La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

25/03/2020 | FRANCE | N°19-11554

France | France, Cour de cassation, Chambre civile 1, 25 mars 2020, 19-11554


LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2020

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 235 FS-P+B

Pourvoi n° B 19-11.554

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020

M. V... G..., domicilié [...], a formé le pour

voi n° B 19-11.554 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre C), dans le litige l'opposant à M. A...

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :

CIV. 1

MY1

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 25 mars 2020

Cassation partielle sans renvoi

Mme BATUT, président

Arrêt n° 235 FS-P+B

Pourvoi n° B 19-11.554

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 25 MARS 2020

M. V... G..., domicilié [...], a formé le pourvoi n° B 19-11.554 contre l'arrêt rendu le 11 décembre 2018 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre C), dans le litige l'opposant à M. A... U..., domicilié [...], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Canas, conseiller référendaire, les observations et les plaidoiries de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de M. G..., de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de M. U..., et l'avis de Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, à la suite duquel le président a demandé aux avocats s'ils souhaitaient présenter des observations complémentaires, après débats en l'audience publique du 25 février 2020 où étaient présents Mme Batut, président, Mme Canas, conseiller référendaire rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, M. Girardet, Mmes Duval-Arnould, Teiller, MM. Avel, Mornet, Chevalier, Mme Kerner-Menay, conseillers, M. Vitse, Mmes Dazzan, Le Gall, Kloda, M. Serrier, Mmes Champ, Comte, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Ab-Der-Halden, avocat général référendaire, et Mme Randouin, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt ;

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 décembre 2018), après avoir envoyé à M. U..., alors président de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, et aux membres de la commission des finances de celle-ci, une lettre dans laquelle il critiquait les comptes et la gestion de cet établissement, M. G... a, le 23 juin 2006, été démis par l'assemblée générale de ses mandats de membre du bureau et de la commission des finances. Le 4 janvier 2007, il a adressé au procureur de la République près le tribunal de grande instance de Montpellier une lettre dénonçant des faits qui ont donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire, puis d'une information judiciaire, au cours de laquelle M. U... a été mis en examen notamment du chef de corruption passive. Une ordonnance de non-lieu, devenue définitive, a été rendue le 3 novembre 2011.

2. Soutenant que la lettre adressée par M. G... au procureur de la République, ainsi que ses déclarations auprès des services de police, étaient constitutives d'une dénonciation téméraire, M. U... l'a assigné, sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil, pour obtenir réparation des préjudices en résultant.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office

3. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu l'article 1382, devenu 1240 du code civil :

4. La liberté d'expression est un droit dont l'exercice ne revêt un caractère abusif que dans les cas spécialement déterminés par la loi (1re Civ., 10 avril 2013, pourvoi n° 12-10.177, Bull. 2013, I, n° 67). Il s'ensuit que, hors restriction légalement prévue, l'exercice du droit à la liberté d'expression ne peut, sauf dénigrement de produits ou services, être sanctionné sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil (1re Civ., 2 juillet 2014, pourvoi n° 13-16.730, Bull. 2014, I, n° 120).

5. La dénonciation téméraire, constitutive d'un abus de la liberté d'expression, est régie par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale, qui, en cas de décision définitive de non-lieu ou de relaxe, et sans préjudice d'une poursuite pour dénonciation calomnieuse, ouvrent à la personne mise en examen ou au prévenu la possibilité de former une demande de dommages-intérêts à l'encontre de la partie civile, à la condition que cette dernière ait elle-même mis en mouvement l'action publique.

6. En dehors des cas visés par ces textes spéciaux, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. Il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé à l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé.

7. Pour condamner M. G... au paiement de dommages-intérêts, l'arrêt retient que celui-ci est l'auteur d'une dénonciation téméraire, de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382, devenu 1240 du code civil.

8. En statuant ainsi, alors que, selon ses propres constatations, M. G... s'était borné à adresser une lettre au procureur de la République, sans mettre lui-même en mouvement l'action publique, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

Portée et conséquences de la cassation

9. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

10. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

11. Aucune faute ne pouvant être retenue à l'encontre de M. G..., les demandes de M. U... doivent être rejetées.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les moyens du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il dit n'y avoir lieu d'écarter des débats certaines pièces, l'arrêt rendu le 11 décembre 2018, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

REJETTE les demandes de M. U... ;

Condamne M. U... aux dépens, en ce compris ceux exposés devant les juges du fond ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq mars deux mille vingt.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt :

Moyens produits par la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat aux Conseils, pour M. G....

PREMIER MOYEN DE CASSATION :

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que monsieur G..., auteur d'une dénonciation téméraire, avait engagé sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de monsieur U... et D'AVOIR condamné en conséquence monsieur G... à payer à monsieur U... la somme d'un euro symbolique au titre de son préjudice économique ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE sur la dénonciation téméraire, la témérité d'une dénonciation était à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'il ne pouvait être contesté que le courrier du 4 janvier 2007 adressé par monsieur G... au procureur de la république de Montpellier avait donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire puis d'une information judiciaire ayant abouti à un non-lieu, étant relevé que l'ordonnance elle-même débutait par la référence à ce courrier ; qu'il n'y avait pas lieu, comme l'avait fait le premier juge, de limiter le périmètre de la faute à la seule lettre du 4 janvier 2007 et d'écarter les déclarations faites le 26 avril 2007 par monsieur G... aux services de police et ce, sur sa demande et de sa seule initiative, la cour relevant en outre que la pièce avait régulièrement été communiquée ; qu'en effet, la dénonciation téméraire était constituée tant par le courrier initial que par les déclarations complémentaires qui en étaient le prolongement et qui en tout état de cause étaient prises en compte dans le cadre de l'enquête préliminaire ; que l'intimé faisait valoir que l'ordonnance de non-lieu retenait expressément que l'exactitude des faits dénoncés par lui était confirmée par l'enquête effectuée par le SRPJ de Montpellier ; qu'en réalité, l'ordonnance indique seulement au niveau de l'exposé des faits et non de la discussion : « L'enquête préliminaire confiée aux fonctionnaires du SRPJ de Montpellier venait confirmer la matérialité des faits dénoncés par V... G... et mettait à jour des relations industrielles et commerciales privilégiées entre deux sociétés dirigées par A... U... et deux sociétés ayant participé à des opérations, notamment immobilières conduites par la CCI sous sa présidence » ; que le magistrat instructeur n'avait pas, contrairement à ce que soutenait l'intimé, considéré que les déclarations de monsieur G... étaient exactes ; qu'il était seulement relevé la matérialité des relations existant entre les sociétés visées et celle des cessions immobilières intervenues ; que s'agissant de la recherche d'un pacte de corruption entre monsieur U... et monsieur B... représentant légal de la société Océanis Promotion qui détenait 30 % du capital de la société Littoral Bureaux, dont le conseil d'administration était présidé par monsieur U..., monsieur G... indiquait notamment dans son courrier du 4 janvier 2007 : « Océanis aurait abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société Littoral Bureaux » ; que dans sa déposition spontanée du 26 avril 2007, il exposait encore : « (...) Il en ressort que la CCI n'a semble-t-il lancé aucun appel à la concurrence ou en tout cas n'a pas obtenu d'offres hormis celle d'une société Océanis, au capital de 50 000 FF, qui ne présente aucun profil sérieux pour ce type d'opérations (...) j'ai bien peur que cette opération ait permis à Monsieur U..., en contrepartie de cette vente "bradée" de redynamiser sa société Littoral Bureaux, alors en difficulté et au bord du dépôt de bilan avec notamment des capitaux propres en forte chute (...) » ; qu'en ce qui concernait l'existence d'un pacte de corruption entre monsieur U... et Monsieur L... E..., dirigeant la société Languedoc Terrains, monsieur G... déclarait notamment dans sa lettre du 4 janvier 2007 : « De la même manière, la société Languedoc Terrains a contracté avec la CCI pour l'acquisition de tènements fonciers. De manière totalement accidentelle, j'ai été contacté par un commercial de la société Languedoc Terrains, lequel faisait la promotion d'une opération immobilière située non loin du centre-ville de Montpellier, pour des opérations d'acquisitions concernant notamment de grands appartements d'une valeur d'environ 1 000 000 € chacun. Ce commercial m'a précisé que l'un des deux grands appartements ainsi mis à la vente était réservé à M. U..., Président de la CCI, la formule "réservé" ne signifiant pas bien sûr qu'il s'agissait d'une gratification, mais l'importance de l'acquisition projetée selon ce commercial m'a quelque peu étonné, au regard de la situation personnelle du président de la chambre qui indique qu'il ne pouvait pas faire face à 17 000 € de frais d'avocat engagé à titre personnel pour des mises en cause de son action en qualité de président de la chambre (...) » ; que l'identité de ce commercial n'était pas révélée ; que dans sa déposition du 26 avril 2007, monsieur G... ajoutait notamment : « Je pense que Monsieur U... a conclu le même type de pacte avec l'aménageur Languedoc Terrains à qui il a donné, sans consultation préalable et sans aucune mise en concurrence, l'aménagement de 27 ha sur la zone aéroportuaire, lesquels appartiennent à l'Etat mais sont gérés par la CCI (...) » ; que s'il n'y avait effectivement pas de qualification pénale de la part de monsieur G..., l'intimé avait bien dénoncé de manière explicite des faits susceptibles de recevoir la qualification de corruption et il importait peu que certains propos soient formulés au conditionnel, ceux relevés précédemment ne l'étant au demeurant pas, pour la plus grande part ; qu'en outre, l'exposé des déclarations ne permettait nullement de constater le caractère mesuré de l'expression, au demeurant également indifférent s'agissant d'une dénonciation effectuée au ministère public ; qu'il convenait de rappeler ici que l'arrêt rendu le 12 novembre 2009 par la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle et qui ne concernait pas les propos contenus dans la lettre du 4 janvier 2007 et dans la déposition spontanée du 26 avril 2007, mais les déclarations de monsieur G... dans la presse, n'avait pas, comme justement relevé par le premier juge, l'autorité de la chose jugée à l'égard de la juridiction civile dans le cadre de la présente instance ; qu'il serait également rappelé que les éléments constitutifs de la dénonciation téméraire étaient distincts de ceux de la diffamation ou de la dénonciation calomnieuse ; que surtout, l'ordonnance de non-lieu concluait que les investigations effectuées par les enquêteurs du SRPJ de Montpellier n'avaient pas permis de démontrer l'existence d'un pacte de corruption préalable à l'attribution de ces diverses opérations immobilières ; qu'il était précisé que les démarches de recherche d'informations de la part de monsieur Y... B... et de monsieur L... E..., préalablement aux opérations immobilières, étaient personnelles et n'avaient jamais été initiées par monsieur U... ; que plus encore, le magistrat instructeur indiquait : « En l'espèce, les différentes auditions des protagonistes mettent en lumière la volonté, tout au moins formelle de A... U... de ne pas apparaître officiellement dans les deux procédures d'attribution. Par ailleurs, le choix par la CCI de Montpellier de recourir à une procédure d'appel à candidature officielle pour l'acquisition de la résidence des Moulins, ou de marchés publics pour l'attribution de l'aménagement de la zone de fret de l'aéroport de Montpellier témoigne d'une indéniable volonté de transparence. Plusieurs témoins soutenaient d'ailleurs que le recours à ce type de procédure d'attribution avait été initié à la demande expresse de A... U.... En revanche, aucun témoin ne prétendait que ce dernier n'eût entrepris la moindre démarche pour s'y opposer ou pour dissuader les éventuelles initiatives. A... U... avait pris également le soin de ne participer à aucune des commissions ayant participé à la sélection des candidats. De surcroît, aucun membre de cette commission ne s'était plaint de manoeuvres de A... U... susceptibles d'influencer leur choix en faveur de la désignation de son candidat. / Concernant la désignation de l'acquéreur de la Résidence des Moulins, l'ensemble des participants à la procédure d'attribution s'accordait pour reconnaître au cours de leurs auditions que A... U... s'était montré passif et n'avait en aucune façon pesé, ni directement, ni indirectement, sur leur décision (...) » « (...) Concernant l'attribution de l'opération d'aménagement de la zone de fret de l'aéroport de Montpellier, à la SNC Languedoc Terrains, l'éventuelle intervention de A... U... dans cette désignation était encore moins établie par l'enquête. A... U... était à l'origine du recours à la procédure des marchés publics bien qu'elle ne fût pas légalement nécessaire en la matière. Aucun participant à la procédure de désignation n'excipait de tentatives de A... U... d'imposer son candidat. Le retrait de la SERIVI lors de l'attribution de la deuxième phase d'aménagement relevait d'une décision interne à cette société. Enfin, la pertinence du choix de la société Languedoc Terrains avait été avalisée par l'organisme indépendant, le CERALP » ; qu'ainsi, tant dans son courrier que dans sa déposition spontanée, monsieur G..., s'il ne qualifiait pas les faits pénalement, accusait clairement le président de la CCI de corruption ; qu'or, aucune des pièces produites par lui ne permettait d'établir que monsieur U... avait accompli dans ses fonctions des actes susceptibles d'influencer le choix des cessionnaires pour notamment bénéficier des conditions financières avantageuses pour l'acquisition d'un appartement ; qu'aucun élément comptable ne permettait en outre de conclure comme il l'indiquait dans sa lettre que la société Océanis avait ou même « aurait » « abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société Littoral Bureaux » ; que l'ordonnance de non-lieu soulignait quant à elle la transparence de la procédure des appels d'offres, alors que monsieur G... prétendait à l'absence de mise en concurrence ; qu'il convenait enfin d'examiner les critiques qui étaient formulées concernant la gestion financière de la CCI même si l'instruction n'avait pas porté sur ces faits ; que dans la lettre du 4 janvier 2007, monsieur G... accusait clairement monsieur U... de cacher aux membres des assemblées de la CCI des informations gênantes qui, si elles avaient été connues, les auraient conduits à ne pas approuver les comptes ; que le premier juge avait ici considéré que les pièces produites par monsieur G..., notamment des notes émanant de tiers et relatives aux comptes de la CCI, contenaient diverses évaluations chiffrées, montrant que les interrogations contenues dans la lettre au procureur de la République étaient fondées sur des analyses et vérifications, et n'avaient pas été émises avec la légèreté et l'imprudence caractéristiques de la dénonciation téméraire ; qu'or, les documents produits s'ils pouvaient être invoqués à l'appui de critiques à l'égard de la gestion de la CCI et notamment s'agissant des contributions mises à la charge du Pôle formation, ne permettaient nullement de mettre en cause la sincérité des comptes et d'étayer l'affirmation de l'existence d'une « technique de blocage » ; que si effectivement monsieur N... C... directeur de Sup de Co, s'élevait en août 2015 contre les facturations excessives pratiquées par le service général de la CCI, la cour ne voyait pas en quoi ces éléments relatifs à des discussions internes pouvaient alimenter une lettre au procureur de la République, étant en outre relevé que monsieur N... C... s'était dit par la suite « scandalisé » de l'utilisation qui avait pu être faite de son courrier ; que la légèreté et la témérité de la dénonciation résultaient encore du fait que le 4 janvier 2007, monsieur G... qui mettait clairement en cause la sincérité des comptes de la CCI et reprochait au président de présenter des budgets ne correspondant pas à la réalité, ne pouvait ignorer que la chambre régionale des comptes investiguait au sujet de la CCI et la prudence commandait, avant de lancer des accusations ou formuler au procureur de la République ses « interrogations », d'attendre le dépôt du rapport, étant relevé que l'intimé reconnaissait lors de son audition que le commissaire aux comptes de la CCI n'avait jamais formulé d'observations ; qu'il serait d'ailleurs relevé que le dernier rapport du commissaire aux comptes datait du 6 juin 2006, soit six mois avant le courrier litigieux ; que l'intimé ne pouvait sérieusement soutenir que chaque budget était indépendant et qu'il avait formulé des observations restées sans réponses, alors précisément qu'il critiquait dans son courrier les comptes depuis 2004 et que les rapports des commissaires aux comptes n'avaient jamais révélé d'irrégularités ; qu'en outre, un an plus tard, alors que le préfet indiquait un mois plus tôt qu'il avait approuvé les comptes et que le rapport de la chambre régionale des comptes allait dans le même sens, monsieur G... donnait encore une interview dans le journal Midi Libre du 30 janvier 2008 en ces termes : « Pourquoi entend-on que le rapport de la chambre régionale des comptes ne révélerait rien contre la gestion U... ? Réponse : c'est le bruit que font courir ses successeurs, je n'en crois rien. Le rapport est dans le bureau de l'avocat de U..., enfermé à double tour. La vérité est que la CCI allait droit dans le mur » ; qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, il était suffisamment établi que le courrier de l'intimé de même que ses déclarations complémentaires avaient été effectués dans des conditions téméraires, à l'attention d'une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite, ce qui était de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que le jugement serait donc infirmé en ce qu'il avait considéré qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre monsieur G... et avait débouté monsieur U... de ses demandes (arrêt, pp. 8 à 13) ;

ALORS QU'hors restriction légalement prévue, la liberté d'expression est un droit dont l'exercice, sauf dénigrement de produits ou de services, ne peut être contesté sur le fondement de l'article 1382 ancien du civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ; que si l'article 226-10 du code pénal, définissant et réprimant la dénonciation calomnieuse, institue une restriction légale à la liberté d'expression, et s'il en va de même aux termes de l'article 91 du code de procédure pénale en matière de dénonciation téméraire faite par la voie d'une plainte avec constitution de partie civile ayant provoqué l'ouverture d'une information judiciaire, aucune restriction légale n'existe en revanche à propos de la dénonciation téméraire faite par toute autre voie ; qu'en conséquence, une dénonciation téméraire susceptible de porter atteinte à l'honneur ou à la considération d'une personne, lorsqu'elle est commise par la voie d'une plainte avec constitution de partie civile, ne peut être poursuivie que sur le fondement du droit commun de la responsabilité civile délictuelle, le cas échéant selon le régime de l'article 91 du code de procédure pénale ; qu'en revanche, lorsqu'une telle dénonciation téméraire est commise par toute autre voie et, notamment, par lettre adressée au procureur de la République ou par déposition spontanée aux services de police, elle ne peut être poursuivie que sur le fondement de la diffamation et selon le régime spécial de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse ; que les constatations de l'arrêt faisaient apparaître que la dénonciation reprochée à monsieur G..., à la supposer fautive, avait porté atteinte à la considération de monsieur U... ; que, l'arrêt ayant par ailleurs constaté que cette dénonciation avait eu pour supports une lettre adressée au procureur de la République le 4 janvier 2007 et une déposition faite auprès des services de police judiciaire le 26 avril 2007, il suivait de là que le seul régime légalement applicable à la réparation des préjudices causés par le caractère prétendument téméraire de cette dénonciation était celui de la diffamation, prévu à la loi du 29 juillet 1881 ; qu'en faisant droit à l'action exercée par monsieur U... selon le régime de la responsabilité délictuelle de droit commun et en ne relevant pas d'office l'irrecevabilité de cette action, pour n'avoir pas été introduite selon les règles du régime spécial des infractions de presse, la cour d'appel a violé l'article 29 de la loi du 29 juillet 1881, par refus d'application, et l'article 1382 ancien du civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code, par fausse application.

DEUXIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR dit que monsieur G..., auteur d'une dénonciation téméraire, avait engagé sa responsabilité civile délictuelle à l'égard de monsieur U... et D'AVOIR condamné en conséquence monsieur G... à payer à monsieur U... la somme d'un euro symbolique au titre de son préjudice économique ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE dans ses écritures, monsieur G... indiquait ne plus solliciter le rejet des pièces issues de la procédure pénale dans la mesure où si elles étaient citées dans les conclusions de monsieur U..., appelant, elles n'étaient pas au bordereau de pièces (arrêt, p. 7, pénultième alinéa) ; que sur la dénonciation téméraire, la témérité d'une dénonciation était à elle seule susceptible d'engager la responsabilité de son auteur ; qu'il ne pouvait être contesté que le courrier du 4 janvier 2007 adressé par monsieur G... au procureur de la république de Montpellier avait donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire puis d'une information judiciaire ayant abouti à un non-lieu, étant relevé que l'ordonnance elle-même débutait par la référence à ce courrier ; qu'il n'y avait pas lieu, comme l'avait fait le premier juge, de limiter le périmètre de la faute à la seule lettre du 4 janvier 2007 et d'écarter les déclarations faites le 26 avril 2007 par monsieur G... aux services de police et ce, sur sa demande et de sa seule initiative, la cour relevant en outre que la pièce avait régulièrement été communiquée ; qu'en effet, la dénonciation téméraire était constituée tant par le courrier initial que par les déclarations complémentaires qui en étaient le prolongement et qui en tout état de cause étaient prises en compte dans le cadre de l'enquête préliminaire ; que l'intimé faisait valoir que l'ordonnance de non-lieu retenait expressément que l'exactitude des faits dénoncés par lui était confirmée par l'enquête effectuée par le SRPJ de Montpellier ; qu'en réalité, l'ordonnance indique seulement au niveau de l'exposé des faits et non de la discussion : « L'enquête préliminaire confiée aux fonctionnaires du SRPJ de Montpellier venait confirmer la matérialité des faits dénoncés par V... G... et mettait à jour des relations industrielles et commerciales privilégiées entre deux sociétés dirigées par A... U... et deux sociétés ayant participé à des opérations, notamment immobilières conduites par la CCI sous sa présidence » ; que le magistrat instructeur n'avait pas, contrairement à ce que soutenait l'intimé, considéré que les déclarations de monsieur G... étaient exactes ; qu'il était seulement relevé la matérialité des relations existant entre les sociétés visées et celle des cessions immobilières intervenues ; que s'agissant de la recherche d'un pacte de corruption entre monsieur U... et monsieur B... représentant légal de la société Océanis Promotion qui détenait 30 % du capital de la société Littoral Bureaux, dont le conseil d'administration était présidé par monsieur U..., monsieur G... indiquait notamment dans son courrier du 4 janvier 2007 : « Océanis aurait abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société Littoral Bureaux » ; que dans sa déposition spontanée du 26 avril 2007, il exposait encore : « (...) Il en ressort que la CCI n'a semble-t-il lancé aucun appel à la concurrence ou en tout cas n'a pas obtenu d'offres hormis celle d'une société Océanis, au capital de 50 000 FF, qui ne présente aucun profil sérieux pour ce type d'opérations (...) j'ai bien peur que cette opération ait permis à Monsieur U..., en contrepartie de cette vente "bradée" de redynamiser sa société Littoral Bureaux, alors en difficulté et au bord du dépôt de bilan avec notamment des capitaux propres en forte chute (...) » ; qu'en ce qui concernait l'existence d'un pacte de corruption entre monsieur U... et Monsieur L... E..., dirigeant la société Languedoc Terrains, monsieur G... déclarait notamment dans sa lettre du 4 janvier 2007 : « De la même manière, la société Languedoc Terrains a contracté avec la CCI pour l'acquisition de tènements fonciers. De manière totalement accidentelle, j'ai été contacté par un commercial de la société Languedoc Terrains, lequel faisait la promotion d'une opération immobilière située non loin du centre-ville de Montpellier, pour des opérations d'acquisitions concernant notamment de grands appartements d'une valeur d'environ 1 000 000 € chacun. Ce commercial m'a précisé que l'un des deux grands appartements ainsi mis à la vente était réservé à M. U..., Président de la CCI, la formule "réservé" ne signifiant pas bien sûr qu'il s'agissait d'une gratification, mais l'importance de l'acquisition projetée selon ce commercial m'a quelque peu étonné, au regard de la situation personnelle du président de la chambre qui indique qu'il ne pouvait pas faire face à 17 000 € de frais d'avocat engagé à titre personnel pour des mises en cause de son action en qualité de président de la chambre (...) » ; que l'identité de ce commercial n'était pas révélée ; que dans sa déposition du 26 avril 2007, monsieur G... ajoutait notamment : « Je pense que Monsieur U... a conclu le même type de pacte avec l'aménageur Languedoc Terrains à qui il a donné, sans consultation préalable et sans aucune mise en concurrence, l'aménagement de 27 ha sur la zone aéroportuaire, lesquels appartiennent à l'Etat mais sont gérés par la CCI (...) » ; que s'il n'y avait effectivement pas de qualification pénale de la part de monsieur G..., l'intimé avait bien dénoncé de manière explicite des faits susceptibles de recevoir la qualification de corruption et il importait peu que certains propos soient formulés au conditionnel, ceux relevés précédemment ne l'étant au demeurant pas, pour la plus grande part ; qu'en outre, l'exposé des déclarations ne permettait nullement de constater le caractère mesuré de l'expression, au demeurant également indifférent s'agissant d'une dénonciation effectuée au ministère public ; qu'il convenait de rappeler ici que l'arrêt rendu le 12 novembre 2009 par la cour d'appel de Montpellier, chambre correctionnelle et qui ne concernait pas les propos contenus dans la lettre du 4 janvier 2007 et dans la déposition spontanée du 26 avril 2007, mais les déclarations de monsieur G... dans la presse, n'avait pas, comme justement relevé par le premier juge, l'autorité de la chose jugée à l'égard de la juridiction civile dans le cadre de la présente instance ; qu'il serait également rappelé que les éléments constitutifs de la dénonciation téméraire étaient distincts de ceux de la diffamation ou de la dénonciation calomnieuse ; que surtout, l'ordonnance de non-lieu concluait que les investigations effectuées par les enquêteurs du SRPJ de Montpellier n'avaient pas permis de démontrer l'existence d'un pacte de corruption préalable à l'attribution de ces diverses opérations immobilières ; qu'il était précisé que les démarches de recherche d'informations de la part de monsieur Y... B... et de monsieur L... E..., préalablement aux opérations immobilières, étaient personnelles et n'avaient jamais été initiées par monsieur U... ; que plus encore, le magistrat instructeur indiquait : « En l'espèce, les différentes auditions des protagonistes mettent en lumière la volonté, tout au moins formelle de A... U... de ne pas apparaître officiellement dans les deux procédures d'attribution. Par ailleurs, le choix par la CCI de Montpellier de recourir à une procédure d'appel à candidature officielle pour l'acquisition de la résidence des Moulins, ou de marchés publics pour l'attribution de l'aménagement de la zone de fret de l'aéroport de Montpellier témoigne d'une indéniable volonté de transparence. Plusieurs témoins soutenaient d'ailleurs que le recours à ce type de procédure d'attribution avait été initié à la demande expresse de A... U.... En revanche, aucun témoin ne prétendait que ce dernier n'eût entrepris la moindre démarche pour s'y opposer ou pour dissuader les éventuelles initiatives. A... U... avait pris également le soin de ne participer à aucune des commissions ayant participé à la sélection des candidats. De surcroît, aucun membre de cette commission ne s'était plaint de manoeuvres de A... U... susceptibles d'influencer leur choix en faveur de la désignation de son candidat. / Concernant la désignation de l'acquéreur de la Résidence des Moulins, l'ensemble des participants à la procédure d'attribution s'accordait pour reconnaître au cours de leurs auditions que A... U... s'était montré passif et n'avait en aucune façon pesé, ni directement, ni indirectement, sur leur décision (...) » « (...) Concernant l'attribution de l'opération d'aménagement de la zone de fret de l'aéroport de Montpellier, à la SNC Languedoc Terrains, l'éventuelle intervention de A... U... dans cette désignation était encore moins établie par l'enquête. A... U... était à l'origine du recours à la procédure des marchés publics bien qu'elle ne fût pas légalement nécessaire en la matière. Aucun participant à la procédure de désignation n'excipait de tentatives de A... U... d'imposer son candidat. Le retrait de la SERIVI lors de l'attribution de la deuxième phase d'aménagement relevait d'une décision interne à cette société. Enfin, la pertinence du choix de la société Languedoc Terrains avait été avalisée par l'organisme indépendant, le CERALP » ; qu'ainsi, tant dans son courrier que dans sa déposition spontanée, monsieur G..., s'il ne qualifiait pas les faits pénalement, accusait clairement le président de la CCI de corruption ; qu'or, aucune des pièces produites par lui ne permettait d'établir que monsieur U... avait accompli dans ses fonctions des actes susceptibles d'influencer le choix des cessionnaires pour notamment bénéficier des conditions financières avantageuses pour l'acquisition d'un appartement ; qu'aucun élément comptable ne permettait en outre de conclure comme il l'indiquait dans sa lettre que la société Océanis avait ou même « aurait » « abondé en compte courant pour couvrir les besoins de trésorerie de la société Littoral Bureaux » ; que l'ordonnance de non-lieu soulignait quant à elle la transparence de la procédure des appels d'offres, alors que monsieur G... prétendait à l'absence de mise en concurrence ; qu'il convenait enfin d'examiner les critiques qui étaient formulées concernant la gestion financière de la CCI même si l'instruction n'avait pas porté sur ces faits ; que dans la lettre du 4 janvier 2007, monsieur G... accusait clairement monsieur U... de cacher aux membres des assemblées de la CCI des informations gênantes qui, si elles avaient été connues, les auraient conduits à ne pas approuver les comptes ; que le premier juge avait ici considéré que les pièces produites par monsieur G..., notamment des notes émanant de tiers et relatives aux comptes de la CCI, contenaient diverses évaluations chiffrées, montrant que les interrogations contenues dans la lettre au procureur de la République étaient fondées sur des analyses et vérifications, et n'avaient pas été émises avec la légèreté et l'imprudence caractéristiques de la dénonciation téméraire ; qu'or, les documents produits s'ils pouvaient être invoqués à l'appui de critiques à l'égard de la gestion de la CCI et notamment s'agissant des contributions mises à la charge du Pôle formation, ne permettaient nullement de mettre en cause la sincérité des comptes et d'étayer l'affirmation de l'existence d'une « technique de blocage » ; que si effectivement monsieur N... C... directeur de Sup de Co, s'élevait en août 2015 contre les facturations excessives pratiquées par le service général de la CCI, la cour ne voyait pas en quoi ces éléments relatifs à des discussions internes pouvaient alimenter une lettre au procureur de la République, étant en outre relevé que monsieur N... C... s'était dit par la suite « scandalisé » de l'utilisation qui avait pu être faite de son courrier ; que la légèreté et la témérité de la dénonciation résultaient encore du fait que le 4 janvier 2007, monsieur G... qui mettait clairement en cause la sincérité des comptes de la CCI et reprochait au président de présenter des budgets ne correspondant pas à la réalité, ne pouvait ignorer que la chambre régionale des comptes investiguait au sujet de la CCI et la prudence commandait, avant de lancer des accusations ou formuler au procureur de la République ses « interrogations », d'attendre le dépôt du rapport, étant relevé que l'intimé reconnaissait lors de son audition que le commissaire aux comptes de la CCI n'avait jamais formulé d'observations ; qu'il serait d'ailleurs relevé que le dernier rapport du commissaire aux comptes datait du 6 juin 2006, soit six mois avant le courrier litigieux ; que l'intimé ne pouvait sérieusement soutenir que chaque budget était indépendant et qu'il avait formulé des observations restées sans réponses, alors précisément qu'il critiquait dans son courrier les comptes depuis 2004 et que les rapports des commissaires aux comptes n'avaient jamais révélé d'irrégularités ; qu'en outre, un an plus tard, alors que le préfet indiquait un mois plus tôt qu'il avait approuvé les comptes et que le rapport de la chambre régionale des comptes allait dans le même sens, monsieur G... donnait encore une interview dans le journal Midi Libre du 30 janvier 2008 en ces termes : « Pourquoi entend-on que le rapport de la chambre régionale des comptes ne révélerait rien contre la gestion U... ? Réponse : c'est le bruit que font courir ses successeurs, je n'en crois rien. Le rapport est dans le bureau de l'avocat de U..., enfermé à double tour. La vérité est que la CCI allait droit dans le mur » ; qu'en l'état de l'ensemble de ces éléments, il était suffisamment établi que le courrier de l'intimé de même que ses déclarations complémentaires avaient été effectués dans des conditions téméraires, à l'attention d'une autorité ayant le pouvoir d'y donner suite, ce qui était de nature à engager sa responsabilité civile sur le fondement de l'article 1382 du code civil ; que le jugement serait donc infirmé en ce qu'il avait considéré qu'aucune faute ne pouvait être retenue contre monsieur G... et avait débouté monsieur U... de ses demandes (arrêt, pp. 8 à 13) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'à la différence d'une plainte avec constitution de partie civile déposée entre les mains d'un juge d'instruction, une lettre adressée au procureur de la République, même si elle a la forme d'une plainte ou d'une dénonciation, ne met pas en mouvement l'action publique et ne déclenche pas nécessairement l'ouverture d'une information judiciaire ni même celle d'une enquête préliminaire, la suite à donner à une telle plainte ou dénonciation relevant de la seule appréciation du procureur ; que la cour d'appel avait constaté que la lettre de dénonciation reprochée à monsieur G... avait été adressée par ce dernier, le 4 janvier 2007, non pas à un juge d'instruction, mais au procureur de la République de Montpellier, d'où il résultait que l'enquête préliminaire puis l'information judiciaire ensuite effectuées avaient été respectivement ordonnée et requise par le procureur de la République au terme d'une appréciation l'ayant conduit à estimer qu'il existait à cet égard des indices suffisamment sérieux et donc que n'était pas téméraire ni fautive la dénonciation ayant pu conduire le procureur à porter une telle appréciation ; qu'en imputant néanmoins à faute à monsieur G... le fait que sa lettre adressée au procureur de la République avait « donné lieu à l'ouverture d'une enquête préliminaire puis d'une information judiciaire », la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code, ensemble les articles 40, 40-1, 41, 80 et 86 du code de procédure pénale ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QU'une dénonciation faite à un procureur de la République ou aux services de police judiciaire, lorsqu'elle articule des faits matériellement exacts et ne les assortit pas d'une qualification pénale, ne peut être regardée comme téméraire que si son auteur y déduit des faits concernés une accusation inexacte, formulée avec légèreté ou imprudence pour n'être pas étayée par des vérifications, études ou documents préalables suffisamment précis ; qu'en l'état d'une information judiciaire ouverte à la demande du procureur de la République au vu de la dénonciation litigieuse, la cour d'appel avait expressément constaté, d'une part, qu'aux termes mêmes de l'ordonnance du juge d'instruction, l'enquête préliminaire avait « confirm[é] la matérialité des faits dénoncés » par monsieur G..., d'autre part, que monsieur G... n'avait pas qualifié pénalement les faits dénoncés, que ce soit dans sa lettre de dénonciation ou dans sa déposition ultérieure auprès des services de police, d'où il suivait que sa dénonciation et ses déclarations n'auraient pu être regardées comme téméraires que s'il avait été constaté l'insuffisance des investigations et des documents fournis à leur soutien ; qu'en s'abstenant de procéder à une telle constatation, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QU'en ne recherchant pas, comme l'y avait invitée monsieur G... (conclusions récapitulatives, not. pp. 43 à 45), si sa lettre adressée le 4 janvier 2007 au procureur de la République n'était pas étayée de pièces nombreuses attestant une étude sérieuse et approfondie, exclusive de toute témérité et donc de toute faute, quelle que fût la position différente postérieurement adoptée par le magistrat instructeur dans l'exercice des pouvoirs que lui conférait l'information judiciaire, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé ;

ALORS, EN QUATRIEME LIEU, QUE l'éventuelle faute du dénonciateur doit être appréciée par le juge à la date de la dénonciation ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir la faute de monsieur G..., sur le résultat des investigations du magistrat instructeur, donc en appréciant la prétendue faute en considération d'éléments postérieurs à la dénonciation, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ;

ALORS, EN CINQUIEME LIEU, QUE l'éventuelle faute du dénonciateur doit être appréciée par le juge en considération des moyens d'investigation dont le dénonciateur pouvait disposer au moment de sa dénonciation, d'où il suit que lorsque le ministère public a regardé les faits dénoncés comme suffisamment sérieux et étayés pour requérir l'ouverture d'une information judiciaire, la circonstance que la juridiction de l'instruction a ultérieurement conclu à l'absence de charges suffisantes, au terme de l'information et par l'emploi de pouvoirs d'investigation inaccessibles au dénonciateur, est impropre à caractériser la faute de ce dernier ; qu'en se fondant néanmoins, pour retenir la faute de monsieur G..., sur la circonstance que les investigations du magistrat instructeur avaient fait apparaître qu'aucune des pièces produites au soutien de la dénonciation ne permettait d'établir la commission par monsieur U... d'actes délictueux, donc en s'appuyant sur les résultats d'une information judiciaire ayant mis en jeu des pouvoirs d'investigation excédant ceux du dénonciateur, la cour d'appel, qui s'est déterminée par une considération impropre à caractériser la témérité de la dénonciation, a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ;

ALORS, EN SIXIEME LIEU, QU'est indifférente, au regard du caractère téméraire ou non d'une dénonciation, la circonstance que le parquet ou la juridiction de l'instruction aurait retenu l'absence de qualification pénale des faits, une telle opération de qualification relevant de la compétence de l'autorité judiciaire et son résultat ne pouvant être imputé à faute à l'auteur de la plainte ; qu'ayant constaté que la matérialité des faits dénoncés avait été confirmée par l'enquête des services de police, la cour d'appel, pour regarder la dénonciation comme téméraire, s'est fondée sur la circonstance que le magistrat instructeur avait retenu l'absence de qualification pénale des faits ; qu'en statuant par une telle considération, impropre à caractériser la faute de l'auteur de la plainte, la cour d'appel a violé de plus fort le texte susvisé ;

ALORS, EN SEPTIEME LIEU, QUE des critiques figurant dans une dénonciation, mais n'ayant pas conduit à l'ouverture d'une enquête préliminaire ni, a fortiori, d'une information judiciaire, ne sont pas de nature à rendre la dénonciation téméraire ni donc fautive ; qu'en se fondant, pour apprécier la témérité de la dénonciation, sur les critiques exprimées par monsieur G... concernant la gestion financière de la chambre de commerce et d'industrie, quand il était constaté que l'information judiciaire n'avait pas porté sur ces faits, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ;

ALORS, EN HUITIEME LIEU, QUE monsieur G... avait fait valoir (conclusions récapitulatives devant la cour d'appel, not. p. 29, in fine, p. 34, troisième alinéa) que tous les faits dénoncés concernant les difficultés de fonctionnement de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, en particulier le décalage entre les chiffres soumis au vote des membres de l'assemblée générale et la situation réelle des comptes, étaient avérés, établis par les pièces produites au soutien de la dénonciation et avaient même été admis par monsieur U... ; qu'en n'effectuant aucune recherche sur ce point avant d'affirmer purement et simplement que, s'agissant des critiques formulées concernant la gestion financière de la chambre de commerce et d'industrie, les documents produits ne permettaient nullement de mettre en cause la sincérité des comptes et d'étayer l'affirmation de l'existence d'une « technique de blocage », la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

ALORS, EN NEUVIEME LIEU, QUE monsieur G... avait rappelé (conclusions récapitulatives devant la cour d'appel, not. p. 6) qu'à compter d'un vote de l'assemblée générale de la chambre de commerce et d'industrie du 30 juin 2006, il s'était vu retirer ses délégations spéciales et, en particulier, sa qualité de membre de la commission des finances ; qu'en se fondant, pour retenir la témérité de sa dénonciation, sur la pure et simple affirmation de ce que, le 4 janvier 2007, monsieur G... « ne pouvait ignorer que la chambre régionale des comptes investiguait au sujet » de la chambre de commerce et d'industrie et qu'il aurait donc manqué à la prudence en n'attendant pas le dépôt du rapport de la chambre régionale des comptes avant de lancer ses accusations, sans préciser de quel élément factuel précis elle déduisait que monsieur G... n'aurait pu ignorer l'investigation en cours, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

ALORS, EN DIXIEME LIEU, QUE monsieur G... avait aussi fait valoir (conclusions récapitulatives devant la cour d'appel, not. pp. 5 et 6, p. 34, in fine) que l'envoi par lui d'une lettre au procureur de la République s'expliquait par l'absence de toute réponse aux questions sérieuses et multiples dont il avait précédemment saisi monsieur U..., de sorte qu'on ne pouvait regarder la dénonciation comme imprudente ; qu'en ne s'expliquant pas sur ce point avant de déclarer la dénonciation imprudente en ce que monsieur G... n'aurait notamment pas pris la précaution d'attendre le dépôt du rapport à venir de la chambre régionale des comptes, la cour d'appel a de plus fort privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ;

ALORS, EN ONZIEME LIEU, QUE la témérité d'une dénonciation doit s'apprécier à la date à laquelle cette dénonciation est faite ; qu'en se fondant, pour retenir la témérité et la faute de monsieur G..., sur une circonstance postérieure à la dénonciation litigieuse, tenant à un interview accordé à un journal en janvier 2008, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION :
(subsidiaire)

Le moyen reproche à l'arrêt infirmatif attaqué D'AVOIR condamné monsieur G... à payer à monsieur U... la somme d'un euro symbolique au titre de son préjudice économique ainsi que la somme de 5 000 euros au titre de son préjudice moral ;

AUX MOTIFS QUE sur le préjudice et le lien de causalité, monsieur U... avait manifestement subi le poids et les contraintes liées à une information judiciaire qui s'est déroulée sur trois ans, laquelle avait été ouverte à la suite de l'enquête préliminaire déclenchée suite au courrier de l'intimé ; qu'il avait dû démissionner en septembre 2007 dans des conditions humiliantes ; qu'il convenait encore de retenir la publicité donnée à « l'affaire U... », étant relevé que monsieur G... avait contribué à alimenter la campagne médiatique comme cela ressortait des articles de presse produits ; que le certificat médical versé aux débats attestait les difficultés psychologiques rencontrées à la suite de ces événements ; qu'il serait fait droit à la demande de condamnation à l'euro symbolique au titre du préjudice économique et la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral (arrêt, p. 13) ;

ALORS, EN PREMIER LIEU, QU'à la différence d'une plainte avec constitution de partie civile déposée entre les mains d'un juge d'instruction, une lettre adressée au procureur de la République, même si elle a la forme d'une plainte ou d'une dénonciation, ne met pas en mouvement l'action publique et ne déclenche pas nécessairement l'ouverture d'une information judiciaire ni même celle d'une enquête préliminaire, la suite à donner à une telle plainte ou dénonciation relevant de la seule appréciation du procureur ; que la cour d'appel avait constaté que la lettre de dénonciation reprochée à monsieur G... avait été adressée par ce dernier, le 4 janvier 2007, non pas à un juge d'instruction, mais au procureur de la République de Montpellier, d'où il résultait que l'enquête préliminaire puis l'information judiciaire ensuite effectuées avaient été respectivement ordonnée et requise par le procureur de la République au terme d'une appréciation l'ayant conduit à estimer qu'il existait à cet égard des indices suffisamment sérieux et donc que la lettre de dénonciation de monsieur G... n'avait pas juridiquement été la cause de l'enquête ni de l'information ; qu'en retenant néanmoins que monsieur G... devait se voir imputer les conséquences subis par monsieur U... du fait de l'information judiciaire, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code, ensemble les articles 40, 40-1, 41, 80 et 86 du code de procédure pénale ;

ALORS, EN DEUXIEME LIEU, QUE des critiques figurant dans une dénonciation, mais n'ayant pas conduit à l'ouverture d'une enquête préliminaire ni, a fortiori, d'une information judiciaire, ne sont pas de nature à causer un préjudice à la personne se plaignant de la témérité de la dénonciation ; qu'en attribuant un rôle causal à l'ensemble de la dénonciation faite par monsieur G..., en ce comprises les critiques formulées concernant la gestion financière de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, cependant qu'il était constaté que l'information judiciaire n'avait pas porté sur ces faits et qu'il résultait nécessairement de cette constatation l'absence de rôle causal d'une telle dénonciation, la cour d'appel a violé l'article 1382 ancien du code civil, devenu l'article 1240 nouveau du même code ;

ALORS, EN TROISIEME LIEU, QUE les juges du fond qui, en réparation du préjudice causé par une dénonciation téméraire, accordent une somme globale pour le préjudice résultant de l'ensemble des accusations figurant à la dénonciation, doivent s'expliquer sur l'existence du préjudice qui résulterait pour la personne visée de la dénonciation de chaque fait concerné ; qu'en allouant à monsieur U... une somme globale au titre du préjudice économique et moral prétendument causé par la dénonciation articulant à la fois des critiques relatives à des faits qualifiables de corruption et des critiques relatives à la gestion financière de la chambre de commerce et d'industrie de Montpellier, sans s'expliquer sur l'existence d'un préjudice résultant spécifiquement de chacune de ces accusations, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard du texte susvisé.


Synthèse
Formation : Chambre civile 1
Numéro d'arrêt : 19-11554
Date de la décision : 25/03/2020
Sens de l'arrêt : Cassation partielle sans renvoi
Type d'affaire : Civile

Analyses

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Faute - Dénonciation téméraire - Exclusion - Fondement

RESPONSABILITE DELICTUELLE OU QUASI DELICTUELLE - Fondement de l'action - Article 1382 du code civil - Cas - Dénonciation calomnieuse

En dehors des cas visés par les articles 91, 472 et 516 du code de procédure pénale, la dénonciation, auprès de l'autorité judiciaire, de faits de nature à être sanctionnés pénalement, fussent-ils inexacts, ne peut être considérée comme fautive. Il n'en va autrement que s'il est établi que son auteur avait connaissance de l'inexactitude des faits dénoncés, le délit de dénonciation calomnieuse, prévu et réprimé à l'article 226-10 du code pénal, étant alors caractérisé


Références :

article 1382, devenu 1240, du code civil

Décision attaquée : Cour d'appel de Montpellier, 11 décembre 2018


Publications
Proposition de citation : Cass. Civ. 1re, 25 mar. 2020, pourvoi n°19-11554, Bull. civ.
Publié au bulletin des arrêts des chambres civiles

Composition du Tribunal
Président : Mme Batut
Avocat(s) : SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, SCP Baraduc, Duhamel et Rameix

Origine de la décision
Date de l'import : 21/09/2021
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant ECLI : ECLI:FR:CCASS:2020:19.11554
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award