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05/03/2020 | FRANCE | N°18VE04043

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 6ème chambre, 05 mars 2020, 18VE04043


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... E... épouse D... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1504345 du 23 octobre 2018 le Tribunal administratif de Versailles a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme D... portant sur les co

tisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à c...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... D... et Mme C... E... épouse D... ont demandé au Tribunal administratif de Versailles de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et des contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes.

Par un jugement n° 1504345 du 23 octobre 2018 le Tribunal administratif de Versailles a constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions de M. et Mme D... portant sur les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales à concurrence du dégrèvement d'un montant de 2 116 euros prononcé au titre de l'année 2010, et a rejeté le surplus de leur demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête enregistrée le 5 décembre 2018, M. et Mme D..., représentés par Me F..., avocat, doivent être regardés comme demandant à la Cour :

1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de leurs conclusions ;

2° de prononcer la décharge des impositions réclamées au titre des années 2010 et 2011 ;

3° de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 600 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. et Mme D... soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier dès lors que le principe du contradictoire a été méconnu, l'administration n'ayant répondu à leurs écritures que trois jours avant l'audience ;

- la procédure d'examen de la situation fiscale personnelle engagée à leur encontre est irrégulière, dès lors qu'ils n'ont pas bénéficié d'un délai suffisant pour se faire assister d'un conseil après la réception de l'avis de vérification ;

- les notifications de la procédure sont mal dirigées pour avoir été adressées à " M. ou Mme D... " alors qu'ils sont mariés sous le régime de la séparation des biens et que les rectifications ne concernent que M. D... ;

- c'est à tort que l'administration a retenu une activité occulte et un détournement de fonds à l'encontre de M. D... ;

- l'administration a commis des erreurs dans le calcul des plus-values réalisées au cours des années 2010 et 2011.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Errera, rapporteur public,

- et les observations de Me F... pour M. et Mme D....

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... D... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2010 et 2011 à la suite duquel il leur a été notifié, selon la procédure de taxation d'office en matière de bénéfices non commerciaux et selon la procédure contradictoire en matière de traitements et salaires et de plus-values de cessions de valeurs mobilières, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2010 et 2011. Les époux D... demandent la décharge de ces impositions et des pénalités correspondantes restant en litige.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. Aux termes de l'article L. 5 du code de justice administrative : "L'instruction des affaires est contradictoire (...)". Aux termes de l'article R. 611-1 du même code : " (...) La requête, le mémoire complémentaire annoncé dans la requête et le premier mémoire de chaque défendeur sont communiqués aux parties avec les pièces jointes (...). / Les répliques, autres mémoires et pièces sont communiqués s'ils contiennent des éléments nouveaux ".

3. Il résulte de l'instruction que si le tribunal administratif de Versailles avait convoqué les parties à une audience publique le 4 octobre 2018, et que le directeur départemental des finances publiques des Yvelines n'a répondu que le 3 octobre 2018, soit la veille de cette audience, aux moyens nouveaux qui avaient été soulevés par les demandeurs dans leur mémoire daté du 17 novembre 2017, il a été procédé au renvoi de l'affaire à l'audience publique du 18 octobre 2018. Les demandeurs, qui avaient reçu le mémoire de l'administration via l'application télérecours le 3 octobre 2018, ne sont pas fondés à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité pour avoir méconnu le principe du contradictoire, au motif qu'ils n'auraient pas disposé d'un délai suffisant pour y répondre avant l'audience qui s'est tenue le 18 octobre suivant.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales,: " Un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle d'une personne physique au regard de l'impôt sur le revenu ou une vérification de comptabilité ne peut être engagée sans que le contribuable en ait été informé par l'envoi ou la remise d'un avis de vérification. / Cet avis doit préciser les années soumises à vérification et mentionner expressément, sous peine de nullité de la procédure, que le contribuable a la faculté de se faire assister par un conseil de son choix. / L'avis envoyé ou remis au contribuable avant l'engagement d'un examen contradictoire de la situation fiscale personnelle peut comporter une demande des relevés de compte. (...)".

5. Il résulte de l'instruction que l'avis d'examen de la situation fiscale personnelle, daté du 24 juin 2013 et notifié le 26 juin 2013 aux époux D..., mentionnait la possibilité, pour eux, de se faire assister d'un conseil et que cet examen n'a débuté que le 4 juillet 2013, permettant ainsi aux requérants de bénéficier d'un délai de huit jours qui était suffisant pour se faire assister du conseil de leur choix. En outre, il ressort des termes mêmes de l'article L. 47 du livre des procédures fiscales rappelés au point 4, que l'administration était fondée à demander aux intéressés des relevés de compte dans l'avis de vérification qui leur était adressé. Enfin, cet avis précisait que M. et Mme D... disposaient d'un délai de soixante jours pour remettre aux services la totalité des relevés des comptes financiers de toute nature et des comptes courants sur lesquels ils avaient réalisé des opérations. Par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'administration ne leur aurait pas laissé un délai suffisant pour se faire assister du conseil de leur choix.

6. En second lieu, aux termes de l'article 6 du code général des impôts : " 1. Chaque contribuable est imposable à l'impôt sur le revenu, tant en raison de ses bénéfices et revenus personnels que de ceux de ses enfants et des personnes considérés comme étant à sa charge au sens des articles 196 et 196 A bis. (...) / Sauf application des dispositions du 4 et du second alinéa du 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles et ceux de leurs enfants et des personnes à charge mentionnés au premier alinéa ; cette imposition est établie au nom de l'époux, précédée de la mention " Monsieur ou Madame " (...)". Aux termes de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales : " Sous réserve des dispositions des articles L. 9 et L. 54, chacun des époux a qualité pour suivre les procédures relatives à l'impôt dû à raison de l'ensemble des revenus du foyer. Les déclarations, les réponses, les actes de procédure faits par l'un des conjoints ou notifiés à l'un d'eux sont opposables de plein droit à l'autre. ". Selon les dispositions de l'article L. 54 de ce livre : " Les procédures de fixation des bases d'imposition ou de rectification des déclarations relatives aux revenus provenant d'une activité dont les produits relèvent de la catégorie des bénéfices agricoles, des bénéfices industriels et commerciaux et des bénéfices non commerciaux, ou des revenus visés à l'article 62 du code général des impôts, sont suivies entre l'administration des impôts et celui des époux titulaire des revenus. Ces procédures produisent directement effet pour la détermination du revenu global. ". Le législateur a, par ces dernières dispositions, entendu donner à chacun des époux, sauf exceptions, qualité pour suivre les procédures relatives à l'imposition commune due à raison de l'ensemble des revenus du foyer.

7. Il résulte de l'instruction que tous les éléments de la procédure de rectification ont été adressés à " Monsieur ou Madame D... ", conformément aux dispositions de l'article 6 du code général des impôts. Par ailleurs, les bénéfices non commerciaux issus du détournement de fonds pratiqué par M. D..., découverts à l'occasion de la vérification et qui entraient dans le champ de l'article L. 54 A du livre des procédures fiscales ont été suivis entre l'administration des impôts et M. D..., en sa qualité d'époux titulaire de ces revenus. La circonstance que la proposition de rectification du 19 décembre 2013, qui concernait notamment cette catégorie de revenus, ait été adressée aux noms des deux époux, n'est pas de nature à entacher d'irrégularité la procédure d'imposition suivie à l'égard de M. D....

En ce qui concerne le bien-fondé de l'imposition :

8. En premier lieu, aux termes du 1 de l'article 92 du code général des impôts : " Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus".

9. Pour justifier des redressements entrepris, l'administration s'est notamment fondée sur le fait que M. D... avait lui-même reconnu, lors de l'entrevue du 12 décembre 2013, que les chèques d'un montant de 12 569 euros pour l'année 2010 et de 4 214 euros pour l'année 2011, établis sans ordre par des clients de la SARL Oksar, correspondaient à des recettes de cette société dont il était le gérant au moment des faits et qu'il les avait encaissés sur ses comptes personnels. Si M. D... soutient désormais que ces chèques avaient été émis à son nom et qu'ainsi, l'activité occulte et le détournement de fonds ne seraient pas démontrés, il n'apporte aucune précision sur les motifs ayant pu conduire des clients de la société dont il était le gérant à lui régler personnellement les sommes en litige. Par suite, l'administration doit être regardée comme établissant l'existence d'un détournement de fonds au profit du requérant. Par suite, comme l'ont relevé les premiers juges, M. D... n'est pas fondé à contester l'imposition des sommes perçues dans la catégorie des bénéfices non commerciaux en application des dispositions de l'article 92 du code général des impôts.

10. En second lieu, aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts dans sa version applicable au litige : " I.-1. Sous réserve des dispositions propres aux bénéfices industriels et commerciaux, aux bénéfices non commerciaux et aux bénéfices agricoles ainsi que des articles 150 UB et 150 UC, les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, de titres mentionnés au 1° de l'article 118 et aux 6° et 7° de l'article 120, de droits portant sur ces valeurs, droits ou titres ou de titres représentatifs des mêmes valeurs, droits ou titres, sont soumis à l'impôt sur le revenu. (...) ".

11. Concernant la cession de parts détenues par M. D... dans la SARL Hotel Serine en 2010, et qui était imposable en application des dispositions de l'article 150-0 A du code général des impôts, il ressort de l'instruction que, lors de cette cession, M. D... a encaissé deux chèques, pour des montants de respectivement 90 528,80 euros et 106 271,10 euros. Si les requérants soutiennent que ce second chèque correspondait au remboursement d'un compte courant ouvert au nom de M. D... dans les écritures de la SARL Hotel Serine, comme le prévoyait l'acte de cession de la SARL Serine en date du 27 décembre 2010 dont l'article 6 stipule que M. D... cède aux acquéreurs l'intégralité du compte courant d'associé qu'il détient dans cette société pour un montant de 106 271,20 euros, il apparaît que le service vérificateur a demandé aux requérants, notamment lors de la proposition de rectification du 19 décembre 2013, une copie de ce compte courant, afin de vérifier le montant de son solde à la date de la cession. Les intéressés n'ont cependant pas présenté cette pièce comptable à l'administration et ne l'ont versée ni en première instance, ni devant la cour, se contentant de produire le bilan simplifié de la SARL Hôtel Serine au titre de l'exercice 2011 qui indique le montant global du compte courant d'associés sans préciser le montant des créances de chacun d'eux, ainsi qu'une attestation de l'expert-comptable non corroborée par une pièce comptable attestant du montant de la créance détenue par M. D... à l'égard de la société . Par suite, ils ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration, qui n'était pas tenue d'exercer son droit de communication, a considéré que le montant de 106 271,20 euros correspondait à un complément de prix des parts sociales cédées, et l'a traité comme une plus-value réalisée lors de cette cession.

12. Concernant la cession des parts de l'EURL Gallieni en 2011 et la plus-value qui en a résulté, si les requérants soutiennent que l'acte de cession des parts que détenait M. D... dans l'EURL Gallieni, en date du 5 avril 2011, mentionnait un prix d'achat de 25 000 euros et que ce montant aurait dû être retenu par l'administration, il résulte des mentions de cet acte que la " cession est consentie et acceptée moyennant un prix de quinze mille euros (25 000 €) ". En présence de cette incohérence entre ces deux montants, et alors que les intéressés n'apportent aucun élément de nature à établir que le prix d'achat en cause correspondait effectivement à 25 000 euros, l'administration était fondée à retenir le prix mentionné en toutes lettres dans cet acte, soit 15 000 euros. Enfin, dans la détermination de la plus-value résultant de l'acte de cession de parts, les époux D... soutiennent que le montant de cette cession n'était que de 83 900 euros, la somme de 60 000 euros correspondant à une cession du compte courant ne devant pas être prise en compte. Toutefois, les requérants ne produisent pas la copie de ce compte courant à la date de la cession des parts de la SARL Gallieni, et n'établissent donc pas que c'est à tort que l'administration a retenu un montant de cession à hauteur de 143 900 euros correspondant à la somme perçue par M. et Mme D....

13. Il résulte de ce qui précède que les époux D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté leur demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2010 et 2011, ainsi que des pénalités correspondantes. Il y a lieu, par voie de conséquence, de rejeter les conclusions présentées par les requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, dès lors que l'Etat n'est pas la partie perdante dans la présente affaire.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme D... est rejetée.

N°18VE04043 6


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE04043
Date de la décision : 05/03/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-03-01 Contributions et taxes. Impôts sur les revenus et bénéfices. Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. Revenus des capitaux mobiliers et assimilables. Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : Mme BESSON-LEDEY
Rapporteur ?: M. Stéphane CLOT
Rapporteur public ?: M. ERRERA
Avocat(s) : WAKKACH

Origine de la décision
Date de l'import : 10/03/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-03-05;18ve04043 ?
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