvent effectivement de loyers de plus de six mois et celles qui se rapportent à des crédits-baux mobiliers. Toutefois, dès lors que les dispositions susmentionnées de l'article 1586 sexies du code général des impôts énoncent, de leur lettre même, que doivent être exclus des éléments venant en déduction, dans le calcul de la valeur ajoutée imposable, les loyers ou redevances afférents aux biens corporels pris en location ou en sous-location pour une durée de plus de six mois ou pris en crédit-bail, il n'y avait pas lieu pour l'administration de procéder à la distinction à laquelle la SAS JMS lui reproche de ne pas s'être livrée. Ce moyen doit donc être écarté.

Sur les pénalités :

35. En vertu du 1. de l'article 1728 du code général des impôts, le défaut de production, dans les délais prescrits, d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de 10 %, prévue au a. de ce 1, en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai.

36. L'administration a appliqué aux cotisations supplémentaires de retenue à la source mises à la charge de la SAS JMS sur le fondement du 2. de l'article 119 bis du code général des impôts, la majoration de 10 % prévue par les dispositions du 1. de l'article 1728 de ce code en cas de retard de déclaration des éléments entrant dans les bases soumises à cette retenue. Pour justifier l'application de cette majoration, le ministre fait valoir que la SAS JMS n'a souscrit aucune déclaration sur ce point, alors même qu'elle s'est livrée à une distribution de revenus au profit d'un bénéficiaire non-résident fiscal français, de sorte qu'elle encourait, à tout le moins, l'application de cette majoration de 10 % pour retard de déclaration.

37. La SAS JMS, qui ne conteste pas qu'elle entrait dans le champ d'application des dispositions du a. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts et qu'elle n'a pas déclaré ses bases imposables à la retenue à la source prévue au 2. de l'article 119 bis de ce code dans les délais impartis, soutient cependant que, compte tenu de la complexité de la situation à laquelle elle était confrontée, dans laquelle le sort fiscal des sommes qu'elle a versées à son dirigeant et la qualification de ces sommes au regard de la loi fiscale étaient délicats à déterminer, elle ne peut être sanctionnée à raison d'une simple erreur involontaire d'appréciation. Toutefois, dès lors que les dispositions du a. du 1. de l'article 1728 du code général des impôts ont seulement pour objet de sanctionner un retard du contribuable à déclarer auprès de l'administration les éléments entrant dans le calcul de ses bases imposables et que l'application de la majoration prévue par ces dispositions est seulement subordonnée au constat d'un retard du contribuable par rapport au délai qui lui était imparti, sans que l'intention qui a pu l'animer soit prise en considération, le moyen soulevé par la SAS JMS, qui ne conteste pas la situation de retard qui lui est imputée, ne peut qu'être écarté comme inopérant.

38. Enfin, la SAS JMS soutient que l'application de la majoration pour retard prévue par le 1. de l'article 1728 du code général des impôts est contraire aux principes constitutionnels de nécessité, d'individualisation et de proportionnalité des peines. Toutefois, dès lors que la SAS JMS n'a pas soulevé ce moyen dans un mémoire distinct afin qu'il puisse être examiné dans le cadre de la mise en œuvre de la procédure applicable aux questions prioritaires de constitutionnalité, ce moyen ne peut, en l'état, qu'être écarté comme irrecevable. Au demeurant, comme l'a d'ailleurs jugé le Conseil constitutionnel, dans sa décision n°2018-745 QPC du 23 novembre 2018, la majoration pour retard prévue au 1. de l'article 1728 du code général des impôts, dont le législateur a prévu de moduler le taux en fonction de la situation dans laquelle se trouve le contribuable, en fonction de l'importance de son retard et du fait qu'il a ou non fait l'objet d'une mise en demeure de régulariser sa situation, d'une part, constitue une sanction financière dont l'objet est de prévenir et de réprimer les omissions relatives à la déclaration de la base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt, d'autre part, a la nature de sanctions financières directement liées à celle des infractions réprimées, enfin, est prononcée par application de taux fixés par le législateur et qui ne sont pas manifestement disproportionnés, de sorte que, prises isolément, les dispositions du 1. de l'article 1728 du code général des impôts ne sont pas contraires aux principes constitutionnels de nécessité et de proportionnalité des peines.

39. Il résulte de tout ce qui précède que, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, la SAS JMS est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lille a rejeté les conclusions de sa demande tendant à la décharge, en droits et pénalités, des retenues à la source mises à sa charge sur le fondement de l'article 182 B du code général des impôts, et à demander la décharge, en droits et pénalités, de ces impositions. Enfin, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante pour l'essentiel, au titre des frais non compris dans les dépens exposés par la SAS JMS.

DÉCIDE :

Article 1er : La SAS JMS est déchargée, en droits et pénalités, des retenues à la source mises à sa charge sur le fondement de l'article 182 B du code général des impôts.

Article 2 : Le jugement n° 1704274 du 26 juin 2019 du tribunal administratif de Lille est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS JMS est rejeté.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société par actions simplifiée (SAS) JMS et au ministre de l'économie, des finances et de la relance.

Copie en sera transmise à l'administrateur général des finances publiques chargé de la direction spécialisée de contrôle fiscal Nord.

Délibéré après l'audience publique du 3 mars 2022 à laquelle siégeaient :

- M. Christian Heu, président de chambre,

- M. Mathieu Sauveplane, président-assesseur,

- M. Jean-François Papin, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 mars 2022.

Le rapporteur,

Signé : J.-F. PAPINLe président de chambre,

Signé : C. HEU

La greffière,

Signé : N. ROMERO

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la relance, en ce qui le concerne, ou à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

Pour expédition conforme

La greffière,

Nathalie Roméro

2

N°19DA01944


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Douai
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 19DA01944
Date de la décision : 17/03/2022
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement) - Motivation.

Contributions et taxes - Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Cotisations d`IR mises à la charge de personnes morales ou de tiers - Retenues à la source.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Évaluation de l'actif - Créances.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net - Charges diverses.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. Heu
Rapporteur ?: M. Jean-François Papin
Rapporteur public ?: M. Arruebo-Mannier
Avocat(s) : SELARL HORRIE et ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 26/04/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.douai;arret;2022-03-17;19da01944 ?
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