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16/06/2020 | FRANCE | N°19BX03465

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 16 juin 2020, 19BX03465


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une demande enregistrée sous le n° 1605772, d'annuler la décision du 21 octobre 2016, révélée par un communiqué de presse, du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie auprès du ministre de l'économie et des finances attribuant un permis exclusif de recherche à la société Variscan Mines sur le territoire de la

commune de Couflens. Elles ont aussi demandé au tribunal d'annuler la décision d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une demande enregistrée sous le n° 1605772, d'annuler la décision du 21 octobre 2016, révélée par un communiqué de presse, du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie auprès du ministre de l'économie et des finances attribuant un permis exclusif de recherche à la société Variscan Mines sur le territoire de la commune de Couflens. Elles ont aussi demandé au tribunal d'annuler la décision du 21 octobre 2016, notifiée le même jour à la société Variscan Mines, d'attribution du permis exclusif de recherche.

La commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat ont demandé au tribunal administratif de Toulouse, par une demande enregistrée sous le n° 1701308, d'annuler l'arrêté du 21 octobre 2016, publié au Journal officiel de la République française du 11 février 2017, par lequel le secrétaire d'Etat chargé de l'industrie auprès du ministre de l'économie et des finances a accordé à la société Variscan Mines un permis exclusif de recherche de mines de tungstène, étain, bismuth, molybdène, zinc, plomb, cuivre, or, argent et substances connexes.

Par un jugement n° 1605772, 1701308 du 28 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a annulé l'arrêté du 21 octobre 2016 publié au journal officiel du 11 février 2017 et rejeté le surplus des demandes.

Procédure devant la cour :

I - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19BX03465 le 26 août 2019 et le 29 janvier 2020, la société Variscan Mines, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement n° 1605772,1701308 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé l'arrêté du 21 octobre 2016 ;

2°) de rejeter la demande de première instance ;

3°) de mettre à la charge des intimées la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les associations requérantes devant le tribunal n'avaient pas intérêt à demander l'annulation de la décision du 21 octobre 2016 ;

- les premiers juges ont fait une lecture erronée des articles 5 et 17 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif à la procédure d'instruction des demandes de permis exclusifs de recherche ; aucune disposition n'exige que le demandeur doive justifier de la totalité des fonds nécessaires à la réalisation de son projet à la date à laquelle l'autorité compétente se prononce ;

- les garanties financières du demandeur doivent être appréciées en fonction de ses charges et de ses engagements, de ses fonds propres, de sa capacité à lever par ailleurs des fonds pour son projet et des capacités financières de ses partenaires ayant présenté des engagements précis et fermes en sa faveur ; il convient à cet égard de tenir compte du fait qu'elle est une société " junior minière ", comme c'est le cas de la grande majorité des sociétés intervenant dans ce secteur d'activité, qui n'a pas, par elle-même, les moyens financiers pour mener à bien ce type de projet ;

- les pièces qu'elle a versées à l'appui de sa demande établissent la réalité de ses capacités financières ; il s'agit des engagements financiers pris en sa faveur par la société Juniper, la société Apollo Minerals et la société Equatorial Resources Ltd ; ces sociétés ont produit des lettres ou des protocoles par lesquels elles se sont engagées fermement à soutenir financièrement le projet ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le recours contre une décision d'octroi d'un permis exclusif de recherche est un recours de pleine juridiction et non un recours pour excès de pouvoir ; ainsi, le tribunal aurait dû tenir compte des éléments apportés après la délivrance de l'autorisation litigieuse qui confirmaient la réalité des capacités financières du pétitionnaire ; c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que la société Variscan Mines ne justifiait pas des capacités financières requises pour son projet ;

- c'est également à tort que le tribunal a jugé que l'absence de connaissance par le public des lettres d'engagement des sociétés Apollo Minerals et Equatorial Resources des 7 et 14 octobre 2016 a privé ce public d'une information ; il s'avère que le public n'a émis aucune observation sur la question des capacités financières du pétitionnaire au cours de la consultation ;

- la procédure de consultation du public a été réalisée conformément aux exigences des dispositions de l'article L. 120-3 du code de l'environnement ; la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement n'est pas directement invocable ;

- le dossier de demande présenté était complet en ce qui concerne la présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire ; le mémoire technique complémentaire déposé par le pétitionnaire n'était entaché d'aucune lacune ou imprécision ;

- la présentation d'une notice d'impact avec le dossier de demande, comme le prévoit l'article 17 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 n'est pas incompatible avec la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 et la directive 2001/92/CE du 13 décembre 2011 ; en effet, le permis exclusif de recherche n'est pas un plan ou un programme ni un projet au sens de ces directives ; les requérants de première instance ne sont donc pas fondés à invoquer l'incompatibilité de l'article 17 du décret au regard des directives communautaires à l'appui de leur moyen tiré de ce que le projet en litige aurait dû être accompagné d'une évaluation environnementale ou à tout le moins d'une notice d'impact ;

- dès lors que le projet en litige nécessitait une simple notice d'impact et non une étude d'impact, l'autorisation n'avait pas à être précédée de la consultation du Parc naturel régional ;

- la société pétitionnaire a justifié de ses capacités financières pour la réalisation de son projet ;

- l'autorisation en litige ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 161-1 du code minier ; cet article s'applique aux décisions permettant l'ouverture et la réalisation des travaux et non à la décision en litige qui est un permis exclusif de recherche ; un tel permis n'octroie pas le droit d'engager des travaux de recherche ou d'exploitation minière ; les atteintes aux intérêts environnementaux protégés par l'article L. 161-1 du code minier ne font pas partie des critères d'attribution du permis exclusif de recherche prévus par l'article 6 du décret du 2 juin 2006 ; le moyen soulevé est donc inopérant ;

- eu égard à l'objet du permis exclusif de recherche, le moyen tiré de la méconnaissance des orientations de la Charte du parc naturel régional est aussi inopérant ;

- le schéma départemental des carrières de l'Ariège n'est pas opposable au permis exclusif de recherche pris en application du code minier ; il en va de même pour les engagements baptisés " mines responsables " qui ne sont que des recommandations élaborées par l'INERIS ;

- les risques relatifs à l'exposition à l'amiante ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre du permis exclusif de recherche eu égard à son objet.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2019 et le 3 mars 2020, la commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat, représentées par Me G... et Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Variscan Mines la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par l'appelante doivent être écartés comme non fondés ;

- la décision du 21 octobre 2016 annulée par le tribunal est illégale au regard des autres moyens soulevés en première instance et du moyen tiré de la méconnaissance par cette décision des articles L. 141-2 et R. 141-14 du code forestier.

Par ordonnance du 29 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2020 à 12h00.

II - Par une requête et un mémoire enregistrés sous le n° 19BX03466 le 26 août 2019 et le 29 janvier 2020, la société Variscan Mines, représentée par Me A..., demande à la cour :

1°) de surseoir à l'exécution du jugement n° 1605772,1701308 du tribunal administratif de Toulouse en tant qu'il a annulé l'arrêté du 21 octobre 2016 ;

2°) de mettre à la charge des intimées la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les associations requérantes devant le tribunal n'avaient pas intérêt à demander l'annulation de la décision du 21 octobre 2016 ;

- en vertu de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, elle est fondée à solliciter le sursis à exécution du jugement attaqué car elle invoque à l'encontre de celui-ci des moyens sérieux et de nature à justifier son annulation ainsi que le rejet des conclusions accueillies par le jugement ;

- les premiers juges ont fait une lecture erronée des articles 5 et 17 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif à la procédure d'instruction des demandes de permis exclusifs de recherche ; aucune disposition n'exige que le demandeur doive justifier de la totalité des fonds nécessaires à la réalisation de son projet à la date à laquelle l'autorité compétente se prononce ;

- les garanties financières du demandeur doivent être appréciées en fonction de ses charges et de ses engagements, de ses fonds propres, de sa capacité à lever par ailleurs des fonds pour son projet et des capacités financières de ses partenaires ayant présenté des engagements précis et fermes en sa faveur ; il convient à cet égard de tenir compte du fait qu'elle est une société " junior minière ", comme c'est le cas de la grande majorité des sociétés intervenant dans ce secteur d'activité, qui n'a pas, par elle-même, les moyens financiers pour mener à bien ce type de projet ;

- les pièces qu'elle a versées à l'appui de sa demande établissent la réalité de ses capacités financières ; il s'agit des engagements financiers pris en sa faveur par la société Juniper, la société Apollo Minerals, la société Equatorial Resources Ltd ; ces sociétés ont produit des lettres ou des protocoles par lesquelles elles s'engageaient fermement à soutenir financièrement le projet ;

- contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, le recours contre une décision d'octroi d'un permis exclusif de recherche est un recours de pleine juridiction et non un recours pour excès de pouvoir ; ainsi, le tribunal aurait dû tenir compte des éléments apportés après la délivrance de l'autorisation litigieuse qui confirmaient la réalité des capacités financières du pétitionnaire ; c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que la société Variscan Mines ne justifiait pas des capacités financières requises pour son projet ;

- c'est également à tort que le tribunal a jugé que l'absence de connaissance par le public des lettres d'engagement des sociétés Apollo Minerals et Equatorial Resources des 7 et 14 octobre 2016 a privé ce public d'une information ; il s'avère que le public n'a émis aucune observation sur la question des capacités financières du pétitionnaire au cours de la consultation ;

- la procédure de consultation du public a été réalisée conformément aux exigences des dispositions de l'article L. 120-3 du code de l'environnement ; la méconnaissance de l'article 7 de la Charte de l'environnement n'est pas directement invocable ;

- le dossier de demande présenté était complet en ce qui concerne la présentation des capacités techniques et financières du pétitionnaire ; le mémoire technique complémentaire déposé par le pétitionnaire n'était entaché d'aucune lacune ou imprécision ;

- la présentation d'une notice d'impact avec le dossier de demande, comme le prévoit l'article 17 du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 n'est pas incompatible avec la directive 2001/42/CE du 27 juin 2001 et la directive 2001/92/CE du 13 décembre 2011 ; en effet, le permis exclusif de recherche n'est pas un plan ou un programme ni un projet au sens de ces directives ; les requérants de première instance ne sont donc pas fondés à invoquer l'incompatibilité de l'article 17 du décret au regard des directives communautaires à l'appui de leur moyen tiré de ce que le projet en litige aurait dû être accompagné d'une évaluation environnementale ou à tout le moins d'une étude d'impact ;

- dès lors que le projet en litige nécessitait une simple notice d'impact et non une étude d'impact, l'autorisation n'avait pas à être précédée de la consultation du Parc naturel régional ;

- la société pétitionnaire a justifié de ses capacités financières pour la réalisation de son projet ;

- l'autorisation en litige ne porte pas atteinte aux intérêts protégés par l'article L. 161-1 du code minier ; cet article s'applique aux décisions permettant l'ouverture et la réalisation des travaux et non à la décision en litige qui est un permis exclusif de recherche ; un tel permis n'octroie pas le droit d'engager des travaux de recherche ou d'exploitation minière ; les atteintes aux intérêts environnementaux protégés par l'article L. 161-1 du code minier ne font pas partie des critères d'attribution du permis exclusif de recherche prévus par l'article 6 du décret du 2 juin 2006 ; le moyen soulevé est donc inopérant ;

- eu égard à l'objet du permis exclusif de recherche, le moyen tiré de la méconnaissance des orientations de la Charte du parc naturel régional est aussi inopérant ;

- le schéma départemental des carrières de l'Ariège n'est pas opposable au permis exclusif de recherche pris en application du code minier ; il en va de même pour les engagements baptisés " mines responsables " qui ne sont que des recommandations élaborées par l'INERIS ;

- les risques relatifs à l'exposition à l'amiante ne peuvent être utilement invoqués à l'encontre du permis exclusif de recherche eu égard à son objet.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 21 décembre 2019 et le 3 mars 2020, la commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat, représentées par Me G... et Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Variscan Mines la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par l'appelante ne présentent pas un caractère sérieux de nature à justifier un sursis à exécution du jugement du tribunal ;

- la décision du 21 octobre 2016 annulée par le tribunal est illégale au regard des autres moyens soulevés en première instance auxquels s'ajoute le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 141-2 et R. 141-14 du code forestier.

Par ordonnance du 29 janvier 2020, la clôture d'instruction a été fixée au 3 mars 2020 à 12h00.

III - Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 août 2019 et le 2 mars 2020 sous le n° 19BX03467, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour d'annuler le jugement n° 1605772 et 1701308 du tribunal administratif de Toulouse du 28 juin 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 21 octobre 2016.

Il soutient que :

- pour apprécier les capacités financières de la société Variscan Mines, il faut tenir compte du fait qu'elle est une société " junior minière " qui n'a pas, par elle-même, les moyens financiers pour mener à bien le projet litigieux ; cette société a donc fait appel aux moyens financiers de son actionnaire unique et à d'autres acteurs du secteur de l'exploration minière ; l'analyse de ses capacités financières doit ainsi reposer sur ses fonds propres, sur sa capacité à lever des fonds nécessaires pour son projet et sur sa capacité à s'adjoindre un partenaire disposant de moyens financiers suffisants ;

- le code minier n'exige pas que le demandeur doive justifier qu'il a à sa disposition, à la date de l'autorisation, la totalité des fonds nécessaires à la réalisation du projet ; en l'espèce, les capacités financières de la société Variscan Mines ont fait l'objet d'un rapport d'analyse favorable de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère ; la réalité des capacités financières de la société a ensuite été confirmée par d'autres pièces produites après la délivrance de l'autorisation en litige ;

- l'absence d'information du public sur les engagements pris par les sociétés Appolo Minerals Ltd et Equatorial Resources Ltd, dans leurs lettres des 7 et 14 octobre 2016, n'a pas privé le public d'une information ni exercé une influence sur le sens de la décision prise ; le dossier de demande soumis à la consultation du public comprenait déjà les engagements financiers de ces sociétés en faveur de la société pétitionnaire ; le public n'a émis aucune observation sur la question des capacités financières de cette dernière ; les lettres des 7 et 14 octobre 2016 ne font que confirmer les engagements précédemment souscrits par les sociétés en cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2019, la commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat, représentées par Me G... et Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Variscan Mines la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par le ministre doivent être écartés comme infondés ;

- la décision du 21 octobre 2016 annulée par le tribunal est illégale au regard des autres moyens soulevés en première instance auxquels s'ajoute le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 141-2 et R. 141-14 du code forestier.

Par un mémoire en intervention, présenté le 26 décembre 2019, l'association pour Promouvoir l'Exploitation Responsable de la Mine de Salau, représentée par Me F..., conclut à l'annulation du jugement du tribunal administratif de Toulouse du 28 juin 2019 et au rejet de la demande de première instance.

Elle soutient que :

- c'est à bon droit que les premiers juges ont admis son intervention ; l'annulation de l'autorisation litigieuse porte atteinte à son objet social qui est de promouvoir les projets d'étude en faveur de la réouverture de la mine de Salau ;

- en revanche, les premiers juges auraient dû accueillir la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de la requête dès lors que les requérants avaient connaissance acquise de la décision du 21 octobre 2016 plus de deux mois avant la saisine du tribunal ;

- la demande d'autorisation comportait des engagements suffisamment précis des partenaires de la société Variscan Mines pour le financement du projet ;

- les moyens soulevés par les requérants devant le tribunal sont inopérants eu égard à l'objet de la décision qui est d'octroyer un permis exclusif de recherche, qui est un titre minier et non une autorisation de réaliser les travaux.

Par une ordonnance du 27 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2020 à 12h00.

IV - Par une requête et un mémoire enregistrés le 27 août 2019 et le 2 mars 2020 sous le n° 19BX03468, le ministre de l'économie et des finances demande à la cour de surseoir à l'exécution du jugement n° 1605772,1701038 du 28 juin 2019 en tant qu'il a annulé l'arrêté du 21 octobre 2016.

Il soutient que :

- en application de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, il est fondé à solliciter le sursis à exécution du jugement ;

- pour apprécier les capacités financières de la société Variscan Mines, il faut tenir compte du fait qu'elle est une société " junior minière " qui n'a pas, par elle-même, les moyens financiers pour mener à bien le projet litigieux ; cette société a donc fait appel aux moyens financiers de son actionnaire unique et d'autres acteurs du secteur de l'exploration minière ; l'analyse de ses capacités financières doit ainsi reposer sur ses fonds propres, sur sa capacité à lever des fonds nécessaires pour son projet et sur sa capacité à s'adjoindre un partenaire disposant de moyens financiers suffisants ;

- le code minier n'exige pas que le demandeur doive justifier qu'il a à sa disposition, à la date de l'autorisation, la totalité des fonds nécessaires à la réalisation du projet ; en l'espèce, les capacités financières de la société Variscan Mines ont fait l'objet d'un rapport d'analyse favorable de la direction de l'eau et de la biodiversité du ministère ; la réalité des capacités financières de la société a ensuite été confirmée par d'autres pièces produites après la délivrance de l'autorisation en litige ;

- l'absence d'information du public sur les engagements pris par les sociétés Appolo Minerals Ltd et Equatorial Resources Ltd, dans leurs lettres des 7 et 14 octobre 2016, n'a pas privé le public d'une information ni exercé une influence sur le sens de la décision prise ; le dossier de demande soumis à la consultation du public comprenait déjà les engagements financiers de ces sociétés en faveur de la société pétitionnaire ; le public n'a émis aucune observation sur la question des capacités financière de cette dernière ; les lettres des 7 et 14 octobre 2016 ne font que confirmer les engagements précédemment souscrits par les sociétés en cause.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2019, la commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat, représentées par Me G... et Me B..., concluent au rejet de la requête et à ce qu'il soit mis à la charge de la société Variscan Mines la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- les moyens soulevés par l'appelante ne présentent pas un caractère sérieux de nature à justifier le sursis à exécution du jugement du tribunal ;

- la décision du 21 octobre 2016 annulée par le tribunal est illégale au regard des autres moyens soulevés en première instance auxquels s'ajoute le moyen tiré de la méconnaissance des articles L. 141-2 et R. 141-14 du code forestier.

Par une ordonnance du 27 janvier 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 2 mars 2020 à 12h00.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- la Charte de l'environnement ;

- le code de l'environnement ;

- le code minier (nouveau) ;

- le décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrains ;

- le code de justice administrative et l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. E... C...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me A..., recueillies par un moyen de communication audio-visuelle, représentant la société Variscan Mines, de Me B..., représentant la commune de Couflens, et de M. D..., recueillies par un moyen de communication audio-visuelle, représentant le ministre de l'économie et des finances.

Un procès-verbal a été établi concernant l'audience dématérialisée tenue en application de l'article 7 de l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020.

Une note en délibéré présentée pour la société Variscan Mines a été enregistrée le 20 mai 2020.

Considérant ce qui suit :

1. Le 9 décembre 2014, la société Variscan Mines a déposé auprès du ministre en charge des mines un dossier pour l'obtention d'un permis exclusif de recherche dans la mine de Salau, située sur le territoire de la commune de Couflens (Ariège), qui avait fait l'objet d'une exploitation jusque dans les années 1980. Cette demande a été instruite conformément aux dispositions du décret n° 2006-648 du 2 juin 2006 relatif aux titres miniers et aux titres de stockage souterrains. Elle a fait l'objet d'une instruction locale qui a abouti à un rapport favorable au projet remis par la direction régionale de l'équipement, de l'aménagement et du logement le 17 décembre 2015 et d'un avis favorable de la préfète de l'Ariège du 18 décembre 2015. Après quoi, le dossier de demande a été transmis par la préfète de l'Ariège aux services ministériels compétents pour délivrer l'autorisation sollicitée. Après une consultation du public qui eut lieu du 15 avril au 30 avril 2016 et l'avis favorable rendu le 12 mai 2016 par le conseil général de l'économie, de l'industrie, de l'énergie et des technologies, le secrétaire d'Etat en charge de l'industrie auprès du ministre de l'économie et des finances a publié, le 21 octobre 2016, un communiqué de presse annonçant l'attribution du permis exclusif de recherche de mines de tungstène à la société Variscan Mines. Par courrier du 21 octobre 2016, le secrétaire d'Etat à l'industrie a informé la société Variscan Mines de la délivrance de l'autorisation sollicitée. Cette autorisation a fait l'objet d'un arrêté du secrétaire d'Etat à l'industrie du 21 octobre 2016, publié au Journal officiel de la République française le 11 février 2017, portant attribution d'un permis exclusif de recherche de mines de tungstène, étain, bismuth, molybdène, zinc, plomb, cuivre, or, argent et substances connexes. Délivrée pour une durée de cinq années à compter de sa publication au Journal officiel, l'autorisation concerne une surface de 42 km2 située sur le territoire de la commune de Couflens.

2. Par une demande enregistrée au tribunal administratif de Toulouse sous le n° 1605772, la commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat ont demandé l'annulation de l'autorisation du 21 octobre 2016, révélée selon elles par le communiqué de presse du même jour, ainsi que l'annulation de la lettre du secrétaire d'Etat chargé de l'industrie informant la société Variscan Mines de ce que sa demande de permis avait été satisfaite. Par une seconde demande enregistrée au tribunal sous le n° 1701308, la commune de Couflens, l'association Couflens-Salau Demain, l'association le Comité Ecologique Ariégeois et l'association Henri Pézerat ont demandé l'annulation de l'arrêté d'autorisation daté du 21 octobre 2016 et publié au Journal officiel de la République française du 11 février 2017. Le 28 juin 2019, le tribunal administratif de Toulouse a rendu un jugement sous le n° 1605772, 1701308 du 28 juin 2019 rejetant comme irrecevables, en l'absence de décision susceptible de recours, les conclusions à fin d'annulation du communiqué de presse et de la lettre de notification. Par ce même jugement, le tribunal a cependant annulé l'arrêté d'autorisation du 21 octobre 2016 publié le 11 février 2017.

3. La société Variscan Mines et le ministre de l'économie et des finances relèvent appel du jugement du tribunal administratif du 28 juin 2019 dont ils demandent l'annulation, en tant qu'il a annulé l'arrêté d'autorisation du 21 octobre 2016, par deux requêtes enregistrées sous les n° 19BX03465 et 19BX03467. Par deux autres requêtes n° 19BX03466 et 19BX03468, la société Variscan Mines et le ministre de l'économie et des finances demandent à la cour de surseoir à l'exécution du jugement du tribunal en tant qu'il a annulé l'autorisation en litige.

4. Les requêtes visées ci-dessus présentent à juger des mêmes questions. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.

Sur la recevabilité de l'intervention de l'association pour Promouvoir l'Exploitation Responsable de la Mine de Salau (requête n° 19BX03467) :

5. Selon l'article 2 de ses statuts, l'association pour Promouvoir l'Exploitation Responsable de la Mine de Salau s'est donnée pour objet " d'agir pour la défense du projet d'étude de faisabilité pour la réouverture de la mine de tungstène de Salau ". Elle justifie en raison de son objet social d'un intérêt à intervenir au soutien des conclusions d'appel à l'encontre du jugement attaqué qui a annulé le permis exclusif de recherche délivré le 21 octobre 2016 pour la mine de Salau. Par suite, l'intervention de l'association est recevable.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

6. En premier lieu, il ressort du dossier de première instance que la première demande de la commune de Couflens et autres, enregistrée au greffe du tribunal le 21 décembre 2016 sous le n° 1605772, était exclusivement dirigée contre le communiqué de presse du 21 octobre 2016 annonçant l'attribution du permis exclusif de recherche et contre la lettre du même jour informant le pétitionnaire de la réponse favorable à sa demande. Comme l'ont relevé à juste titre les premiers juges, cette demande ne comportait aucune conclusion dirigée contre l'arrêté d'autorisation proprement dit du 21 octobre 2016 dont la publication au Journal officiel n'est intervenue que le 11 février 2017. Par suite, la commune de Couflens et autres ne sauraient être regardées comme ayant manifesté, dès le 21 décembre 2016, la connaissance qu'elles auraient acquise de l'arrêté d'autorisation en litige. Il s'ensuit que la commune de Couflens et autres n'étaient pas tardives à contester l'arrêté lorsqu'elles ont saisi le tribunal de leur second recours le 21 mars 2017.

7. En second lieu, la commune de Couflens justifie d'un intérêt suffisant, qui n'est d'ailleurs pas contesté, à attaquer le permis exclusif de recherche du 21 octobre 2016 dès lors que celui-ci doit être mis en oeuvre à l'intérieur de son propre territoire sur une superficie de 42 km2. Par suite, les conclusions en annulation du permis du 21 octobre 2016 présentées devant le tribunal étaient recevables sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'intérêt à agir des associations requérantes qui ont présenté avec la commune une demande collective.

8. Il résulte de ce qui précède que la demande présentée devant le tribunal administratif de Toulouse était recevable.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal administratif de Toulouse :

9. D'une part, aux termes de l'article L. 122-1 du code minier (nouveau) : " Le permis exclusif de recherches de substances concessibles confère à son titulaire l'exclusivité du droit d'effectuer tous travaux de recherches dans le périmètre qu'il définit et de disposer librement des produits extraits à l'occasion des recherches et des essais. ". Aux termes de l'article L. 122-2 du même code : " Nul ne peut obtenir un permis exclusif de recherches s'il ne possède les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 161-1 et L. 163-1 à L. 163-9. Un décret en Conseil d'Etat définit les critères d'appréciation de ces capacités, les conditions d'attribution de ces titres ainsi que la procédure d'instruction des demandes. ". Aux termes de l'article 5 du décret du 2 juin 2006 : " Afin de justifier de ses capacités financières, le demandeur d'un titre fournit, à l'appui de sa demande et dans les mêmes conditions qu'à l'article précédent : a) Les trois derniers bilans et comptes de l'entreprise ; b) Les engagements hors bilan de l'entreprise, les garanties et les cautions consenties par elle, une présentation des litiges en cours et des risques financiers pouvant en résulter pour l'entreprise ; c) Les garanties et cautions dont bénéficie l'entreprise. Si le demandeur n'est pas en mesure de fournir les documents visés au a ci-dessus, il peut être autorisé à prouver ses capacités financières par tout autre document approprié (...) ". Aux termes de l'article 17 du même décret : " La demande de permis exclusif de recherches est assortie d'un dossier comportant (...) le programme des travaux envisagés, accompagné d'un engagement financier précisant, pour les permis de recherches de mines, le montant minimum de dépenses que le demandeur s'engage à consacrer aux recherches (...) ".

10. Le droit minier français repose sur un régime d'autorisation administrative qui prévoit que l'autorité compétente examine, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, si, comme le prévoit l'article L. 122-2 du code minier, les candidats à la délivrance d'un permis exclusif de recherche possèdent les capacités techniques et financières nécessaires pour mener à bien les travaux de recherches et pour assumer les obligations mentionnées dans des décrets pris pour préserver les intérêts mentionnés à l'article L. 161-1 et aux articles L. 163-1 à L. 163-9 de ce code, lesquels visent, notamment, la sécurité et la salubrité publiques, la protection de l'environnement et du patrimoine ou encore les intérêts agricoles des sites et lieux affectés par les travaux et installations afférents à l'exploitation.

11. Lorsque le pétitionnaire ne dispose pas en propre des capacités lui permettant de financer son projet, il peut se prévaloir d'appuis extérieurs à la condition de produire des documents établissant un engagement clair, précis et certain de participer, sous la réserve éventuelle de l'octroi effectif du permis, à la réalisation du programme envisagé.

12. D'autre part, aux termes de l'article 7 de la Charte de l'environnement : " Toute personne a le droit, dans les conditions et les limites définies par la loi, d'accéder aux informations relatives à l'environnement détenues par les autorités publiques et de participer à l'élaboration des décisions publiques ayant une incidence sur l'environnement. ". Aux termes de l'article L. 120-1-1 du code de l'environnement : " (...) le présent article définit les conditions et limites dans lesquelles le principe de participation du public prévu à l'article 7 de la Charte de l'environnement est applicable aux décisions individuelles des autorités publiques ayant une incidence sur l'environnement qui n'appartiennent pas à une catégorie de décisions pour lesquelles des dispositions législatives particulières ont prévu les cas et conditions dans lesquels elles doivent, le cas échéant en fonction de seuils et critères, être soumises à participation du public. II. - Le projet d'une décision mentionnée au I ou, lorsque la décision est prise sur demande, le dossier de demande est mis à disposition du public (...) Les observations du public (...) doivent parvenir à l'autorité publique concernée dans un délai qui ne peut être inférieur à quinze jours à compter de la mise à disposition. (...) ". En vertu de l'article L. 120-3 du même code, en vigueur à la date de la décision attaquée, le respect de la procédure de participation du public conditionne la délivrance du permis exclusif de recherches.

13. Le principe de participation, consacré et garanti par les dispositions précitées, vise à permettre au public de disposer à l'aide du dossier de demande mis à sa disposition, afin de les apprécier, d'une information fiable et exhaustive sur les capacités financières de l'exploitant. En application de ces mêmes dispositions, le public a été consulté sur le projet de permis exclusif de recherche entre le 15 et le 30 avril 2016.

14. Il ressort des pièces du dossier que la grande majorité des sociétés minières appartiennent à la catégorie " junior minière " qui regroupe des sociétés de taille modeste se consacrant exclusivement à l'activité d'exploration minière pour le financement de laquelle elles lèvent des fonds auprès de leurs actionnaires ou au moyen d'un appel public à l'épargne. Il ressort des pièces du dossier, que la société Variscan Mines, qui est une société " junior minière " dont le capital a été porté à 1,8 millions d'euros en septembre 2014 et qui a affiché un résultat d'exploitation négatif de près d'un million d'euros à l'issue des exercices clos en 2014 et 2015, ne dispose pas en propre des capacités financières pour assumer les dépenses nécessaires à la réalisation de son projet qu'elle a elle-même évaluées à un minimum de 25 millions d'euros.

15. A l'appui de sa demande, la société Variscan Mines a produit une lettre de sa société-mère, la société Platsearch (devenue Variscan Mines Ltd) du 30 janvier 2013 ainsi rédigée : " la société Platsearch fera ses meilleurs efforts afin que Variscan puisse respecter ses engagements financiers nécessaires à son activité et dispose d'une trésorerie suffisante à cet effet ... l'engagement de la société Platsearch NL au titre des présentes est une lettre d'intention au sens des articles 2287-1 et 2322 du code civil français ". Il ressort des pièces du dossier que la société Variscan Mines Ltd est une société de droit australien créée en 1987, cotée sur le marché des actions de Sydney, dont l'activité consiste à créer des structures d'exploration minières. En 2012, ses actifs s'élevaient à 11,6 millions euros, dont 7,6 millions disponibles. A lui seul, toutefois, l'engagement de la société Variscan Mines Ldt ne permettait pas à la société pétitionnaire de justifier ses capacités financières eu égard au montant des dépenses estimées pour la mise en oeuvre du permis exclusif de recherche en litige et qui s'élève, ainsi qu'il a été dit, à 25 millions d'euros au minimum.

16. Il ressort des pièces du dossier que la société Variscan Mines a conclu, le 10 mai 2014, avec le fonds d'investissement Juniper Capital un accord de joint-venture (association d'entreprises pour la réalisation d'un projet commun) pour l'exécution du permis exclusif de recherche sollicité à Couflens. Selon l'article 4 de ce protocole, Juniper Capital doit acquérir 80 % d'intérêts dans la joint-venture une fois qu'il aura dépensé 2,5 millions d'euros dans un maximum de 36 mois après l'obtention du permis exclusif de recherche tandis que Variscan Mines conservera 20 % d'intérêts jusqu'à la réalisation d'une étude de faisabilité bancaire ou la dépense, par Juniper Capital, d'une somme de 25 millions d'euros. L'article 4 du protocole stipule que, durant cette période, les travaux d'exploration seront à la charge exclusive de Juniper Capital. Dans un courrier qu'elle a adressé à la société Variscan Mines le 18 juillet 2014, la société Juniper Capital a confirmé qu'elle s'engageait avec ses partenaires à hauteur de 25 millions d'euros pour la réalisation du projet de Salau en Ariège " dans le cadre de l'étude de faisabilité bancaire en vue d'une production commerciale ", tout en soumettant son accord à l'attribution du permis, à la démonstration de la viabilité économique du projet en fonction de ses propres critères et à son accord sur les méthodes de traitement. Dans ce cadre, la société Variscan Mines, sa maison-mère Variscan Mines Ltd et le fonds d'investissement Juniper Capital ont signé, le 7 mai 2016, un protocole d'accord fixant les termes et conditions de l'établissement de la " société commune " à créer dans le cadre de la réalisation du permis exclusif de recherche sollicité.

17. Il doit être déduit de ces divers éléments, ainsi que l'a d'ailleurs relevé la direction générale de l'aménagement, du logement et de la nature du ministère de l'économie dans son rapport du 10 avril 2016, que le financement du projet reposait alors très largement sur le fonds d'investissement Juniper Capital. De ce fait, la demande de permis déposée par la société Variscan Mines ne pouvait être regardée comme conforme aux exigences des dispositions des articles 5 et 17 du décret du 2 juin 2006, citées au point 9, que pour autant que son partenaire financier ait lui-même disposé des capacités financières nécessaires à la réalisation du projet. Pour en justifier, la société Variscan Mines a produit une lettre datée du 18 juillet 2014 dans laquelle son auteur, la société Apollo Multi Asset Management, s'engageait aux côtés de Juniper Capital pour soutenir financièrement la demande de permis. Toutefois, et comme l'ont relevé les premiers juges, par un courrier adressé au maire de Couflens le 15 février 2016, la société Apollo Multi Asset Management a indiqué qu'elle s'était désengagée du projet depuis plusieurs mois.

18. C'est pourquoi le ministre de l'économie et des finances a invité la société pétitionnaire à rechercher d'autres partenaires susceptibles de financer son projet. Par deux lettres datées du 7 et du 14 octobre 2016, la société Apollo Mineral Ltd s'est engagée à financer aux côtés de Juniper Capital les dépenses initiales de 2,5 millions d'euros du projet de Salau à Couflens puis à hauteur de 25 millions d'euros. Un engagement identique a été pris par la société Equatorial Resources Ltd dans un courrier du 14 octobre 2016.

19. Il n'en reste pas moins que le public a été consulté sur la base d'un dossier faisant état de ce que le projet devait bénéficier du soutien de Juniper Capital alors que, comme il a été dit, le partenaire de ce dernier s'était désengagé de l'opération. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le public ait été informé de ce désengagement ni que Juniper Capital disposait, lui-même, des moyens financiers pour soutenir financièrement le projet en litige. Ainsi, les capacités financières de Juniper Capital n'étaient pas établies durant la période au cours de laquelle le public a été consulté, ce dont le public n'a pas été informé.

20. Le public ayant été consulté du 15 au 30 avril 2016, il ne pouvait avoir connaissance des engagements pris en octobre 2016 par les sociétés Apollo Mineral Ltd et Equatorial Resources Ltd. L'intervention de ces nouveaux partenaires constituait un élément qui aurait dû être porté à la connaissance du public et il est constant que tel n'a pas été le cas. Eu égard à l'intérêt qui s'attache à la qualité et à l'exhaustivité des indications à fournir sur les capacités financières de l'exploitant, le public a ainsi été privé d'une garantie consistant en une information complète sur ce point, le document " synthèse des contributions " établi à la suite de la consultation ne faisant d'ailleurs état d'aucune remarque de la part du public sur la question des capacités financières de l'exploitant.

21. Le permis exclusif de recherche en litige a, dès lors, été délivré à l'issue d'une procédure irrégulière. Il en résulte que le ministre de l'économie et des finances et la société Variscan Mines ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a annulé le permis exclusif de recherche du 21 octobre 2016.

Sur les requêtes n° 19BX03466 et 19BX03468 :

22. La cour statuant, par le présent arrêt, sur les conclusions à fin d'annulation du jugement du tribunal administratif, les conclusions des requêtes visées ci-dessus tendant à ce qu'il soit sursis à l'exécution du même jugement sont devenues sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

23. Il y a lieu de faire application de ces dispositions en mettant à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la commune de Couflens et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées au titre de ces mêmes dispositions par les autres défendeurs en appel.

24. Les conclusions présentées sur ce même fondement par la société Variscan Mines qui est la partie perdante à l'instance d'appel doivent par ailleurs être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de l'association pour Promouvoir l'Exploitation Responsable de la Mine de Salau dans la requête n° 19BX03467 est admise.

Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les requêtes n° 19BX03466 et 19BX03468 aux fins de sursis à exécution.

Article 3 : Les requêtes n° 19BX03465 et 19BX03467 sont rejetées.

Article 4 : L'Etat versera à la commune de Couflens la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les conclusions présentées au titre de ces dispositions par les autres défendeurs en appel sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'économie et des finances, à la société Variscan Mines, à l'association pour Promouvoir l'Exploitation Responsable de la Mine de Salau, à la commune de Couflens, à l'association Couflens-Salau Demain, à l'association le Comité Ecologique Ariégeois et à l'association Henri Pézerat. Copie pour information en sera délivrée au préfet de l'Ariège.

Délibéré après l'audience du 19 mai 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. E... C..., président-assesseur,

Mme Caroline Gaillard, premier conseiller.

Lu en audience publique, le 16 juin 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°s 19BX03465, 19BX03466, 19BX03467, 19BX03468


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX03465
Date de la décision : 16/06/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Mines et carrières - Mines.

Mines et carrières - Mines - Recherche des mines.


Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: M. Frédéric FAÏCK
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET TEISSONNIERE - TOPALLOF - LAFFORGUE- ANDRIEU ASSOCIES ; CABINET TEISSONNIERE - TOPALLOF - LAFFORGUE- ANDRIEU ASSOCIES ; CABINET TEISSONNIERE - TOPALLOF - LAFFORGUE- ANDRIEU ASSOCIES

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-06-16;19bx03465 ?
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