LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 1
MF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 24 juin 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 367 F-P+B
Pourvoi n° A 19-16.337
Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de M. F....
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 20 mars 2019.
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 24 JUIN 2020
1°/ M. O... F..., domicilié [...],
2°/ l'association MSA Tutelles, dont le siège est [...], agissant en qualité de curatrice de M. O... F...,
ont formé le pourvoi n° A 19-16.337 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2018 par la cour d'appel de Rennes (6e chambre A), dans le litige les opposant à Mme L... S..., domiciliée [...], défenderesse à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Le Cotty, conseiller référendaire, les observations de la SCP Yves et Blaise Capron, avocat de M. F... et de l'association MSA Tutelles, et l'avis de M. Sassoust, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 mai 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Le Cotty, conseiller référendaire rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;
Faits et procédure
1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 10 septembre 2018), M. F... et Mme S... ont vécu en concubinage pendant plus de vingt ans. Ils se sont séparés en juin 2014. Le 16 janvier 2015, Mme S... a assigné M. F... devant le juge aux affaires familiales, sollicitant sa condamnation au paiement de la somme de 61 097 euros.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
2. M. F... et l'association MSA Tutelles font grief à l'arrêt de condamner le premier à payer à Mme S... la somme de 58 826,11 euros, augmentée des intérêts au taux légal, d'ordonner la capitalisation des intérêts et de rejeter ses demandes au titre de l'indemnité d'occupation, de la prise en charge des échéances d'emprunt pour l'immeuble de Camors, des charges réglées pour l'immeuble de Baden et des prêts à l'indivision, alors « que la personne en curatelle ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance du curateur ; que, dès lors, en condamnant M. F... à payer à Mme S... la somme de 58 826,11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son arrêt, avec capitalisation des intérêts et en déboutant M. F... de ses demandes, quand, par un jugement, antérieur à son arrêt, en date du 31 juillet 2018, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Vannes avait placé M. F... sous curatelle renforcée, sans qu'il résulte des énonciations de son arrêt, ni d'aucune autre pièce de la procédure que M. F... ait été assisté de son curateur, l'association MSA tutelles, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 468 du code civil. »
Réponse de la Cour
3. Selon l'article 468, alinéa 3, du code civil, la personne en curatelle ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance du curateur.
4. Il résulte des productions qu'un jugement du 31 juillet 2018 a placé M. F... sous curatelle renforcée pour une durée de cinq ans, l'association MSA Tutelles étant désignée en qualité de curateur.
5. Cependant, cette décision est intervenue en cours de délibéré devant la cour d'appel, sans que M. F..., qui était représenté par un avocat, ne soutienne en avoir informé cette juridiction ni avoir sollicité la réouverture des débats.
6. En conséquence, il disposait de sa pleine capacité juridique à la date des derniers actes de la procédure, de sorte que l'assistance du curateur n'était pas requise.
7. Le moyen n'est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. F... aux dépens ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-quatre juin deux mille vingt.
MOYEN ANNEXE au présent arrêt :
Moyen produit par la SCP Yves et Blaise Capron, avocat aux Conseils, pour M. F... et l'association MSA Tutelles
Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR condamné M. O... F... à payer à Mme L... S... la somme de 58 826, 11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de sa date, D'AVOIR ordonné la capitalisation des intérêts et D'AVOIR débouté M. O... F... de ses demandes au titre de l'indemnité d'occupation, de la prise en charge des échéances d'emprunt pour l'immeuble de Camors, des charges réglées pour l'immeuble de Baden et des prêts à l'indivision ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE « Madame L... S... fonde sa demande sur l'enrichissement sans cause au visa de l'article 1371 du code civil dans sa version applicable au litige ; / L'action fondée sur l'enrichissement sans cause est recevable dès lors que celui qui l'intente allègue l'avantage qu'il aurait, par un sacrifice personnel ou par un fait personnel, procuré à autrui. / Il est établi que Monsieur O... F... a reçu en donation-partage un terrain dont la valeur estimée en 1997 était de 15 245 €, que les concubins ont souscrit 3 prêts représentant un coût total intérêts et capital de 165 000 € pour l'édification de la maison. / Les parties divergent sur la valeur actuelle de l'immeuble, Monsieur O... F... présentant une évaluation d'un montant de 300 000 €, dont 170 000 € pour la construction tandis que Madame L... S... soutient au vu d'évaluations d'origines différentes qu'elle s'établit entre 390 000 € et 400 000 €. / Il n'est pas contesté que Madame L... S... a participé au financement du remboursement de l'emprunt à l'aide de son salaire versé sur le compte joint, sur lequel était prélevé la mensualité d'emprunt s'élevant à 718, 06 €, jusqu'en juin 2014, date à laquelle elle s'est désolidarisée du compte joint. / Il résulte des pièces versées par les parties que le salaire de Madame L... S..., hôtesse de caisse, s'élevait à moins de 1 000 € (936, 50 € net) et que celui de Monsieur O... F... se situait aux alentours de 1 500 €, soit 1, 5 fois celui de sa compagne et non 1 100 € comme le soutient Madame L... S..., qui se base sur le salaire de décembre 2014 qui n'est pas représentatif de la situation de Monsieur O... F... sur la période considérée. / Madame L... S... soutient que les prestations familiales qu'elle percevait ont également servi au remboursement de l'emprunt, sans pour autant le démontrer, s'agissant de sommes destinées à l'entretien des enfants et qui de toute façon concernaient les deux parents en charge des enfants. / Cependant, au regard de ces éléments qui ne dénotent pas une disparité de salaire conséquente, il convient de considérer que Madame L... S... a participé pour 50 % au remboursement de l'emprunt contracté pour l'édification de la maison familiale sur le terrain appartenant en propre à Monsieur O... F..., soit 718, 06 € / 2 (359 €). / Il résulte de cette participation au remboursement de l'emprunt un enrichissement du patrimoine de Monsieur O... F... et un appauvrissement de Madame L... S.... / L'action au titre de l'enrichissement sans cause n'est admise qu'en cas d'absence de cause à l'enrichissement de l'un et à l'appauvrissement de l'autre ; / Le fait que Madame L... S... soit co-emprunteur ne constitue pas une cause de l'enrichissement du patrimoine de Monsieur O... F..., contrairement à ce qu'il indique. / La preuve d'une intention libérale de la part de Madame L... S... n'est pas non plus établie par Monsieur O... F.... / Lorsque la contribution matérielle ou financière d'un concubin excède sa contribution normale aux charges de la vie courante, la théorie de l'enrichissement sans cause peut trouver à s'appliquer. / La détermination du seuil de l'excès dans la participation aux charges de la vie commune est une question de fait qui ne peut qu'être laissée à l'appréciation souveraine des juges du fond. / Le premier juge a considéré que la participation de Madame L... S... au remboursement de la charge d'emprunt constituait la contrepartie de l'hébergement dont elle bénéficiait dans le cadre du concubinage. / Madame L... S... soutient que le premier juge devait tenir compte de la plus-value du bien de Monsieur O... F... qu'a permis le remboursement de l'emprunt auquel elle a participé. Néanmoins, cette notion n'intervient pas au niveau de l'appréciation de la cause de l'enrichissement mais de l'évaluation du montant de l'enrichissement, dans le cadre de la fixation du montant de l'indemnité. / Il est relevé que la totalité du salaire de Madame L... S..., soit 936, 50 €, était versé sur le compte joint et a servi aux dépenses de la famille, sans qu'il soit nécessaire de suivre Monsieur O... F... dans l'évaluation de la charge d'hébergement que Madame L... S... aurait dû assumer si elle n'avait pas résidé au domicile familial. L'avantage dont bénéficiait Madame L... S... au niveau du logement correspondait tout au plus à un demi-loyer et restait modique. Il en est déduit que sa participation de 359 € au remboursement de l'emprunt excédait une participation normale aux dépenses de la vie courante et ne pouvait être considérée comme une contrepartie des avantages dont elle bénéficiait pendant la période de concubinage. / En conséquence, il convient d'infirmer la décision entreprise en ce qu'elle a rejeté la demande de Madame L... S... fondée sur l'enrichissement sans cause. / Le montant de l'indemnité. / L'action fondée sur l'enrichissement sans cause ne tend à procurer à la personne appauvrie qu'une indemnité égale à la moins élevée des deux sommes représentatives, l'une de l'enrichissement, l'autre de l'appauvrissement. / Pour apprécier l'enrichissement, le juge doit se placer au jour où l'action est intentée mais l'appauvrissement a pour mesure le montant nominal de la dépense exposée. / En l'espèce, Madame L... S... a versé au titre du remboursement d'emprunt la somme de 58 826, 11 € sur les 165 000 € représentant le coût total du prêt. / Compte tenu d'une valeur de la construction au jour où l'action est intentée de 170 000 €, l'enrichissement de Monsieur O... F... est supérieur au montant de l'appauvrissement de Madame L... S.... / L'indemnité due à Madame L... S... au titre de l'enrichissement sans cause s'établit à 58 826, 11 €, avec intérêt au taux légal à compter de la décision. / La capitalisation des intérêts sera ordonnée. / Sur les demandes reconventionnelles de Monsieur O... F.... / Monsieur O... F... soutient que Madame L... S... est redevable d'une indemnité d'occupation pour avoir occupé la maison pendant 16 ans sans contrepartie ainsi que pour la période de juin 2014 à septembre 2014, pendant laquelle elle a occupé seule l'ex-domicile familial ; que par ailleurs, il a réglé seul l'intégralité des échéances de l'emprunt pour l'immeuble indivis situé à Baden depuis juillet 2014 jusqu'à la vente 18 mois plus tard, qu'il a réglé seul des charges courantes alors que Madame L... S... occupait encore l'ex-domicile familial. En outre, il entend disposer à l'encontre de l'indivision d'une créance de 13 358 € au titre de sommes prêtées par sa famille entre le 21 mars 2012 et le 21 janvier 2013 pour lesquelles il produit la photocopie des chèques. / Concernant l'indemnité d'occupation réclamée entre 1997 et juin 2014, elle est dénuée de fondement, Madame L... S... ayant participé normalement aux charges de la vie courante, dont son hébergement, durant la vie commune par le versement de son salaire sur le compte joint. / Pour le reste, Monsieur O... F... ne fait que reprendre devant la cour ses prétentions et moyens de première instance. En l''absence d'élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que par des motifs pertinents qu'elle approuve le premier juge a fait une exacte appréciation des faits et il convient en conséquence de confirmer la décision sur ces points » (cf., arrêt attaqué, p. 4 à 6) ;
ET AUX MOTIFS ADOPTÉS QUE « dans la mesure où elle s'est désolidarisée du compte joint au mois de juin 2014 et où il résulte du courrier de la société Suravenir du 13 novembre 205 que n'ont été couvertes par l'assurance que les échéances entre le 6 octobre 2013 et le 10 juin 2014, les échéances ont forcément été assumées par M. O... F.... Cependant, le couple a trois enfants en commun et il résulte du jugement du juge aux affaires familiales de Vannes du 17 juin 2015 que leur résidence habituelle a été fixée au domicile de la mère. Aucune pension alimentaire n'a été fixée à la charge du père et, dans la mesure où les enfants résidaient avec la mère dans son immeuble lui appartenant en propre, il y a lieu de considérer que c'était une modalité de l'exécution de son devoir de contribuer à l'entretien et à l'éducation des enfants communs et il sera débouté de sa demande à ce titre. / Il y a lieu d'examiner les demandes subsidiaires de M. O... F... dans la mesure où il n'est pas fait droit à sa demande de fixer sa créance à l'égard de Mme L... S... à hauteur de 5 069, 07 €. / Il sollicite de fixer la créance de Mme L... S... à son encontre à la somme de 58 826, 11 € et de fixer la sienne à hauteur de 85 053, 49 € au titre d'une indemnité d'occupation de 81 200 e pendant 16 ans et des sommes dues au titre des prêts pour Camors et des charges courantes. / [
] il ne peut être fait droit à la demande de M. O... F... de voir Mme S... prendre en charge l'emprunt pour l'immeuble de Camors après la séparation du couple ainsi que les charges courantes de l'immeuble de Baden dans la mesure où il s'agit d'une modalité d'exécution du père à l'entretien et à l'éducation des enfants communs. / Sur les prêts reçus à l'indivision. / M. O... F... demande de retenir une somme de 13 358 € a passif de l'indivision correspondant à des sommes prêtées par sa famille entre le 21 mars 2012 et le 21 janvier 2013. À l'appui de sa demande, il produit la photocopie des chèques dont il est le bénéficiaire. / Cependant, il est de jurisprudence constante que la simple remise de fonds n'est pas la preuve d'un prêt. En outre, il n'est pas démontré que ces sommes auraient servi à régler des dépenses communes et il sera débouté de sa demande » (cf., jugement entrepris, p. 5) ;
ALORS QUE la personne en curatelle ne peut introduire une action en justice ou y défendre sans l'assistance du curateur ; que, dès lors, en condamnant M. O... F... à payer à Mme L... S... la somme de 58 826, 11 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter de son arrêt, avec capitalisation des intérêts et en déboutant M. O... F... de ses demandes, quand, par un jugement, antérieur à son arrêt, en date du 31 juillet 2018, le juge des tutelles du tribunal d'instance de Vannes avait placé M. O... F... sous curatelle renforcée, sans qu'il résulte des énonciations de son arrêt, ni d'aucune autre pièce de la procédure que M. O... F... ait été assisté de son curateur, l'association Msa tutelles, la cour d'appel a violé les dispositions de l'article 468 du code civil.