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04/11/2019 | FRANCE | N°19BX01299

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 6ème chambre, 04 novembre 2019, 19BX01299


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence et lui a imposé une obligation de pointage à raison de quatre fois par jour et une interdiction de sortir de son lieu d'hébergement de 21h à 7h.

Par une ordonnance n°1601523 du 16 juillet 2017, le président du tribunal administratif de Limoges a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de ce recours.

Procédure deva

nt la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, et deux mémoires complémentair...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. E... D... a demandé au tribunal administratif de Limoges d'annuler l'arrêté du 23 septembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence et lui a imposé une obligation de pointage à raison de quatre fois par jour et une interdiction de sortir de son lieu d'hébergement de 21h à 7h.

Par une ordonnance n°1601523 du 16 juillet 2017, le président du tribunal administratif de Limoges a prononcé un non-lieu à statuer sur les conclusions de ce recours.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 29 mars 2019, et deux mémoires complémentaires, enregistré le 5 août et 10 septembre 2019, M. D..., représenté par Me C..., demande à la cour :

1°) d'annuler cette ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges du 16 juillet 2017 ;

2°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 23 septembre 2016 portant assignation à résidence ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991, la somme de 3 000 euros au titre de la première instance et de 3 000 euros au titre de la procédure d'appel.

Il soutient que :

- le non-lieu doit être annulé, dès lors que l'acte abrogé n'a disparu que pour l'avenir, mais avait reçu exécution et a donc produit des effets ;

- la mesure d'assignation est insuffisamment motivée au regard de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; aucun élément de fait n'est énoncé et la référence à la " gravité des du faits " constitue une motivation stéréotypée ;

- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation dès lors que le préfet s'est borné à renvoyer à un ancien arrêté d'expulsion ;

- elle est entachée d'une absence de preuve sérieuse des faits reprochés, par exception d'illégalité de l'arrêté d'expulsion, les faits qui y sont reprochés n'ayant pas été considérés comme établis par d'autres juridictions ;

- il est en effet fondé à soulever l'exception d'illégalité de cet arrêté d'expulsion, du fait de l'absence de preuve des faits reprochés et l'erreur manifeste d'appréciation qui l'entache ; de simples " notes blanches " ne peuvent servir de base à la privation de ses droits fondamentaux et du droit à un procès équitable ; aucun élément n'a corroboré les faits reprochés ; l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 19 juillet 2018 qui a validé cet arrêté n'est pas définitif, puisqu'un pourvoi en cassation a été formé à son encontre ; en tout état de cause, les allégations à son encontre contenues dans cet arrêté sont fausses et ne sont que construction des services des renseignements généraux ; il conteste fermement les faits de propagande islamiste et d'embrigadement des jeunes partis pour la Syrie qui y sont contenus ; cet arrêté est entaché d'un détournement de pouvoir et de procédure ;

- la mesure d'assignation à résidence est elle-même entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; les circonstances de l'espèce ne justifiaient pas une assignation assortie de mesures aussi contraignantes ; ses modalités sont excessives et disproportionnées ;

- elle viole l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, du fait des restrictions et de la durée indéterminée de la mesure qui l'apparentent à une détention arbitraire, ainsi que l'article 3 de la même convention et l'article 7 du même pacte, du fait des conditions d'assignation extrêmement dures, qui l'apparentent à un confinement ; elle a un caractère manifestement disproportionné eu égard aux droits de la défense, en violation des articles 32 et 33 de la convention de Genève, de l'article 14 de la directive 2011/95/UE du 13 décembre 2011 et des articles 13 et 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques ;

- elle viole également l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 17 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, en portant atteinte au respect de sa vie privée et familiale ;

- il n'est pas éloignable, en dépit de la décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) de lui retirer la qualité de réfugié, car une telle décision n'a que pour effet de lui refuser la protection juridique ou administrative qui a pu lui être accordée, et non sa qualité de réfugié, ce qui a été jugé par la Cour de justice de l'Union Européenne (CJUE) ; en conséquence, malgré l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy et malgré le retrait du statut de réfugié, il ne peut être expulsé vers son pays d'origine ; l'assignation à résidence est donc dépourvue de fondement au regard de l'objet pour lequel décembre elle a été instituée, à savoir l'éloignement, de sorte que cette situation, qui est appelée à perdurer indéfiniment, est disproportionnée, alors au surplus qu'il n'a jamais été poursuivi pénalement et encore moins condamné.

Par un mémoire en défense, enregistré le 4 juillet 2019, et un mémoire en réplique, enregistré le 28 août 2019, le préfet de la Haute-Vienne conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. D... ne sont pas fondés ; en tout état de cause, son pourvoi contre l'arrêt de la cour de Nancy a fait l'objet d'une décision de non-admission par le Conseil d'Etat en date du 26 juin 2019 et la CNDA a, le 10 juillet 2019, rejeté son recours contre la décision lui retirant le statut de réfugié.

M. D... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 31 janvier 2019.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le pacte international relatif aux droits civils et politiques du 29 décembre 1966 ;

- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;

- la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d'une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugiés ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 modifiée relative à l'aide juridique ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme F...,

- et les observations de Me C..., représentant M. D....

Une note en délibéré présentée pour M. D... a été enregistrée le 14 octobre 2019.

Considérant ce qui suit :

1. M. E... D..., ressortissant palestinien, né le 11 mai 1967 à Albureij, est entré régulièrement en France le 24 décembre 2005. Le 15 février 2008, la Cour nationale du droit d'asile (CNDA) lui a reconnu le bénéfice du statut de réfugié. Cependant, alors qu'il exerçait en tant qu'imam dans plusieurs lieux de cultes musulmans de Strasbourg, compte tenu de la virulence de ses prêches, à teneur islamiste fondamentaliste réitérée, incitant à la destruction de l'Occident et de l'Etat d'Israël et au Jihad armé, une procédure d'expulsion a été engagée à son encontre fin 2014 et le préfet du Bas-Rhin a, le 26 mai 2015, pris un arrêté d'expulsion à son encontre. Par un arrêt du 19 juillet 2018, la cour administrative d'appel de Nancy a rejeté le recours formé par M. D... contre le jugement du tribunal administratif de Strasbourg ayant rejeté son recours en annulation contre l'arrêté d'expulsion précité. Par une décision du 26 juin 2019, le Conseil d'Etat a refusé l'admission du pourvoi qu'il avait formé contre cet arrêt. La mesure d'expulsion n'ayant pu être mise en exécution en raison de son statut de réfugié, il a été assigné à résidence à quatre reprises, d'abord dans les Deux-Sèvres, puis dans la Haute-Vienne, puis dans la Creuse, mesures contre lesquelles M. D... a exercé de nombreux recours. Par ailleurs, le ministre de l'intérieur a saisi l'OFPRA d'une demande de réexamen de son statut de réfugié, compte tenu des éléments d'ordre public à l'origine de la mesure d'expulsion et au regard des nouvelles dispositions de l'article L. 711-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Le 23 juin 2016, l' Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a pris une décision de fin de protection, estimant qu' " il y a de sérieuses raisons de penser que la présence en France de M. D... constitue une menace grave pour la sûreté de l'Etat ". Par une décision du 10 juillet 2019, la CNDA a rejeté le recours formé par l'intéressé contre la décision de l'OFPRA du 23 juin 2016. Dans la présente affaire, M. D... fait appel de l'ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges du 16 juillet 2017, qui a prononcé un non-lieu à statuer sur sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 23 septembre 2016 par lequel le préfet de la Haute-Vienne l'a assigné à résidence et lui a imposé une obligation de pointage à raison de quatre fois par jour et une interdiction de sortir de son lieu d'hébergement de 21h à 7h.

Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :

2. Si avant que le juge n'ait statué, l'acte attaqué est rapporté par l'autorité compétente et si le retrait ainsi opéré acquiert un caractère définitif faute d'être critiqué dans le délai de recours contentieux, il emporte alors disparition rétroactive de l'ordonnancement juridique de l'acte contesté ce qui conduit à ce qu'il n'y ait lieu pour le juge de la légalité de statuer sur le mérite du pourvoi dont il était saisi. Il en va ainsi quand bien même l'acte rapporté aurait reçu exécution. Dans le cas où l'administration se borne à procéder à l'abrogation de l'acte attaqué ou dans le cas où ce dernier devient caduc, ces circonstances privent d'objet le recours formé à son encontre, à la double condition que cet acte n'ait reçu aucune exécution pendant la période où il était en vigueur et que la décision procédant à son abrogation ou sa caducité soient devenues définitives.

3. Il ressort des pièces du dossier que si, par un arrêté du 19 mars 2018, intervenu postérieurement à l'enregistrement du recours formé par M. D... devant le tribunal administratif et avant que le premier juge n'ait statué, le préfet de la Haute-Vienne a abrogé, à compter de la notification dudit arrêté, son arrêté d'assignation à résidence en date du 23 septembre 2016, objet du présent contentieux, ce dernier arrêté a reçu exécution et a produit des effets pour M. D..., de la date de son édiction jusqu'à celle de son abrogation. Dans ces conditions, ses conclusions à fin d'annulation dirigées contre l'arrêté du 23 septembre 2016 ne sont pas privées d'objet. Par suite, l'ordonnance du président du tribunal administratif de Limoges constatant l'existence d'un non-lieu à statuer est irrégulière et doit être annulée.

4. Il appartient à la cour d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Limoges.

Sur la demande présentée par M. D... :

5. Aux termes de l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui prévoit que : " L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion et qui justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français en établissant qu'il ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays peut faire l'objet d'une mesure d'assignation à résidence dans les conditions prévues à l'article L. 561-1. (...) ". Aux termes de l'article L. 561-1 du même code : " Lorsque l'étranger justifie être dans l'impossibilité de quitter le territoire français ou ne peut ni regagner son pays d'origine ni se rendre dans aucun autre pays, l'autorité administrative peut, jusqu'à ce qu'existe une perspective raisonnable d'exécution de son obligation, l'autoriser à se maintenir provisoirement sur le territoire français en l'assignant à résidence (...). / La décision d'assignation à résidence est motivée (...) Elle peut être prise pour une durée maximale de six mois, et renouvelée une fois ou plus dans la même limite de durée, par une décision également motivée. Par exception, cette durée ne s'applique ni aux cas mentionnés au 5° du présent article ni à ceux mentionnés aux articles L. 523-3 à L. 523-5 du présent code. / L'étranger astreint à résider dans les lieux qui lui sont fixés par l'autorité administrative doit se présenter périodiquement aux services de police ou aux unités de gendarmerie. L'étranger qui fait l'objet d'un arrêté d'expulsion ou d'une interdiction judiciaire ou administrative du territoire prononcés en tout point du territoire de la République peut, quel que soit l'endroit où il se trouve, être astreint à résider dans des lieux choisis par l'autorité administrative dans l'ensemble du territoire de la République. L'autorité administrative peut prescrire à l'étranger la remise de son passeport ou de tout document justificatif de son identité dans les conditions prévues à l'article L. 611-2. Si l'étranger présente une menace d'une particulière gravité pour l'ordre public, l'autorité administrative peut le faire conduire par les services de police ou de gendarmerie jusqu'aux lieux d'assignation. (...) ".

6. En premier lieu, par arrêté du 19 septembre 2016, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture de la Haute-Vienne n° 87-2016-078 du même jour, le préfet de la Haute-Vienne a accordé une délégation de signature à M. Jérôme Decours, secrétaire général de la préfecture de la Haute-Vienne, à l'effet de signer des décisions prises en application des dispositions législatives et réglementaires du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, la copie de l'arrêté qu'il produit lui-même comporte la mention lisible des nom et prénom du secrétaire général, sa qualité, ainsi que sa signature. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire de l'arrêté manque en fait et doit être écarté.

7. En deuxième lieu, l'arrêté attaqué vise les considérations de droit, en particulier l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, et de fait, qui le fondent. Au titre des considérations de fait, il indique notamment que M. D... est sous le coup d'un arrêté d'expulsion " compte tenu de la nature et de la gravité des faits commis ", mais n'est actuellement pas en mesure de quitter le territoire , ce qui justifie son assignation à résidence " dans un périmètre restreint, dans une région éloignée de son lieu de résidence habituel " et que l'hébergement dont il bénéficiait dans le département des Deux-Sèvres où il était déjà assigné à résidence ne pouvant se poursuivre, il sera assigné à résidence dans la Haute-Vienne sur le territoire de la commune de Saint-Junien, car il y existe une possibilité d'hébergement. Par suite, la décision attaquée est suffisamment motivée tant au regard des exigences de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.

8. En troisième lieu, cette motivation ne révèle pas que le préfet se serait abstenu de se livrer à l'examen de la situation particulière du requérant.

9. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. D... a multiplié les procédures contentieuses, tant à l'encontre de l'arrêté d'expulsion de 2015 que des différentes mesures d'assignation à résidence dont il a fait l'objet, y inclus un référé-liberté, un référé-suspension, deux recours en appel et un recours en cassation, toutes instances dans lesquelles il a produit de nombreux mémoires tant introductifs que complémentaires. Il a également, après avoir bénéficié d'un entretien à l'OFPRA, contesté devant la CNDA la décision de l'Office lui retirant son statut de réfugié et a pu se rendre à l'audience devant cette juridiction. Dans ces conditions, il apparaît mal fondé à invoquer une violation des articles 32 et 33 de la convention de Genève, 14 de la directive 2011/95/UE du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 ou encore 13 et 14 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, au motif que ses droits à défense auraient été méconnus.

10. En cinquième lieu, tous les moyens tirés de l'exception d'illégalité de l'arrêté d'expulsion précité du 26 mai 2015, y compris la contestation de la matérialité et de la gravité des faits qui ont justifié son édiction, sont inopérants, dès lors que, comme cela a été dit au point 1 du présent arrêt, l'arrêt de la cour administrative d'appel de Nancy du 19 juillet 2018 est devenu définitif et est pourvu de l'autorité absolue de la chose jugée.

11. En sixième lieu, M. D... fait également valoir que l'arrêté d'assignation à résidence en litige, pris sur le fondement de l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ne prévoit aucune durée particulière. Toutefois, il résulte des termes mêmes des dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que si la décision d'assignation à résidence peut en principe être prise pour une durée maximale de six mois, et renouvelée une fois ou plus dans la même limite de durée, par exception cette durée ne s'applique pas au cas mentionné à l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, sur le fondement duquel la mesure d'assignation à résidence du requérant a été prise. Par suite, le moyen tiré de ce que l'arrêté d'assignation à résidence, en ce qu'il ne prévoit aucune durée particulière, méconnaît les dispositions de l'article L. 561-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant et doit être écarté.

12. En septième lieu, l'arrêté attaqué oblige M. D... à résider dans les limites de la commune de Saint-Junien en demandant au préfet de la Haute-Vienne une autorisation écrite préalable pour se déplacer en dehors du territoire de cette commune, à demeurer tous les jours de 21 heures à 7 heures dans les locaux où il réside, et à se présenter 4 fois par jour à la brigade de gendarmerie y compris les dimanches et jours fériés. Compte tenu de la nature et de la gravité des faits reprochés, en édictant de telles modalités d'assignation, qui ne sont pas disproportionnées, le préfet de la Haute-Vienne n'a pas entaché son arrêté d'une erreur manifeste d'appréciation, lesdites modalités ne constituant ni une privation de liberté ou une détention arbitraire au sens de l'article 5 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de l'article 9 du pacte international relatif aux droits civils et politiques, ni un traitement inhumain et dégradant au sens de l'article 3 de la même convention ou de l'article 7 du même pacte, non plus qu'une entrave à la liberté de circulation au sens de l'article 2 du protocole n° 4 à ladite convention. Enfin, si le requérant se prévaut de ce qu'il n'a jamais été condamné pénalement pour les faits qui lui sont reprochés et ne constituait pas, à la date à laquelle la mesure contestée a été prise, une menace pour l'ordre public, cette circonstance est sans incidence au regard des termes de l'article L. 523-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

13. En dernier lieu, si l'intéressé fait valoir que son assignation à résidence dans la commune de Saint-Junien constitue une atteinte à sa vie privée et familiale dès lors qu'il ne dispose d'aucun lien dans cette commune et y est isolé, cette assignation ne fait toutefois pas obstacle à ce que sa famille ou ses amis soit s'y établisse avec lui, soit viennent lui rendre visite. Par suite, la mesure attaquée n'a pas, eu égard à la gravité des propos tenus par le requérant et à la nécessité de le tenir éloigné de la zone géographique dans laquelle il avait l'habitude de tenir des prêches, porté une atteinte excessive à sa vie privée et familiale au regard de la nécessaire défense de l'ordre public. Dans ces conditions, le moyen de M. D... tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ou de celles de l'article 17 du pacte international sur les droits civils et politiques doit être écarté.

14. Il résulte de tout ce qui précède que la demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Limoges doit être rejetée. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant au paiement des frais exposés et non compris dans les dépens, doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'ordonnance n° 1601523 du président du tribunal administratif de Limoges du 16 juillet 2017 est annulée.

Article 2 : La demande présentée par M. D... devant le tribunal administratif de Limoges est rejetée.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à M. E... D.... Copie en sera transmise au préfet de la Haute-Vienne.

Délibéré après l'audience du 7 octobre 2019 à laquelle siégeaient :

M. Pierre Larroumec, président,

Mme B... A..., présidente-assesseure,

Mme F..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 4 novembre 2019.

Le rapporteur,

F...Le président,

Pierre Larroumec

Le greffier,

Cindy Virin

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

N° 19BX01299 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 19BX01299
Date de la décision : 04/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers - Restrictions apportées au séjour - Assignation à résidence.

Étrangers - Expulsion.


Composition du Tribunal
Président : M. LARROUMEC
Rapporteur ?: Mme Florence REY-GABRIAC
Rapporteur public ?: M. BASSET
Avocat(s) : BOUKARA

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2019-11-04;19bx01299 ?
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