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01/10/2018 | FRANCE | N°18NT00800

France | France, Cour administrative d'appel de Nantes, 6ème chambre, 01 octobre 2018, 18NT00800


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement du 20 avril 2016 le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A...B..., la décision du 23 août 2012 par laquelle le président de la communauté de communes du Val de Sarthe a modifié la fiche de poste de M.B..., assistant territorial d'enseignement artistique principal de 2ème classe.

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'enjoindre à la communauté de communes du Val de Sarthe d'exécuter le jugement du 20 avril 2016 en l'affectant à des missions

d'enseignement conformes à son statut, sous astreinte de 1 000 euros par jour de...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par un jugement du 20 avril 2016 le tribunal administratif de Nantes a annulé, à la demande de M. A...B..., la décision du 23 août 2012 par laquelle le président de la communauté de communes du Val de Sarthe a modifié la fiche de poste de M.B..., assistant territorial d'enseignement artistique principal de 2ème classe.

M. B...a demandé au tribunal administratif de Nantes d'enjoindre à la communauté de communes du Val de Sarthe d'exécuter le jugement du 20 avril 2016 en l'affectant à des missions d'enseignement conformes à son statut, sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir.

Par un jugement n° 1704947 du 20 décembre 2017, le tribunal administratif de Nantes a enjoint à la communauté de communes du Val de Sarthe, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de rechercher un emploi pour M. B...et de justifier des diligences accomplies en ce sens.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire enregistrés les 20 février 2016 et 21 juin 2018 la communauté de communes du Val de Sarthe, représentée par MeC..., demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 décembre 2017 du tribunal administratif de Nantes, y compris en ce qu'il a mis à sa charge la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative ;

2°) de constater que la communauté de communes du Val-de-Sarthe a exécuté le jugement du 20 avril 2016 dans la mesure de ses possibilités et en a tiré toutes les conséquences sur la consistance de l'emploi occupé par M.B..., en supprimant le poste d'assistant d'enseignement artistique principal de 2ème classe, spécialité trombone ;

3°) de mettre à la charge de M. B...la somme de 1 500 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal administratif de Nantes, ne pouvait, en sa qualité de juge de l'exécution, apprécier comme il l'a fait la légalité de la suppression de poste ;

- l'impossibilité d'attribuer à M. B...les vingt heures d'enseignement prévues par le décret régissant son grade était indépendante de la volonté de la communauté de communes dès lors que, d'une part, les candidats à des leçons de trombone étaient en nombre limité et, d'autre part, que pour intervenir en milieu scolaire et à défaut de Diplôme Universitaire de Musicien Intervenant (DUMI) un agrément était nécessaire, alors que le requérant n'a ni donné suite aux offres de la collectivité lui offrant de financer le DUMI, ni sollicité cet agrément.

Par un mémoire en défense enregistré le 18 juin 2018, M.B..., représenté par Me Raimbault, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la communauté de communes du Val de Sarthe au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir qu'aucun des moyens développés par la communauté de communes du Val de Sarthe n'est fondé.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 2012-437 du 29 mars 2012 ;

- le décret n° 2012-1019 du 3 septembre 2012 ;

- l'arrêté du 10 mai 1989 fixant les modalités d'attestation de compétence professionnelle pour les personnes apportant leur concours aux enseignements et activités artistiques ;

- le code de l'éducation ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Francfort, président assesseur,

- les conclusions de M. Lemoine, rapporteur public,

- et les observations de Me Raimbault, avocat de M.B....

1. Par un jugement du 20 avril 2016 devenu définitif, le tribunal administratif de Nantes a, à la demande de M.B..., employé par la communauté de communes du Val de Sarthe en qualité d'assistant territorial d'enseignement artistique principal de 2ème classe, annulé la décision du 23 août 2012 par laquelle le président de cette communauté de communes avait modifié sa fiche de poste. L'annulation de cette décision est fondée sur le fait que M. B...étant astreint à une obligation de service hebdomadaire de vingt heures d'enseignement, en vertu de l'article 3 du décret du 29 mars 2012, il ne pouvait être affecté, pour une durée hebdomadaire de 12,75 heures, au suivi de salles de répétition et à la réalisation de tâches administratives au sein de l'école musique communautaire. Il résulte de l'instruction que postérieurement à ce jugement, la nouvelle fiche de poste de M.B..., établie en juillet 2016, ne comportait pour obligations de service, outre des cours de trombone d'une durée hebdomadaire de 2,75 heures et une intervention dans un orchestre de 0,75 heure par semaine, que la possibilité de donner des cours de trombone sous réserve d'inscriptions supplémentaires d'élèves à la rentrée scolaire 2016/2017, et celle d'intervenir en milieu scolaire sous réserve de la vérification de sa compétence professionnelle et de l'obtention d'un agrément. Ayant pris connaissance de cette fiche de poste, M. B...a saisi le 5 septembre 2016 le président du tribunal administratif d'une demande d'exécution du jugement du 20 avril 2016, en demandant son affectation à des missions d'enseignement conformes à son statut. Par un jugement du 20 décembre 2017, dont la communauté de communes du Val de Sarthe relève appel, le tribunal, après avoir constaté que le poste de M. B...avait été supprimé par délibération de l'assemblée délibérante de la communauté de communes du 29 juin 2017, a enjoint à cette collectivité de rechercher un emploi pour M. B...et de justifier des diligences accomplies en ce sens, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.

Sur la possibilité de confier à M. B...un nombre d'heures correspondant à ses obligations de service :

2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai et prononcer une astreinte. (...) ".

3. L'exécution du jugement du tribunal administratif de Nantes du 20 avril 2016 implique, soit que la fiche de poste de M. B...soit modifiée pour comporter le volume d'heures d'enseignement musical conforme à ce qu'exige le statut de l'intéressé, soit que ce poste soit supprimé, s'il apparaissait matériellement impossible de confier à M. B...ce volume horaire. Dans ce dernier cas et ainsi que le tribunal administratif l'a apprécié, la suppression du poste de M. B...implique que la communauté de communes recherche les possibilités de reclassement, selon l'obligation que lui imposent les dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984.

4. Il résulte de l'instruction que, par délibération du 29 juillet 2017 de son assemblée délibérante, la communauté de communes du Val de Sarthe a supprimé le poste d'assistant d'enseignement artistique principal de 2ème classe qu'occupait M. B...en prenant en compte l'impossibilité de lui confier un volume horaire d'enseignement musical correspondant à son grade, compte tenu d'une part du nombre insuffisant d'élèves inscrits en classe de trombone et d'autre part de la circonstance qu'elle ne pouvait lui confier les interventions en milieu scolaire envisagées, dès lors que M. B...ne justifiait ni de compétences professionnelles validées par un diplôme universitaire de musicien intervenant, ni d'un agrément délivré par les autorités de l'Etat compétente.

5. Aux termes de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 portant statut particulier du cadre d'emplois des assistants territoriaux d'enseignement artistique : " (...) III. - Les titulaires des grades d'assistant d'enseignement artistique principal de 2e classe (...) sont également chargés d'apporter une assistance technique ou pédagogique aux professeurs de musique (...). Ils peuvent notamment être chargés des missions prévues à l'article L. 911-6 du code de l'éducation.". Aux termes de l'article 3 du décret du 29 mars 2012 : " (...) III. - Les titulaires des grades d'assistant d'enseignement artistique principal de 2e classe (...) sont également chargés d'apporter une assistance technique ou pédagogique aux professeurs de musique (...). Ils peuvent notamment être chargés des missions prévues à l'article L. 911-6 du code de l'éducation. ". Aux termes de l'article L. 911-6 du code de l'éducation : " Des personnes justifiant d'une compétence professionnelle dans les domaines de la création ou de l'expression artistique, de l'histoire de l'art ou de la conservation du patrimoine peuvent apporter, sous la responsabilité des personnels enseignants, leur concours aux enseignements artistiques dans des conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article R. 911-60 du même code : " Peuvent apporter leur collaboration aux enseignements et activités artistiques : / 1° Les personnes qui exercent ou ont exercé une activité professionnelle pendant une durée d'au moins trois ans dans les domaines de la création ou de l'expression artistique, de l'histoire de l'art ou de la conservation du patrimoine. Le délai entre la dernière période d'exercice professionnel et le début de l'année scolaire au titre de laquelle l'intervention est envisagée ne peut être supérieur à deux ans (...) ". Il résulte du dernier alinéa de cet article que " La compétence professionnelle des personnes mentionnées aux 1° et 2° est vérifiée selon des modalités fixées par arrêté du ministre chargé de l'éducation, du ministre chargé de la culture et du ministre chargé de l'architecture. " ; enfin, selon l'article 2 de l'arrêté d'application du 10 mai 1989, " Une attestation est délivrée sur leur demande pour la durée d'une année scolaire : / a) aux personnes mentionnées à l'article 4 (1°) du décret susvisé justifiant de l'exercice effectif d'activités professionnelles, par la présentation de leurs travaux, réalisations ou publications, sous forme d'un dossier (...) ".

6. D'une part, M. B...ne conteste ni que les besoins de l'enseignement du trombone à l'école intercommunautaire se limitent à 2,75 h hebdomadaires, compte tenu du faible nombre d'élèves inscrits dans cette discipline, ni que son intervention auprès de " l'orchestre à l'école " se limite aux 2,75 heures hebdomadaires que comportait sa fiche de poste pour l'année 2016/2017.

7. D'autre part M. B...fait grief à la communauté de communes du Val de Sarthe de se refuser à lui confier, comme complément de service, des heures de formation musicale. Toutefois, M. B...ne justifie pas d'un droit à se voir confier prioritairement un tel enseignement alors, d'une part, qu'il résulte de l'instruction que les enseignements qu'il a dispensés dans cette discipline ont été jugés insatisfaisants par la direction de l'école de musique, qui l'a déchargé de cet enseignement en mai 2012 et, d'autre part, qu'il est titulaire d'une discipline instrumentale (trombone), alors que d'autres titulaires du grade d'assistant d'enseignement artistique principal de 2ème classe spécialité musique sont spécialisés dans la discipline " formation musicale " au sens des dispositions de l'article 2 du décret n°2012-1019 fixant les modalités d'organisation des concours pour le recrutement des assistants territoriaux d'enseignement artistique.

8. Enfin, en ce qui concerne la possibilité d'interventions en milieu scolaire, il est constant que M. B...n'a ni donné suite aux offres de la communauté de communes du Val de Sarthe visant à lui financer la formation permettant l'obtention du diplôme universitaire de musicien intervenant, ni présenté de demande d'agrément, alors que les dispositions précitées de l'article 2 de l'arrêté du 10 mai 1989 obligeaient à la présentation d'une telle demande par l'intéressé lui-même.

9. Il résulte de ce qui précède que la communauté de communes du Val de Sarthe doit être regardée comme établissant l'impossibilité d'attribuer à M. B...les vingt heures hebdomadaires de service d'enseignement correspondant à son grade.

Sur la complète exécution du jugement du 20 avril 2016 :

10. La suppression du poste occupé par M. B...pour des motifs tenant à l'organisation de service et notamment au nombre insuffisant d'élèves en classe de trombone implique, pour une exécution complète de ce jugement, que la communauté de communes du Val de Sarthe procède à la recherche d'un reclassement au profit de M.B..., selon l'obligation que lui imposent les dispositions de l'article 97 de la loi du 26 janvier 1984, aux termes desquelles : " Un emploi ne peut être supprimé qu'après avis du comité technique sur la base d'un rapport présenté par la collectivité territoriale ou l'établissement public. Le président du centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement est rendu destinataire, en même temps que les représentants du comité technique, du procès-verbal de la séance du comité technique concernant la suppression de l'emploi. (...) Si la collectivité ou l'établissement ne peut lui offrir un emploi correspondant à son grade dans son cadre d'emplois ou, avec son accord, dans un autre cadre d'emplois, le fonctionnaire est maintenu en surnombre pendant un an. Pendant cette période, tout emploi créé ou vacant correspondant à son grade dans la collectivité ou l'établissement lui est proposé en priorité ; la collectivité ou l'établissement, la délégation régionale ou interdépartementale du Centre national de la fonction publique territoriale et le centre de gestion examinent, chacun pour ce qui le concerne, les possibilités de reclassement. Est également étudiée la possibilité de détachement ou d'intégration directe du fonctionnaire sur un emploi équivalent d'un autre cadre d'emplois au sein de la même collectivité ou de l'établissement. Sont également examinées les possibilités d'activité dans une autre collectivité ou un autre établissement que celle ou celui d'origine sur un emploi correspondant à son grade ou un emploi équivalent. Au terme de ce délai, le fonctionnaire est pris en charge par le centre de gestion dans le ressort duquel se trouve la collectivité ou l'établissement (...) ".

11. La communauté de communes du Val de Sarthe ne justifie pas davantage devant la cour que devant les premiers juges des diligences qu'elle aurait accomplies pour satisfaire à cette recherche de reclassement, qu'il s'agisse de recherches internes, le cas échéant dans un autre cadre d'emploi, ou des démarches qu'elle aurait pu favoriser auprès d'une autre collectivité. En conséquence de cette carence, la communauté de communes du Val de Sarthe n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nantes lui a enjoint sous astreinte de rechercher un emploi pour M. B...et de justifier des diligences accomplies en ce sens.

Sur les conclusions relatives à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de M.B..., qui n'a pas dans la présente instance la qualité de partie perdante, la somme que demande la communauté de communes du Val de Sarthe au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la communauté de communes du Val de Sarthe le versement à M. B...d'une somme de 1 500 euros au même titre.

DECIDE :

Article 1er : La requête de la communauté de communes du Val de Sarthe est rejetée.

Article 2 : La communauté de communes du Val de Sarthe versera à M. B...une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la communauté de communes du Val de Sarthe et à M. A... B....

Délibéré après l'audience du 14 septembre 2018 à laquelle siégeaient :

- M. Lenoir, président de chambre,

- M. Francfort, président-assesseur,

- M. Pons, premier conseiller.

Lu en audience publique le 1er octobre 2018.

Le président-rapporteur,

J. FRANCFORT

Le président,

H. LENOIR

La greffière,

E. HAUBOIS

La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, et à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 18NT00800


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Nantes
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 18NT00800
Date de la décision : 01/10/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Exécution décision justice adm

Composition du Tribunal
Président : M. LENOIR
Rapporteur ?: M. Jérôme FRANCFORT
Rapporteur public ?: M. LEMOINE
Avocat(s) : MetJ CABINET D'AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/10/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.nantes;arret;2018-10-01;18nt00800 ?
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