Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Limoges, d'une part, d'annuler la décision du 13 septembre 2016 par laquelle le directeur de l'institut universitaire technique (IUT) du Limousin a retiré son inscription en première année du diplôme universitaire de technologie (DUT) gestion des entreprises et des administrations (GEA) au titre de l'année universitaire 2016-2017 et, d'autre part, d'annuler la décision du 15 décembre 2016 par laquelle le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ".
Par un jugement n° 1601447, 1700719 du 5 avril 2019, le tribunal administratif de Limoges a annulé la décision du 13 septembre 2016 du directeur de l'IUT du Limousin et a rejeté le surplus des conclusions de M. B....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 31 octobre 2019, M. A... B..., représentée par Me C..., demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Limoges du 15 avril 2019 en tant qu'il a rejeté sa demande à fin d'annulation de la décision du 15 décembre 2016 par laquelle le préfet de la Corrèze a refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " ;
2°) d'enjoindre au préfet de prendre une nouvelle décision dans les deux mois ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des articles 37 et 75 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 1 920 euros au titre de la première instance et de 1 920 euros au titre de l'appel, sous réserve que Me C... renonce à percevoir la part contributive de l'Etat.
Il soutient que :
- la décision de refus de séjour est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'erreur de droit et de violation de la loi au regard de l'article L. 313-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- de toutes façons, l'annulation de la décision du directeur de l'IUT devait entraîner l'annulation du refus de séjour, puisqu'elle le prive de base légale ; les premiers juges n'ont pas tiré les conséquences de leur annulation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 janvier 2020, le préfet de la Corrèze conclut au rejet de la requête, en faisant valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance en date du 29 décembre 2019, la clôture de l'instruction a été fixée au 29 janvier 2020.
Par une décision en date du 5 septembre 2019, l'aide juridictionnelle totale a été accordée à M. B....
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 ;
- l'arrêté du 3 août 2005 relatif au diplôme universitaire de technologie dans l'Espace européen de l'enseignement supérieur ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme D... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant tunisien né en 1995, est entré régulièrement en France le 19 mars 2016, muni d'un visa de court séjour, puis s'y est maintenu en séjour irrégulier. Le 1er août 2016, il a demandé un titre de séjour fondé sur la vie privée et familiale. Le 22 août 2016, le préfet de la Corrèze a pris à son encontre un refus de séjour assorti d'une obligation de quitter le territoire français dans le délai de 30 jours et fixant le pays de renvoi. M. B... s'est à nouveau maintenu irrégulièrement en France et s'est inscrit en première année de DUT gestion des entreprises et des administrations (GEA) à l'institut universitaire technique (IUT) du Limousin au titre de l'année universitaire 2016-2017. Cependant, par une décision du 13 septembre 2016, le directeur de l'IUT du Limousin a retiré cette inscription, au motif qu'il n'avait " pas finalisé la procédure qui vous aurait permis de faire acte de candidature ". Le 14 septembre 2016, M. B... a demandé une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ". Le préfet de la Corrèze, par une décision du 15 décembre 2016, a refusé de faire droit à cette demande de titre de séjour. Par deux recours distincts, M. B... a demandé au tribunal administratif de Limoges l'annulation de ces deux décisions. Par un jugement du 5 avril 2019, le tribunal a annulé la décision du 13 septembre 2016, motifs pris de l'incompétence de son signataire et du défaut de procédure contradictoire préalable. L'intéressé fait appel du jugement précité, en tant qu'il a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du préfet de la Corrèze du 15 décembre 2016 ayant refusé de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant ".
Sur les conclusions à fin d'annulation de la décision du préfet de la Corrèze du 15 décembre 2016 :
2. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police ;(...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Pour rejeter la demande de titre " étudiant " de M. B..., le préfet, par son courrier en date du 15 décembre 2016 rappelle tout d'abord qu'il a déjà pris à son encontre, le 22 août 2016, " un arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours ". Il relève ensuite que, par courrier du 13 septembre 2016, le directeur de l'IUT du Limousin a annulé son inscription universitaire. Puis, il en conclut " qu'au vu de cet élément ", " je maintiens ma décision portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français et je vous demande de vous y conformer ".
4. Si, dans ses écritures d'appel, le préfet fait valoir que " les éléments de droit fondant la décision " étaient contenus dans son arrêté du 22 août 2016, auquel il fait référence dans la décision en litige, il est constant que cet arrêté, qui portait refus de séjour, mesure d'éloignement dans le délai de 30 jours et fixation du pays de renvoi, répondait à une demande de titre " vie privée et familiale ", sur le fondement de l'article L. 313-11-7° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, c'est-à-dire sur un fondement totalement différent de celui de la demande de titre de séjour en litige, formée sur un fondement " étudiant ". Par suite, M. B... est fondé à soutenir que la décision du 15 décembre 2016, laquelle ne vise au demeurant aucune considération de droit applicable en l'espèce, est entachée d'une erreur de droit et à en demander, pour ce motif, l'annulation.
5. L'annulation du refus de séjour de titre " étudiant " opposée à M. B... entraîne nécessairement l'annulation des mesures d'éloignement et de fixation du pays de renvoi, à supposer que de telles mesures soient contenues dans la décision en litige.
5. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Limoges a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 15 décembre 2016.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. Il y a lieu d'enjoindre au préfet de la Corrèze de réexaminer la situation de M. B... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Sur les conclusions au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros que demande M. B... sur ce fondement, qui sera versée à Me C..., sous réserve que celui-ci renonce au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
DECIDE :
Article 1er : La décision du préfet de la Corrèze en date du 15 décembre 2016 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint de au préfet de la Corrèze de réexaminer la situation de M. B... dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'article 3 du jugement du tribunal administratif de Limoges n° 1601447, 1700719 du 5 avril 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles ci-dessus.
Article 4 : L'Etat versera à Me C... la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve de sa renonciation à l'aide juridictionnelle.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Corrèze.
Délibéré après l'audience du 11 mai 2020 à laquelle siégeaient :
M. Pierre Larroumec, président,
Mme Karine Butéri, président-assesseur,
Mme D..., premier conseiller.
Lu en audience publique, le 8 juin 2020.
Le président,
Pierre Larroumec
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N° 19BX04096 2