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07/11/2019 | FRANCE | N°18VE03984

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 5ème chambre, 07 novembre 2019, 18VE03984


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ou de réexaminer sa situation dans un d

lai de deux mois à compter de la notification du jugement, ou de lui délivrer u...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme D... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 6 juin 2018 par lequel le préfet de l'Essonne a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle sera reconduite, d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification du jugement ou de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement, ou de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans l'attente du réexamen de sa situation et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Par un jugement n° 1804636 du 6 novembre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Procédure devant la Cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 30 novembre 2018 et 26 août 2019, Mme A... D..., représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° d'annuler cet arrêté ;

3° d'enjoindre au préfet de l'Essonne de lui délivrer le titre de séjour sollicité dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, à défaut, de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de cet arrêt et, en tout état de cause, de lui délivrer un récépissé dans l'attente du réexamen de sa situation ;

4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros à verser à Me B..., sur le fondement des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement et l'arrêté contestés sont entachés d'une erreur manifeste d'appréciation car elle ne pourra bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;

- la procédure d'émission de l'avis médical est entachée d'irrégularité ; d'une part, les pièces produites par le préfet n'établissent pas que le médecin auteur du rapport sur son état de santé n'a pas siégé au sein du collège des médecins qui a émis l'avis ; d'autre part, l'avis du collège des médecins du 28 février 2018 est intervenu antérieurement au rapport médical lequel a été rédigé le 22 juin 2018.

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Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme C... a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme D..., ressortissante congolaise née le 26 septembre 1986, fait appel du jugement du 6 novembre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de l'Essonne du 6 juin 2018 refusant de renouveler sa carte de séjour pour soins, lui faisant obligation de quitter le territoire dans un délai de trente jours et fixant le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" est délivrée de plein droit : / (...) 11° A l'étranger résidant habituellement en France, si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. La condition prévue à l'article L. 313-2 n'est pas exigée. La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'État. (...) ".

3. Aux termes de l'article R. 313-22 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour l'application du 11° de l'article L. 313-11, le préfet délivre la carte de séjour au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. / L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé (...). ". Aux termes de l'article R. 313-23 du même code : " Le rapport médical mentionné à l'article R. 313-22 est établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration à partir d'un certificat médical établi par le médecin qui suit habituellement le demandeur ou par un médecin praticien hospitalier inscrits au tableau de l'ordre, dans les conditions prévues par l'arrêté mentionné au deuxième alinéa de l'article R. 313-22 (...). Il transmet son rapport médical au collège de médecins. / (...) Le collège à compétence nationale, composé de trois médecins, émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du présent article (...). Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège (...) ". Aux termes de l'article 3 de l'arrêté du 27 décembre 2016 susvisé : " Au vu du certificat médical et des pièces qui l'accompagnent ainsi que des éléments qu'il a recueillis au cours de son examen éventuel, le médecin de l'office établit un rapport médical, conformément au modèle figurant à l'annexe B du présent arrêté. ". Aux termes de l'article 6 du même arrêté : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins désigné pour chaque dossier dans les conditions prévues à l'article 5 émet un avis, conformément au modèle figurant à l'annexe C du présent arrêté, précisant : / a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ; / b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; / c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; / d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays. / Cet avis mentionne les éléments de procédure. / Le collège peut délibérer au moyen d'une conférence téléphonique ou audiovisuelle. / L'avis émis à l'issue de la délibération est signé par chacun des trois médecins membres du collège. ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que la régularité de la procédure implique, pour respecter les prescriptions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que les documents soumis à l'appréciation du préfet comportent l'avis du collège de médecins et soient établis de manière telle que, lorsqu'il statue sur la demande de titre de séjour, le préfet puisse vérifier que l'avis au regard duquel il se prononce a bien été rendu par un collège de médecins tel que prévu par l'article L. 311-11. L'avis doit, en conséquence, permettre l'identification des médecins dont il émane. L'identification des auteurs de cet avis constitue ainsi une garantie dont la méconnaissance est susceptible d'entacher l'ensemble de la procédure. Il en résulte également que, préalablement à l'avis rendu par ce collège de médecins, un rapport médical, relatif à l'état de santé de l'intéressé et établi par un médecin de l'OFII, doit lui être transmis et que le médecin ayant établi ce rapport médical ne doit pas siéger au sein du collège de médecins qui rend l'avis transmis au préfet. En cas de contestation devant le juge administratif portant sur ce point, il appartient à l'autorité administrative d'apporter les éléments qui permettent l'identification du médecin qui a rédigé le rapport au vu duquel le collège de médecins a émis son avis et, par suite, le contrôle de la régularité de la composition du collège de médecins.

5. Mme D... soutient que la procédure de consultation du collège des médecins de l'OFII est entachée d'irrégularité dès lors que le rapport médical est postérieur à la date de la séance du collège. Il ressort effectivement des pièces du dossier que l'attestation de l'OFII du 28 septembre 2018 indique que le rapport médical a été rédigé le 22 juin 2018 alors que l'avis du collège de médecins de l'OFII est pour sa part daté du 28 février 2018. Alors même que Mme D... souligne dans sa requête que le rapport médical est postérieur à l'avis du collège, en contradiction avec la procédure organisée par les dispositions précitées des articles R. 313-22 et R. 313-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet de l'Essonne n'apporte aucune précision ni observation sur ce point. Dans ces conditions,

Mme D... est fondée à soutenir que la décision portant refus de titre de séjour du

6 juin 2018 a été prise à l'issue d'une procédure irrégulière. Par suite, cette décision doit être annulée, ainsi que, par voie de conséquence, les décisions lui faisant obligation de quitter le territoire français et fixant le pays de destination.

6. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'autre moyen de la requête, que Mme D... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

7. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-2 du même code : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public (...) prenne à nouveau une décision après une nouvelle instruction, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision juridictionnelle, que cette nouvelle décision doit intervenir dans un délai déterminé ". Aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Si l'obligation de quitter le territoire français est annulé, (...) l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas (...) ".

8. Eu égard au motif de l'annulation prononcée, le présent arrêt n'implique pas nécessairement la délivrance à Mme D... d'un titre de séjour mais seulement le réexamen de sa situation. Il y a donc lieu de prescrire au préfet de l'Essonne de se prononcer à nouveau, dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sur la situation de l'intéressée et de la munir, dans l'attente de ce réexamen, d'une autorisation provisoire de séjour.

Sur les frais liés à l'instance :

9. Mme D... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me B..., avocat de

Mme D..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État, de mettre à la charge de l'État le versement à Me B... de la somme de 1 500 euros.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 1804636 du Tribunal administratif de Versailles du

6 novembre 2018 et l'arrêté du préfet de l'Essonne en date du 6 juin 2018 sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au préfet de l'Essonne de réexaminer la situation de

Mme D... dans le délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et, dans l'attente de ce réexamen, de délivrer à l'intéressée une autorisation provisoire de séjour.

Article 3 : L'État versera à Me B..., avocat de Mme D..., la somme de

1 500 euros en application des dispositions du deuxième alinéa de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que Me B... renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'État.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

2

N° 18VE03984


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 18VE03984
Date de la décision : 07/11/2019
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01-03 Étrangers. Séjour des étrangers. Refus de séjour.


Composition du Tribunal
Président : Mme SIGNERIN-ICRE
Rapporteur ?: Mme Jeanne SAUVAGEOT
Rapporteur public ?: M. CABON
Avocat(s) : MAGBONDO

Origine de la décision
Date de l'import : 12/11/2019
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2019-11-07;18ve03984 ?
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