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14/02/2020 | FRANCE | N°18PA01925

France | France, Cour administrative d'appel de Paris, 6ème chambre, 14 février 2020, 18PA01925


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a saisi le Tribunal administratif de Paris de trois demandes :

I. une demande enregistrée sous le n°1621256, tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2016 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France a prononcé son licenciement pour suppression de poste, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

II. une demande enregistrée, sous le

n° 1702897, tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2016 en tant que ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... E... a saisi le Tribunal administratif de Paris de trois demandes :

I. une demande enregistrée sous le n°1621256, tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2016 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France a prononcé son licenciement pour suppression de poste, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

II. une demande enregistrée, sous le n° 1702897, tendant à l'annulation de la décision du 12 décembre 2016 en tant que le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France a refusé de lui allouer une allocation pour suppression de poste, outre des conclusions à fin d'injonction et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

III. une demande enregistrée sous le n°1708574, tendant à l'annulation de la décision implicite du 21 avril 2017 par laquelle le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France a refusé de lui verser son indemnité pour suppression de poste et a rejeté son recours gracieux contre la décision du 12 décembre 2016, outre des conclusions indemnitaires et des conclusions au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 1621256/2-2, 1702897/2-2, 1708574/2-2 du 10 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé les décisions du 12 décembre 2016 et du 21 avril 2017, a enjoint au président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France de reprendre le calcul de l'indemnité versée à M. E... en lui faisant bénéficier de la différence entre l'allocation de fin de carrière qu'il a perçue et l'indemnité pour suppression de poste prévue par les dispositions de l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, assortie des intérêts légaux à compter de la date de réception de sa demande avec capitalisation, a mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté la requête n° 1621256 et le surplus des conclusions des requêtes n° 1702897 et 1708574.

Procédure devant la Cour:

Par une requête, enregistrée le 7 juin 2018, la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France, représentée par la SCP Rocheteau et Uzan- Sarano, demande à la Cour :

1°) d'annuler ce jugement du 10 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris en tant qu'il fait droit partiellement aux demandes de M. E... ;

2°) de rejeter les demandes de M. E... devant le Tribunal administratif de Paris ;

3°) de mettre à la charge de M. E... une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que les dispositions de l'article 35-2 du statut du personnel des chambres de commerce et d'industrie en ce qu'elles excluent du bénéfice de l'indemnité de licenciement pour suppression de poste les agents qui remplissent les conditions pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime de sécurité sociale, méconnaissent les dispositions de la loi du 27 mai 2018 transposant les objectifs de la directive 2007/78/CE prohibant les discriminations, notamment en fonction de l'âge ;

- les autres moyens soulevés par M. E... en première instance examinés par l'effet dévolutif de l'appel sont infondés.

Par un mémoire en défense, enregistré le 21 décembre 2018, M. E..., représenté par Me A..., conclut au rejet de la requête et demande, en outre, qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France.

Il soutient que les moyens soulevés par la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 février 2019, la clôture d'instruction a été fixée au 22 mars 2019 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 ;

- la loi n° 52-1311 du 10 décembre 1952, ensemble le statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie ;

- la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. B...,

- les conclusions de M. Baffray, rapporteur public,

- les observations de Me C... pour la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France,

- et les observations de Me A... pour M. E....

Une note en délibéré, enregistrée le 7 février 2020, a été produite pour M. E....

Considérant ce qui suit :

1. M. E..., agent de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France exerçait les fonctions de directeur marketing et communication de l'école Novancia. Par courriers des 9 juin et 30 août 2016, il a été informé, qu'à la suite des délibérations prises par l'assemblée générale de la chambre le 7 avril 2016, il avait été décidé de supprimer son emploi. Par une décision en date du 13 octobre 2016, le président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France a alors prononcé son licenciement pour suppression d'emploi. Par ailleurs, par courrier du 12 décembre 2016, il a été indiqué à M. E... que l'allocation de fin de carrière lui serait versée dans le cadre de son licenciement. M. E... a contesté cette décision et a demandé le versement d'une indemnité pour suppression de poste, par courrier en date du 21 février 2017. Le silence du président de la chambre sur cette demande ayant fait naître, le 21 avril 2017, une décision implicite de rejet, M. E... a saisi le Tribunal administratif de Paris de trois demandes tendant à l'annulation des décisions des 13 octobre 2016, 12 décembre 2016 et 21 avril 2017, à la réintégration dans ses fonctions, et à la condamnation de la chambre à lui verser l'indemnité pour suppression de poste. Par un jugement du 10 avril 2018, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 décembre 2016, ensemble la décision du 21 avril 2017, a enjoint au président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France de reprendre le calcul de l'indemnité versée à M. E... en lui faisant bénéficier de la différence entre l'allocation de fin de carrière qu'il a perçue et l'indemnité pour suppression de poste prévue par les dispositions de l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, assortie des intérêts légaux à compter de la date de réception de sa demande avec capitalisation, a mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté la requête n° 1621256 et le surplus des conclusions des requêtes n° 1702897 et 1708574. La chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France relève appel de ce jugement en tant qu'il a partiellement fait droit aux demandes de M. E....

2. Aux termes de l'article 1er de la loi du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, transposant notamment la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d'un cadre général en faveur de l'égalité de traitement en matière d'emploi et de travail : " Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de (...) son âge (...) une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable. / Constitue une discrimination indirecte une disposition, un critère ou une pratique neutre en apparence, mais susceptible d'entraîner, pour l'un des motifs mentionnés au premier alinéa, un désavantage particulier pour des personnes par rapport à d'autres personnes, à moins que cette disposition, ce critère ou cette pratique ne soit objectivement justifié par un but légitime et que les moyens pour réaliser ce but ne soient nécessaires et appropriés. ". Aux termes de l'article 2 de la même loi : " Sans préjudice de l'application des autres règles assurant le respect du principe d'égalité : (...) / 2° Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur (...) l'âge (...) est interdite en matière (...) d'accès à l'emploi, d'emploi, (...) ainsi que de (...) promotion professionnelle. / Ce principe ne fait pas obstacle aux différences de traitement fondées sur les motifs visés à l'alinéa précédent lorsqu'elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l'objectif soit légitime et l'exigence proportionnée ". Il résulte enfin de l'article 5 de la même loi que ces dispositions sont applicables à toutes les personnes publiques.

3. Aux termes de l'article 35-2 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie : " Il est accordé aux agents titulaires licenciés pour suppression d'emploi, dans le cas où ils ne se trouveraient pas dans les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime général de la Sécurité Sociale, une indemnité de licenciement proportionnelle à l'ancienneté et calculée comme suit : - jusqu'à dix ans d'ancienneté : un mois de rémunération mensuelle indiciaire brute par année de service ; - au-delà : un mois de rémunération mensuelle indiciaire brute majorée de 20 % par année de service ; (...) Dans le cas où l'agent licencié remplit les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime général de sécurité sociale, il perçoit l'allocation de fin de carrière, conformément aux dispositions de l'article 24 du présent statut et du règlement intérieur régional qui lui est applicable ". Aux termes de l'article 24 du même statut : " Une allocation de fin de carrière est attribuée à chaque agent. Son montant brut doit être compris entre un mois et quatre mois de rémunération mensuelle indiciaire brute selon l'ancienneté de l'agent. ".

4. Les dispositions citées ci-dessus de l'article 35-2 du statut du personnel réservent aux agents licenciés pour suppression de leur poste qui ne remplissent pas les conditions requises pour percevoir une pension de retraite à taux plein auprès du régime général de la sécurité sociale, le bénéfice de l'indemnité pour suppression de poste et, en revanche, les agents qui remplissent de telles conditions se voient octroyer une allocation de fin de carrière, dont le montant maximal s'élève à quatre mois de rémunération mensuelle indiciaire brute. Les dispositions litigieuses privent ainsi les agents licenciés de la prime de suppression de poste, s'ils remplissent deux conditions cumulatives, d'une part, une condition d'âge, d'autre part, une condition de durée de cotisations. Toutefois, la mesure qui réserve l'indemnité de suppression de poste aux agents licenciés qui ne peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein à la date de leur licenciement, et doivent alors nécessairement demeurer sur le marché du travail pour bénéficier à terme d'une telle pension à taux plein ou parce qu'ils n'ont pas atteint l'âge de la retraite, à la différence de ceux qui remplissent déjà ces conditions, ne constitue pas une mesure discriminatoire illégitime et excessive ou disproportionnée au regard du but poursuivi qui est de compenser les conséquences financières de la suppression de leur poste, moindre pour ceux qui peuvent d'ores et déjà bénéficier d'une retraite à taux plein. Au surplus, la règlementation en cause dans le présent litige mise en place par la chambre de commerce et d'industrie ne se base pas de façon déterminante sur l'âge des agents mais sur leur droit à une retraite à taux plein, lequel dépend de leur durée de cotisation. C'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que la différence de traitement en litige était fondée sur un critère indissociablement lié à l'âge des agents. De ce fait, c'est à tort que le tribunal a jugé que les dispositions de l'article 35-2 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie méconnaissaient l'article 1er de la loi de la loi du 27 mai 2008 et les objectifs de la directive 2000/78/CE du Conseil du 27 novembre 2000 et a annulé pour ce motif les décisions litigieuses des 12 décembre 2016 et 21 avril 2017.

5. Il y a lieu, toutefois, pour la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. E... devant le Tribunal administratif de Paris.

6. En premier lieu, M. F..., directeur général adjoint des ressources humaines, signataire de la décision du 12 décembre 2016 disposait bien à cette date d'une délégation de signature à effet de signer les décisions individuelles relatives au recrutement et à la gestion des agents (stagiaires, titulaires, contractuels, à durée déterminée ou indéterminée, des vacataires et stagiaires d'école) publiée sur le site internet de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris-Ile-de-France et au Recueil des actes administratif spécial n°IDF-004-2016-12 publié le 5 décembre 2016. Le moyen tiré de l'incompétence du signataire de cette décision doit donc être écarté.

7. En second lieu, si M. E... soutient que la décision litigieuse du 12 décembre 2016 méconnaît les dispositions de l'article 35-2 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie qui prévoient le versement aux agents licenciés pour suppression de poste d'une indemnité pour suppression de poste, il résulte des termes mêmes de cet article que ce versement est exclu pour les agents qui comme M. E... peuvent bénéficier d'une pension de retraite à taux plein du régime de sécurité sociale. Ce moyen ne peut donc qu'être écarté.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris-Ile-de France est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Paris a annulé la décision du 12 décembre 2016, ensemble la décision du 21 avril 2017, a enjoint au président de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France de reprendre le calcul de l'indemnité versée à M. E... en lui faisant bénéficier de la différence entre l'allocation de fin de carrière qu'il a perçue et l'indemnité pour suppression de poste prévue par les dispositions de l'article 35-1 du statut du personnel administratif des chambres de commerce et d'industrie, assortie des intérêts légaux et a mis à la charge de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Sur les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

9. D'une part, les dispositions susvisées font obstacle à ce que la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris-Ile-de France, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, verse une somme à M. E... au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de M. E... au titre des frais exposés par la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : Les articles 1,2 et 3 du jugement n° 1621256/2-2, 1702897/2-2, 1708574/2-2 du 10 avril 2018 du Tribunal administratif de Paris sont annulés.

Article 2: Les demandes de M. E... présentées devant le Tribunal administratif de Paris et ses conclusions devant la cour sont rejetées.

Article 3: Les conclusions de la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de- France présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4: Le présent arrêt sera notifié à la chambre de commerce et d'industrie de la région Paris Ile-de-France et à M. D... E....

Délibéré après l'audience du 5 février 2020 à laquelle siégeaient :

- Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre,

- M. Niollet, président-assesseur,

- M. B..., premier conseiller.

Lu en audience publique, le 14 février 2020.

Le rapporteur,

D. PAGES

Le président,

O. FUCHS TAUGOURDEAU

Le greffier,

P. TISSERAND

La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18PA01925


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Paris
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18PA01925
Date de la décision : 14/02/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10 Fonctionnaires et agents publics. Cessation de fonctions.


Composition du Tribunal
Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
Rapporteur ?: M. Dominique PAGES
Rapporteur public ?: M. BAFFRAY
Avocat(s) : YVON

Origine de la décision
Date de l'import : 25/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.paris;arret;2020-02-14;18pa01925 ?
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