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16/02/2023 | FRANCE | N°19BX04962

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 2ème chambre, 16 février 2023, 19BX04962


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner, d'une part, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux et la société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM), son assureur, solidairement à hauteur de 90 % et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à hauteur de 10 %, à lui verser une indemnité totale de 245 566,65 euros, y compris la provision déjà versée de 20 000 euros, en répa

ration des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'accident médic...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... D... a demandé au tribunal administratif de Bordeaux de condamner, d'une part, le centre hospitalier universitaire (CHU) de Bordeaux et la société hospitalière des assurances mutuelles (SHAM), son assureur, solidairement à hauteur de 90 % et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) à hauteur de 10 %, à lui verser une indemnité totale de 245 566,65 euros, y compris la provision déjà versée de 20 000 euros, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'accident médical survenu le 16 juin 2006 et, d'autre part, de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité totale de 782 101,17 euros, y compris la provision déjà versée de 127 650,38 euros, en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de l'infection nosocomiale contractée le 16 juin 2006.

A... un jugement n° 1803976 du 5 novembre 2019, le tribunal administratif de Bordeaux a d'une part mis à la charge de l'ONIAM une indemnité de 164 729,97 euros, y compris les provisions déjà versées de 127 650,38 euros, et, d'autre part, condamné le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et la SHAM solidairement à verser à M. D... une indemnité de 32 711,96 euros, y compris les provisions déjà versées de 20 000 euros. Il a également condamné le CHU de Bordeaux et son assureur à verser solidairement à la Caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) de la Gironde la somme de 28 516,18 euros, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion pour un montant de 1 080 euros, et mis à la charge de l'établissement hospitalier les frais d'expertise.

Procédure devant la cour :

A... une requête et un mémoire, enregistrés les 26 décembre 2019 et 7 juillet 2020, M. D..., représenté A... la SELARL Mescam et Braun, doit être regardé comme demandant à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 novembre 2019 ;

2°) de condamner le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et la SHAM, son assureur, solidairement à hauteur de 90 % et l'ONIAM à hauteur de 10 %, à lui verser une indemnité de 235 424,61 euros, dont la provision de 20 000 euros devra être déduite, en réparation des préjudices subis en raison de l'accident médical survenu le 16 juin 2006 ;

3°) de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité de 724 324,84 euros, dont sera déduite la provision de 127 650,38 euros, en réparation des préjudices subis à la suite de l'infection nosocomiale contractée le 16 juin 2006 ;

3°) de mettre à la charge du CHU de Bordeaux, de la SHAM et de l'ONIAM la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens.

Il soutient que :

- le partage de responsabilité retenu A... les premiers juges ne peut qu'être confirmé ;

- s'agissant de l'évaluation des préjudices, le juge n'est pas tenu A... un barème, encore moins A... celui établi A... l'ONIAM ; la capitalisation doit être faite au vu de la table de la Gazette du Palais de 2018 ;

- les premiers juges ont statué ultra petita sur certains postes de préjudices dès lors qu'ils n'étaient pas saisis de l'aggravation intervenue en 2016 et que celle-ci n'a pas encore donné lieu à une demande préalable, pas plus qu'à une offre de l'ONIAM ; tel est le cas pour la tierce personne temporaire pour la période comprise entre le 1er mars 2012 et la consolidation de son état de santé après l'aggravation et pour le déficit fonctionnel temporaire pour la période à compter de 2015 ;

- le jugement peut être confirmé s'agissant des honoraires du médecin conseil et des frais de dossier médical ; l'indemnisation forfaitaire proposée A... l'ONIAM doit être écartée ; il a A... ailleurs exposé des frais de déplacement pour se rendre à des rendez-vous médicaux, qui sont imputables à l'infection nosocomiale à hauteur de 11 616,49 euros et à l'accident pour un montant de 154,46 euros ; l'ONIAM ne saurait lui reprocher d'avoir choisi le parcours le plus rapide et non celui qui est le plus court ; le seul fait qu'il n'a pas conservé de copie du certificat d'immatriculation du véhicule ne saurait le priver de toute indemnisation ; à titre subsidiaire, la cour peut appliquer le barème fiscal pour un véhicule de quatre chevaux au lieu de huit ;

- le besoin d'assistance d'une tierce personne a été évalué à huit heures A... semaine entre le 16 juin 2006 et le 19 août 2008 ; il n'y a pas lieu d'exclure la période durant laquelle l'incapacité est due à l'atteinte neurologique ; il n'y a pas lieu d'aller au-delà de la date de consolidation fixée au 18 mars 2011, ni de tenir compte de la prestation de compensation du handicap perçue en 2016, ou des réductions ou crédits d'impôts dont il pourrait bénéficier ; il convient de retenir un coût horaire de 20 euros et non de 12,60 euros et 13,50 euros comme l'a fait le tribunal en méconnaissance du principe de réparation intégrale ; le préjudice s'élève ainsi à 31 840 euros, à répartir entre le CHU et l'ONIAM ;

- il bénéficiait d'un emploi stable avant l'accident, son contrat à durée déterminée ayant été renouvelé A... deux fois ; le seul fait qu'il ne fasse plus partie des effectifs de la communauté de communes est dû à son arrêt de travail ; c'est à tort que les premiers juges ont restreint la période indemnisable du 16 septembre au 4 octobre 2016 ; à tout le moins, doit être indemnisée la perte de chance d'exercer une activité professionnelle, sans tenir compte des hypothèses de reconversion en télétravail émises A... l'expert qui s'est prononcé sur l'aggravation ; en tenant compte d'une part de son salaire et d'autre part des indemnités journalières, la perte de revenus pour la période antérieure au 7 juin 2007, exclusivement imputable à l'accident médical, s'élève à un montant qui, une fois revalorisé, est de 4 655,67 euros ; pour la période comprise entre le 7 juin 2007 et le 18 mars 2011, le préjudice s'élève, compte tenu de la pension et de la rente d'invalidité, à 25 288,65 euros ; le montant total du préjudice est imputable à hauteur de 13 085,22 euros à l'accident et de 16 859,10 euros à l'infection ;

- le besoin permanent d'aide A... une tierce personne est imputable à l'infection nosocomiale et représente huit heures A... semaine, à 20 euros de l'heure, soit 8 320 euros A... an ; le montant total du préjudice représente, en tenant compte d'une capitalisation à la date du 18 mars 2020, 269 451,52 euros, montant dont il convient de déduire la prestation de compensation du handicap, perçue entre juin 2016 et mai 2023, pour un montant de 74 989,56 euros ; l'indemnité peut ainsi être fixée à 194 461,96 euros ;

- le jugement peut être confirmé s'agissant du coût d'aménagement de sa salle de bains et le coût d'adaptation du véhicule, mis à la charge de l'ONIAM pour des montants respectifs de 2 558,38 euros et 6 066,86 euros ;

- alors qu'il est dans l'incapacité d'exercer une profession et reconnu travailleur handicapé, c'est à tort que les premiers juges ont rejeté la demande présentée au titre de la perte de gains professionnels futurs ; il a, à tout le moins, perdu une chance de retrouver et conserver un emploi ; sur les mêmes bases que pour la perte de gains professionnels actuels, le préjudice peut être fixé, pour la période du 18 mars 2011 au 17 mars 2020, à 136 080 euros et, pour la période future, à 489 676,32 euros ; une fois déduite la rente d'invalidité, le solde de 361 572,71 euros est imputable pour un tiers à l'accident et pour les deux tiers restants à l'infection ;

- au moment de l'accident, il devait être titularisé sur un poste de conducteur spécialisé créé pour lui ; eu égard à la perte de chance d'être titularisé, mais aussi l'impossibilité de retrouver un emploi et l'incidence sur sa carrière et sa retraite, il y a lieu de l'indemniser à hauteur de 90 000 euros, dans les mêmes conditions de répartition d'imputabilité pour un tiers à l'accident et pour les deux tiers restants à l'infection ;

- la base d'indemnisation du déficit fonctionnel temporaire doit être portée à 750 euros A... mois, ce qui donne une indemnisation de 22 325 euros, dont 3131,25 euros imputables à l'accident médical et 19 193,75 à l'infection ;

- l'indemnisation des souffrances endurées a été sous-évaluée A... le tribunal et doit être portée à 50 000 euros ;

- le déficit fonctionnel permanent, qui tient compte notamment de la perte de qualité de vie, peut être fixé à 150 000 euros ;

- les sommes allouées au titre du préjudice esthétique permanent et du préjudice sexuel ne sont pas contestées.

A... deux mémoires, enregistrés les 8 juin 2020 et 5 août 2021, l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, représenté A... la SELARL Birot Ravaut et associés, conclut :

1°) à la réformation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 novembre 2019 afin de limiter le montant de l'indemnisation à 95 564,31 euros ou, à titre subsidiaire, à 151 803,66 euros, duquel il convient de déduire la provision de 727,70 euros allouée à la suite de l'avis de la commission de conciliation et d'indemnisation du 17 décembre 2008, et les deux provisions d'un montant total de 126 922,68 euros, allouées après ordonnances du juge des référés des 29 janvier 2015 et 31 décembre 2018 ;

2°) à la condamnation de M. D... à rembourser le trop-perçu de provisions ;

3°) au rejet des conclusions de la CPAM de la Gironde ;

4°) au rejet des conclusions présentées A... M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- le partage de responsabilité retenu A... les premiers juges s'agissant de l'accident médical non fautif et du retard fautif de diagnostic et de prise en charge de quatorze jours doit être confirmé, de même que l'engagement de la solidarité nationale pour la réparation des dommages résultant de l'infection nosocomiale ;

- la date de consolidation doit être fixée au 18 mars 2011, et non au 27 novembre 2017 comme l'ont retenu les premiers juges ; comme le demande M. D..., seuls les préjudices relatifs à l'infection nosocomiale doivent être indemnisés, et non ceux relatifs à l'aggravation qui a débuté le 1er mars 2012 ;

- le recours du tiers payeur ne saurait être accueilli contre l'ONIAM dès lors que celui-ci n'est pas responsable des dommages subis ;

- le montant de l'indemnisation peut être calculé sur la base de son référentiel d'indemnisation qui, contrairement à ce qui est soutenu, assure une réparation intégrale des préjudices, et sur la table de capitalisation qui y figure ;

- les frais de médecin conseil doivent être pris en charge à parts égales entre le CHU et l'ONIAM dès lors que les opérations d'expertise ont été justifiées à la fois A... l'infection nosocomiale et l'accident médical non fautif ; une somme de 350 euros peut être accordée à ce titre ; la demande relative aux frais de copie du dossier médical qui ont été exposés durant la période post-aggravation doit être rejetée ; les frais de déplacement ne peuvent être que rejetés soit parce que le lien des analyses avec les complications dont M. D... a été victime n'est pas établi, soit parce que les frais qu'ils ont généré ne sont pas justifiés à défaut de production du certificat d'immatriculation du véhicule ;

- l'indemnisation due au titre de l'assistance A... une tierce personne temporaire doit tenir compte de la prestation de compensation du handicap, dont l'intéressé doit justifier du montant ou de la non-perception ; subsidiairement, ce besoin est évalué à huit heures A... semaine pendant les périodes de déficit fonctionnel temporaire partiel de classe III et IV, soit pendant 913 jours, comme l'a justement calculé le tribunal ; sur la base d'un taux horaire de 13 euros, une indemnité de 15 311,41 euros peut être allouée ;

- il n'est pas établi que le contrat d'agent non titulaire de M. D... aurait été renouvelé, ni que ce dernier aurait été titularisé ; l'attestation du président de la communauté de communes, produite à cet égard 13 ans après, n'est corroborée A... aucune autre pièce ; si les premiers juges ont retenu une perte de revenus pour la période du 16 septembre au 4 octobre 2016, ils ont omis de déduire les sommes perçues au titre du maintien du salaire ; M. D... n'a ainsi subi aucune perte de revenus ; il n'est en outre pas dans l'impossibilité d'exercer toute activité professionnelle ; à titre subsidiaire, il convient de distinguer la période avant le 7 juin 2007 où les pertes de revenus ne sont dues qu'à l'accident médical et la période postérieure à cette même date où les pertes sont dues à l'infection nosocomiale et l'accident médical, dans une proportion, indiquée A... l'expert, de deux tiers et d'un tiers ; il y a également lieu de déduire les indemnités journalières, salaires et pensions d'invalidité perçus durant ces deux périodes ; l'indemnisation à ce titre ne saurait excéder 14 106,75 euros ;

- aucune somme ne peut être versée au titre des frais d'assistance définitive A... tierce personne dès lors que ceux-ci sont inférieurs au montant de la prestation de compensation du handicap que M. D... a perçue à compter du 1er juin 2016 et qu'il continuera à percevoir à titre viager dès lors que son état n'est pas susceptible d'amélioration ;

- l'indemnité allouée au titre de l'aménagement du logement peut être confirmée ;

- la somme versée au titre de l'adaptation du véhicule doit être ramenée à 5 537,36 euros, sur la base non pas du barème de la Gazette du Palais de 2018, mais du référentiel de l'ONIAM, avec un euro de rente viager de 18,841 ;

- M. D... n'ayant exercé sa profession que de manière occasionnelle, il ne peut se prévaloir d'aucune perte de gains professionnels futurs ; il ne justifie pas ne pas exercer d'activité professionnelle, ni d'un impact sur ses droits à retraite, ni qu'il ne pourrait occuper un poste sédentaire ; il n'est pas davantage établi que l'absence d'activité professionnelle serait liée aux complications dont il a été victime ; à titre subsidiaire, la perte de gains professionnels futurs ne pourrait être calculée que jusqu'à l'âge de 62 ans et en tenant compte de la pension d'invalidité versée A... la CPAM ; l'indemnisation ne saurait excéder 23 321,19 euros ;

- M. D... ne saurait se prévaloir d'une perte au titre de la profession exercée antérieurement, ni d'aucune perte de chance de carrière et de promotion professionnelle au regard de ses contrats à durée déterminée, ni d'une impossibilité d'exercer toute profession ; à titre subsidiaire, les demandes formulées au titre de la perte de la profession antérieure et de l'impossibilité d'exercer toute profession ne sauraient se cumuler avec une indemnisation au titre de la perte de gains professionnels futurs ; la demande relative à la perte de chance de carrière et de promotion professionnelle ne pourrait qu'être réduite à de plus justes proportions, sans dépasser 5 000 euros ; le retentissement sur la future retraite n'est, contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, pas établi ; à titre subsidiaire, l'indemnisation due A... l'ONIAM ne saurait donc excéder 3 500 euros après imputation de sa part du dommage ;

- le déficit fonctionnel temporaire, calculé sur la base de 15 euros A... jour, peut donner lieu à une indemnité d'un montant maximal de 11 706,37 euros ;

- les souffrances endurées peuvent être évaluées à 24 000 euros, dont 16 800 euros peuvent être mis à la charge de l'ONIAM ;

- le déficit fonctionnel permanent peut être évalué à 76 746 euros ; la part devant être prise en charge A... l'ONIAM s'élève à 53 722,20 euros ; la demande présentée au titre des douleurs permanentes et de la perte de qualité de vie, indemnisée dans le calcul d'autres postes de préjudices, ne peut qu'être rejetée ;

- le requérant ne justifie pas avoir subi un préjudice d'agrément ;

- le préjudice esthétique permanent doit être ramené à 2 700 euros et peut être imputé à l'ONIAM à hauteur de 1 890 euros ;

- l'indemnisation allouée au titre du préjudice sexuel ne peut dépasser 3 000 euros, il y a lieu de confirmer le jugement sur ce point.

A... deux mémoires en défense, enregistrés les 26 avril 2021 et 23 août 2021, le CHU de Bordeaux et la SHAM, représentés A... Me Le Prado, concluent au rejet de la requête et des conclusions de la CPAM de la Gironde.

Ils font valoir que :

- M. D... ne conteste pas la répartition de la charge des condamnations arrêtée A... le tribunal, et notamment pas la mise à la charge de l'ONIAM de la totalité des conséquences dommageables de l'infection nosocomiale représentant, en principe, les deux tiers des préjudices ; l'ONIAM ne conteste pas davantage cette répartition ; seule l'évaluation de certains postes de préjudice est en discussion ;

- la réalité des frais de déplacement sur la période de 2006 à 2011 n'est pas établie A... la production d'un certificat d'immatriculation d'un véhicule acquis postérieurement ;

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il n'admet les pertes de revenus que jusqu'au 4 octobre 2006, date d'échéance du contrat à durée déterminée de M. D... ; dès lors que son activité professionnelle était précaire, il ne saurait se prévaloir d'une perte de gains professionnels futurs et pourrait seulement prétendre à une réparation au titre de l'incidence professionnelle ;

- pour la même raison, la perte de la profession antérieure ou la perte de chance de carrière et de promotion professionnelle ne sauraient être réparées ; il n'est en outre pas établi qu'il serait privé de la possibilité d'exercer toute activité professionnelle ; eu égard à la perception d'une pension d'invalidité qui a pour objet de réparer les préjudices liés à la perte de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de l'incapacité, la demande au titre de l'incidence professionnelle ne peut être que rejetée ;

- le déficit fonctionnel temporaire en lien avec le manquement imputable au CHU correspond à une période de dix-huit mois, il est de classe II et l'indemnisation ne saurait dépasser la somme de 1 620 euros ; la somme allouée A... les premiers juges doit être revue à la baisse et la demande de majoration rejetée ;

- les souffrances endurées ont été suffisamment réparées A... les premiers juges ;

- eu égard à l'âge du requérant à la date de consolidation, le déficit fonctionnel permanent a été suffisamment indemnisé ;

- la CPAM ne démontre pas en quoi les premiers juges auraient commis une erreur en limitant le remboursement du montant des débours en lien avec le manquement fautif à la somme de 28 516,18 euros, et sa présentation, outre qu'elle ne démontre pas la réalité des dépenses alléguées, ne permet pas de distinguer les dépenses en lien direct avec l'infection nosocomiale et celles résultant de l'accident médical ; la répartition opérée dans l'attestation d'imputabilité ne correspond pas au relevé de débours du 3 juillet 2019, ni avec la ventilation présentée dans le mémoire du 23 juin 2021 ;

- la caisse a omis de tenir compte du taux de perte de chance de 90 % pour les dépenses en lien avec l'accident médical, ainsi que du partage de responsabilité à hauteur de 30 % pour l'hôpital, en ce qui concerne la pension d'invalidité ;

- aucun accord n'ayant été donné pour le versement d'une somme en capital représentative des frais futurs, de telles conclusions aux fins de condamnation à verser un capital doivent être rejetées.

A... un mémoire, enregistré le 23 juin 2021, la CPAM de la Gironde, représentée A... le cabinet CB2P (AARPI), demande :

1°) la réformation du jugement du tribunal administratif de Bordeaux en ce qu'il a limité à 28 516,18 euros le montant de l'indemnité qui lui était due A... le CHU de Bordeaux et la SHAM, et de la porter à 185 830,85 euros ;

2°) la condamnation du CHU de Bordeaux et de la SHAM à lui verser solidairement la somme de 1 098 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;

3°) la mise à la charge solidaire du CHU de Bordeaux et de la SHAM des sommes de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de 13 euros au titre des frais de plaidoirie, et des dépens.

Elle fait valoir que :

- le jugement doit être confirmé en ce qu'il retient la responsabilité du CHU du fait de l'accident médical fautif ; aucun examen clinique ni neurologique ni biologique n'a eu lieu, ce qui aurait pu permettre de diagnostiquer l'hématome périarticulaire et d'éviter ainsi la compression du nerf sciatique ; en dépit du tableau clinique présenté A... le patient, l'intervention de reprise n'a eu lieu que quatorze jours après la première opération ; les préjudices découlent directement du suivi médical postopératoire défaillant et du retard de diagnostic ;

- le total des sommes exposées pour son assuré, imputables à l'accident médical, est supérieur à celui retenu A... les premiers juges et s'élève à 185 830,85 euros ; la liste des dépenses imputables a été établie A... le médecin-conseil en toute indépendance ;

- elles comprennent les prestations en lien avec l'incapacité dont demeure atteint M. D..., à savoir les pertes de gains professionnels futurs, l'incidence professionnelle et le déficit fonctionnel permanent ; celui-ci ayant été évalué à 40 %, et le centre hospitalier étant responsable à hauteur d'un tiers, ces dépenses peuvent être mises à sa charge à hauteur de 13,34 % ;

- le centre hospitalier universitaire de Bordeaux est responsable également à hauteur de 90 % dans la survenance de l'accident médical fautif, les prestations relatives aux dépenses de santé actuelles et aux pertes de gains professionnels actuelles peuvent être mises à sa charge dans cette proportion.

A... une ordonnance du 12 septembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 12 novembre 2022.

A... courriers des 20 et 21 décembre 2022, il a été demandé à M. D..., sur le fondement de l'article R. 613-1-1 du code de justice administrative, de produire des pièces en vue de compléter l'instruction.

Les pièces, produites A... M. D... en réponse à cette demande, ont été enregistrées le 4 janvier 2023.

Un mémoire, présenté pour M. D..., a été enregistré le 23 janvier 2023, soit postérieurement à la clôture de l'instruction.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'action sociale et des familles ;

- le code de la santé publique ;

- le code de la sécurité sociale ;

- l'arrêté du 15 décembre 2022 relatif aux montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2023 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... C...,

- les conclusions de Mme Kolia Gallier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Giard représentant M. D..., de Me Dagouret, représentant l'ONIAM, et de Me Garaud, représentant la CPAM de la Gironde.

Considérant ce qui suit :

1. En raison d'une coxarthrose de la hanche droite, M. D..., alors âgé de 43 ans, a été opéré au CHU de Bordeaux, le 16 juin 2006, pour la pose d'une prothèse de hanche. Des complications sont survenues à la suite de cette opération : d'une part un hématome qui a comprimé le nerf sciatique, à l'origine d'un déficit sensitivo-moteur du membre inférieur droit, qui a nécessité une reprise chirurgicale le 30 juin 2006, et d'autre part une inflammation de la plaie opératoire avec écoulement. Une reprise chirurgicale le 19 janvier 2008 révélait la présence d'une bactérie, de type staphylococcus epidermidis. Afin de lutter contre cette infection, une ablation de la prothèse, suivie d'une nouvelle mise en place, a eu lieu les 9 février et 13 mai 2009, puis une seconde fois les 23 octobre 2015 et 1er avril 2016.

2. M. D... a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (CCI) de la région Aquitaine le 11 février 2008. Au vu du rapport d'expertise déposé le 26 août 2008, la commission a retenu que le dommage subi A... M. D... était imputable à la fois à un accident médical non fautif, en raison de l'hématome compressif ayant entraîné un déficit sensitivo-moteur, et à une faute, en raison du retard de diagnostic et de prise en charge de quatorze jours de cette complication neurologique. Elle a imputé le dommage à hauteur de 10 % à l'ONIAM et de 90 % au CHU, et a invité ces derniers à faire une offre d'indemnisation transactionnelle partielle, compte tenu de l'absence de consolidation. A réception du certificat médical de consolidation établi le 18 mars 2011, la CCI a diligenté une nouvelle expertise. Le rapport, déposé le 28 juin 2011, retient que M. D... a été victime d'une infection nosocomiale imputable à l'intervention du 16 juin 2006 et que l'état de santé doit être regardé comme consolidé à la date du 19 août 2008 s'agissant de l'atteinte neurologique et du 18 mars 2011 s'agissant de l'infection nosocomiale. Au vu de ces conclusions, la CCI a rendu un avis le 19 octobre 2011, rectifié le 15 février 2012, A... lequel elle conserve le partage de responsabilité entre le CHU et l'ONIAM s'agissant de l'accident médical non fautif et le retard fautif de diagnostic et de prise en charge, et met à la charge de l'ONIAM les préjudices liés à l'infection nosocomiale, eu égard au taux de déficit fonctionnel permanent supérieur à 25 %.

3. Après avoir refusé les offres d'indemnisation faites A... l'ONIAM et le CHU, M. D... a saisi le tribunal administratif de Bordeaux, le 13 septembre 2018, afin d'obtenir réparation des préjudices subis. A... jugement du 5 novembre 2019, le tribunal a, d'une part, mis à la charge de l'ONIAM une indemnité de 164 729,97 euros à verser à M. D..., y compris les provisions déjà versées de 127 650,38 euros, et, d'autre part, condamné le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et la SHAM solidairement à lui verser une indemnité de 32 711,96 euros, y compris les provisions déjà versées de 20 000 euros. Le tribunal a également condamné le CHU de Bordeaux et son assureur à verser solidairement à la CPAM de la Gironde la somme de 28 516,18 euros, ainsi que l'indemnité forfaitaire de gestion pour un montant de 1 080 euros, et mis à la charge de l'établissement hospitalier les frais d'expertise. A... la présente requête, M. D... demande à la cour d'annuler le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 novembre 2019 et de condamner, d'une part, le CHU de Bordeaux et son assureur, ainsi que l'ONIAM à lui verser une indemnité de 215 424,61 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'accident médical et, d'autre part, de condamner l'ONIAM à lui verser une indemnité de 596 674,46 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'infection nosocomiale. L'ONIAM demande, A... la voie de l'appel incident, la réformation du jugement afin de limiter le montant de l'indemnisation, et A... conséquent le remboursement du trop-perçu de provision. La CPAM de la Gironde demande la réformation du jugement afin que soit relevé le montant de l'indemnité qui lui a été allouée au titre des dépenses de santé exposées pour son assuré.

Sur la régularité du jugement attaqué :

4. Il ressort du point 15 du jugement attaqué que, pour fixer la date de consolidation de l'état de santé de M. D..., les premiers juges ont relevé que le rapport d'expertise du 28 juin 2011 notait que l'infection prothétique persistait et qu'un nouvel épisode infectieux est effectivement intervenu A... la suite. Ils ont considéré, au vu du dernier rapport d'expertise remis le 14 avril 2018, qu'en l'absence de nouvelle manifestation infectieuse depuis le second changement de prothèse en 2016, la date de consolidation pouvait être fixée au 27 novembre 2017. Il résulte en effet de l'instruction que la date de consolidation au 18 mars 2011 retenue A... le premier expert a été remise en cause A... l'expertise diligentée A... le tribunal, à la demande de M. D..., à la suite de l'aggravation de son état de santé. Cette dernière relève plusieurs manifestations infectieuses depuis l'expertise de 2011, qui ont nécessité un changement de prothèse, ainsi qu'un lavage et un changement des pièces mobiles de la dernière prothèse. A... suite, en retenant comme date de consolidation le 27 novembre 2017 et alors que les sommes allouées sont inférieures à celles demandées A... M. D..., les premiers juges n'ont, contrairement à ce qu'il est soutenu, pas statué ultra petita.

Sur la responsabilité :

5. La responsabilité du CHU de Bordeaux en raison du retard de diagnostic et de prise en charge de la complication neurologique dont a été victime M. D... n'est pas contestée, non plus que le partage de responsabilité entre le CHU et l'ONIAM à hauteur de, respectivement, 90 % et 10 %, et pas davantage la perte de chance de 90 % qui en est résultée. Les parties ne remettent pas non plus en cause l'engagement de la solidarité nationale en raison de l'infection nosocomiale contractée A... M. D... au cours ou au décours de l'intervention du 16 juin 2006, dont les fondements sont explicités dans les écritures nonobstant l'erreur de plume commise dans les conclusions, dirigées sur ce point contre le CHU, non plus que l'imputabilité de la part de préjudices résultant à la fois de l'accident médical et de l'infection nosocomiale dans une proportion de deux tiers à la charge de l'ONIAM et d'un tiers à la charge du CHU et de son assureur, la SHAM.

Sur les préjudices patrimoniaux :

6. Il résulte de l'instruction que, compte tenu des éléments rappelés au point 4, la date de consolidation, qui relève de l'office du juge, doit être fixée au 27 novembre 2017 s'agissant de l'état de santé consécutif à l'infection nosocomiale.

En ce qui concerne les préjudices temporaires :

7. En premier lieu, M. D... justifie avoir exposé des frais de médecin conseil pour un montant de 3 090 euros, ainsi que des frais de copie de son dossier médical pour un montant de 119,27 euros. L'ONIAM n'est pas fondé à soutenir que ces derniers frais, exposés en 2014, soit postérieurement à la date de consolidation initialement retenue, devraient être rejetés, ni à proposer une indemnisation forfaitaire pour le recours à un médecin conseil. Compte tenu du partage de responsabilité entre l'accident médical et l'infection, la demande de l'ONIAM tendant à une répartition de ces frais A... moitié doit être rejetée, et la somme totale de 2 246,49 euros peut être mise à la charge de l'ONIAM, le restant d'un montant de 962,78 euros incombant au CHU de Bordeaux et à son assureur.

8. M. D... demande également à être indemnisé des nombreux trajets qu'il a dû effectuer afin de se rendre à des rendez-vous médicaux, dont la réalité est établie, à hauteur de 259,60 kilomètres parcourus en 2006 du fait de l'accident médical et 28 968 kilomètres réalisés entre 2007 et 2011 en raison de l'infection nosocomiale. S'il produit un certificat d'immatriculation d'un véhicule de huit chevaux acquis en 2015, celui-ci n'est pas de nature à établir l'utilisation d'un véhicule de cette puissance pour la période à laquelle ces frais ont été exposés. Le préjudice doit ainsi être déterminé au vu du barème fiscal d'un véhicule de 4 CV, en retenant le taux applicable en 2006 pour les frais liés à l'accident médical et celui applicable en 2011 pour les frais en lien avec l'infection nosocomiale. Il sera dès lors fait une juste appréciation de son préjudice en le fixant à la somme de 9 559,20 euros. Conformément aux principes énoncés au point 5 ci-dessus, il y a lieu de condamner le CHU et son assureur à verser à M. D... la somme de 78 euros et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 9 481,20 euros.

9. En deuxième lieu, d'une part, lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, A... référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues A... l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié A... les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée A... un membre de la famille ou un proche de la victime.

10. D'autre part, en vertu des principes qui régissent l'indemnisation A... une personne publique des victimes d'un dommage dont elle doit répondre, il y a lieu de déduire de l'indemnisation allouée à la victime d'un dommage corporel au titre des frais d'assistance A... une tierce personne le montant des prestations dont elle bénéficie A... ailleurs et qui ont pour objet la prise en charge de tels frais. Il en est ainsi alors même que les dispositions en vigueur n'ouvrent pas à l'organisme qui sert ces prestations un recours subrogatoire contre l'auteur du dommage. La déduction n'a toutefois pas lieu d'être lorsqu'une disposition particulière permet à l'organisme qui a versé la prestation d'en réclamer le remboursement au bénéficiaire s'il revient à meilleure fortune.

11. La prestation de compensation du handicap accordée à toute personne handicapée, mentionnée au 1° de l'article L. 245-3 du code de l'action sociale et des familles correspondant aux charges liées à un besoin d'aides humaines y compris, le cas échéant, celles apportées A... les aidants familiaux, a le même objet que l'indemnité allouée à la victime au titre de l'assistance A... tierce personne et ne peut faire l'objet, en vertu de l'article L. 245-7 du même code, d'un remboursement en cas de retour à meilleure fortune. Il suit de là que le montant de cette prestation peut être déduit d'une rente ou indemnité allouée au titre de l'assistance A... tierce personne.

12. Il résulte des rapports d'expertise que M. D... a nécessité l'aide d'une tierce personne à raison de huit heures A... semaine pendant les périodes d'incapacité temporaire partielle de 75 % et de 50 % d'une durée totale de deux ans et six mois avant le 18 mars 2011, puis de quatorze heures A... semaine à compter du 1er mars 2012 et jusqu'au 27 novembre 2017, soit pendant une durée de 2 033 jours. Le coût de cette aide non spécialisée peut être fixé au coût horaire moyen du salaire minimum durant ces deux périodes, majoré afin de tenir compte des charges sociales et des majorations de rémunération dues les dimanches et jours fériés, soit 12,60 euros et 13,50 euros. Le préjudice peut ainsi être fixé à 76 049 euros. Durant cette période avant consolidation, il résulte de l'instruction que, s'il n'a pas obtenu de crédit d'impôt pour l'emploi d'une personne à domicile, M. D... n'a bénéficié de la prestation de compensation du handicap qu'à compter du 1er juin 2016 pour un montant mensuel de 879,79 euros, soit un total de 15 836,22 euros. Ce préjudice étant entièrement imputable à l'infection nosocomiale, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 40 712,78 euros en réparation de ce préjudice.

13. En dernier lieu, si M. D... était employé A... la communauté de communes du pays Paroupian comme chauffeur depuis le 3 janvier 2006 et que son contrat de trois mois a été renouvelé à deux reprises les 2 avril et 4 juillet 2006, il résulte de l'instruction qu'il ne faisait plus partie des effectifs de la commune le 5 octobre 2006 à l'échéance de son dernier contrat. Il n'est pas établi, alors que le renouvellement de son contrat était justifié A... un besoin occasionnel, qu'il avait vocation à être titularisé sur l'emploi de conducteur spécialisé à temps complet créé A... la communauté de communes le 1er mars 2005. A... suite, il ne peut soutenir avoir subi un préjudice lié à une perte de revenus professionnels que jusqu'au 4 octobre 2006.

14. En tenant compte de la période d'incapacité de trois mois qu'il aurait en toute hypothèse subie du fait de l'intervention pour la pose de la prothèse de hanche, M. D... a subi une perte de revenus en lien avec l'accident médical pour une période de dix-neuf jours courant du 16 septembre au 4 octobre 2006. Eu égard à son salaire mensuel qui s'élevait en septembre 2006 à 1 095,53 euros, le préjudice subi peut être évalué à 693,84 euros. Durant cette même période, il a perçu des indemnités journalières pour un montant de 22,35 euros A... jour, soit 424,64 euros. Il peut être fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à 269,20 euros. En tenant compte du taux de perte de chance engendré A... l'accident médical, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 26,92 euros et de condamner le CHU de Bordeaux et son assureur à verser la somme de 242,28 euros.

En ce qui concerne les préjudices permanents :

15. En premier lieu, depuis le 27 novembre 2017, date de consolidation de son état de santé selon la dernière expertise du 13 avril 2018, M. D... nécessite une assistance A... tierce personne qui a été évaluée, A... l'expert, à deux heures A... jour. Le préjudice subi à ce titre, calculé selon les mêmes principes que ceux indiqués au point 12 et sur la base d'un coût horaire de 14,30 euros, s'élève à 59 320 euros pour la période courant jusqu'à la date du présent arrêt. Durant cette même période, M. D... a bénéficié de la prestation de compensation du handicap pour un montant mensuel de 879,79 euros, revalorisée à 902,44 euros à compter du 1er juin 2019. Le montant total de cette prestation s'élève à 45 165,52 euros. Le préjudice indemnisable pour la période échue s'élève ainsi à une somme de 14 154,48 euros qui doit être mise à la charge de l'ONIAM. Pour la période future, il résulte de l'instruction que le droit à prestation compensatoire peut être regardé comme pérenne faute de perspective de réduction du handicap. A... suite, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM une rente, versée A... trimestre échu, pour un montant annuel de 11 523 euros, sous déduction de la prestation de compensation du handicap. Cette rente sera revalorisée annuellement A... application des coefficients prévus à l'article L. 434-17 du code de la sécurité sociale.

16. En deuxième lieu, les parties ne contestent pas la nécessité pour M. D... d'un véhicule aménagé pour tenir compte de la difficulté d'usage du membre inférieur droit, ni le fait qu'elle engendre un surcoût de 1 500 euros, tous les sept ans en moyenne. Sur la base du barème de capitalisation actualisé en 2022 de la Gazette du Palais, qui retient un taux de rente viagère de 23,569 pour un homme âgé de 59 ans à la date du premier renouvellement, le préjudice peut être fixé pour la période à venir à 5 050,50 euros, auquel il convient d'ajouter le surcoût exposé en 2015, soit un total de 6 550,50 euros. L'ONIAM, à la charge duquel cette indemnité a été mise, n'est pas fondé à solliciter l'application de son propre barème de capitalisation pour ramener l'indemnité à 5 537,36 euros.

17. En troisième lieu, en raison de l'expiration de son dernier contrat de travail, M. D... ne saurait prétendre avoir subi un préjudice lié à la perte de revenus professionnels postérieurement à la date de consolidation de son état de santé.

18. En quatrième lieu, si sa titularisation sur le poste créé A... la communauté de communes de chauffeur spécialisé à temps complet n'était pas certaine, M. D... a perdu une chance, du fait de l'accident médical et de l'infection nosocomiale, de pouvoir y prétendre. Il a en outre été placé en invalidité de catégorie 2, soit 50 %, à compter du 7 juin 2007, rendant plus difficile la poursuite de son activité de chauffeur spécialisé et nécessitant une reconversion, dès lors qu'il lui restait environ une vingtaine d'années avant d'arriver à la retraite. Eu égard à l'incidence sur sa carrière et ses droits à pension, il peut être fait une juste appréciation du préjudice subi en l'évaluant à 90 000 euros. Toutefois, outre les indemnités journalières qui lui ont été versées jusqu'au 31 mai 2007 pour un montant total de 5 341,65 euros, M. D... a perçu l'allocation aux adultes handicapés à compter du 1er décembre 2017 et jusqu'au 31 janvier 2019 pour un montant total de 3 836 euros. Il a également obtenu une pension d'invalidité à compter du 1er juin 2007 pour un montant mensuel de 610,01 euros, soit un total annuel de 7 320 euros. Il y a lieu de déduire du préjudice indemnisable ces prestations qui ont pour objet de réparer, sur une base forfaitaire, les préjudices subis A... la victime dans sa vie professionnelle en conséquence de l'accident et de l'infection, c'est-à-dire ses pertes de revenus professionnels et l'incidence professionnelle de son incapacité. Il s'ensuit que le montant des prestations perçues et à percevoir étant supérieur au montant du préjudice subi, M. D... n'est pas fondé à solliciter une indemnisation à ce titre.

19. En dernier lieu, l'indemnité allouée A... les premiers juges à raison des besoins d'aménagement du logement, pour un montant de 2 558,38 euros, n'est contestée ni A... M. D..., ni A... l'ONIAM à la charge duquel cette somme a été mise.

Sur les préjudices extra-patrimoniaux :

En ce qui concerne les préjudices temporaires :

20. M. D... a souffert d'une incapacité temporaire avant le 18 mars 2011 qui a été, selon les experts, de 100 % pendant une durée totale de sept mois et une semaine, soit 217 jours, puis de 75 % durant un an, de 50 % pendant un an et six mois, soit 548 jours, et enfin de 25 % pendant 625 jours. Pour la période postérieure au 1er mars 2012, M. D... a de nouveau souffert d'une incapacité, évaluée à 100 % durant 65 jours non consécutifs entre le 22 octobre 2015 et le 17 juin 2016, puis à 75 % pendant une durée de 2 033 jours, et à 25 % pour une durée de 625 jours. Il peut être fait une juste appréciation de ce préjudice en l'évaluant, sur la base de 600 euros A... mois pour un déficit total, à 53 340 euros. A l'exception de la période d'incapacité temporaire de 25 % antérieure au 18 mars 2011 et pour laquelle s'applique le partage de responsabilité énoncé au point 5, ce préjudice est entièrement imputable à l'infection nosocomiale. Il y a lieu A... conséquent de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 50 527,50 euros et à la charge du CHU et de son assureur la somme de 2 812,50 euros.

21. Les souffrances physiques et psychologiques que M. D... a endurées ont été importantes et évaluées A... les experts à six sur une échelle de sept pour la période avant le 18 mars 2011, afin de tenir compte notamment du nombre d'interventions chirurgicales et de séances de rééducation et de la durée du traitement antibiotique, puis moyennes à compter du 1er mars 2012 et évaluées à 4,5 sur sept. Le préjudice peut ainsi être fixé à une somme de 26 000 euros pour la première période qui doit être répartie entre le CHU et son assureur d'une part et l'ONIAM d'autre part, compte tenu du partage de responsabilité pour l'accident médical, et à 10 000 euros pour la seconde période, entièrement imputable à l'infection nosocomiale. Il y a dès lors lieu de condamner le CHU et de son assureur à verser à M. D... la somme de 23 400 euros et de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 12 600 euros.

En ce qui concerne les préjudices permanents :

22. M. D... demeure atteint d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 40 % A... les experts. Il était âgé de 54 ans à la date de consolidation, qui ne peut être retenue comme il le revendique à la date fixée A... la première expertise, compte tenu des aggravations ultérieures. Il peut dans ces conditions être fait une juste appréciation du préjudice qu'il a subi en le fixant à 72 260 euros. Eu égard à la répartition de l'imputabilité de ce préjudice entre l'accident médical et l'infection dans les proportions indiquées au point 5, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 50 582 euros et de condamner le CHU et son assureur à verser à M. D... la somme de 21 678 euros.

23. Il résulte des expertises que l'ankylose douloureuse de la hanche droite a un retentissement certain sur l'activité sexuelle. Il peut être fait une juste appréciation de ce préjudice, entièrement imputable à l'infection nosocomiale, en l'évaluant à 5 000 euros, qu'il convient de mettre à la charge de l'ONIAM.

24. Le préjudice esthétique permanent dont M. D... demeure atteint résulte d'une cicatrice importante au niveau de la hanche, et de la nécessité de recourir à une orthèse, une chaussure orthopédique et une canne. Il a été évalué A... les experts à 2,5 sur une échelle de sept, majoré à 4 sur sept en raison de l'aggravation de son état après le 1er mars 2012. Il peut être fait une juste appréciation de ce chef de préjudice en l'évaluant à 7 500 euros. Compte tenu de l'imputabilité partagée de ce préjudice entre l'accident médical et l'infection, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM la somme de 5 250 euros et de condamner le CHU et son assureur à verser à M. D... la somme de 2 250 euros.

25. Il résulte de tout ce qui précède que la somme mise à la charge de l'ONIAM A... les premiers juges doit être portée de 164 729,97 euros à 219 190,47 euros et que l'indemnité que le CHU de Bordeaux et son assureur, la SHAM, ont été solidairement condamnés à verser à M. D... doit être portée de 32 711,96 euros à 51 423,56 euros. Dans les deux cas, il y a lieu de déduire de ces sommes les provisions déjà versées A... les deux établissements pour des montants respectifs de 127 650,38 euros et 20 000 euros.

Sur les droits de la caisse :

26. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et notamment du relevé de débours établi le 3 juillet 2019 et de l'attestation d'imputabilité du médecin conseil, que la CPAM de la Gironde a exposé au profit de son assuré social des dépenses de santé, en lien avec l'accident médical, dont le montant s'élève, avant consolidation fixée, s'agissant de l'accident médical, au 19 août 2008, à 15 519,27 euros. Compte tenu du taux de perte de chance de 90 % engendré A... l'accident médical, le CHU de Bordeaux et son assureur, qui en sont responsables à hauteur de 90 %, doivent être condamnés solidairement à verser à la CPAM de la Gironde la somme de 12 570,60 euros.

27. Pour la période postérieure à la consolidation, la CPAM de la Gironde a exposé la somme de 2 407,39 euros correspondant à des séances de kinésithérapie en lien avec l'accident médical, entre le 22 août 2008 et le 11 février 2019. Compte tenu du taux de perte de chance et de la part de responsabilité du CHU de Bordeaux, il y a lieu de mettre à la charge solidaire de ce dernier et de son assureur la somme de 1 950 euros. En revanche, s'agissant des frais de kinésithérapie postérieurs au 11 février 2019, qui au demeurant ne sont pas justifiés pour la période antérieure à la présente décision, leur nécessité à titre viager n'est pas établie A... les rapports d'expertise.

28. En deuxième lieu, la CPAM justifie avoir versé à M. D... des indemnités journalières pour un montant de 5 766,30 euros pour la période du 16 septembre 2006 au 31 mai 2007, puis une pension d'invalidité pour un montant de 7 696,76 euros pour la période antérieure à la consolidation de l'accident (7 juin 2007 au 19 août 2008) et de 89 710,82 euros pour la période du 20 août 2008 au 30 juin 2019. Eu égard au partage d'imputabilité entre l'accident et l'infection nosocomiale, la caisse a droit au remboursement de ces débours, dans la limite du tiers imputable au CHU, soit la somme de 34 387,85 euros.

29. En dernier lieu, la CPAM demande, au titre de la pension d'invalidité postérieure au 1er juillet 2019, le versement d'un capital de 59 650,21 euros. A défaut d'accord du CHU de Bordeaux, le versement ne peut se faire sous forme de capital. Il y a lieu de mettre à la charge du CHU une rente versée annuellement, sur production des justificatifs, dans la limite du tiers correspondant à la part imputable à l'établissement, soit la somme de 2 738 euros.

30. Il résulte de ce qui précède que la somme que le CHU de Bordeaux et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à la CPAM de la Gironde A... les premiers juges doit être portée de 28 516,18 euros à 48 908,45 euros, outre la rente définie ci-dessus.

Sur les frais liés au litige :

31. D'une part, il résulte du point 49 du jugement attaqué que les frais des expertises ordonnées A... le tribunal ont été mis à la charge du CHU de Bordeaux pour un montant total de 1 800 euros. A... suite, les conclusions de M. D... et de la CPAM de la Gironde tendant à ce que les dépens soient mis à la charge du CHU de Bordeaux sont dépourvues d'objet.

32. D'autre part, la CPAM de la Gironde obtenant en appel une majoration de la somme allouée A... les premiers juges, le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion doit être actualisé au vu de l'arrêté du 15 décembre 2022 et être porté à la somme de 1 162 euros.

33. Enfin, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'ONIAM d'une part, et du CHU de Bordeaux et de son assureur d'autre part, la somme de 1 500 euros à verser chacun à M. D... sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative. Le CHU de Bordeaux et la SHAM verseront en outre la somme de 1 000 euros à la CPAM de la Gironde, ainsi que la somme de 13 euros au titre du droit de plaidoirie.

DECIDE :

Article 1er : La somme que le tribunal administratif de Bordeaux a mise à la charge de l'ONIAM est portée à 219 190,47 euros, sous déduction des provisions déjà versées pour un montant total de 127 650,38 euros.

Article 2 : L'ONIAM versera à M. D... une rente, A... trimestre échu, pour un montant annuel de 11 523 euros, sous déduction de la prestation de compensation du handicap. Cette rente sera revalorisée dans les conditions prévues au point 15 du présent arrêt.

Article 3 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à M. D... A... le tribunal administratif de Bordeaux est portée à 51 423,56 euros, sous déduction de la provision déjà versée pour un montant de 20 000 euros.

Article 4 : La somme que le centre hospitalier universitaire de Bordeaux et la SHAM ont été solidairement condamnés à verser à la CPAM de la Gironde A... le tribunal administratif de Bordeaux est portée à 48 908,45 euros. Le CHU et son assureur verseront en outre à la CPAM une rente annuelle, sur production de justificatifs, au titre de la pension d'invalidité postérieure au 1er juillet 2019, dans les conditions prévues au point 29 du présent arrêt.

Article 5 : Le montant de l'indemnité forfaitaire de gestion que le CHU de Bordeaux et la SHAM ont été condamnés à verser à la CPAM de la Gironde est porté à 1 162 euros.

Article 6 : Le jugement du tribunal administratif de Bordeaux du 5 novembre 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 7 : Le CHU de Bordeaux et la SHAM verseront solidairement à M. D... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la CPAM de la Gironde la somme de 1 013 euros au titre des frais liés au litige.

Article 8 : L'ONIAM versera à M. D... la somme de 1 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 9 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 10 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... D..., à l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales, au centre hospitalier universitaire de Bordeaux, à la société hospitalière d'assurances mutuelles, à la caisse primaire d'assurance maladie de la Gironde et à la communauté de communes du sud Gironde.

Délibéré après l'audience du 24 janvier 2023 à laquelle siégeaient :

Mme Catherine Girault, présidente,

Mme Anne Meyer, présidente assesseure,

M. Olivier Cotte, premier conseiller.

Rendu public A... mise à disposition au greffe, le 16 février 2023.

Le rapporteur,

Olivier C...

La présidente,

Catherine Girault

La greffière,

Virginie Guillout

La République mande et ordonne au ministre de la santé et de la prévention en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 19BX04962


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX04962
Date de la décision : 16/02/2023
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : Mme GIRAULT
Rapporteur ?: M. Olivier COTTE
Rapporteur public ?: Mme GALLIER
Avocat(s) : DE BOUSSAC-DI PACE

Origine de la décision
Date de l'import : 28/03/2023
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2023-02-16;19bx04962 ?
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