La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

14/04/2021 | FRANCE | N°19-24079

France | France, Cour de cassation, Chambre sociale, 14 avril 2021, 19-24079


LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 479 FS-P

Pourvoi n° R 19-24.079

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 AVRIL 2021

La société Camaïeu international, société par actions simplifiée, dont le siège est

[Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 19-24.079 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), d...

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :

SOC.

IK

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 avril 2021

Rejet

M. CATHALA, président

Arrêt n° 479 FS-P

Pourvoi n° R 19-24.079

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 14 AVRIL 2021

La société Camaïeu international, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 19-24.079 contre l'arrêt rendu le 6 septembre 2019 par la cour d'appel de Toulouse (4e chambre, section 1), dans le litige l'opposant à Mme [C] [S], domiciliée [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Sommé, conseiller, les observations de la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat de la société Camaïeu international, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de Mme [S], les plaidoiries de Me Ricard et celles de Me Grévy et l'avis de Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, après débats en l'audience publique du 3 mars 2021 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Sommé, conseiller rapporteur, M. Huglo, conseiller doyen, M. Rinuy, Mmes Pécaut-Rivolier, Ott, conseillers, Mmes Chamley-Coulet, Lanoue, M. Le Masne de Chermont, conseillers référendaires, Mme Trassoudaine-Verger, avocat général, et Mme Piquot, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Toulouse, 6 septembre 2019), Mme [S] a été engagée par la société Camaïeu international le 11 juillet 2012 en qualité de vendeuse.

2. La salariée a bénéficié d'un congé parental du 29 janvier au 28 juillet 2015. A son retour de congé, elle s'est présentée à son poste de travail avec un foulard dissimulant ses cheveux, ses oreilles et son cou. L'employeur lui a demandé de retirer son foulard et à la suite du refus opposé par la salariée, a placé celle-ci en dispense d'activité le 6 août 2015, puis l'a licenciée pour cause réelle et sérieuse le 9 septembre suivant.

3. Soutenant être victime de discrimination en raison de ses convictions religieuses, la salariée a saisi la juridiction prud'homale, le 4 février 2016, de demandes tendant à la nullité de son licenciement et au paiement de diverses sommes.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première, deuxième, troisième, cinquième, sixième, septième et treizième branches, ci-après annexé

4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le moyen, pris en ses quatrième et huitième à douzième branches

Enoncé du moyen

5. L'employeur fait grief à l'arrêt de dire que le licenciement de la salariée est nul et de le condamner à lui verser une certaine somme à titre de dommages-intérêts, alors :

« 4°/ que les droits des personnes et les libertés individuelles et collectives peuvent être valablement restreints de manière individuelle, sur le fondement de l'article L. 1121-1 du code du travail, et que la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en l'absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, la preuve de l'existence d'une politique de neutralité peut être rapportée par l'invocation de restrictions individuelles formulées sur le fondement de l'article L. 1121-1 du code du travail et, plus généralement, par tout autre moyen de preuve licite, sauf le cas échéant à réserver une telle faculté aux seuls employeurs justifiant d'une mesure de licenciement notifiée avant le 22 novembre 2017 ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir l'existence, en son sein, d'une politique de neutralité illustrée par la restriction collective résultant de l'article 11 du règlement intérieur et des restrictions individuelles systématiquement adoptées à l'égard des salariées se présentant au travail avec un foulard , et faisait valoir qu'une telle politique était poursuivie de manière cohérente et systématique, à chaque fois que la société se trouvait confrontée à la situation qui s'était présentée au retour du congé parental de la salariée, et défendue, à chaque fois que nécessaire, devant le juge, la Halde et, en dernier lieu, le Défenseur des droits ; que pour conclure à la nullité du licenciement de la salariée, la cour d'appel a subordonné la preuve de l'existence d'une politique de neutralité au sein de la société à l'existence d'une clause de neutralité figurant dans le règlement intérieur ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, ajoutant ainsi aux articles L. 1121-1, L. 1321-3, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, une exigence de source formelle à la neutralité de l'entreprise qu'ils ne comportent pas, et a violé lesdits articles ;

8°/ dès lors que l'employeur invoque le bénéfice des dispositions de l'article L. 1133-1 du code du travail, il incombe au juge d'examiner l'ensemble des éléments que l'employeur fait valoir pour démontrer que la différence de traitement en litige répond à une exigence professionnelle essentielle, déterminante et proportionnée, poursuivant un objectif légitime ; que de telles justifications n'ont pas à résulter exclusivement du seul règlement intérieur ; qu'en écartant l'existence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, sans examiner l'argumentation qui lui était soumise au regard : (i) de la nature de l'activité exercée par la salariée, (ii) des conditions d'exercice de l'activité de Mme [S] tenant au fait que "Les fonctions de vendeuse s'exercent principalement sur une surface de vente spécifiquement construite autour de l'oeil de la cliente, et avec pour objectif de mettre en valeur les produits de l'entreprise", et "au sein d'une collectivité de travail", (iii) de "la volonté de la société de garantir le respect de la détermination de ses surfaces commerciales", (iv) de la "volonté de la société de faire prévaloir le respect des engagements contractuels acceptés par Mme [S]", (v) "du caractère spontané, ostentatoire et permanent des modalités d'expression de ses convictions religieuses retenues par Mme [S] ", (vi) "de la position cohérente adoptée par la société à chaque fois qu'elle s'est trouvée [confrontée] à la difficulté en débat", (vii) "de la durée pendant laquelle Mme [S] avait elle-même exercé ses fonctions sans porter de foulard", (viii) " du droit à l'emploi des autres salariés de l'entreprise", (ix) "de la capacité de Mme [S] à retrouver un emploi compatible avec la tenue illustrée par sa pièce n° 4", et "de la nature de la pratique en débat", et en affirmant que la préoccupation de l'employeur était explicitement placée sur le seul terrain de l'image de l'entreprise au regard de l'atteinte à sa politique commerciale, et en se limitant à vérifier si l'image de l'entreprise pouvait en l'espèce justifier le code vestimentaire imposé par la société à ses salariées, la cour d'appel a méconnu l'office qui lui incombait, et violé l'article L. 1134-1 du code du travail ;

9°/ que l'article 4 de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail dispose que les États membres peuvent, en présence d'une exigence professionnelle et déterminante, décider que la discrimination n'est pas constituée ; qu'en application de ce texte, l'article L. 1133-1 du code du travail affirme que l'interdiction des discriminations "ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée" ; que la notion d'exigence professionnelle et déterminante "renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité en cause" ; qu'en jugeant que l'interdiction faite à la salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients, en l'absence de clause restreignant expressément la liberté de religion dans le règlement intérieur de l'entreprise, et résultant seulement d'un ordre oral donné à cette dernière et visant un signe religieux déterminé, relève d'une discrimination fondée sur les convictions religieuses, et ne saurait être considérée comme relevant d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, quand l'employeur démontrait (i) l'existence d'une exigence professionnelle essentielle fondée sur la nature de l'emploi de vendeuse de la salariée, emploi impliquant un contact direct avec la clientèle et l'appartenance à une collectivité de travail, le contenu du contrat de travail, la définition de fonction applicable, le règlement intérieur applicable, la nature de l'activité de l'entreprise, son image de marque et son choix de positionnement commercial, destiné à exprimer la féminité de sa clientèle sans dissimuler son corps et ses cheveux, au moyen de magasins conçus pour mettre en valeur les produits de l'entreprise, (ii) l'existence d'un objectif légitime tenant à sa volonté de projeter une certaine image commerciale, de garantir le respect de la destination de ses surfaces commerciales, de faire prévaloir le respect des engagements contractuels acceptées par la salariée, de sa définition de fonction et de l'article 11 du règlement intérieur, au regard du caractère spontané, ostentatoire et permanent des modalités d'expression de ses convictions religieuses retenues par la salariée, et de la position cohérente déjà adoptée par la société dans des circonstances comparables, et (iii) l'existence d'une exigence proportionnée, au regard de la durée pendant laquelle la salariée avait elle-même exercé ses fonctions sans porter de foulard, de la conciliation proposée par la société et de l'impossibilité d'une conciliation moins contraignante, du principe de la liberté d'entreprise et du droit à l'emploi des autres salariés, de la volonté de l'entreprise de concilier la liberté de la salariée de manifester ses convictions religieuses avec les droits et libertés de ses collègues de travail et de la clientèle, de la capacité de la salariée à retrouver un emploi compatible avec le port du foulard islamique, et de la nature de la pratique en débat, tous éléments fournissant une justification conforme aux exigences légales à l'instruction donnée à la salariée de ne pas porter son foulard sur la surface de vente, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

10°/ que la démonstration de l'existence d'une exigence professionnelle essentielle, déterminante et proportionnée, poursuivant un objectif légitime, au sens de l'article L. 1133-1 du code du travail, n'est pas subordonnée à l'existence d'un trouble objectif ; qu'en faisant grief à l'employeur de n'apporter aucun élément concret pour étayer un trouble suffisamment intense portant atteinte aux intérêts économique de l'entreprise et à sa liberté d'entreprise, pour écarter en l'espèce l'existence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, quand l'employeur faisait valoir "que toute référence à l'exigence d'un trouble objectif caractérisé, au sens où l'entend la jurisprudence française, est inopérante à l'égard de faits qui présentent en l'espèce, et par hypothèse, un lien de rattachement avec la vie professionnelle", que "la référence même à la notion de trouble objectif est en l'espèce inopérante", aux motifs notamment que "Le port d'une tenue de travail incompatible avec l'image de marque de l'entreprise porte en effet par lui-même nécessairement atteinte à l'image de l'entreprise", qu'"On ne saurait pas davantage subordonner le licenciement d'une salariée adoptant une tenue telle que celle en débat à la preuve d'une "atteinte caractérisée au chiffre d'affaires" du magasin, ou à l'existence d'une difficulté au sein de la collectivité de travail ou avec la clientèle, pour la simple raison que cela impliquerait pas hypothèse : - de tolérer une activité effective de la salariée portant par elle-même atteinte à l'image de marque de l'entreprise, à la destination commerciale de ses surfaces de vente, ainsi qu'aux droits et libertés d'autrui ; - et de permettre la multiplication de telles situations au sein de l'entreprise, par l'effet mécanique du principe d'égalité de traitement" et que "Dans son arrêt Achbita, la Cour de justice de l'Union européenne admet en effet la possibilité d'une politique de neutralité à l'égard de la clientèle, dont la justification n'est à aucun moment subordonnée à la démonstration d'un trouble objectif préalable", la cour d'appel a violé l'article L. 1133-1 du code du travail ;

11°/ que l'employeur est seul juge de la cohérence de la tenue vestimentaire du salarié avec l'image de l'entreprise, et qu'il n'appartient pas au juge de substituer son appréciation à celle de l'employeur, sauf à caractériser un abus de l'employeur ; que pour écarter en l'espèce l'existence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, la cour d'appel s'est employée à analyser le projet de l'entreprise, dont elle a cru pouvoir déduire un caractère "prétendument universel" des valeurs déclinées dans celui-ci, et a évoqué la position de l'employeur dans des termes démontrant qu'elle ne la faisait pas sienne, sans prendre en considération les éléments du projet d'entreprise qui étaient précisément invoqués par la lettre de licenciement et par les conclusions de l'employeur, et qui le conduisaient à affirmer que "la tenue adoptée en dernier lieu par Mme [S], telle qu'elle est illustrée par les deux photographies qu'elle verse en pièce n° 4, n'est manifestement pas représentative : - de l'image que Camaïeu a choisi de donner à sa marque, dans le cadre de l'usage normal de sa liberté d'entreprise ; - de la conception que Camaïeu se fait de la féminité, dans le cadre de l'usage normal de sa liberté d'entreprise, et ne saurait donc être appréhendée comme une "présentation correcte" concourant à la finalité de l'entreprise, au sens de l'article 11 du règlement intérieur" ; que la cour d'appel qui a pourtant reconnu qu'il est indéniable que le changement de présentation vestimentaire de la salariée a perturbé les identités préétablies que l'employeur jugeait comme essentielles au développement de son activité commerciale assise sur une conception de l'image de la femme contraire à celle communément perçue chez celles qui arborent le foulard islamique, a omis de tirer les conséquences de ses propres constatations, et violé le principe de la liberté d'entreprendre, reconnu à l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

12°/ que si le port du voile islamique participe de la dignité de la femme c'est seulement aux yeux de la religion musulmane ; qu'une telle conception de la dignité de la femme est étrangère au droit de l'Union et aux lois de la République française qui ne considèrent le port du voile islamique qu'au titre de la liberté de conviction ; qu'en jugeant que la prise en compte par une entreprise de l'attente des clients sur l'apparence physique, de ceux qui les servent fait prévaloir les règles économiques de la concurrence sur l'égale dignité des personnes humaines, la cour d'appel s'est référée à un concept de la dignité des personnes et spécialement des femmes qui est inexistant en droit et a ainsi privé de toute base légale sa décision au regard des articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000. »

Réponse de la Cour

6. Il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans sa rédaction applicable, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. Au termes de l'article L. 1321-3, 2°, du code du travail dans sa rédaction applicable, le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.

7. L'employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l'ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l'article L. 1321-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n'est appliquée qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients.

8. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15), que la notion d'« exigence professionnelle essentielle et déterminante », au sens de l'article 4 § 1 de la directive 2000/78 du 27 novembre 2000, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l'employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client.

9. Ayant d'abord relevé qu'aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n'était prévue dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l'existence d'une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l'intéressée.

10. Après avoir relevé ensuite, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que la justification de l'employeur était explicitement placée sur le terrain de l'image de l'entreprise au regard de l'atteinte à sa politique commerciale, laquelle serait selon lui susceptible d'être contrariée au préjudice de l'entreprise par le port du foulard islamique par l'une de ses vendeuses, la cour d'appel a exactement retenu que l'attente alléguée des clients sur l'apparence physique des vendeuses d'un commerce de détail d'habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l'article 4 § 1 de la directive n° 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne.

11. La cour d'appel en a déduit à bon droit que le licenciement de la salariée, prononcé au motif du refus de celle-ci de retirer son foulard islamique lorsqu'elle était en contact avec la clientèle, qui était discriminatoire, devait être annulé.

12. Le moyen n'est donc pas fondé.

13. En l'absence de doute raisonnable quant à l'interprétation des dispositions du droit de l'Union en cause, il n'y a pas lieu de saisir la Cour de justice de l'Union européenne de la question préjudicielle soumise par la société Camaïeu international.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société Camaïeu international aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Camaïeu international et la condamne à payer à Mme [S] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze avril deux mille vingt et un.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt :

Moyen produit par la SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, avocat aux Conseils, pour la société Camaïeu international

Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir dit que le licenciement de la salariée est nul et condamné l'employeur à lui verser la somme de 10 000 euros à titre de dommages intérêts

AUX MOTIFS QU'
En l'espèce, il sera constaté que Mme [S], vendeuse au sein du magasin de l'enseigne Camaïeu à [Localité 1] s'est présentée le 29 juillet 2015 sur son lieu de travail, au retour de son congé parental ayant suivi un congé maternité, en portant, pour la première fois, un foulard couvrant ses cheveux, ses oreilles, son cou et laissant le visage visible ainsi qu'en attestent les photographies produites au dossier.
Il est constant que le port de ce foulard que la salariée n'a pas voulu ôter durant son service en boutique était, pour Mme [S], un signe de profession de foi islamique.
Le contrat de travail signé le 11 juillet 2012 précisait que Mme [S] avait pour principales activités "d'accueillir, informer et renseigner les clientes, conseiller et argumenter sur les produits et services, assurer l'ensemble des opérations permettant l'implantation et la mise en valeur des produits, assurer l'ensemble des opérations permettant le bon fonctionnement du magasin, par exemple :l'encaissement, le rangement, la propreté, la sécurité, la maintenance dans les conditions précisées par le descriptif d'activités" (article III, page 1) et s'est classiquement engagée "à se conformer à la discipline intérieure de la société, en particulier aux prescriptions de son règlement intérieur" (article XVIII, page 4).
Le descriptif d'activité impose à la salariée d'être "exemplaire dans les attitudes de l'accueil" en étant "souriante et dynamique" et en portant "une tenue cohérente avec le positionnement de l'entreprise". L'article 11 du règlement intérieur, seule disposition à évoquer la tenue des salariés, reprend cette formule en des termes identiques sans apporter plus de précision sur la portée des termes employés. Il est seulement indiqué "Chaque salarié doit concourir à la finalité de l'entreprise qui est de donner satisfaction à la clientèle. De ce fait, la personne qui est en contact avec la clientèle devra avoir une présentation correcte et soignée. Il est demandé au personnel travaillant sur la surface de vente de magasin de ne pas porter de vêtement affichant clairement une marque concurrente". La fiche de poste de vendeuse indique que cette dernière "représente l'image Camaïeu par son look (tenue vestimentaire, coiffure, maquillage)".
Il sera donc relevé qu'aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n'était prévue dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur en application de l'article L. 1321-5 du code du travail et qu'en réalité, la préoccupation de l'employeur était explicitement placée sur le seul terrain de l'image de l'entreprise au regard de l'atteinte à sa politique commerciale que le port du foulard islamique par une de ses vendeuses serait de nature, selon lui, de contrarier au préjudice de l'entreprise. Ainsi, la société Camaïeu soutient que son projet d'entreprise, est notamment de "permettre à de plus en plus de femmes d'être séduisantes en exprimant leur féminité" et que l'attribut vestimentaire que constitue le foulard porté par Mme [S] n'est pas en "cohérence" avec ce projet.
Cette position déjà exposée lors d'un litige en tous points similaire à la présente affaire, ayant opposé l'employeur à une autre salariée en 2009, n'avait certes donné lieu à aucune poursuite par la Halde alors saisie par cette salariée ni à une annulation du licenciement par la juridiction prud'homale également saisie par cette dernière.
Pour autant, le code vestimentaire imposé par la société Camaïeu à ses salariées, exprimé en des termes généraux, ne peut justifier une inégalité de traitement fondée sur la religion que si la prévalence de ce code et de l'image de l'entreprise que celui-ci projette, est légitime et conforme au droit de l'Union.
Ainsi que l'avait effectivement considéré la Halde dans une délibération n° 2008-32 du 3 mars 2008 citée dans la pièce n° 66 de la société Camaïeu, "les impératifs commerciaux, dans le cadre d'une relation avec la clientèle, liés à l'intérêt de l'entreprise, peuvent justifier une restriction apportée au port d'un signe religieux".
Le projet de l'entreprise Camaïeu (pièce n° 67 de la société intimée) précise que le positionnement de l'entreprise est centré sur la féminité et l'allure des produits et que les magasins doivent donner "le plaisir et l'envie d'entrer, d'acheter et de revenir" en impressionnant par "l'accueil, la convivialité (...) des équipes" et affirmer "l'image de Camaïeu et de ses valeurs". Ces valeurs énumérées en page 21 de ce document sont : "le goût de la performance, le plaisir, la confiance, la simplicité, la fierté, l'ouverture, la solidarité" avec l'affirmation "l'intérêt général de l'entreprise prime toujours sur les intérêts particuliers". Ces valeurs déclinées dans les pages suivantes sont exclusivement tournées autour des conditions de travail. Il est précisé en page 31: "Le collaborateur Camaïeu véhicule en permanence une image positive de l'entreprise, de son métier, de son produit et de son service". Il est enfin conclu en page 37 "le projet est animé et vécu dans toutes les équipes dans chacun des pays" soulignant ainsi le caractère universel de ces valeurs.
La position de l'employeur est donc, en se défendant de toute considération sur les convictions religieuses de la salariée, de soutenir que le foulard porté par Mme [S] serait en contradiction avec les valeurs de féminité en laissant suggérer qu'il nuirait à l'image occidentale et moderne de la femme que ses produits valoriseraient et ainsi à l'attractivité de l'espace commercial public de la marque.

La supérieure hiérarchique de Mme [S] précise dans son attestation produite au dossier que la salariée "aimait la mode féminine actuelle" et qu'elle "était dans l'ensemble de ses comportements, de ses attitudes, de ses tenues choisies, très féminine" en ajoutant qu'elle "prenait plaisir à s'habiller chez Camaïeu en valorisant son corps avec des hauts gratifiant sa silhouette et sa poitrine. Par exemple, ses hauts décolletés étaient souvent ajustés d'une ceinture haute marquant sa taille".
Il est indéniable que le changement de présentation vestimentaire de la salariée a perturbé les identités préétablies que l'employeur jugeait comme essentielles au développement de son activité commerciale assise sur une conception de l'image de la femme contraire à celle communément perçue chez celles qui arborent le foulard islamique.
Force est pourtant de constater que, faute de clause restreignant expressément la liberté de religion dans le règlement intérieur de l'entreprise, la formule très générale évoquant seulement la cohérence de la tenue vestimentaire avec l'image de l'entreprise est insuffisante pour légitimer une atteinte aussi importante à la liberté religieuse de la salariée.
Ensuite, l'appel à se déterminer en fonction de l'attente des clients sur l'apparence physique de ceux qui les servent fait prévaloir les règles économiques de la concurrence sur l'égale dignité des personnes humaines. L'employeur ne peut en pareille hypothèse, se limiter à l'évocation d'une éventuelle réaction négative de la clientèle mais doit fonder sa position sur des manifestations significatives des troubles allégués.
Il n'est apporté à ce titre aucun élément concret pour étayer un trouble suffisamment intense portant atteinte aux intérêts économiques de l'entreprise et à sa liberté d'entreprendre.
Il est enfin constaté qu'au regard de la nature des activités contractuellement confiées à Mme [S] l'appelant à intervenir l'essentiel de son temps dans la zone publique du magasin, la proposition de lui confier des missions exclusivement dans la réserve si la salariée refusait d'ôter son foulard, était manifestement disproportionnée à l'objectif poursuivi dont la légitimité n'était par ailleurs pas concrètement démontrée, en modifiant de fait les termes de son contrat par une limitation considérable de son domaine d'activité. Cette proposition a d'ailleurs été vécue par la salariée comme humiliante par le seul fait que cette situation était la conséquence du choix qu'elle avait fait d'afficher ses convictions religieuses. Cette perception était d'autant plus vive qu'il a été reconnu par l'employeur lui-même, lors de l'entretien préalable dont le compte rendu est attesté par le conseiller de la salariée, que le fait d'avoir demandé à Mme [S] de rester dans la réserve dans l'attente de l'avis du siège de la société en même temps que de lui demander de rendre les clefs et la carte de remise personnelle "était très déplacé" (pièce 6 b du dossier de la salariée).
Il ne pouvait être ainsi tiré grief à la salariée d'avoir saisi le collectif contre l'islamophobie en France qui a écrit à l'employeur, à l'inspection du travail et au défenseur des droits pour défendre les intérêts de la salariée. Cette dernière ne peut non plus être tenue pour responsable des publications de cette association dénonçant sur son site internet la menace de licenciement de la salariée en illustrant ses propos d'une photographie montrant une porte de réserve au nom de Camaïeu avec une affiche ajoutant les "salariées voilées" à liste des produits remisés.
Il n'est pas contesté que la salariée a porté, durant les deux jours précédant cette mesure, des vêtements corrects et soignés au sens des dispositions précitées du règlement intérieur et n'affichant pas une marque concurrente.
Dans ces conditions, l'interdiction faite à la salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients résultant seulement d'un ordre oral donné à cette dernière et visant un signe religieux déterminé, relève d'une discrimination fondée sur les convictions religieuses, et ne saurait être considérée comme une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000.
Les précisions apportées par les différentes juridictions, nationales et européennes, qui se sont successivement prononcées sur le port de signes religieux au sein de l'entreprise l'ont été sur la base de références législatives établies antérieurement à la mesure de licenciement litigieuse étant relevé que par un arrêt du 10 juillet 2008 la Cour de Justice de l'Union Européenne, dans le cadre de l'interprétation de la directive n° 2000/43, avait précisé que les préférences discriminantes de la clientèle ne pouvaient pas constituer une justification, peu important l'intérêt économique allégué par l'employeur (CJCE, 10 juill. 2008, aff. C-54/07, [C]) de sorte que la société Camaïeu ne peut utilement, pour échapper au grief de discrimination, se prévaloir du caractère particulièrement débattu de ce sujet sensible pour dénier tout élément intentionnel au choix ayant présidé à la décision de licencier Mme [S] dans les termes énoncés dans la lettre lui notifiant la mesure et selon les modalités qui l'ont précédée.
En conséquence et sans qu'il soit nécessaire de recourir à l'interrogation préalable de la Cour de justice de l'Union Européenne, le licenciement de Mme [S] sera annulé et le jugement entrepris ayant considéré que celui était fondé sur une cause réelle et sérieuse sera infirmé.
Eu égard à l'ancienneté de la salariée dans l'entreprise (3 ans et 4 mois), à son âge (25 ans), au motif de son éviction de l'entreprise et à sa rémunération mensuelle brute de 1 100 euros pour un travail à temps partiel, les dommages et intérêts que Mme [S] est en droit de réclamer en réparation du préjudice subi du fait de la rupture du contrat de travail, sera fixée à la somme de 10 000 euros bruts.

1°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir que la notion de discrimination était étrangère au litige, et que celui-ci relevait des seules dispositions relatives aux restrictions individuelles et collectives des libertés individuelles (articles L. 1121-1 et L. 1321-3 du Code du travail), que la notion de discrimination supposait la démonstration, par la salariée, que d'autres salariés de sa confession auraient été sanctionnés du fait de leur appartenance à cette même religion, que la restriction apportée à sa liberté de manifester sa religion n'aurait visé que les salariés de sa confession, et que ces mêmes salariés auraient été traités différemment des autres dans leur emploi ou leur travail à capacité professionnelle égale du fait de leur confession (Conclusions d'appel, p. 8 à 13), preuve que la salariée ne prétendait pas rapporter, la Cour d'appel, qui a omis de répondre à ce moyen, a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE ne peut pas être victime d'une discrimination fondée sur ses convictions religieuses la salariée qui ne prétend pas démontrer que d'autres salariés de confession musulmane auraient été sanctionnés du fait de leur appartenance à cette même religion, ni que la restriction apportée à sa liberté de manifester sa religion n'aurait visé que les salariés de sa confession, ni enfin que ces mêmes salariés auraient été traités différemment des autres dans leur emploi ou leur travail à capacité professionnelle égale du fait de leur confession ; qu'en jugeant nul le licenciement de la salariée, au motif d'une discrimination fondée sur ses convictions religieuses (arrêt, p. 13), quand la salariée ne rapportait pas une telle preuve, la cour d'appel a violé l'article L.1132-1 du Code du travail ;

3°) ALORS QUE l'employeur faisait valoir que le droit à un procès équitable garanti par l'article 6, § 1, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales impose de déroger au caractère rétroactif de la jurisprudence lorsque son application aboutit à priver une partie d'un procès équitable ; qu'invoquant ces dispositions, l'employeur faisait valoir qu'il serait contraire à son droit à un procès équitable de lui faire application de l'interprétation retenue par l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 22 novembre 2017, selon laquelle l'existence d'une politique de neutralité ne peut résulter que du règlement intérieur de l'entreprise ou d'une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur (Conclusions d'appel, p. 83), et selon laquelle il appartient à l'employeur de rechercher si, tout en tenant compte des contraintes inhérentes à l'entreprise et sans que celle-ci ait à subir une charge supplémentaire, il lui est possible de proposer à la salariée un poste de travail n'impliquant pas de contact visuel avec ces clients, plutôt que de procéder à son licenciement (Conclusions d'appel, p. 84), quand les faits en litige étaient antérieurs à l'affirmation de ces exigences et « qu'à la date du licenciement de Madame [S], l'Assemblée plénière de la Cour de cassation, plus haute juridiction de l'ordre judiciaire, considérait que des faits tels que ceux de la présente espèce n'avaient pas vocation à être appréhendés sous l'angle du droit des discriminations » (Conclusions d'appel, p. 85) ; qu'en faisant application à l'employeur de l'interprétation retenue par l'arrêt de la Chambre sociale de la Cour de cassation du 22 novembre 2017, et plus généralement de la législation relative aux discriminations, pour conclure à la nullité du licenciement de la salariée, sans répondre à ce moyen, la Cour a violé l'article 455 du Code de procédure civile ;

4°) ALORS QUE les droits des personnes et les libertés individuelles et collectives peuvent être valablement restreints de manière individuelle, sur le fondement de l'article L. 1121-1 du Code du travail, et que la preuve est libre en matière prud'homale ; qu'en l'absence de clause de neutralité dans le règlement intérieur ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, la preuve de l'existence d'une politique de neutralité peut être rapportée par l'invocation de restrictions individuelles formulées sur le fondement de l'article L. 1121-1 du Code du travail et, plus généralement, par tout autre moyen de preuve licite, sauf le cas échéant à réserver une telle faculté aux seuls employeurs justifiant d'une mesure de licenciement notifiée avant le 22 novembre 2017 ; qu'en l'espèce, l'employeur faisait valoir l'existence, en son sein, d'une politique de neutralité illustrée par la restriction collective résultant de l'article 11 du règlement intérieur (Conclusions d'appel, p. 70) et des restrictions individuelles systématiquement adoptées à l'égard des salariées se présentant au travail avec un foulard (Conclusions d'appel, p. 71), et faisait valoir qu'une telle politique était poursuivie de manière cohérente et systématique, à chaque fois que la société se trouvait confrontée à la situation qui s'était présentée au retour du congé parental de la salariée, et défendue, à chaque fois que nécessaire, devant le juge, la Halde et, en dernier lieu, le Défenseur des droits (Conclusions d'appel, p. 71) ; que pour conclure à la nullité du licenciement de la salariée, la cour d'appel a subordonné la preuve de l'existence d'une politique de neutralité au sein de la société à l'existence d'une clause de neutralité figurant dans le règlement intérieur ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, ajoutant ainsi aux articles L.1121-1, L. 1321-3, L. 1132-1 et L. 1133-1 du Code du travail, une exigence de source formelle à la neutralité de l'entreprise qu'ils ne comportent pas, et a violé lesdits articles ;

5°) ALORS QUE pour contester l'existence de la discrimination alléguée, l'employeur faisait valoir que l'existence d'une discrimination suppose une volonté de discriminer, et que l'existence d'une telle volonté était nécessairement exclue en l'espèce, sa décision n'ayant pas été prise en considération des convictions religieuses de la salariée mais en cohérence avec les dispositions du règlement intérieur applicable, les mentions figurant dans sa définition de fonction et son engagement contractuel de respecter l'étendue de sa fonction, et en considération de positions doctrinales et de décisions de jurisprudence (incluant la position de la Halde et du juge judiciaire à son égard et la position de l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation) ayant en commun, à la date du licenciement, d'écarter l'existence d'une discrimination en présence de faits identiques (conclusions, pages 15 à 19), mais ne se prévalait pas du caractère particulièrement débattu du sujet en cause ; qu'en retenant que l'employeur ne pouvait se prévaloir du caractère particulièrement débattu de ce sujet sensible pour dénier tout élément intentionnel à la décision de licencier la salariée, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de la société en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ;

6°) ALORS QUE pour contester l'existence de la discrimination alléguée, la lettre de licenciement et les conclusions de l'employeur (p. 54 et suivantes)
faisaient valoir de nombreuses justifications ; que la Cour d'appel a malgré cela affirmé que la préoccupation de l'employeur était explicitement placée sur le seul terrain de l'image de l'entreprise au regard de l'atteinte à sa politique commerciale (arrêt p. 12), et s'est limitée à vérifier si l'image de l'entreprise pouvait en l'espèce justifier le code vestimentaire imposé par la société à ses salariées (arrêt, p. 12) ; qu'en statuant ainsi, quand l'image de l'entreprise et sa politique commerciale n'étaient pas les seules justifications invoquées par la lettre de licenciement et par les conclusions de l'employeur pour contester l'existence de la discrimination alléguée, la Cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'employeur en violation de l'article 4 du Code de procédure civile, et dénaturé les termes de la lettre de licenciement en violation de son obligation de ne pas dénaturer les documents de la cause ;

7°) ALORS QUE pour contester l'existence de la discrimination alléguée, l'employeur faisait valoir que l'existence d'une discrimination suppose une volonté de discriminer, et que l'existence d'une telle volonté était nécessairement exclue en l'espèce dès lors que sa décision n'avait pas été prise en considération des convictions religieuses de la salariée mais en considération de ce que sa position déjà exposée lors d'un litige en tous points similaire à la présente affaire, ayant opposé l'employeur à une autre salariée en 2009, n'avait donné lieu à aucune poursuite par la Halde alors saisie par cette salariée ni à une annulation du licenciement par la juridiction prud'homale également saisie par cette dernière, et qu'elle était conforme à celle prise par l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation (conclusions, pages 15 à 19) ; qu'ayant constaté ces précédents, la cour d'appel en retenant néanmoins en l'espèce l'existence d'une discrimination prohibée, n'a pas tiré de ses constatations les conséquences qui s'en évinçaient nécessairement et a violé l'article L.1121-1 du code du travail par refus d'application et les articles L.1132-1 et L.1133-1 du code du travail par fausse application ;

8°) ALORS QUE dès lors que l'employeur invoque le bénéfice des dispositions de l'article L. 1133-1 du Code du travail, il incombe au juge d'examiner l'ensemble des éléments que l'employeur fait valoir pour démontrer que la différence de traitement en litige répond à une exigence professionnelle essentielle, déterminante et proportionnée, poursuivant un objectif légitime ; que de telles justifications n'ont pas à résulter exclusivement du seul règlement intérieur ; qu'en écartant l'existence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, sans examiner l'argumentation qui lui était soumise au regard : (i) de la nature de l'activité exercée par la salariée (Conclusions d'appel, p. 54), (ii) des conditions d'exercice de l'activité de Madame [S] tenant au fait que « Les fonctions de vendeuse s'exercent principalement sur une surface de vente spécifiquement construite autour de l'oeil de la cliente, et avec pour objectif de mettre en valeur les produits de l'entreprise » (Conclusions d'appel, p. 56), et « au sein d'une collectivité de travail » (Conclusions d'appel, p. 58), (iii) de « la volonté de la société de garantir le respect de la détermination de ses surfaces commerciales » (Conclusions d'appel, p. 59), (iv) de la « volonté de la société de faire prévaloir le respect des engagements contractuels acceptés par Madame [S] » (Conclusions d'appel, p. 60), (v) « du caractère spontané, ostentatoire et permanent des modalités d'expression de ses convictions religieuses retenues par Madame [S] » (Conclusions d'appel, p. 61), (vi) « de la position cohérente adoptée par la société à chaque fois qu'elle s'est trouvée [confrontée] à la difficulté en débat » (Conclusions d'appel, p. 61), (vii) « de la durée pendant laquelle Madame [S] avait elle-même exercé ses fonctions sans porter de foulard » (Conclusions d'appel, p. 62), (viii) « du droit à l'emploi des autres salariés de l'entreprise » (Conclusions d'appel, p. 63), (ix) « de la capacité de Madame [S] à retrouver un emploi compatible avec la tenue illustrée par sa pièce n° 4 » (Conclusions d'appel, p. 63), et « de la nature de la pratique en débat » (Conclusions d'appel, p. 64), et en affirmant que la préoccupation de l'employeur était explicitement placée sur le seul terrain de l'image de l'entreprise au regard de l'atteinte à sa politique commerciale (arrêt p. 12), et en se limitant à vérifier si l'image de l'entreprise pouvait en l'espèce justifier le code vestimentaire imposé par la société à ses salariées (arrêt, p. 12), la Cour d'appel a méconnu l'office qui lui incombait, et violé l'article 1134-1 du code du travail ;

9°) ALORS QUE l'article 4 de la 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail dispose que les États membres peuvent, en présence d'une exigence professionnelle et déterminante, décider que la discrimination n'est pas constituée ; qu'en application de ce texte, l'article L. 1133-1 du Code du travail affirme que l'interdiction des discriminations « ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée » ; que la notion d'exigence professionnelle et déterminante « renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité en cause » ; qu'en jugeant que l'interdiction faite à la salariée de porter le foulard islamique dans ses contacts avec les clients, en l'absence de clause restreignant expressément la liberté de religion dans le règlement intérieur de l'entreprise, et résultant seulement d'un ordre oral donné à cette dernière et visant un signe religieux déterminé, relève d'une discrimination fondée sur les convictions religieuses, et ne saurait être considérée comme relevant d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, quand l'employeur démontrait (i) l'existence d'une exigence professionnelle essentielle fondée sur la nature de l'emploi de vendeuse de la salariée, emploi impliquant un contact direct avec la clientèle et l'appartenance à une collectivité de travail, le contenu du contrat de travail, la définition de fonction applicable, le règlement intérieur applicable, la nature de l'activité de l'entreprise, son image de marque et son choix de positionnement commercial, destiné à exprimer la féminité de sa clientèle sans dissimuler son corps et ses cheveux, au moyen de magasins conçus pour mettre en valeur les produits de l'entreprise, (ii) l'existence d'un objectif légitime tenant à sa volonté de projeter une certaine image commerciale, de garantir le respect de la destination de ses surfaces commerciales, de faire prévaloir le respect des engagements contractuels acceptées par la salariée, de sa définition de fonction et de l'article 11 du règlement intérieur, au regard du caractère spontané, ostentatoire et permanent des modalités d'expression de ses convictions religieuses retenues par la salariée, et de la position cohérente déjà adoptée par la société dans des circonstances comparables, et (iii) l'existence d'une exigence proportionnée, au regard de la durée pendant laquelle la salariée avait elle-même exercé ses fonctions sans porter de foulard, de la conciliation proposée par la société et de l'impossibilité d'une conciliation moins contraignante, du principe de la liberté d'entreprise et du droit à l'emploi des autres salariés, de la volonté de l'entreprise de concilier la liberté de la salariée de manifester ses convictions religieuses avec les droits et libertés de ses collègues de travail et de la clientèle, de la capacité de la salariée à retrouver un emploi compatible avec le port du foulard islamique, et de la nature de la pratique en débat, tous éléments fournissant une justification conforme aux exigences légales à l'instruction donnée à la salariée de ne pas porter son foulard sur la surface de vente, la cour d'appel a violé les articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

10°) ALORS QUE la démonstration de l'existence d'une exigence professionnelle essentielle, déterminante et proportionnée, poursuivant un objectif légitime, au sens de l'article L. 1133-1 du Code du travail, n'est pas subordonnée à l'existence d'un trouble objectif ; qu'en faisant grief à l'employeur de n'apporter aucun élément concret pour étayer un trouble suffisamment intense portant atteinte aux intérêts économique de l'entreprise et à sa liberté d'entreprise (arrêt p. 13), pour écarter en l'espèce l'existence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, quand l'employeur faisait valoir « que toute référence à l'exigence d'un trouble objectif caractérisé, au sens où l'entend la jurisprudence française, est inopérante à l'égard de faits qui présentent en l'espèce, et par hypothèse, un lien de rattachement avec la vie professionnelle » (Conclusions d'appel, p. 24), que « la référence même à la notion de trouble objectif est en l'espèce inopérante » (Conclusions d'appel, p. 73), aux motifs notamment que « Le port d'une tenue de travail incompatible avec l'image de marque de l'entreprise porte en effet par lui-même nécessairement atteinte à l'image de l'entreprise » (Conclusions d'appel, p. 73), qu'« On ne saurait pas davantage subordonner le licenciement d'une salariée adoptant une tenue telle que celle en débat à la preuve d'une « atteinte caractérisée au chiffre d'affaires » du magasin, ou à l'existence d'une difficulté au sein de la collectivité de travail ou avec la clientèle, pour la simple raison que cela impliquerait pas hypothèse : - de tolérer une activité effective de la salariée portant par elle-même atteinte à l'image de marque de l'entreprise, à la destination commerciale de ses surfaces de vente, ainsi qu'aux droits et libertés d'autrui ; - et de permettre la multiplication de telles situations au sein de l'entreprise, par l'effet mécanique du principe d'égalité de traitement » et que « Dans son arrêt Achbita, la Cour de justice de l'Union européenne admet en effet la possibilité d'une politique de neutralité à l'égard de la clientèle, dont la justification n'est à aucun moment subordonnée à la démonstration d'un trouble objectif préalable » (Conclusions d'appel, p. 74), la Cour d'appel a violé l'article L. 1133-1 du Code du travail ;

11°) ALORS QUE, l'employeur est seul juge de la cohérence de la tenue vestimentaire du salarié avec l'image de l'entreprise, et qu'il n'appartient pas au juge de substituer son appréciation à celle de l'employeur, sauf à caractériser un abus de l'employeur ; que pour écarter en l'espèce l'existence d'une exigence professionnelle essentielle et déterminante au sens de l'article 4, § 1, de la directive du 27 novembre 2000, la Cour d'appel s'est employée à analyser le projet de l'entreprise, dont elle a cru pouvoir déduire un caractère « prétendument universel » des valeurs déclinées dans celui-ci (arrêt, p. 13), et a évoqué la position de l'employeur dans des termes démontrant qu'elle ne la faisait pas sienne, sans prendre en considération les éléments du projet d'entreprise qui étaient précisément invoqués par la lettre de licenciement et par les conclusions de l'employeur (Conclusions d'appel, p. 55), et qui le conduisaient à affirmer que « la tenue adoptée en dernier lieu par Madame [S], telle qu'elle est illustrée par les deux photographies qu'elle verse en pièce n° 4, n'est manifestement pas représentative : -de l'image que Camaïeu a choisi de donner à sa marque, dans le cadre de l'usage normal de sa liberté d'entreprise ; - de la conception que Camaïeu se fait de la féminité, dans le cadre de l'usage normal de sa liberté d'entreprise, et ne saurait donc être appréhendée comme une « présentation correcte » concourant à la finalité de l'entreprise, au sens de l'article 11 du règlement intérieur » (Conclusions d'appel, p. 55) ; que la cour d'appel qui a pourtant reconnu qu'il est indéniable que le changement de présentation vestimentaire de la salariée a perturbé les identités préétablies que l'employeur jugeait comme essentielles au développement de son activité commerciale assise sur une conception de l'image de la femme contraire à celle communément perçue chez celles qui arborent le foulard islamique, a omis de tirer les conséquences de ses propres constatations, et violé le principe de la liberté d'entreprendre, reconnu à l'article 16 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;

12°) ALORS QUE si le port du voile islamique participe de la dignité de la femme c'est seulement aux yeux de la religion musulmane ; qu'une telle conception de la dignité de la femme est étrangère au droit de l'Union et aux lois de la République française qui ne considèrent le port du voile islamique qu'au titre de la liberté de conviction ; qu'en jugeant que la prise en compte par une entreprise de l'attente des clients sur l'apparence physique, de ceux qui les servent fait prévaloir les règles économiques de la concurrence sur l'égale dignité des personnes humaines, la cour d'appel s'est référée à un concept de la dignité des personnes et spécialement des femmes qui est inexistant en droit et a ainsi privé de toute base légale sa décision au regard des articles L. 1121-1, L. 1132-1 et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

13°) ALORS QUE l'employeur n'a nullement proposé à la salariée de lui confier des missions exclusivement dans la réserve ; qu'en déduisant une telle proposition des documents de la cause, et spécialement de la correspondance envoyée à la salariée le 6 août 2015, du compte-rendu de l'entretien préalable produit par la salariée, et de la lettre de licenciement, pour conclure à l'existence d'une conciliation disproportionnée au sens de l'article L. 1133-1 du Code du travail, la cour d'appel a méconnu l'interdiction faite au juge de dénaturer les documents de la cause, ensemble les articles 1103, 1104 et 1193 du code civil.


Synthèse
Formation : Chambre sociale
Numéro d'arrêt : 19-24079
Date de la décision : 14/04/2021
Sens de l'arrêt : Rejet
Type d'affaire : Sociale

Analyses

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Règlement intérieur - Contenu - Restriction aux libertés individuelles - Restriction à la liberté religieuse - Validité - Conditions - Détermination - Portée

CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Restriction aux libertés fondamentales - Restriction à la liberté religieuse - Limites CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Discrimination entre salariés - Discrimination fondée sur les convictions religieuses et politiques du salarié - Caractérisation CONTRAT DE TRAVAIL, EXECUTION - Employeur - Pouvoir de direction - Etendue - Restriction aux libertés fondamentales - Restriction à la liberté religieuse - Conditions - Exigence professionnelle essentielle et déterminante - Caractérisation - Défaut - Applications diverses

Il résulte des articles L. 1121-1, L. 1132-1, dans leur rédaction applicable, et L. 1133-1 du code du travail, mettant en oeuvre en droit interne les dispositions des articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, que les restrictions à la liberté religieuse doivent être justifiées par la nature de la tâche à accomplir, répondre à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et proportionnées au but recherché. Au termes de l'article L. 1321-3, 2°, du code du travail dans sa rédaction applicable, le règlement intérieur ne peut contenir des dispositions apportant aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives des restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché. L'employeur, investi de la mission de faire respecter au sein de la communauté de travail l'ensemble des libertés et droits fondamentaux de chaque salarié, peut prévoir dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, en application de l'article L. 1321-5 du code du travail dans sa rédaction applicable, une clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail, dès lors que cette clause générale et indifférenciée n'est appliquée qu'aux salariés se trouvant en contact avec les clients. Ayant relevé qu'aucune clause de neutralité interdisant le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux sur le lieu de travail n'était prévue dans le règlement intérieur de l'entreprise ou dans une note de service soumise aux mêmes dispositions que le règlement intérieur, la cour d'appel en a déduit à bon droit que l'interdiction faite à la salariée de porter un foulard islamique caractérisait l'existence d'une discrimination directement fondée sur les convictions religieuses de l'intéressée. Il résulte par ailleurs de la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15), que la notion d'« exigence professionnelle essentielle et déterminante », au sens de l'article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, renvoie à une exigence objectivement dictée par la nature ou les conditions d'exercice de l'activité professionnelle en cause. Elle ne saurait, en revanche, couvrir des considérations subjectives, telles que la volonté de l'employeur de tenir compte des souhaits particuliers du client. Ayant constaté que la justification de l'employeur était explicitement placée sur le terrain de l'image de l'entreprise au regard de l'atteinte à sa politique commerciale, laquelle serait selon lui susceptible d'être contrariée au préjudice de l'entreprise par le port du foulard islamique par l'une de ses vendeuses, la cour d'appel a exactement retenu que l'attente alléguée des clients sur l'apparence physique des vendeuses d'un commerce de détail d'habillement ne saurait constituer une exigence professionnelle essentielle et déterminante, au sens de l'article 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000, tel qu'interprété par la Cour de justice de l'Union européenne, de sorte que le licenciement de la salariée, prononcé au motif du refus de celle-ci de retirer son foulard islamique lorsqu'elle était en contact avec la clientèle, qui était discriminatoire, devait être annulé


Références :

Articles L. 1121-1, L. 1132-1, L. 1321-3, 2°, dans leur rédaction applicable, et L. 1133-1 du code du travail

articles 2, § 2, et 4, § 1, de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000.

Décision attaquée : Cour d'appel de Toulouse, 06 septembre 2019

Sur le principe selon lequel les libertés fondamentales du salarié d'une entreprise privée ne sont susceptibles de restrictions que si celles-ci sont justifiées par la nature de la tâche à accomplir et proportionnées au but recherché, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23743, Bull. 2020, (1) (rejet), et les arrêts cités. Sur la notion d'exigence professionnelle essentielle et déterminante, à rapprocher : Soc., 8 juillet 2020, pourvoi n° 18-23743, Bull. 2020, (2) (rejet)

arrêt cité. Sur la notion d'exigence professionnelle essentielle et déterminante, cf. : CJUE, arrêt du 14 mars 2017, Micropole Univers, C-188/15.


Publications
Proposition de citation : Cass. Soc., 14 avr. 2021, pourvoi n°19-24079, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Cathala
Avocat(s) : SCP Ricard, Bendel-Vasseur, Ghnassia, SCP Thouvenin, Coudray et Grévy

Origine de la décision
Date de l'import : 16/11/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2021:19.24079
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award