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20/01/2022 | FRANCE | N°19-23721

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 2, 20 janvier 2022, 19-23721


LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 108 FS-B+R

Pourvoi n° B 19-23.721

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022

La société Axa France IARD, société anonyme, d

ont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 19-23.721 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel de Riom (1re chambre...

LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 2

LM

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 20 janvier 2022

Cassation partielle

M. PIREYRE, président

Arrêt n° 108 FS-B+R

Pourvoi n° B 19-23.721

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 20 JANVIER 2022

La société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° B 19-23.721 contre l'arrêt rendu le 24 septembre 2019 par la cour d'appel de Riom (1re chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [S] [B],

2°/ à Mme [I] [C],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Pradel, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Rocheteau et Uzan-Sarano, avocat de M. [B] et Mme [C], et l'avis de M. Grignon Dumoulin, avocat général, après débats en l'audience publique du 1er décembre 2021 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Pradel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Leroy-Gissinger, conseiller doyen, M. Besson, Mme Bouvier, M. Martin, Mme Chauve, conseillers, M. Talabardon, Mme Guého, M. Ittah, conseillers référendaires, M. Grignon Dumoulin, avocat général, et M. Carrasco, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Riom, 24 septembre 2019), M. [B] et Mme [C] ont acquis le 11 décembre 2008 de M. et Mme [T] une maison d'habitation. Se plaignant de désordres dans l'immeuble acquis, M. [B] et Mme [C] ont assigné leurs vendeurs ainsi que l'agence immobilière devant un tribunal de grande instance.

2. Les acquéreurs de l'immeuble soupçonnant l'existence de vices cachés, liés, notamment, à un incendie qui se serait produit en 2002, ont saisi en cours de procédure le juge de la mise en état afin qu'il enjoigne à la société Axa assurance, alors assureur du bien, tiers à la procédure, de produire les éléments utiles à la solution du litige.

3. Par une première ordonnance du 24 juin 2014, le juge de la mise en état a enjoint à la société Axa assurance de communiquer au tribunal, dans un délai de 30 jours suivant la signification de l'ordonnance, un ensemble de documents en sa possession relatifs au sinistre survenu dans cet immeuble par incendie en 2002 et à son indemnisation éventuelle.

4. Par une seconde ordonnance du 7 avril 2015, signifiée le 9 septembre 2015, le juge de la mise en état a renouvelé son injonction à la société Axa assurance en précisant que, faute de communiquer les documents visés dans les 15 jours, elle serait redevable d'une astreinte de 1 000 euros par jour de retard.

5. Le tribunal de grande instance a statué sur le fond du litige par un jugement, devenu irrévocable, du 19 mai 2017.

6. Le 25 mai 2018, M. [B] et Mme [C] ont assigné la société Axa France IARD (l'assureur) devant un juge de l'exécution en liquidation de l'astreinte.

7. Cette société a, notamment, invoqué l'irrégularité de la signification de l'ordonnance du juge de la mise en état du 7 avril 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses deuxième et troisième branches, et sur le second moyen, pris en ses première, deuxième, troisième et quatrième branches, ci-après annexés

8. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ces griefs qui ne sont manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

Sur le premier moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

9. L'assureur fait grief à l'arrêt de déclarer recevable l'action de M. [B] et Mme [C], de liquider l'astreinte fixée par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 7 avril 2015 à la somme de 516 000 euros pour la période ayant couru du 25 septembre 2015 au 21 février 2017 et de le condamner en tant que de besoin à payer cette somme à M. [B] et Mme [C], alors « que ne constitue une exception de procédure que le moyen qui tend à faire déclarer irrégulière la procédure suivie devant la juridiction saisie de cette exception ; qu'en revanche, ne constitue pas une telle exception le moyen destiné à faire échec à une demande adverse tiré de l'irrégularité d'une procédure distincte ; qu'en jugeant irrecevable le moyen soulevé par la société Axa France IARD tiré de l'irrégularité de la signification de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance ayant prononcé l'astreinte litigieuse pour n'avoir pas été soulevé in limine litis cependant que cette irrégularité n'affectait pas la procédure en cours devant la cour d'appel de Riom saisie du recours formé contre le jugement du juge de l'exécution du tribunal d'instance, la cour d'appel a violé les articles 73 et 74 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

10. En premier lieu, selon l'article R. 131-1 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.

11. Il en résulte que, dans l'instance en liquidation d'astreinte, l'allégation d'une irrégularité affectant la signification de la décision ayant prononcé l'obligation sous astreinte ne constitue pas une exception de procédure, au sens de l'article 73 du code de procédure civile, mais un moyen de défense au fond opposé à la demande de liquidation, recevable en tout état de cause, par application de l'article 72 du même code.

12. C'est, dès lors, à tort que la cour d'appel a considéré que le moyen pris de la nullité de la signification de la décision assortie d'astreinte constituait une exception de procédure, irrecevable pour ne pas avoir été présentée in limine litis.

13. En second lieu, si l'absence de mention, dans l'acte de signification d'une décision, de la voie de recours ouverte, de son délai ou de ses modalités a pour effet de ne pas faire courir le délai de recours, la signification ne peut être considérée comme nulle à défaut de preuve de l'existence d'un grief.

14. Par ailleurs, selon l'article 140 du code de procédure civile, sur le fondement duquel a été prononcée l'ordonnance du 7 avril 2015, l'ordonnance faisant injonction à un tiers de produire une pièce est exécutoire à titre provisoire.

15. Par suite, quand bien même l'acte de signification de cette ordonnance aurait été affecté d'erreurs portant sur l'indication de la voie de recours ouverte, comme l'alléguait l'assureur dans ses conclusions d'appel, cette circonstance ne serait pas de nature à empêcher l'astreinte de courir.

16. Par ce motif de pur droit, substitué d'office à ceux justement critiqués par le moyen, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er, et 1015 du code de procédure civile, l'arrêt liquidant l'astreinte se trouve légalement justifié de ce chef.

Mais sur le second moyen, pris en sa sixième branche

Enoncé du moyen

17. L'assureur fait le même grief à l'arrêt, alors « qu'en toute hypothèse, la société Axa France IARD faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la liquidation de l'astreinte et sa condamnation subséquente étaient manifestement disproportionnées au regard du bénéfice prétendu ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux conclusions de la compagnie Axa sur ce point, la cour d'appel méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, tel qu'interprété à la lumière de l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, et l'article 455 du code de procédure civile :

18. Aux termes du premier de ces textes, le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.

19. Selon le second, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.

20. Suivant une jurisprudence constante, le juge saisi d'une demande de liquidation ne peut se déterminer qu'au regard des seuls critères prévus à l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'éxecution. Dès lors, il ne peut limiter le montant de l'astreinte liquidée au motif que le montant sollicité par le créancier de l'astreinte serait excessif (2e Civ., 25 juin 2015, pourvoi n° 14-20.073) ou qu'il serait trop élevé au regard des circonstances de la cause (2e Civ., 7 juin 2012, pourvoi n° 10-24.967) ou de la nature du litige (2e Civ., 30 janvier 2014, pourvoi n° 13-10.255). L'arrêt d'une cour d'appel qui se référait au caractère « manifestement disproportionné » du montant a ainsi été cassé (2e Civ., 26 septembre 2013, pourvoi n° 12-23.900), de même que celui ayant réduit le montant de l'astreinte liquidée en se fondant sur « l'application du principe de proportionnalité » (2e Civ., 19 mars 2015, pourvoi n° 14-14.941). Dans aucune de ces affaires n'était invoquée l'application de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de son Protocole n° 1.

21. Cependant, selon ce dernier texte invoqué par le moyen, « toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. »

22. L'astreinte, en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci. Elle entre ainsi dans le champ d'application de la protection des biens garantie par ce Protocole.

23. Il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit.

24. Dès lors, si l'astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du Protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l'objectif d'une bonne administration de la justice, à assurer l'exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, il n'en appartient pas moins au juge saisi d'apprécier encore , de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige.

25. Pour liquider l'astreinte à un montant de 516 000 euros, l'arrêt énonce que l'assureur ne démontre pas en quoi il a rencontré la moindre difficulté, à tout le moins pour adresser au juge de la mise en état une réponse à la demande qui lui était faite, et qu'il ne se prévaut pas de l'existence d'une cause étrangère qui l'aurait empêché d'exécuter l'obligation dans le délai fixé.

26. En statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de l'assureur qui invoquait une disproportion manifeste entre la liquidation sollicitée et le bénéfice attendu d'une communication des éléments sollicités, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il liquide à la somme de 516 000 euros l'astreinte fixée par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand du 7 avril 2015 pour la période ayant couru du 25 septembre 2015 au 21 février 2017 et en ce qu'il condamne en tant que de besoin la société Axa France IARD à payer cette somme à M. [B] et Mme [C], l'arrêt rendu le 24 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Riom ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Lyon.

Condamne M. [B] et Mme [C] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt janvier deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Axa France IARD

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR déclaré recevable l'action de M. [S] [B] et Mme [I] [C] contre la SA Axa France IARD, d'AVOIR liquidé l'astreinte mise à la charge de la société Axa France IARD par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 7 avril 2015 à la somme de 516.000 € pour la période ayant couru du 25 septembre 2015 au 21 février 2017 et d'AVOIR condamné en tant que de besoin la société Axa France IARD à payer cette somme à M. [S] [B] et Mme [I] [C] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la demande d'« inopposabilité » de la compagnie Axa France IARD des ordonnances rendues par le juge de la mise en état les 24 juin 2014 et 7 avril 2015, qui s'analyse en réalité comme une demande de nullité d'un acte de procédure, est irrecevable pour n'avoir pas été présentée in limine litis, conformément à l'article 112 du code de procédure civile. Sur le fond, dans sa première ordonnance du 24 juin 2014, le juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand enjoignait à la compagnie Axa « en sa qualité d'assureur de la maison litigieuse alors propriété de leurs assurés [U] et [N] [T], de communiquer au tribunal l'intégralité des documents en sa possession relatifs au sinistre survenu dans cet immeuble par un incendie en 2002 et à son indemnisation éventuelle, et en particulier [?] ». Cette ordonnance n'était pas assortie d'une astreinte. Sa signification contestée au « GIE Axa France » n'a donc emporté aucune conséquence financière préjudiciable pour la compagnie Axa. Dans une seconde ordonnance du 7 avril 2015, le juge de la mise en état a réitéré l'injonction faite par ordonnance du 24 juin 2015, en y apportant quelques précisions notamment le numéro du dossier et l'identité plus complète des assurés « [T] [W] », et en disant que les documents demandés devaient être communiqués en copie dans les 15 jours à compter de la signification faite à la compagnie Axa, sous astreinte ensuite de 1.000 € par jour de retard. Cette ordonnance a été cette fois-ci valablement signifiée à la « SA Axa Assurance » le 9 septembre 2015, ce qui n'est pas contesté. La référence à la première ordonnance faite dans la seconde qui « réitère » celle-ci, est sans importance dès lors que c'est la seconde ordonnance, et non la première, qui prononce l'astreinte litigieuse. Par conséquent, même si la compagnie Axa n'a pas été valablement informée de la signification de la première ordonnance faite à un « GIE Axa France », elle ne pouvait par contre ignorer la signification de la seconde qui seule contenait potentiellement des conséquences financières à son égard. Manifestement la compagnie Axa, pour des raisons qui lui appartiennent et que la cour ignore, a négligé la seconde ordonnance, et n'a fait usage que le 20 décembre 2018 de la possibilité de recours qui lui était ouverte à tout moment par l'article 141 du code de procédure civile, comme cela résulte du courrier versé au dossier » (arrêt p.7 et 8) ;

ET AUX MOTIFS POTENTIELLEMENT ADOPTÉS QUE « la décision ayant fixé l'astreinte litigieuse est une ordonnance rendue le 7 avril 2015 par le juge de la mise en état. Si elle fait référence à l'ordonnance précédemment rendue le 24 juin 2014 et ayant le même objet, sauf à le préciser, elle constitue bien une décision distincte et dissociable en ce qu'elle formule une nouvelle injonction assortie d'une astreinte différente de la première. Elle a donc une autorité juridictionnelle autonome qui ne saurait être soumise à la régularité ou à l'opposabilité de la première ordonnance rendue. D'ailleurs, la signification de cette décision le 9 septembre 2015 a fait à nouveau courir le délai de recours prévu à l'article 141 du code de procédure civile. En conséquence, le débat sur l'opposabilité ou la régularité de la signification de l'ordonnance du 24 juin 2014 est sans objet, le débat portant sur la liquidation de l'astreinte fixée le 7 avril 2015. La SA Axa France IARD n'a intenté aucun recours contre cette décision, laquelle était exécutoire par provision au seul vu de la minute par application de l'article 140 du code de procédure civile. Le point de départ de l'astreinte a été fixé à l'expiration d'un délai de 15 jours suivant la signification, soit en l'espèce à compter du 25 septembre 2015. L'action des consorts [B]-[C] est donc parfaitement recevable pour avoir été intenté en exécution d'une décision exécutoire et opposable à la SA Axa France IARD. Le juge de l'exécution ne peut modifier le dispositif d'une décision exécutoire. Il est encore moins juge de l'opportunité des mesures destinées à garantir la bonne exécution de ladite décision telle que l'astreinte ordonnée. Là encore, l'argumentation destinée à recréer devant le juge de l'exécution le débat sur la nécessité des pièces demandées et l'opportunité de l'astreinte prononcée est totalement sans objet » (jugement p.6) ;

1. ALORS QUE ne constitue une exception de procédure que le moyen qui tend à faire déclarer irrégulière la procédure suivie devant la juridiction saisie de cette exception ; qu'en revanche, ne constitue pas une telle exception le moyen destiné à faire échec à une demande adverse tiré de l'irrégularité d'une procédure distincte ; qu'en jugeant irrecevable le moyen soulevé par la société Axa France IARD tiré de l'irrégularité de la signification de l'ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance ayant prononcé l'astreinte litigieuse pour n'avoir pas été soulevé in limine litis cependant que cette irrégularité n'affectait pas la procédure en cours devant la cour d'appel de Riom saisie du recours formé contre le jugement du juge de l'exécution du tribunal d'instance, la cour d'appel a violé les articles 73 et 74 du code de procédure civile ;

2. ALORS QU'en jugeant que l'ordonnance du 7 avril 2015 avait été « cette fois-ci valablement signifiée à la ‘‘Sa Axa Assurance'' le 9 septembre 2015, ce qui n'est pas contesté » (arrêt p.8, §4) cependant que la société Axa France IARD soutenait justement que cette signification était irrégulière pour n'avoir pas mentionné les voies de recours qui lui étaient ouvertes, la cour d'appel a méconnu les termes du litige en violation de l'article 4 du code de procédure civile ;

3. ALORS QUE le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction ; que la cour d'appel a, par motifs adoptés, jugé sans objet l'argumentation développée par la société Axa France IARD devant le juge de l'exécution sur l'opportunité de l'astreinte et la nécessité des pièces demandées pour cette raison que le juge de l'exécution ne pouvait modifier le dispositif de l'ordonnance ayant prononcé l'astreinte litigieuse ; qu'en statuant ainsi cependant que la société Axa France IARD n'avait été ni représentée devant le juge de la mise en état ayant prononcé cette astreinte ni informée des voies de recours qui lui étaient ouvertes pour soulever ce débat de sorte qu'elle a été concrètement privée du droit de faire valoir ses arguments sur ce point, la cour d'appel a violé l'article 16 du code de procédure civile, ensemble l'article 6§1 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

SECOND MOYEN DE CASSATION :

Il est fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué d'AVOIR liquidé l'astreinte mise à la charge de la société Axa France IARD par ordonnance du juge de la mise en état du tribunal de grande instance de Clermont-Ferrand en date du 7 avril 2015 à la somme de 516.000 € pour la période ayant couru du 25 septembre 2015 au 21 février 2017 et d'AVOIR condamné en tant que de besoin la société Axa France IARD à payer cette somme à M. [S] [B] et Mme [I] [C] ;

AUX MOTIFS PROPRES QUE « la compagnie Axa ne démontre nullement en quoi elle a rencontré la moindre difficulté, à tout le moins pour adresser au juge de la mise en état une réponse à la demande qui lui était faite, et le cas échéant pour appliquer suffisamment tôt les dispositions de l'article 141 du code de procédure civile. Elle n'expose pas mieux l'existence d'une cause étrangère qui l'aurait empêchée de transmettre à ce magistrat, dans les temps voulus, l'explication qu'elle développe céans au sujet du contrat d'assurance et du sinistre litigieux. Dans ces conditions, la décision déférée ne peut qu'être intégralement confirmée » (arrêt p.8) ;

ET AUX MOTIFS POTENTIELLEMENT ADOPTÉS QUE « la société Axa France IARD ne justifie nullement de l'existence d'une cause étrangère qui aurait permis de supprimer purement et simplement l'astreinte litigieuse. En outre, si elle invoque son impossibilité à exécuter la décision, c'est à juste titre que ses adversaires font valoir qu'il lui appartenait d'en faire expressément état au moment de l'injonction de production de pièces qui lui était faite. Cette réponse négative expresse aurait permis d'interroger plus avant les époux [T] et de mieux diriger, le cas échéant, la demande de production de pièces. Le silence gardé pendant plusieurs années ne saurait à lui seul constituer la preuve d'un obstacle insurmontable qui ne résulte que des seules affirmations de la défenderesse. De même suite, le silence fautif de la SA Axa France IARD face à une injonction judiciaire dont elle est libre de penser le plus grand mal mais qui était néanmoins pleinement exécutoire, ne saurait traduire un comportement du destinataire de l'injonction, au sens de l'article L. 131-4 précité, de nature à incliner la liquidation dans un sens baissier. Là encore, les difficultés invoquées aujourd'hui auraient pu l'être en temps utile, ce qui leur aurait par ailleurs donné plus de crédit. Il convient en outre d'observer que le juge de la mise en état a pour partie motivé la nouvelle astreinte, plus sévère, par le fait que la SA Axa France IARD avait été plusieurs fois mise en demeure par les consorts [B]-[C] de déférer à l'obligation issue de la première ordonnance et qu'elle n'avait jamais contesté détenir les documents réclamés. La communication de pièces réclamées ne comportait aucune difficulté intrinsèque pour un professionnel de l'assurance. Le fait de déclarer dès l'origine expressément et sans équivoque qu'elle ne pouvait y déférer faute d'avoir été l'assureur des époux [T] au moment du sinistre n'en présentait pas plus. Au vu de ce qui précède, aucun élément sérieux n'apparaît de nature à procéder à une liquidation autre que la simple multiplication des jours d'inexécution par le quantum quotidien fixé par le juge de la mise en état » (jugement p.7) ;

1. ALORS QUE le fait que le destinataire d'une injonction assortie d'une astreinte n'était pas en possession des documents dont la production était ordonnée constitue une cause étrangère justifiant la suppression en tout ou en partie de l'astreinte ; que la cour d'appel a relevé que la société Axa France IARD justifiait ne pas avoir produit les documents demandés en invoquant le fait qu'elle n'était pas l'assureur de la partie concernée ; qu'en jugeant que la société Axa France IARD ne justifiait pas d'une cause étrangère expliquant l'inexécution de l'injonction sans remettre en cause la circonstance invoquée par la société Axa dont il résultait pourtant une impossibilité radicale de répondre à l'injonction qui lui était faite, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

2. ALORS QUE le destinataire d'une injonction assortie d'une astreinte peut demander la suppression totale ou partielle de l'astreinte lorsque l'inexécution de l'injonction est justifiée par une cause étrangère ; que pour écarter l'impossibilité de satisfaire à l'injonction qui était faite à la société Axa France IARD de produire certains documents tirée du fait qu'elle n'était pas en possession de ces documents, la cour d'appel a relevé que l'exposante ne justifiait pas les circonstances l'ayant empêché de faire valoir ces explications devant le juge de la mise en état ayant prononcé l'injonction ; qu'en statuant ainsi cependant que la cause étrangère ne concerne que l'inexécution de l'injonction et non des voies de recours contre la décision ayant prononcé celle-ci, la cour d'appel a à nouveau violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

3. ALORS QUE la cour d'appel a relevé que la société Axa France IARD justifiait ne pas avoir produit les documents demandés en invoquant le fait qu'elle n'était pas l'assureur de la partie concernée ; qu'en jugeant que la société Axa France IARD ne justifiait pas d'une cause étrangère expliquant l'inexécution de l'injonction sans remettre en cause la circonstance invoquée par la société Axa France IARD dont il résultait pourtant une impossibilité radicale de répondre à l'injonction qui lui était faite, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

4. ALORS QUE l'absence de demande de rétractation ou de modification de l'injonction assortie d'astreinte tirée d'un empêchement légitime ne fait pas obstacle à une demande de suppression partielle ou totale l'astreinte tirée d'une cause étrangère justifiant l'inexécution de l'injonction ; qu'en écartant l'existence d'une cause étrangère invoquée par la société Axa France IARD, tirée du fait qu'elle n'était pas en possession des documents dont la production lui était réclamée, pour cette raison qu'elle aurait pu faire valoir ces explications devant le juge de la mise en état ayant prononcé l'injonction, la cour d'appel ainsi jugé que l'absence de recours fondé sur l'article 141 du code de procédure civile faisait obstacle au recours fondé sur l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ; et statuant ainsi cependant que ces deux recours ne sont pas alternatifs mais cumulatifs, la cour d'appel a violé l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution ;

5. ALORS QUE le principe de proportionnalité s'oppose à la liquidation d'une astreinte de 516.000 € dans un litige portant sur une somme 500 € ; en confirmant, à la suite de la liquidation de l'astreinte à la demande des consorts [B]-[C], la condamnation de la société Axa France IARD au versement de la somme de 516.000 € à ces derniers tout en constatant que la procédure au cours de laquelle avait était prononcée l'ordonnance litigieuse s'était soldée par la condamnation des époux [T] à verser 500 € aux mêmes consorts [B]-[C] sans rechercher comme elle y était invitée si le montant de cette condamnation n'était pas disproportionné au regard du but poursuivi, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1e du premier Protocole additionnel à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

6. ALORS QU'en toute hypothèse, la société Axa France IARD faisait valoir dans ses conclusions d'appel que la liquidation de l'astreinte et sa condamnation subséquente étaient manifestement disproportionnées au regard du bénéfice prétendu ; qu'en statuant comme elle l'a fait sans répondre aux conclusions de la compagnie Axa sur ce point, la cour d'appel méconnu les exigences de l'article 455 du code de procédure civile ;


Synthèse
Formation : Chambre civile 2
Numéro d'arrêt : 19-23721
Date de la décision : 20/01/2022
Sens de l'arrêt : Cassation partielle
Type d'affaire : Civile

Analyses

ASTREINTE (loi du 9 juillet 1991) - Liquidation - Montant - Fixation - Critères - Proportionnalité

ASTREINTE (loi du 9 juillet 1991) - Liquidation - Juge en charge de la liquidation - Office - Etendue - Détermination - Portée CONVENTION DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTES FONDAMENTALES - Article 1er du Protocole n° 1 - Droit au respect des biens - Domaine d'application - Astreinte

Selon l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter. Elle est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère. Selon l'article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international. Les dispositions précédentes ne portent pas atteinte au droit que possèdent les Etats de mettre en vigueur les lois qu'ils jugent nécessaires pour réglementer l'usage des biens conformément à l'intérêt général ou pour assurer le paiement des impôts ou d'autres contributions ou des amendes. L'astreinte, en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci, de sorte qu'elle entre dans le champ d'application de la protection des biens garantie par ce Protocole. Dès lors, si l'astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du Protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l'objectif d'une bonne administration de la justice, à assurer l'exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, il n'en appartient pas moins au juge saisi d'apprécier encore le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit. Encourt la cassation, l'arrêt qui, pour liquider l'astreinte à un montant de 516 000 euros, retient que l'assureur ne démontre pas en quoi il a rencontré la moindre difficulté pour exécuter l'obligation qui lui avait été faite sous astreinte sans répondre aux conclusions de l'assureur qui invoquait une disproportion manifeste entre la liquidation sollicitée et le bénéfice attendu d'une communication des éléments sollicités


Références :

Article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution

article 1er du Protocole n° 1 à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Décision attaquée : Cour d'appel de Riom, 24 septembre 2019

Dans le même sens que :2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 19-22435, Bull., (rejet) ;

2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-15261, Bull., (cassation).


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 2e, 20 jan. 2022, pourvoi n°19-23721, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : M. Pireyre
Avocat(s) : SCP Célice, Texidor, Périer, SCP Rocheteau et Uzan-Sarano

Origine de la décision
Date de l'import : 22/02/2022
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2022:19.23721
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