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01/12/2020 | FRANCE | N°19BX00283

France | France, Cour administrative d'appel de Bordeaux, 5ème chambre, 01 décembre 2020, 19BX00283


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Raz Energie 7, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 avril 2016 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer une autorisation unique de construire et d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant quatre éoliennes sur la commune de Naucelle.

Par un jugement n° 1602629 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse

a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregis...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société Raz Energie 7, société à responsabilité limitée, a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 8 avril 2016 par lequel le préfet de l'Aveyron a refusé de lui délivrer une autorisation unique de construire et d'exploiter une installation terrestre de production d'électricité à partir de l'énergie mécanique du vent comprenant quatre éoliennes sur la commune de Naucelle.

Par un jugement n° 1602629 du 27 novembre 2018, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 janvier 2019 et 16 septembre 2019, la société Raz Energie 7, représentée par Me S..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 novembre 2018 ;

2°) d'annuler l'arrêté du préfet de l'Aveyron du 8 avril 2016 ;

3°) d'enjoindre à l'administration de lui délivrer l'autorisation unique sollicitée, ou à défaut, de réexaminer sa demande dans le délai d'un mois à compter de la notification de la décision à intervenir ;

4°) d'organiser une visite des lieux afin de permettre à la cour de mieux appréhender la disposition des lieux concernés ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les interventions ne sont pas recevables ; l'objet et le champ d'action territorial très larges de l'association Dans le vent ne lui confère pas un intérêt à agir alors en outre qu'elle ne justifie pas d'un intérêt distinct de celui de ses membres intervenants également à l'instance ; la commune de Naucelle ne justifie pas d'un intérêt à intervenir ; les personnes physiques qui n'ont pas la qualité de voisins immédiats ne justifient pas d'un intérêt à agir ; les interventions sont tardives ;

- le jugement de première instance est entaché d'irrégularité dès lors que le tribunal a omis d'examiner le moyen tiré de la conformité de la zone retenue au schéma régional de l'éolien ;

- c'est à tort que le tribunal n'a pas retenu que le préfet avait entaché sa décision d'incompétence négative en s'estimant à tort lié par les avis défavorables des conseils municipaux et du commissaire enquêteur ;

- le préfet ne pouvait légalement fonder son refus de délivrer l'autorisation unique sur le critère de l'acceptabilité sociale du projet ;

- le préfet a omis de prendre en compte le classement favorable du site à l'éolien notamment au regard du schéma régional éolien de Midi-Pyrénées ;

- en l'absence d'intérêt particulier du site d'implantation et d'atteinte au paysage proche, le projet de parc ne pouvait être refusé ; aucun impact visuel n'existe depuis les hameaux et les éléments inscrits du village de Sauveterre-de-Rouergue ;

- la mesure de réduction de la hauteur des éoliennes est incohérente au regard des enjeux naturalistes notamment pour les chiroptères alors en outre que la différence de taille n'est que faiblement perceptible depuis les lieux proches et quasiment imperceptible au-delà d'un kilomètre ;

- le procédé de ballon sonde ne présente pas de garanties techniques suffisantes de sorte que les éléments qui en procèdent devront être écartés des débats ;

- elle se réfère à ses premières écritures s'agissant de l'atteinte à la route nationale 88 et aux monuments historiques aux alentours du projet, écartée par les premiers juges.

Par un mémoire en défense, enregistré le 10 juillet 2019, le ministre de la transition écologique et solidaire conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention, enregistré le 11 juillet 2019, l'association Dans le vent, Mmes AD... et Z... L..., M. T... F..., M. et Mme B... AE..., M. et Mme X... Q..., M. et Mme AD... AC..., Mme AF... AG..., M. E... I..., M. et Mme C... AA..., M. et Mme AD... G..., M. T... O..., M. et Mme A... AG..., M. E... AB..., M. AH... W..., M. et Mme E... Y..., M. et Mme AL..., M. et Mme D... V..., M. U... N..., M. J... AI..., Mme P... AG..., M. et Mme M... H..., représentés par Me R..., concluent au rejet de la requête.

Ils font valoir que :

- leur intervention est recevable ;

- la société pétitionnaire ne justifie pas de sa qualité à agir par un représentant dûment mandaté ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 11 juillet 2019, la commune de Naucelle, représentée par Me R..., conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir que :

- son intervention est recevable dès lors que le projet envisagé se situe sur son territoire et que la commune présente un fort intérêt touristique ;

- le projet portera un impact important sur l'avifaune et les chiroptères qui ne peut être compensé ou réduit par des mesures ;

- les moyens soulevés par la société requérante ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de commerce ;

- le code de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- l'ordonnance n° 2017-80 du 26 janvier 2017 relative à l'autorisation environnementale, notamment son article 15 ;

- le décret n° 2014-450 du 2 mai 2014 relatif à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement ;

- le décret n° 2020-1406 du 18 novembre 2020 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme K... AK...,

- les conclusions de Mme Sylvande Perdu, rapporteur public,

- et les observations de Me R..., représentant l'association Dans le Vent et autres, la commune de Naucelles, et de Me AJ... substituant Me S..., représentant la société Raz Energie 7.

Une note en délibéré présentée pour l'association Dans le Vent et autres a été enregistrée le 18 novembre 2020.

Considérant ce qui suit :

1. La société Raz Energie 7 a déposé, le 6 novembre 2014, une demande d'autorisation unique portant sur la construction et l'exploitation d'un parc éolien constitué de quatre aérogénérateurs, au lieu-dit le Bosc sur le territoire de la commune de Naucelle (Aveyron). Par un arrêté du 8 avril 2016, le préfet de l'Aveyron a rejeté sa demande. La société requérante relève appel du jugement du 27 novembre 2018 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur les interventions :

2. En vertu de l'article 2 des statuts de l'association Dans le vent, tels que déclarés en préfecture le 18 août 2015, celle-ci a notamment pour objet de lutter contre les projets et installations des parcs éoliens dans le département de l'Aveyron, et particulièrement dans le périmètre de la communauté de communes du Naucellois, incompatibles avec les sites remarquables, paysages, monuments, équilibres biologiques, espèces animales et végétales et avec la santé et la sécurité des habitants. Dans ces conditions, l'association Dans le vent justifie, au regard de son objet et de son ressort géographique d'intervention, d'un intérêt suffisant au maintien du jugement attaqué. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cette association aurait été constituée uniquement en vue de la défense des intérêts de ses membres opposés au projet de la société requérante et dans un but autre que celui qu'elle est censée poursuivre à travers son objet social, de sorte qu'elle ne justifierait d'aucun intérêt propre. S'agissant des personnes physiques susnommées, au regard des lieux d'habitation et des inconvénients pouvant résulter de l'installation projetée, Mme Z... L..., dont l'habitation est située à 615 mètres du projet et M. T... F... dont le domicile se trouve à 705 mètres du projet, justifient d'un intérêt au maintien de l'arrêté. Dès lors que l'un au moins des intervenants est recevable, l'intervention doit être admise pour l'ensemble des autres personnes physiques. Enfin, dès lors que le projet, qui, par ses caractéristiques, est susceptible de porter atteinte à l'environnement et au paysage, doit s'implanter sur le territoire de la commune de Naucelle, cette dernière justifie également d'un intérêt à intervenir. Par suite, les interventions de l'association Dans le vent, des personnes physiques ainsi que de la commune de Naucelle, qui n'étaient soumis à aucun délai particulier pour intervenir à l'instance, sont recevables.

Sur la fin de non-recevoir opposée par les intervenants :

3. Lorsqu'une partie est une personne morale, il appartient à la juridiction administrative saisie, qui en a toujours la faculté, de s'assurer, le cas échéant, que le représentant de cette personne morale justifie de sa qualité pour agir au nom de cette partie. Tel est le cas lorsque cette qualité est contestée sérieusement par l'autre partie ou qu'au premier examen, l'absence de qualité du représentant de la personne morale semble ressortir des pièces du dossier. Aux termes de l'article L. 223-18 du code de commerce applicable aux sociétés à responsabilité limitée (SARL) : " (...) Dans les rapports avec les tiers, le gérant est investi des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société, sous réserve des pouvoirs que la loi attribue expressément aux associés. (...) ". Il résulte de ces dispositions que le ou les gérants sont investis des pouvoirs les plus étendus pour agir en toute circonstance au nom de la société et représentent celle-ci dans ses rapports avec les tiers, que ces personnes ont de plein droit qualité pour agir en justice au nom de la société.

4. La requête a été présentée pour la société à responsabilité limitée Raz Energie 7 par ministère d'avocat. L'association Dans le vent et autres ne faisant valoir aucune circonstance de nature à justifier l'absence de qualité pour agir du gérant de la SARL Raz Energie 7, alors que cette personne tire des dispositions de L. 223-18 du code de commerce la qualité pour agir en justice au nom de la société Raz Energie 7, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité pour agir du représentant de la société ne peut être accueillie.

Sur la légalité de l'arrêté du 8 avril 2016 :

5. D'une part, aux termes de l'article 1er de l'ordonnance du 20 mars 2014 susvisée : " I. - A titre expérimental, et pour une durée de trois ans, sont soumis aux dispositions du présent titre les projets d'installations de production d'électricité utilisant l'énergie mécanique du vent, (...) soumises à l'autorisation prévue à l'article L. 512-1 du code de l'environnement sur le territoire des régions (...) Midi-Pyrénées (...). ". Aux termes de l'article 2 de la même ordonnance : " Les projets mentionnés à l'article 1er sont autorisés par un arrêté préfectoral unique, dénommé " autorisation unique " dans le présent titre. / Cette autorisation unique vaut autorisation au titre de l'article L. 512-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, permis de construire au titre de l'article L. 421-1 du code de l'urbanisme (..). ". Aux termes de l'article 3 de ladite ordonnance : " L'autorisation unique ne peut être accordée que si les mesures que spécifie l'arrêté préfectoral permettent de prévenir les dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1 du code de l'environnement et, le cas échéant, de : / 1° Garantir la conformité des travaux projetés avec les exigences fixées à l'article L. 421-6 du code de l'urbanisme, lorsque l'autorisation unique tient lieu de permis de construire ; (...) ". En outre, aux termes de l'article 15 de l'ordonnance du 26 janvier 2017 : " Les dispositions de la présente ordonnance entrent en vigueur le 1er mars 2017, sous réserve des dispositions suivantes : / 1° Les autorisations délivrées (...) au titre de l'ordonnance n° 2014-355 du 20 mars 2014 (...), avant le 1er mars 2017, sont considérées comme des autorisations environnementales relevant du chapitre unique du titre VIII du livre Ier de ce code (...) ; les dispositions de ce chapitre leur sont dès lors applicables, notamment lorsque ces autorisations sont contrôlées, modifiées, abrogées, retirées, renouvelées, transférées, contestées (...). ". Enfin, aux termes de l'article L. 181-3 du code de l'environnement issu de cette dernière ordonnance : " I. - L'autorisation environnementale ne peut être accordée que si les mesures qu'elle comporte assurent la prévention des dangers ou inconvénients pour les intérêts mentionnés aux articles L. 211-1 et L. 511-1, selon les cas. / (...) ".

6. D'autre part, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'environnement : " Sont soumis aux dispositions du présent titre les usines, ateliers, dépôts, chantiers et, d'une manière générale, les installations exploitées ou détenues par toute personne physique ou morale, publique ou privée, qui peuvent présenter des dangers ou des inconvénients soit pour la commodité du voisinage, soit pour la santé, la sécurité, la salubrité publiques, soit pour l'agriculture, soit pour la protection de la nature, de l'environnement et des paysages, soit pour l'utilisation rationnelle de l'énergie, soit pour la conservation des sites et des monuments ainsi que des éléments du patrimoine archéologique. ". Aux termes de l'article L. 5121 du même code : " Sont soumises à autorisation préfectorale les installations qui présentent de graves dangers ou inconvénients pour les intérêts visés à l'article L. 511-1. L'autorisation ne peut être accordée que si ces dangers ou inconvénients peuvent être prévenus par des mesures que spécifie l'arrêté préfectoral. Le demandeur fournit une étude de dangers qui précise les risques auxquels l'installation peut exposer, directement ou indirectement, les intérêts visés à l'article L. 511-1 en cas d'accident, que la cause soit interne ou externe à l'installation. (...) Elle définit et justifie les mesures propres à réduire la probabilité et les effets de ces accidents (...) ".

7. Pour refuser l'autorisation unique sollicitée par la société Raz énergie 7, le préfet de l'Aveyron a estimé, d'une part, qu'à l'échelle du paysage proche, la présence d'écrans boisés n'atténuerait que difficilement le gigantisme de la centrale éolienne depuis les zones agglomérées de Naucelle bourg et gare et de Tauriac-de-Naucelle, compte tenu de la taille des machines prévues, d'autre part, que les lieux-dits de Camp Grand, Suquet, Mas Nau et Bouvert, situés à moins de 600 mètres des éoliennes, seraient fortement impactés avec un rapport d'échelle très perturbant pour leurs habitants au regard de la hauteur des aérogénérateurs et, enfin, que le projet créerait des phénomènes de continuités visuelles et une impression de verticalité depuis la route nationale RN 88 reliant Albi à Rodez.

8. En premier lieu, la seule circonstance que le préfet ait mentionné l'avis défavorable du conseil municipal de Naucelle ainsi que ceux des quatre communes les plus proches du site d'implantation et qu'il ait repris la teneur de l'avis défavorable du commissaire enquêteur n'est pas de nature à démontrer qu'il n'aurait pas apprécié l'ensemble des caractéristiques de la demande de la société requérante et se serait estimé lié par la teneur de ces avis pour refuser l'autorisation unique.

9. En deuxième lieu, si l'arrêté attaqué fait état, dans ses visas, de l'avis défavorable du commissaire enquêteur au regard du critère d'acceptabilité sociale du projet par la population, il ne ressort pas des termes de cette décision que le préfet aurait entendu s'approprier ce motif pour fonder son refus. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.

10. En revanche, le projet de la société Raz Energie 7 est constitué de quatre éoliennes d'une hauteur en bout de pale de 150 mètres dont l'implantation est prévue au lieu-dit du Bosc sur le territoire de la commune de Naucelle dans l'entité paysagère dite du " Segala ". Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude paysagère dont aucun élément de l'instruction ne permet de douter de la sincérité, et des avis émis par les services administratifs compétents, que l'aire d'implantation du parc qui représente une surface inférieure à 3 000 mètres carrés est prévue au niveau d'un espace écologique entaillé de vallées boisées. Ce paysage semi-ouvert, composé de pâtures, de prés de fauches, de champs cultivés, et dans une moindre mesure de boisements et zones humides, ne bénéficie d'aucune protection particulière d'un point de vue environnemental ou patrimonial et le secteur est répertorié au nombre des zones favorables au développement de l'éolien par le schéma régional correspondant. Le projet se situe dans un secteur agricole anthropisé, en dehors des réservoirs de biodiversité et des corridors écologiques d'intérêt national. Les risques de covisibilité de l'installation avec les monuments historiques inscrits, au nombre desquels figurent le Château du Bosc, situé à 3,4 kilomètres, la rue du Four et la Porte des Anglais, situées à 2.2 kilomètres, les restes du Château de Turiès et la chapelle Saint-Clair-de Verdun, situés à 7, 3 kilomètres, le Viaduc du Viaur, situé à 5,2 kilomètres, l'Eglise Notre-Dame-de-Lasplanques, située à 5,7 kilomètres et le monument classé de l'oratoire de Gramond, situé à 9,8 kilomètres, seront évités par la distance et la présence de nombreux masques topographiques et d'écrans végétaux ou bâtis. Si le parc sera susceptible d'être perceptible depuis les monuments inscrits de l'église de Saint-Christophe de Sauveterre-de-Rouergue et de la ferme de Lascroux ainsi que depuis les éléments patrimoniaux d'intérêt local constitués du village de Rouyrie, de l'ancienne bastide royale de Sauveterre, de la chapelle de Rieupeyroux et de la table d'orientation du Roc de Miramont, la perception sera modérée par un cône de visibilité partiel filtré par la végétation s'agissant de l'église et par la distance s'agissant des autres monuments. Par ailleurs, à l'échelle du grand paysage, la présence de masques topographiques, d'écrans boisés et d'obstacles bâtis occultera le parc depuis les zones agglomérées et l'intégration du parc sera favorisée par la topographie. En outre, il n'apparaît pas que d'une manière générale, l'impact paysager depuis les voiries majeures et notamment de la route nationale 88 serait significatif. Si le parc sera visible depuis un chemin de randonnée, en particulier depuis le sentier " belle balade ", un tel motif ne saurait fonder le refus en litige. En ce qui concerne le paysage proche, il résulte de l'avis de l'autorité environnementale du 19 juin 2015 que l'intégration paysagère sera favorisée par une structuration du parc éolien dans l'espace prévoyant un alignement de machines orientées NE- 50, par la définition du pas entre les éoliennes (200 mètres), et par une disposition des éoliennes parallèle aux lignes de force du paysage. Si la construction et l'exploitation du parc seront susceptibles de modifier le paysage par la création de covisibilités depuis les zones habitées, les points de vue concernés ne présentent pas d'intérêt paysager particulier. S'agissant des hameaux situés à proximité du projet, il ne ressort pas de l'étude paysagère et des photomontages que le projet de parc, qui respecte la règle d'éloignement minimal de 500 mètres imposée par l'article L. 515-44 du code de l'environnement entre les aérogénérateurs et les habitations voisines, engendrait un effet de surplomb, d'écrasement et de bouleversement des rapports d'échelle existants avec le paysage proche. A cet égard, en l'absence de précision sur la distance de prise de vue et d'indication du lieu se rapportant à chacune des photographies, le constat d'huissier produit par les intervenants ne permet pas de contredire utilement le constat de l'étude d'impact selon lequel au sein des hameaux, les échappées visuelles seraient limitées par la végétation et l'effet d'écran des habitations entre elles. La circonstance que le projet serait visible depuis les abords des hameaux les plus proches et susciterait une forte opposition locale n'est pas de nature à caractériser par elle-même une atteinte au paysage ou à la commodité du voisinage au sens de l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Dans ces conditions, en refusant de délivrer l'autorisation unique sollicité pour le motif retenu, le préfet de l'Aveyron a entaché sa décision d'erreur d'appréciation.

11. Il résulte de ce qui précède que, sans qu'il soit besoin d'examiner la régularité du jugement, ni d'organiser une visite sur les lieux, la société Raz Energie 7 est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse, a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Aveyron en date du 8 avril 2016.

Sur les conclusions aux fins d'injonction :

12. Lorsqu'il statue en vertu de l'article 8 de l'ordonnance du 20 mars 2014 relative à l'expérimentation d'une autorisation unique en matière d'installations classées pour la protection de l'environnement, le juge administratif qui annule un refus d'autorisation unique après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, autoriser la création et le fonctionnement d'une installation ou ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation.

13. La commune de Naucelle conclut au rejet des conclusions de la société Raz Energie 7 tendant à ce qu'il soit enjoint au préfet de délivrer l'autorisation sollicitée en soutenant que l'atteinte portée par le projet à l'avifaune et aux chiroptères s'oppose à cette délivrance.

14. Si le projet, qui se situe dans un secteur présentant une biodiversité moyenne, est susceptible s'agissant de l'avifaune d'impacter plusieurs espèces communes et d'intérêt patrimonial par la perturbation du cycle biologique, la réduction d'habitats par effet d'emprise et la destruction par collision et création d'effet barrière, il résulte de l'instruction et notamment des éléments non sérieusement contredits de l'étude d'impact que ces effets seront réduits au cours de la phase de chantier par l'évitement des secteurs les plus sensibles, la réalisation de travaux en dehors de la période de reproduction et la préservation des formations végétales fréquentées par certaines espèces et qu'au cours de la phase d'exploitation, ce risque sera réduit par la mise en place d'une surface gravillonnée ayant un effet répulsif, par une hauteur de mâts et de pales permettant le maintien d'une zone tampon de 40 mètres entre le sol et la zone de rotation des pales, correspondant à la hauteur de vol de nombreuses espèces, par des mesures spécifiques pour les rapaces évoluant à une plus grande altitude telle que la disposition des éoliennes parallèle aux flux migratoires et la mise en place de flashs lumineux ainsi que par un suivi naturaliste. Pour réduire le risque de mortalité résiduel par collision, l'autorité environnementale préconise dans son avis du 19 juin 2015, de compléter ces mesures par la prescription de dépôts de fumiers dans un rayon de 50 mètres autour des éoliennes et, en cas de mortalité avérée, par l'arrêt des aérogénérateurs notamment lors des moissons, ainsi que la mise en place pour les éoliennes E1 et E4 d'un système optique de détection et d'identification des oiseaux couplé à un système d'effarouchement sonore lorsqu'un oiseau pénètre dans la zone de risque éloignée, et à un système d'arrêt d'urgence des pales lorsqu'un oiseau pénètre dans la zone de risque rapprochée.

15. En ce qui concerne les chiroptères, pour limiter le risque de destruction des habitats et des zones de chasse et des corridors de déplacement, la société Raz Energie 7 a retenu une limitation de la zone de travaux, la mise en place d'un suivi par un ingénieur écologue permettant d'éviter les zones les plus sensibles, l'implantation des machines en dehors des boisements caducifoliés et une limitation des destructions de haies. Par ailleurs, pour réduire le risque de collision, elle s'est engagée à mettre en place un plan de bridage prévoyant l'arrêt des machines lors des périodes les plus sensibles. L'autorité environnementale a en outre, dans son avis, recommandé que les mesures de suivi de mortalité portent une attention particulière aux espèces les plus sensibles ainsi que l'abattage, au niveau de l'éolienne E4, de trois arbres sénescents entre septembre et octobre, hors périodes d'estivale et d'hivernation.

16. Il ne résulte pas de l'instruction que ces mesures seraient insuffisantes pour permettre d'assurer le respect des intérêts protégés par l'article L. 511-1 du code de l'environnement. Par suite, les risques d'atteinte à l'avifaune et aux chiroptères ne sont pas de nature à justifier le refus d'autorisation unique opposée à la société Raz Energie.

17. Le ministre de la transition écologique ne se prévaut d'aucun autre motif de refus de l'autorisation de construire et d'exploiter le parc éolien litigieux. Eu égard aux motifs d'annulation retenus par le présent arrêt, il y a lieu, dès lors, d'enjoindre au préfet de l'Aveyron de délivrer à la société Raz Energie 7 l'autorisation unique qu'elle a sollicitée, en fixant toutes les prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Sur les frais liés à l'instance :

18. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à la société Raz Energie 7 d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

DECIDE :

Article 1er : Les interventions de l'association Dans le Vent et autres ainsi que de la commune de Naucelle sont admises.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse du 27 novembre 2018 est annulé.

Article 3 : L'arrêté du 8 avril 2016 du préfet de l'Aveyron est annulé.

Article 4 : Il est enjoint au préfet de l'Aveyron de délivrer à la société Raz Energie 7 l'autorisation unique de construire et d'exploiter un parc composé de quatre éoliennes, situé sur la commune de Naucelle, et d'assortir cette autorisation des prescriptions indispensables à la protection des intérêts mentionnés à l'article L. 511-1 du code de l'environnement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt.

Article 5 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à la société Raz Energie 7 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à la société Raz Energie 7, au ministre de la cohésion des territoires et des relations avec les collectivités territoriales et au ministre de la transition écologique. Copie en sera adressée au préfet de l'Aveyron, à la commune de Naucelle, à l'association Dans le vent désignée en application de l'article R. 751-3 du code de justice administrative.

Délibéré après l'audience du 3 novembre 2020 à laquelle siégeaient :

Mme Elisabeth Jayat, président,

M. Frédéric Faïck, président-assesseur,

Mme K... AK... premier conseiller,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 1er décembre 2020.

Le président,

Elisabeth Jayat La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

7

N° 19BX00283


Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

29-035 Energie.


Références :

Publications
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Composition du Tribunal
Président : Mme JAYAT
Rapporteur ?: Mme Birsen SARAC-DELEIGNE
Rapporteur public ?: Mme PERDU
Avocat(s) : CABINET BCTG et ASSOCIES

Origine de la décision
Tribunal : Cour administrative d'appel de Bordeaux
Formation : 5ème chambre
Date de la décision : 01/12/2020
Date de l'import : 16/12/2020

Fonds documentaire ?: Legifrance


Numérotation
Numéro d'arrêt : 19BX00283
Numéro NOR : CETATEXT000042612209 ?
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.bordeaux;arret;2020-12-01;19bx00283 ?
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